Le satellite Microcarb repose sur une plateforme issue de la filière Myriade développée par le CNES, en partenariat avec les industriels Airbus Defence & Space et Thales Alenia Space. Cette plateforme a déjà été utilisée pour la réalisation de 18 satellites dont 17 ont été lancés et opérés avec succès. Cette plateforme a vu ses capacités progresser de façon continue depuis le lancement du premier satellite Demeter en 2004.
Les principales caractéristiques du satellite sont les suivantes :
Masse
180 kg
Energie
Générateur solaire cellules AsGa : 200 W orientable Batterie Li Ion : 500 Wh
L’instrument embarqué sur MicroCarb est un spectromètre infrarouge passif, fonctionnant à 4 longueurs d’onde et reposant sur l’utilisation d’un réseau à échelle pour assurer la dispersion spectrale.
Le CNES a confié à Airbus Defence & Space le développement et la qualification de l’instrument ainsi que l’optimisation de son concept.
L’instrument mesure des spectres atmosphériques correspondant à :
L’oxygène O2 (à 0,76µm et 1,27 µm) permettant de reconstituer la pression de surface et ainsi de corriger la mesure de concentration du CO2 en la normalisant
Le CO2 dans 2 bandes : une première bande autour de 1,6 µm, une seconde bande autour de 2 µm.
L’instrument intègre un imageur dont la fonction essentielle est de détecter des nuages dont la présence provoquerait des mesures erronées du spectromètre.
Type
Spectromètre infrarouge passif
Principe
Dispersion par Réseau échelle
Longueurs d’onde
758,3 – 768,8 nm
1264 – 1282,2 nm
1596,7 – 1618,9 nm
2023 – 2051 nm
Résolution spectrale
> 25 000
> 25 000
> 25 000
> 25 000
Rapport signal sur bruit
420
450
600
230
Détecteur
NGP. Matrice HgCdTe 1k x1k
Champ de vue
3 pixels de 4.5x9 km²
Imageur
Longueur d’onde: 0.625 µm. Résolution sol : 200 m
Masse
80 kg
Consommation
60 W
Le choix d’une résolution spectrale élevée garantit un instrument robuste, c'est-à-dire moins sensible aux défauts de type distorsion optique, non linéarité de réponse, lumière parasite, etc.
L’instrument est ainsi constitué de :
Pour la partie optique
un mécanisme permettant de diriger la ligne de visée, soit vers la direction d’intérêt, soit vers des systèmes de calibration internes, soit vers un diffuseur solaire (à des fins de calibration en vol),
un télescope d’entrée commun au spectromètre et à l’imageur,
une fente d’entrée du spectromètre,
un réseau à échelle,filtres spectraux,
détecteurs focaux (spectromètre et imageur),
un banc optique ultra stable supportant ces différents éléments,
Pour la partie électronique
électroniques vidéo associées aux détecteurs infrarouge et visible
électronique de gestion et d’alimentation
un système de refroidissement cryogénique passif, utilisant un radiateur pointé vers l’espace froid, et protégé par un baffle du rayonnement solaire et terrestre,
une structure, d’éléments de protection et de contrôle thermique, de câblage
Ce concept instrumental, étudié au CNES a fait l’objet d’une maquette qui a permis d’en vérifier le principe et de valider son dimensionnement.
Observation
MicroCarb dispose de plusieurs modes de pointage.
Balayage nadir
Au-dessus des terres émergées, le satellite acquiert des mesures en visée nadir. Un mécanisme de scan autorise le dépointage de la ligne de visée de part et d’autre de la trace avec une amplitude de ± 200 km, favorisant ainsi l’acquisition de mesures non corrélées.
Au-dessus des mers, l'eau étant sombre dans le domaine spectral du proche infrarouge et ne réfléchissant donc pas la lumière solaire, MicroCarb visera le glint, c'est-à-dire la tache de réflexion spéculaire du soleil. Cette capacité de suivi de la tache de réflexion du soleil permet d'obtenir un flux suffisant en entrée de l'instrument et autorise donc la mesure de la concentration du CO2 atmosphérique au-dessus des océans.
La figure ci-dessus montre une répartition des modes glint et nadir envisagée pour les études de dimensionnement du satellite en phase A. Les orbites en bleu sont en mode glint (orbites majoritairement sur mer), et les orbites en jaune sont en mode nadir (les mesures en mode nadir au-dessus des mers sont inexploitables, car le flux reçu par le satellite est trop faible). Une même orbite peut également être découpée entre une partie en glint et une partie en nadir. Le pointage en glint est assuré par le satellite pour le mouvement en tangage et par le mécanisme de scan interne à l’instrument pour le mouvement en roulis.
Mode exploratoire « City »
Par un ralentissement de la vitesse de défilement grâce à un ralenti en tangage et en ajustant la trace au sol grâce au miroir, il est possible de ramener la résolution au sol à des pixels de 2x2 km². Une approche multipassages permet alors de scanner des zones d’intérêt de l’ordre de 30x30 km². Ce mode est probatoire sur MicroCarb, car cette augmentation de la résolution se traduit également par une augmentation du bruit de mesure et suppose que la région d’intérêt soit complètement exempte de nuages.
Le mode d’observation consiste en des acquisitions en continu sur une cible fixe. Ce mode est destiné notamment à vérifier la précision des mesures effectuées par la chaine instrumentale (instrument embarque et algorithmes de correction et d’inversion) en comparaison avec les mesures de référence effectuées par les stations sol du réseau TCCON.
Ce mode est également à même de cartographier une zone d’intérêt de quelques dizaines de km de surface.
Dans ce mode, le mouvement autour de l’axe tangage est assuré par le satellite, celui autour de l’axe roulis par le mécanisme de scan interne à l’instrument.
Plusieurs modes de pointage sont prévus afin de calibrer l’instrument sur des sources de référence. Il s’agit d’un pointage vers le soleil, pour lequel l’instrument effectuera les mesures à travers un diffuseur (il s’agira de vérifier la calibration spectrale sur des raies solaires) et d’un pointage vers la lune (destinée à vérifier la calibration radiométrique).
