SWARM en détails

Contexte

L'étude détaillée du champ magnétique terrestre reste l'une des clés privilégiées pour étudier le système Terre dans son ensemble et permet également de faire évoluer des applications plus larges, comme la technologie spatiale, les systèmes de navigation et de guidage, ou l'exploitation des ressources.

Être capable de prédire son évolution à l'échelle de la durée des systèmes exposés aux forts orages magnétiques (comme les lignes de haute tension) ou aux rayonnements (comme les satellites) est aussi un enjeu, d'autant que l'anomalie de l'Atlantique Sud continue de s'étendre et de se creuser. 

Objectifs

  • Discerner et comprendre les différentes sources du champ magnétique terrestre

  • Étudier la dynamique du noyau de la Terre

  • Cartographier la lithosphère et le manteau de la Terre

  • Comprendre la façon dont fonctionnent les courants couplés entre l'ionosphère et la magnétosphère

La mission SWARM a pour objectif de procéder à l'étude la plus complète jamais entreprise du champ magnétique et de l'environnement ionosphérique terrestres. Cette constellation de trois satellites mesure l'intensité, la direction et les variations du champ magnétique terrestre, et de manière complémentaire, le champ électrique, la densité et les vents thermosphériques.

Les principaux objectifs sont de mieux caractériser et comprendre :

  • Le champ magnétique principal et le mécanisme dynamo par lequel il est engendré dans le noyau de la Terre.
  • La dynamique du noyau et la façon dont celui-ci interagit avec le manteau.
  • Les sources aimantées du champ magnétique lithosphérique.
  • Les hétérogénéités de la conductivité électrique dans le manteau.
  • Les courants électriques circulant dans l'ionosphère et la magnétosphère, et l'influence du Soleil sur ces derniers.
  • Le rôle du champ magnétique et des couplages entre l'ionosphère et la magnétosphère dans l'apport d'énergie dans la thermosphère.
  • Le signal magnétique produit par les marées et courants océaniques.


SWARM est la première mission de ce type constituée de plusieurs satellites. Elle prend la relève du satellite allemand CHAMP (2000-2010), qui embarquait une instrumentation comparable, et du satellite danois Ørsted, lancé en 1999, dont le magnétomètre scalaire continue de fournir des données.

Ces données, de même que celles des observatoires magnétiques terrestres qui enregistrent les variations du champ à travers le monde, permettent d’encore  mieux tirer parti de la mission SWARM, notamment pour ce qui concerne l'évolution à long terme du champ principal.

 

Discerner et comprendre les différentes sources du champ magnétique terrestre

Pour bien étudier le champ magnétique terrestre, il est crucial d'adopter une stratégie d'observation, qui permette d'identifier les contributions de ses différentes sources. La constellation de trois satellites constituant la mission SWARM a été optimisée dans ce but. Il est ainsi possible d'étudier le signal provenant du noyau, du manteau, de la lithosphère, de l'ionosphère et de la magnétosphère, et des courants océaniques.

Schéma montrant le vent solaire
Schéma montrant le vent solaire, les lignes du champ magnétique terrestre et les différentes couches internes de la Terre © DTU Space

Le noyau

En étudiant le champ principal, il est possible de "voir" la dynamique du noyau et la façon dont la géodynamique fonctionne, afin de progresser dans notre capacité à prédire l'évolution du champ principal (et donc celle de la fameuse anomalie de l'Atlantique Sud), sur peut-être quelques dizaines d'années.

 

Le manteau

À partir des données de SWARM, il est également possible de progresser dans la construction de modèles en trois dimensions de la conductivité électrique du manteau terrestre. Ces modèles sont importants pour mieux connaître la nature et l'état thermodynamique des roches constituant le manteau, en complément des informations fournies par l'étude des ondes sismiques et du champ de gravité de la Terre.

 

La lithosphère

La lithosphère est l'enveloppe terrestre rigide de surface. Elle comprend la croûte terrestre et une partie du manteau supérieur. Jusqu'à une certaine profondeur, à partir de laquelle la température atteinte fait disparaître toute aimantation, les roches qui la composent sont souvent aimantées. La distribution et l'intensité de cette aimantation donnent des informations précieuses sur la géologie, l'activité tectonique et l'histoire du champ magnétique.

L'analyse de l'aimantation des fonds océaniques, par exemple, a donné des éléments clés pour comprendre l'histoire de ces fonds et déterminer la séquence des inversions du champ magnétique terrestre. En analysant le signal provenant de ces sources, SWARM permet de combler les lacunes, qui empêchaient d'avoir une cartographie complète, à toutes les échelles spatiales, de ce signal particulièrement riche en informations.

 

L'ionosphère et la magnétosphère

L'ionosphère est la partie supérieure de l'atmosphère en partie ionisée par le rayonnement ultra-violet solaire. Elle s'étend de 60 km à 800 km. De par sa nature même, l'ionosphère est donc un très bon conducteur électrique du côté jour, particulièrement en certains lieux comme le long de l'équateur magnétique. Se dilatant tous les matins et se contractant tous les soirs, elle se déplace dans le champ magnétique principal, provoquant l'apparition de courants électriques et d'un signal magnétique associé. Des courants nettement plus complexes et irréguliers, alimentés depuis la magnétosphère en suivant les lignes du champ magnétique principal, la parcourent également.

Tous ces courants produisent des signaux magnétiques, parfois très intenses, que les satellites SWARM peuvent détecter. Il en est de même des courants électriques associés à la circulation de particules chargées dans la magnétosphère, à bien plus grande distance (typiquement 3 à 5 rayons terrestres). Pour l'identification et l'analyse des signaux produits par ces courants, la constellation adoptée pour SWARM est également très adaptée.