Ressources
Liens externes
Pour aller plus loin, voici des liens vers des sites externes que vous pouvez consulter :
Alors que le changement climatique représente un défi environnemental majeur du monde contemporain, il est essentiel de pouvoir quantifier, à l’échelle planétaire, les sources et puits de CO2, le principal gaz à effet de serre. Or, à ce jour, il est difficile d’en mesurer les quantités absorbées ou émises dans l’atmosphère par manque d’observations dans certaines régions du globe.
Les flux annuels globaux de CO2 représentent 200 gigatonnes de carbone. Les émissions liées à l'activité humaine, dites anthropiques, ajoutent environ 10 gigatonnes à la balance naturelle. Ce surplus est, pour moitié, absorbé par la végétation, les sols et les océans, l'autre moitié entraînant une augmentation de la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre. Première mission européenne dédiée au suivi des flux de carbone, MicroCarb permettra de comprendre comment agissent ces puits de carbone et apportera des informations indispensables à la connaissance des origines et des impacts du changement climatique.
Piloté par le CNES dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, ce programme fait l’objet d’une coopération avec l’agence spatiale du Royaume-Uni (United Kingdom Space Agency – UKSA), avec l’appui de l’Union européenne.
Le but de la mission est d’établir des cartes de concentration de CO2 afin d’en déduire les flux de carbone entre les zones étudiées, d’un point de vue statique, au cours des saisons (en fonction du cycle végétal mais également de la variation de température des océans) et dans le temps plus long (prise en compte du changement climatique).
Pourquoi procéder ainsi ? Parce que les flux, qui reflètent la circulation de CO2 entre les zones, ne sont pas directement mesurables. MicroCarb va donc mesurer la concentration de CO2 dans la colonne d’atmosphère au-dessus du pixel au sol visé (de l’ordre de 4,5 x 9 km²), avec une précision élevée, de l’ordre de 1 ppm. Pour cela, l’instrument mesurera le spectre atmosphérique dans le domaine du proche infrarouge, qui est la bande de longueur d’onde dans laquelle on peut observer la signature de la molécule de CO2, en analysant le rayonnement solaire réfléchi par la Terre le long de la trace au sol du satellite (terres émergées, mers, cibles fixes). Ces mesures seront converties en concentrations de CO2, à partir desquelles les flux pourront être calculés. MicroCarb effectuera également des mesures dans la bande de longueur d’ondes caractéristique de l’O2, nécessaire pour obtenir la part relative du CO2 par rapport à la colonne d’air totale.
MicroCarb est une mission d’échantillonnage, c’est-à-dire qu’elle n’assure une couverture en chaque point du globe qu’au terme d’un cycle de 25 jours, mais que ses données alimenteront un modèle à 4 dimensions (3 dimensions spatiales et une temporelle).
Par ailleurs, MicroCarb doit préfigurer un système opérationnel futur apte à assurer un suivi global et précis des émissions fossiles. La compréhension du cycle du carbone peut enfin nous aider à prévoir son évolution en fonction des différents scénarios climatiques.
Le lancement de MicroCarb est prévu dans le courant de l’année 2025, depuis le Centre Spatial Guyanais à Kourou, en tant que passager auxiliaire sur un lanceur européen Vega C.
L’orbite retenue pour l’atteinte des objectifs scientifiques est une orbite héliosynchrone d’altitude 650 km, afin d’optimiser le flux solaire reçu et l’homogénéité de la couverture globale à l’horizon de la semaine.
Organisation
Le projet MicroCarb est piloté par le CNES en partenariat étroit avec les laboratoires de l'Institut Pierre-Simon Laplace, en particulier le LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement), unité mixte de recherche du CNRS et du CEA, et le LMD (Laboratoire de météorologie dynamique). Il fait l’objet d’une coopération avec l’UKSA (agence spatiale du Royaume-Uni) et mobilise des industriels français et européens, ainsi que des laboratoires et industriels britanniques.
Le programme est financé dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir du gouvernement français, ainsi que de la subvention pour charges de service public reçue par le CNES. L’UKSA a financé en partie l’instrument et son intégration à la plateforme. Enfin, dans le cadre du programme H2020 / IOD-IOV, l’Union européenne contribue également via l’ESA (déploiement du centre de mission chez EUMETSAT et lancement sur Vega C).
Responsabilités
Le CNES est responsable :
de la maitrise d’œuvre du système et du satellite,
de la garantie des performances mission de mesure de concentration,
des évolutions de la composante sol de commande et contrôle,
de la spécification et du développement du segment sol de mission (contrôle de l’instrument, traitement des données)
des interfaces avec le lanceur,
des opérations et de l’exploitation du système.
Airbus Defence & Space a assuré le développement de l’instrument.
Les activités scientifiques sont coordonnées par un groupe de mission MicroCarb composé de :
Un chercheur principal (PI), responsable scientifique de la mission MicroCarb, François-Marie Bréon, appartenant au CEA/LSCE-IPSL. Il assume la responsabilité scientifique du projet et préside le groupe mission.
Un groupe de scientifiques représentants de la communauté utilisatrice. Il est composé, en plus du PI du LSCE, de représentants du LMD, du CESBIO, du CNRM, du GSMA, du LISA, de MONARIS, et du LSCE ainsi que de représentants de University of Leicester, University of Edinburgh et du National Physics Laboratory côté Royaume-Uni.
Les laboratoires scientifiques ont en charge les développements algorithmiques d’une partie des chaînes de traitement, et l’exploitation scientifique de la mission
Instruments
La sonde Hera
Le maître d’œuvre du consortium Hera est la société allemande OHB.
La plateforme Hera est composée de :
un satellite de 1,5m x 1,5m x 1,7m pour une masse de 1081 kg au lancement
deux ailes composées chacune de 3 panneaux solaires totalisant 13m² de superficie
quatre roues de réactions, des gyroscopes, des viseurs d’étoiles et des caméras qui guident et maintiennent le satellite dans sa trajectoire
deux caméras panchromatiques AFC (Asteroid Framing Cameras)
un imageur hyperspectral (Hyperscout-H)
un microLidar (PALT)
un imageur thermique infrarouge (TIRI)
deux instruments dans le domaine radio : une liaison inter-satellite (ISL) et un transpondeur à bande-X (X-DST)
Le satellite transporte en plus deux CubeSats qui seront déployés à proximité de Dimorphos afin de faire des mesures complémentaires (détection de poussières, imageur multispectral, radar basse fréquence pour un sondage interne, gravimètre, etc.) et pourront communiquer avec le vaisseau-mère via la liaison ISL :
Juventas, dont le principal instrument est un radar basse fréquence (JuRa) qui délivrera les premières mesures directes de l’intérieur d’un astéroïde. L’expertise scientifique de cette technique dans laquelle la France excelle sera fournie par l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble avec le soutien du CNES. Il transporte également un gravimètre (GRASS), un accéléromètre et une liaison ISL.
Milani, dont le principal instrument est un imageur du proche infrarouge (ASPECT), est également doté d’un thermogravimètre (VISTA) et d’une liaison ISL.
Ils seront déployés hors du satellite principal pour se rapprocher de leur cible Dimorphos. Une petite caméra appelée Small Monitoring Camera fournira des images du déploiement de ces CubeSats. Ils permettront d’une part de recueillir des données complémentaires sur l’astéroïde et son environnement (dont la première mesure de structure interne) et d’autre part, de tester une nouvelle technique de communication inter-satellite.
Un CubeSat 6U est composé de six cubes de 10cm d’arête pesant chacun environ 1,3kg. Les deux CubeSats occuperont donc l’espace d’une boîte à chaussures de 30cm x 20cm x 10cm.
Compte tenu de la très faible gravité de Dimorphos, les CubeSats seront éjectés à seulement quelques cm/s, soit beaucoup plus délicatement qu’ils ne le sont habituellement (2m/s). Moins coûteux que la sonde principale, ces CubeSats permettent de prendre plus de risques, notamment en atterrissant sur l’astéroïde en fin de mission, tandis que la sonde principale restera à plus grande distance.
Instruments à bord de la sonde Hera
Les caméras AFC (Asteroid Framing Camera)
Elles permettront d’acquérir des images détaillées de la surface des astéroïdes ainsi que du résultat de l’impact de DART (cratère ou déformation globale de l’astéroïde). Avec un champ d’observation de 5,5 degrés par 5,5 degrés, elles permettront de cartographier les deux astéroïdes à une échelle de 2-3 m.pixel-1 dans la phase d’approche, à 1-2 m.pixel-1 durant la phase détaillée et à 0,5-2 m.pixel-1 lorsqu’elles seront au plus proche des cibles. Lors de survols spécifiques au-dessus de zones d’intérêt, la résolution pourra descendre en-dessous de 10 cm.pixel-1. Ces données permettront d’obtenir des informations détaillées sur les propriétés de surface, de mesurer la topographie des astéroïdes, d’en déduire leur volume et, in fine, leur densité - en combinaison avec l’estimation de la masse. Les AFC serviront aussi à guider et à contrôler le déplacement du satellite. De la taille d’un vase, chaque caméra pèse 1,3 kg et a été fabriquée par la société allemande Jena-Optronik.
C’est une caméra hyperspectrale capable d’observer dans les longueurs d’ondes comprises entre 665 et 975 nm (visible et proche infra-rouge). Elle a été développée par la société néerlandaise Cosine Research afin de mesurer la composition minéralogiqueet les propriétés géologiques de l’astéroïde binaire.
TIRI (Thermal Infrared Imager)
C’est un imageur dans l’infrarouge thermique dont l’objectif est d’identifier les propriétés thermophysiques de Dimorphos : la distribution des températures de surface, l’inertie thermique et certaines propriétés géophysiques telles que la granularité de surface afin d’évaluer la porosité de Dimorphos. Il est fourni par l’agence spatiale japonaise, la JAXA.
PALT (Planetary ALTimeter)
C’est un lidar (altimètre laser) qui participera à la prise en charge de la navigation des engins spatiaux, du survol jusqu’à l’atterrissage. Il fournira également des données scientifiques, notamment les vitesses relatives de deux astéroïdes et pourra contribuer à l’estimation de la masse de Dimorphos. L’ensemble des données qu’il va recueillir contribuera à réaliser une topographie de surface de Dimorphos. Il a été développé par la société EFACEC (Portugal et Roumanie), Synopsis Planet (Portugal) et INOE (Roumanie).
X-DST
C’est un transpondeur à bande-X qui permettra de communiquer avec le segment sol. Il sera utilisé pour l’expérience de radio science qui contribuera à la détermination de la masse de Dimorphos, du champ de gravité de l’astéroïde binaire, de l’état de rotation et des orbites en exploitant les mesures Doppler, les mesures de distances ainsi que les images optiques. L’expérience comprend également :
des mesures radiométriques classiques depuis la Terre (entre la sonde et les stations au sol) au moyen du lien standard bidirectionnel à bande X,
des images de Didymos prises par les caméras AFC
la liaison inter-satellite entre Hera et ses deux CubeSats. Cette liaison ISL est une première dans ce type de missions. Elle représente un atout crucial pour l’estimation de la gravité présente sur des corps de faible gravité près desquels les grosses sondes ne peuvent s’approcher.
La proximité des CubeSats avec l’astéroïde binaire permettra d’obtenir des informations très précises telles que les masses et le champ de gravité des deux objets. L’ISL se chargera de transmettre ces données au vaisseau mère, resté à distance.
Instruments à bord du CubeSat Juventas
Développé par GomSpace Luxembourg SARL, ce CubeSat doit enregistrer des données géophysiques de Dimorphos, en particulier sa structure interne. Cette mesure est une première dans l’histoire des missions consacrées aux astéroïdes. Pour cela, Juventas va déployer quatre antennes grâce auxquelles l’instrument JuRa pourra effectuer un sondage radar de la structure interne et fournir des informations sur le degré d’hétérogénéité interne.