La présence d'un accéléromètre et les mesures in situ des caractéristiques électriques du plasma ionosphérique, permettent en outre d'étudier l'impact de ces courants en termes, par exemple, d'apport d'énergie dans la thermosphère.

Comprendre la façon dont fonctionnent les courants couplés entre l'ionosphère et la magnétosphère, et l'influence de l'activité solaire sur ces courants, constitue un défi majeur pour mieux appréhender l'environnement proche de la Terre.

 

Déroulé du projet

La mission SWARM a été placée sur orbite par un lanceur Rockot depuis le cosmodrome de Plessetsk au nord de la Russie le 22 novembre 2013 à 12h02 UTC (13h02 CET), avec une séparation simultanée des trois satellites.

Les 3 satellites ont été injectés simultanément, sur une orbite quasi-polaire, à une altitude de 490 km. Plusieurs manœuvres orbitales ont été ensuite réalisées afin de positionner les satellites sur leur orbite cible, à 460 km d'altitude pour le tandem SWARM-A et B et 530 km pour SWARM-C. Cette configuration opérationnelle a été atteinte 4 mois après le lancement.

L'ESOC (European Space Operations Centre), à Darmstadt en Allemagne, supervise la mission via la station principale de réception de Kiruna en Suède (des stations complémentaires seront également utilisées en début de vie). La phase délicate de lancement et de début de vie dure environ trois jours, au cours desquels les mâts sont déployés et les équipements critiques de la plate-forme sont activés. Puis, les différents instruments scientifiques sont activés successivement. La recette en vol, d'une durée de trois mois, a ensuite pour but de vérifier que tout fonctionne correctement, avec les performances attendues. L'ESRIN (European Space Research Institute), installé à Frascati en Italie, assure la gestion et la distribution des données scientifiques, le traitement et l'archivage étant effectués au Royaume-Uni.

Lancement des trois satellites de la mission SWARM
Lancement des trois satellites de la mission SWARM © ESA

Organisation

Entre le CNES et l'ESA

En proposant pour la mission SWARM un instrument ayant des capacités uniques et des performances inégalées, le CNES a joué pleinement son rôle de vecteur d'innovation, à la fois vis-à-vis de l'ESA, afin de répondre aux exigences de fiabilité et de disponibilité posées par l'agence spatiale européenne, mais aussi vis-à-vis du CEA-Leti, en permettant au prototype de magnétomètre développé par le laboratoire de "gagner ses galons" pour le vol spatial.

La responsabilité du CNES a été de fournir à l'ESA les six magnétomètres absolus qui équipent chacun des trois satellites SWARM, ainsi que les algorithmes associés.

L'agence spatiale française a également apporté son support au maître d'œuvre du satellite, EADS-Astrium GmbH, pour l'intégration et les tests des magnétomètres sur les satellites. Enfin, le CNES est responsable de la validation des données de niveau 1b des magnétomètres absolus.

De son côté, l'ESA est responsable du développement, des tests, du lancement et de l'exploitation de la constellation SWARM. L'agence spatiale européenne, chargée de la diffusion des données SWARM, s'engage également à fournir au CNES un accès à toutes les données nécessaires pour valider les données des magnétomètres, notamment les mesures vectorielles du champ magnétique.

 

Entre le CNES et le CEA-Leti

Le CNES a confié la réalisation des magnétomètres ASM au CEA-Leti, mais s'est largement impliqué pour aider le Leti tout au long du développement, afin notamment de garantir la maîtrise des procédés de fabrication, assurer la reproductibilité des performances sur les différents modèles de vol et vérifier l'aptitude des nombreuses technologies innovantes embarquées dans ces instruments à résister aux conditions spatiales sur la durée de la mission.

Certains composants du magnétomètre ont dû être entièrement qualifiés pour le vol spatial, car rien n'était disponible "sur étagère", du fait des besoins spécifiques de l'instrument. Principaux éléments concernés par cet effort de "spatialisation" : le laser à fibre inclus dans le boîtier électronique de commande de l'instrument, le moteur piézoélectrique chargé de commander la sonde de mesure, ainsi que divers matériaux (dont le PEEK), composants et procédés.

Par ailleurs, les experts du CNES sont intervenus à plusieurs reprises pour réaliser des analyses d'ingénierie lors des phases de conception et des expertises sur anomalies lors des phases d'intégration et essais. Le partenariat très ouvert noué entre le laboratoire du CEA et le CNES, a permis de poser les bases d'une coopération exemplaire où chaque partie a pu livrer le meilleur de son savoir-faire.

 

Entre le CNES et l'IPGP

L'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), assure l'expertise scientifique sur les magnétomètres. L'IPGP est chargé de la phase de validation scientifique des données fournies par les magnétomètres ASM, un travail qui bénéficie à l'ensemble de la communauté scientifique impliquée dans SWARM, l'IPGP jouant par ailleurs un rôle majeur dans l'exploitation scientifique de l'ensemble de la mission.

 

Entre le CNES et les laboratoires de recherche

Enfin, via son comité scientifique TOSCA (Terre, Océan, Surface Continentale, Atmosphère), le CNES soutient la recherche sur le magnétisme terrestre dans les laboratoires français et la communauté scientifique impliquée dans la mission SWARM. Après le lancement, le CNES continue son rôle de soutien à la mission, via son Programme d’Accompagnement de la Recherche Spatiale (PARS).