Dès lors, il sera possible de déterminer si Dimorphos est un agrégat dont l’intérieur est homogène, un monolithe ou un cœur rocheux entouré d’une couche de roches plus petites. Cela a des implications fortes sur la réponse de l’objet à l’impact de DART et sur les modèles de formation d’astéroïdes binaires.
En outre, les antennes de longueur adaptable permettront de calibrer le radar et des sonder l’intérieur de Didymos et Dimorphos à des altitudes progressives de 3km à 2km.
Il doit mesurer la gravité du plus petit objet céleste jamais visité par nos instruments, elle est estimée un million de fois moins élevée que celle de la Terre. Pour ce faire, Juventas doit se poser sur la surface de Dimorphos. C’est la première fois qu’un CubeSat va atterrir sur un corps aussi petit. De la taille de deux smartphones accolés en forme de L, GRASS pèse 330g et nécessite moins d’un demi- watt pour fonctionner. Il est développé par l’Observatoire royal de Belgique (ROB) et l’entreprise espagnole EMXYS.
Le radar JuRa
C’est le plus petit radar basse fréquence de l’histoire spatiale et le premier à explorer la structure interne et la sous-surface d’un astéroïde. Son architecture minimaliste (un transmetteur, un filtre, un amplificateur pour la réception) lui permet de tenir dans une boîte cubique de 10cm de côté.
JuRa identifiera les structures géologiques internes de l’astéroïde telles que ses couches, les blocs rocheux les plus grands ou les zones vides, les variations significatives de densité ou de porosité. Il est développé par l’IPAG (Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble) et l’Université technique de Dresde en collaboration avec la société luxembourgeoise Emtronix. Ces travaux sont soutenus par le CNES au niveau financier et opérationnel.
des gyroscopes et des accéléromètres qui fourniront des indications précieuses sur la réponse de la surface lors de l’atterrissage du CubeSat
une antenne ISL (pour assurer le lien inter-satellite avec Hera et contribuer à la détermination du champ de gravité)
une caméra dans le visible et des viseurs d’étoiles
un altimètre Laser
Instruments à bord du CubeSat Milani
Développé par la société italienne Tyvak International, ce CubeSat doit enregistrer des images de l’astéroïde binaire Didymos (proche infrarouge et visible) et effectuer la détection et l’analyse des poussières qui pourraient être présentes dans l’environnement de l’astéroïde.
Les objectifs de Milani sont de :
détecter et analyser les grains de poussières autour du couple d’astéroïdes (VISTA)
réaliser des images et effectuer des mesures de composition minéralogique de la surface des astéroïdes, en particulier sur la zone d’impact où seront révélés l’effet de l’exposition à l’espace et la présence éventuelle d’une hétérogénéité de composition (ASPECT)
Le spectromètre ASPECT
Il pourra analyser la lumière réfléchie par les astéroïdes dans le proche infrarouge et le visible, avec une résolution proche du mètre. Il permettra d’identifier la composition minérale des astéroïdes grâce une couverture spectrale allant de 500 à 2500 nm (raie d’absorption pour Fe2+, Fe3+ ou encore H2O). Il est développé par VTT TEchnical Research Centre of Finland.
Le détecteur de poussières VISTA (Volatile In Situ Thermogravimeter Anlyser)
Il est capable de détecter la présence de particules inférieures à 10 micromètres, d’identifier des composés volatiles (eau) ou de la matière organique légère (chaines carbonées) et de surveiller la contamination moléculaire de l’environnement liée au dégazage du satellite ou de la mise en route des instruments. VISTA est développé par un consortium italien : INAF-IAPS (National Institute of Astrophysics Institute for Space Astrophysics and Planetology), CNR-IIA (National Council of Research - Institute of Atmospheric Pollution) et Politecnico di Milanodetect.
Instruments secondaires
un LIDAR une NavCam (caméra de navigation)
un pico-réflecteur laser (INFN)
un antenne ISL (pour assurer le lien inter-satellite avec Hera et contribuer à la détermination du champ de gravité)
Dynamique du vol et pilotage des Cubesats
Le CNES sera impliqué dans les opérations des deux Cubesats à travers deux activités fortement liées mettant en œuvre des études de trajectoires et d’optimisation de programmation des instruments, du développement des logiciels opérationnels du Segment Sol d’Opérations :
les opérations de dynamique du vol, qui s’appuient sur la conception des trajectoires de deux Cubesats autour du système binaire d’astéroïdes de faible gravité, dans le but de réaliser la programmation des manœuvres d’orbite nécessaires à l’observation complète de Didymos et Dimorphos
la planification des acquisitions des instruments scientifiques, qui va contribuer à l’enregistrement de mesures et d’images nécessaires à la caractérisation géophysiques des deux astéroïdes et à l’identification de l’impact de la sonde DART sur Dimorphos.
Le CNES aura ainsi la responsabilité du pilotage des deux Cubesats, depuis Toulouse, en collaboration avec les autres centres d’opérations de l’ESA en Belgique et en Allemagne.
Ressources
Liens externes
Pour aller plus loin, voici des liens vers des sites externes que vous pouvez consulter :
La Terre est continuellement bombardée par de nombreuses météorites, débris spatiaux et petits astéroïdes. Chaque année, près de 10 000 tonnes de matériaux tombent sur Terre, essentiellement sous forme de poussière.
Les astéroïdes qui croisent ou s’approchent de la trajectoire de la Terre sont appelés géocroiseurs. Leurs tailles vont de quelques mètres à quelques dizaines de kilomètres. Si la Terre venait à croiser un astéroïde dépassant 1 000 mètres de diamètre, les conséquences seraient catastrophiques. Ce sont notamment les poussières générées et diffusées dans l’atmosphère qui auraient la plus grave incidence.
Heureusement, 90% de ces géocroiseurs sont identifiés et aucun ne représente une menace pour le siècle à venir. Par ailleurs, leur fréquence d’impact est estimée à un tous les 500 000 ans en moyenne. Lorsque leur diamètre dépasse les 140 mètres, les géocroiseurs pourraient provoquer des dégâts à l’échelle régionale, autrement dit, ils atteindraient des zones habitées quelle que soit la région dans laquelle ils s’écrasent. Nous ne connaissons actuellement que 40% des géocroiseurs de ce gabarit, dont le nombre est estimé à environ 20 000, mais leur fréquence d’impact serait d’environ un tous les 10 000 ans.
Notre compréhension des processus en jeu lors des collisions entre un corps et un astéroïde repose sur des expériences d’impact réalisées en laboratoire avec des cibles de taille centimétrique.
Grâce aux données collectées par Hera, les équipes scientifiques vérifieront que les modèles numériques établis à partir d’expériences en laboratoire demeurent robustes à une échelle réellement pertinente, celle d’un astéroïde dans l’espace. En effet, les quelques missions qui ont précédé DART ayant pour destination un astéroïde ont montré à quel point des hypothèses échafaudées à partir de mesures terrestres peuvent se révéler fausses dans les conditions spatiales, en particulier dans l’environnement de très faible gravité d’un petit astéroïde.
Par exemple, en lançant à 2 km/s un objet en cuivre de 2kg sur l’astéroïde Ryugu le 5 avril 2019, la sonde japonaise Hayabusa 2 a généré un cratère beaucoup plus grand que ne le prédisaient les calculs scientifiques. L’objectif de ce bombardement était de prélever des échantillons des couches profondes mises à nu lors de l’impact artificiel. Toutefois, l’observation parallèle du cratère a mis en exergue notre méconnaissance des paramètres impliqués. On suppose désormais que cette erreur serait liée à la gravité de Ryugu qui, bien que très faible, influencerait davantage les caractéristiques du cratère que sa résistance mécanique.
Pour déterminer la fiabilité d’une méthode de défense par impact cinétique, il faut en connaître les effets. C’est donc ce que propose Hera en explorant avec précision le couple Didymos-Dimorphos et les effets consécutifs à l’impact de la mission américaine DART.
Hera va illustrer brillamment le leadership de l’Europe dans la défense planétaire et l’exploration scientifique des petits corps, des thèmes fascinants dans la lignée de la mission Rosetta.
Patrick Michel
Responsable scientifique de la mission Hera
Les astéroïdes sont d’excellents traceurs de l’histoire de notre Système solaire car ils conservent la composition des roches dont sont issues les planètes. En revanche, leur structure évolue constamment du fait des nombreuses collisions qui ont donc un rôle clé dans le Système solaire.
Patrick Michel
Responsable scientifique de la mission Hera
Objectifs
Mesurer la masse de Dimorphos
Observer le cratère d’impact de DART
Mesurer les effets de l’impact de DART
Mesurer les propriétés surfaciques et internes de Dimorphos
En ciblant un couple d’astéroïdes composé d’un corps principal, Didymos (730m de diamètre) et sa lune, Dimorphos (150m de diamètre), Hera va caractériser pour la première fois un système binaire. Ce type d’astéroïde représente 15% des géocroiseurs. Leur étude constitue un intérêt pour la défense planétaire mais aussi pour la science car ils demeurent à ce jour inexplorés.
Ce couple d’astéroïdes a été choisi pour plusieurs raisons : tout d’abord, Dimorphos tourne très lentement autour de son corps principal (en moyenne 18,5cm/s), ce qui peut conduire à une déviation marquée de sa trajectoire autour de celui-ci en cas de collision. C’est bien ce qui s’est produit lorsque DART, un impacteur de 580kg l’a percuté à la vitesse de 6km/s. Par ailleurs, la trajectoire de Didymos permettait de choisir d’impacter son satellite à un moment où le couple d’astéroïdes passe assez près de la Terre pour que les observatoires terrestres puissent mesurer le changement consécutif à la collision.
Le couple Didymos-Dimorphos est un géocroiseur (NEA, Near-Earth Asteroid) de type spectral S (S pour silicaté), découvert en 1996.
Avant le crash de DART, Dimorphos avait une période de 11h55min autour de Didymos qui a été réduite à 11h22min par l’impact.
L’objectif d’Hera est de déployer ses instruments à proximité de Didymos afin de :
mesurer la masse de Dimorphos pour déterminer la quantité de mouvement transférée lors de l’impact de DART (objectif de défense)
observer le cratère d’impact ou la déformation globale de Dimorphos pour déterminer les mécanismes en jeu et les conditions susceptibles de produire un transfert de quantité de mouvement efficace (objectif de défense et scientifique)
mesurer les propriétés de surface et la structure interne de Dimorphos (objectif de défense et scientifique)
identifier tous les processus et paramètres impliqués dont on ne soupçonne pas l’importance (objectif de défense et scientifique)
démontrer notre capacité à faire naviguer de façon autonome un satellite sous faible gravité et tester une liaison inter-satellite entre une sonde et ses deux CubeSats (objectif technologique)
Quelques caractéristiques du couple d’astéroïdes
Axe, a = 1,66446 AU
Excentricité, e = 0,3839
Inclinaison, i = 3,4083 deg
Période de révolution, T = 770 jours
La nouvelle période de rotation de Dimorphos autour de Didymos est de 11 heures 22 minutes, sa masse inconnue, notamment après l’impact de DART
La période de rotation de Didymos est de 2,26 heures
Le couple a une masse estimée à 5,226x1011 kg sur la base de la période orbitale de Dimorphos
Les deux astéroïdes sont séparés de 1,2 km
Dimorphos tourne à 20cm/seconde autour du corps principal ; il a été percuté par DART (580kg au moment de l’impact) à la vitesse de 6km/s.
Déroulé du projet
La sonde Hera a été lancée le 7 octobre 2024 par Falcon 9 (SpaceX) depuis le Centre Spatial Kennedy (États-Unis). Après plusieurs mois de voyage interplanétaire, un survol de Mars pour assistance gravitationnelle est prévu en mars 2025. Lors de ce survol, un passage au plus près de Deimos, la seconde lune de Mars, est prévu, notamment en partenariat avec la JAXA dans le cadre de la mission MMX.
Plusieurs mois de voyage supplémentaires seront encore nécessaires avant l’arrivée de la sonde à proximité du couple d’astéroïdes Didymos-Dimorphos en octobre 2026. La mission scientifique commencera en décembre de la même année, pour une durée de 6 mois.
Voici le déroulé prévisionnel de la mission scientifique de la « sonde-mère »-’Hera à partir de décembre 2026 :
phase de caractérisation (6 semaines) : Hera reste en orbite à 20-30 km de sa cible pour déterminer la masse, la gravité, les propriétés physiques et thermiques des deux astéroïdes.
phase de déploiement (2 semaines) : Hera suit sa trajectoire tout en déployant les deux CubeSats Milani et Juventas.
phase de caractérisation détaillée (4 semaines) : Hera se rapproche de la cible de 8-20 km et commence à naviguer de façon partiellement autonome. Le satellite va cartographier Didymos et déterminer ses propriétés thermiques, spectrales et de subsurface.
phase d’observation à proximité (6 semaines) : Hera se situe à environ 4 km de sa cible et navigue de façon totalement autonome, avec l’aide notamment de l’altimètre (PALT). Cette phase permettra d’observer Dimorphos et le cratère d’impact.
phase expérimentale (6 semaines) : en adoptant des techniques de navigation inédites, Hera s’approche de sa cible à 1 km, voire moins. Durant cette phase, la résolution des observations morphologiques, spectrales ou thermiques sera de l’ordre du décimètre. Le CubeSat Juventas atterrira sur Dimorphos, permettant de tester la réponse de la surface et d’effectuer des mesures de gravimétrie. Le CubeSat Milani pourrait aussi atterrir sur l’un des deux astéroïdes.
La mission (la sonde, les CubeSats, les opérations, certains instruments et le lanceur) est développée et financée dans le programme Sécurité de l’Espace de l’ESA. L’imageur dans l’infrarouge thermique (TIRI) est une contribution de l’agence spatiale japonaise, la JAXA. L’accompagnement scientifique a été financé par le projet NEO-MAPP sélectionné par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne jusqu’en mai 2023. Le CNES a soutenu la mission.
Participations du CNES :
développement du radar basse fréquence JuRa à l’IPAG (Grenoble)
opérations des CubeSats Milani et Juventas par l’équipe Hera CNES (Toulouse) pour les opérations de dynamique de vol et de programmation des instruments depuis le C-FDSOC (Cubesats Flight Dynamics and Science Operations Center)
soutien des scientifiques français impliqués, tel que la participation aux ateliers de travail de la mission, le support à la définition de la programmation des instruments, ainsi que lors de présentations dans les congrès internationaux.
L’équipe scientifique de la mission ESA est structurée de la façon suivante :
un responsable scientifique (français)
un comité de gestion scientifique (incluant le responsable scientifique, le scientifique projet ESA et 6 autres experts dont un Américain et un Japonais)
quatre groupes de travail sur :
la modélisation de l’impact (WG1)
les observations au sol (WG2) avec un co-responsable français
les propriétés dynamiques et physiques (WG3) avec un co-responsable français
l’analyse des données, l’exploitation et l’interprétation (WG4) avec deux co-responsables français
Instruments
L’atterrisseur SERIES-2
L’atterrisseur sur lequel est fixé la plateforme FSS est fourni par la société américaine Draper Laboratories et fabriqué par la société japonaise Ispace.
Il doit transporter différentes charges utiles scientifiques pour effectuer des mesures géophysiques sur la Lune : les sismomètres de la mission FSS, une foreuse pour permettre la mise en place de sondes de flux thermique et de conductivité électrique, et des instruments pour étudier le champ magnétique et l'altération de la surface.
Le lancement depuis le centre spatial Kennedy aux États-Unis, à bord d'un lanceur Falcon 9, est prévu pour la première moitié de l’année 2026. Cet atterrisseur a la capacité d'amener 300 kg de charge utile sur la surface lunaire et de déployer des satellites relais en orbite pour les communications depuis la face cachée de la Lune.
Il a été spécialement conçu pour que les vibrations propres de la structure et des instruments à bord gênent le moins possible les mesures sismiques lunaires.
L’instrument FSS
Situé sur l’atterrisseur SERIES-2, l’instrument FSS comprend deux types de sismomètres : VBB (Very Broad Band) et SP (Short Period).
Ces instruments sont totalement autonomes et poursuivront les mesures sismiques de la Lune pendant au moins 4 mois, alors que l’atterrisseur sur lequel ils sont fixés sera éteint (il n’est pas prévu qu’il survive à une nuit lunaire).
L’ensemble Farside Seismic Suite (FSS) est contenu dans un cube d’environ 50 cm de côté pour une masse totale proche de 45 kg.
A l’extérieur se trouve un panneau solaire qui alimente un ensemble de batteries internes. Sur le sommet de la structure se trouve une antenne qui, pendant le jour lunaire, pourra communiquer avec deux nanosatellites, mis en orbite avant l’atterrissage et chargés des communications avec la Terre.
Pour survivre à la fois au jour lunaire, où la température peut monter de façon importante et à la nuit, où la température peut être très basse, FSS est constitué de deux cubes imbriqués l’un dans l’autre : un cube extérieur (ci-dessous à gauche) sur lequel sont montés le panneau solaire et l’antenne, et un cube intérieur (ci-dessous à droite), isolé thermiquement du cube extérieur, et dans lequel se trouve toute l’instrumentation.
La plaque supérieure (ci-dessus en marron) est un radiateur. Pendant le jour lunaire, une boucle fluide relie le cube intérieur au radiateur et permet d'évacuer les calories produites par l’instrumentation. Pendant la nuit lunaire, la circulation fluide est coupée et le cube intérieur est isolé thermiquement de l’extérieur. La consommation électrique des composants suffit à maintenir la température interne à un niveau acceptable pour les composants.
Le sismomètre à très large bande, ou VBB (Very Broad Band), est le sismomètre le plus sensible jamais construit pour l'exploration spatiale. Il est capable de détecter un mouvement proche de la taille d’un seul atome d'hydrogène. Il mesure les mouvements verticaux du sol à l'aide d'un pendule et est accommodé dans un cylindre d'environ 14 centimètres de diamètre.
Il a été construit à l'origine comme instrument de remplacement (« flight spare ») pour la mission martienne InSight par le CNES, et a dû être adapté pour tenir compte des écarts d’environnement entre Mars et la Lune. En premier lieu, Mars a une atmosphère, contrairement à la Lune. Sur Mars, il a donc fallu encapsuler l’instrument VBB dans une enceinte à vide hermétique pour que les mouvements du pendule ne soient pas amortis.
Sur la Lune, il n’y a pas d’atmosphère, mais le problème vient du régolithe, une poussière minérale extrêmement abrasive et électrostatique (donc collante). L’enceinte de l’instrument lunaire a donc été conçue en conséquence. Un filtre (billes de titane frittées) a été placé au sommet de l’enceinte afin que l’air puisse s’en échapper mais que la poussière lunaire n’y pénètre pas.
De plus, les instruments lunaires peuvent être affectés par les variations locales de champ magnétique (notamment lorsque la Lune passe dans la queue de la magnétosphère terrestre, une fois tous les mois). Il a donc fallu mettre en place un blindage magnétique autour de l’instrument.
Enfin, il a fallu légèrement modifier le pendule mécanique afin de tenir compte de l’écart entre gravité Martienne et Lunaire.
Les trois sismomètres Short Period (SP) sont des capteurs au design très semblable à ceux qui ont volé sur la mission martienne Insight.
Ils ont une plage de fréquence de mesure plus large que le VBB tout en ayant des performances moindres. Les deux suites d’instrument sont donc très complémentaires.
Les SP sont, comme le VBB, des pendules mécaniques axiaux, mais d’une conception radicalement différente, puisqu’usinés dans une matrice de silicium. Ils sont au nombre de trois, positionnés à 120° les uns des autres pour pouvoir avoir accès aux informations sur les ondes sismiques dans toutes les directions.
Les premiers sismomètres SP utilisés sur Mars pour la mission Insight avaient été fournis par l’Université d’Oxford et l’Imperial College de Londres. Pour FSS, les process ont été industrialisés. C’est désormais la société Kinemetrix qui les fournit.
Pour la première fois depuis 50 ans, un sismomètre posé sur la Lune va nous permettre de compléter les mesures des missions Apollo et préparer le retour des humains sur notre satellite.
Gabriel Pont
Chef de projet FSS
Le saviez-vous ?
Depuis les missions Apollo, on a la confirmation que la Lune « vibre ». Depuis, les scientifiques améliorent en permanence nos connaissances sur la structure interne de la Lune.
FSS en détails
Contexte
Depuis que les missions Apollo (1969 – 1972) ont déposé différents instruments scientifiques à la surface de la Lune, c’est confirmé : notre satellite naturel vibre !
Les ondes sismiques qui traversent la Lune ont pour principales origines l’impact de météoroïdes ou les « craquements » induits par les forces de marée. Ces phénomènes permettent de mieux comprendre la structure interne de la Lune, son histoire et ses interactions avec la Terre.
Plusieurs sismomètres ont pu travailler en réseau (Apollo 14, 15 et 16), améliorant notablement la qualité des données sismiques transmises à la Terre. Ces données très précieuses sont toujours analysées aujourd’hui. Malheureusement, tous ces sismomètres ont été déposés sur la face visible de la Lune, dans une région globalement centrée sur l’équateur, ne permettant pas d’étudier notre satellite à l’échelle globale.
L’instrument Farside Seismic Suite (FSS) a été développé au Jet Propulsion Laboratory (JPL) sous l’égide de la NASA dans le cadre du programme « Commercial Lunar Payload Services » (CLPS). Le CNES fournit le sismomètre VBB en collaboration avec l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP).
L’instrument FSS est composé de 2 sismomètres : un français VBB (Very Broad Band seismometer) et un anglais SP (Short Period). Il sera placé sur l’atterrisseur lunaire SERIES-2 dont la date de lancement est prévue mi-2026.
L’atterrissage est prévu dans le cratère de Schrödinger (créé par un impact d’astéroïde) proche du pôle Sud, sur la face cachée de la Lune.
Objectifs
Mieux comprendre la structure interne de la Lune
Étudier les différences entre la face visible et la face cachée
Observer la manière dont la croûte lunaire a été altérée par le cratère de Schrödinger
Mesurer l’activité tectonique au pôle Sud
Mesurer le taux d’impact de micrométéoroïdes proche du pôle Sud
La mission FSS renverra les premières données sismiques de la Lune depuis que les sismomètres du programme Apollo ont été opérés il y a près de 50 ans. Il fournira en outre les premières mesures sismiques de la face cachée de la Lune.
Les objectifs de la mission FSS se divisent en 2 partie : les objectifs scientifiques et les objectifs d’exploration.
Objectifs scientifiques
Presque tous les séismes qui ont pu être localisés lors des missions Apollo semblent avoir pour origine la face visible de la Lune.
Une question demeure : cette particularité est-elle due au fait que tous les sismomètres étaient placés du côté de la face visible de la Lune, l'atténuation des signaux ne permettant pas de détecter ceux générés du côté de la face cachée ? Ou y a-t-il une réelle asymétrie sismique entre les deux faces de la Lune ?
La mission FSS doit permettre de répondre à ces questions puisqu’elle sera posée dans le cratère d’impact de Schrödinger, sur la face cachée de la Lune.
En outre, sa sensibilité grandement améliorée par rapport aux instruments utilisés il y a un demi-siècle par les missions Apollo devrait permettre, cette fois-ci, de détecter des évènements sismiques en provenance de la face visible. FSS pourra ainsi mesurer l’atténuation des ondes sismiques dans le manteau lunaire et préciser les modèles de composition internes de la Lune.
Enfin, le cratère de Schrödinger est un immense bassin d’impact de plus de 300 km de diamètre, provoqué par la collision d’un corps d’environ 35 km de large. L’âge de cet impact a pu être estimé à 3,8 millions d’années. C’est donc un cratère assez récent. En outre, Schrödinger est un des rares endroits sur la Lune où ont pu être observées des traces d’activité volcaniques géologiquement récentes.
La mission FSS a aussi pour objectif d’étudier la manière dont ce gigantesque impact cosmique a pu transformer la structure de la croûte lunaire sous-jacente.
Objectifs d’exploration
Dans le contexte actuel de retour de l’Homme sur la Lune, il est important de connaître précisément l’environnement dans lequel ils seront amenés à évoluer et dans lequel il est d’ores et déjà prévu de construire des bases de vie pérennes.
L’instrument FSS permettra d’évaluer deux des principaux risques à la présence humaine sur la Lune.
FSS devra tout d’abord quantifier la fréquence et l’intensité des impacts de (micro)météoroïdes sur cette zone du pôle Sud. Le 13 octobre 2014, le choc d’un micrométéoroïde sur l’orbiteur Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) lors d’une capture de la surface lunaire avait laissé une image zébrée et inexploitable, tant le satellite avait vibré sous un impact estimé plus tard à une vitesse de 7 km/s. Il est important de connaître le nombre et l’énergie de ces impacts pour évaluer les risques et améliorer les mesures de sécurité pour les humains et les infrastructures.
Composé de sismomètres, FSS aura bien sûr comme objectif d’évaluer aussi le risque sismique près du pôle Sud lunaire. Sur Terre, les séismes sont dus principalement à la tectonique des plaques. Rien de tel sur la Lune, où l’on continue d’étudier leur origine potentielle :
contraction de la croûte lunaire causée par son lent refroidissement,
effets de marée de la Terre sur la Lune,
séismes « thermiques » causés par les contraintes provenant des grands écarts de température sur cet astre entre le jour et la nuit…
La technologie des deux sismomètres qui composent l’instrument Farside Seismic Suite a été développée à partir d’instruments conçus à l’origine pour l’atterrisseur martien InSight, qui a enregistré plus de 1 300 séismes martiens avant la fin de la mission en 2022.
Ces instruments ont été adaptés pour fonctionner dans des conditions de gravité lunaire (moins de la moitié de celle de Mars) mais avec l’avantage, sur la Lune, de ne pas être perturbé par les vibrations et les perturbations causés par les vents martiens. C’est d’ailleurs pour cela que FSS n’aura pas besoin d’être déposé directement sur la surface de la Lune mais restera sur l’atterrisseur lunaire SERIES-2. Les vibrations sismiques seront directement transmises à l’instrument FSS par le châssis de l’engin.
Il n’est pas prévu que cet atterrisseur (sur lequel sera fixé FSS mais qui contient aussi d’autres expériences scientifiques) survive à la nuit lunaire de 2 semaines qui suivra son atterrissage. C’est pourquoi FSS dispose de tous les systèmes (panneau solaire, batteries, antenne communicant avec 2 nanosatellites en orbite…) pour pouvoir fonctionner en toute autonomie pendant au moins 3 à 4 mois après que l’atterrisseur soit éteint (avantage : plus aucun autre appareil n’émettra de vibrations parasites).
Organisation
La mission FSS, financée par la NASA, est sous responsabilité du JPL. Le CNES, avec l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), fournit le sismomètre VBB, envoyé au JPL pour qu’il soit intégré dans l’instrument FSS. En retour, les scientifiques français impliqués dans la mission bénéficient des données qui seront enregistrées tout au long du projet.
Instruments
Les instruments de DragonFly
Cinq instruments sont embarqués à bord de Dragonfly :
DragonCam : une suite de caméras pour la navigation et l’imagerie aérienne panoramique ou rapprochée des sites d’intérêts.
DraGNS : un spectromètre gamma et neutron pour une reconnaissance rapide de la géochimie du site d’atterrissage (carbone, azote, hydrogène, oxygène, sodium, soufre ...)
DraGMet : une station géophysique (sismomètres) et météorologique japonaise. Des chercheurs français font partie de l’équipe scientifique de DraGMet.
DraMS : un analyseur de molécules organiques par spectrométrie de masse. Le CNES fournit le sous-système DraMS-GC (Gas Chromatography), de préparation et de séparation moléculaire par chromatographie en phase gazeuse.
DrACO : un automate de prélèvement et de collecte d’échantillons de sol par abrasion et aspiration.
Les équipes françaises du LATMOS, LESIA et LGPM contribuent au développement de l’instrument clé de la mission, DraMS (Dragonfly Mass Spectrometer), un spectromètre de masse proposé par le Goddard Space Flight Center (GSFC).
L’instrument dérive pour certains éléments du laboratoire d’analyse SAM (Sample Analysis at Mars) embarqué sur le rover Curiosity ainsi que des développements de l’instrument MOMA (Mars Organic Molecule Analyser) du rover ExoMars, deux analyseurs par spectrométrie de masse auxquels les laboratoires français ont également contribué. La contribution instrumentale française concerne uniquement l’instrument DraMS. Elle est fondée sur des accords de coopération entre le CNES et la NASA.
DraMS est alimenté en échantillons de sol par le système de prélèvement DrACO. Pour l’analyse des échantillons solides, DraMS couple en amont du spectromètre de masse (MS), deux voies d’analyse :
La première par désorption laser (LD-MS) pour l’étude de la composition des matériaux de surface, y compris les matières organiques réfractaires
La seconde par chromatographie en phase gazeuse (GC-MS) pour séparer et identifier des molécules prébiotiques clés et mesurer d’éventuels excès enantiomériques, c’est-à-dire des formes miroir d’une même molécule (énantiomères droit et gauche).
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