Lionel Suchet, président du CNES, a présenté ses vœux à la presse le mardi 21 janvier 2025, saluant ainsi les journalistes qui se mobilisent au rythme de l’actualité spatiale pour la couvrir et contribuer à donner une meilleure visibilité à l’espace et à ses enjeux. Ce moment d’échanges a permis de revenir sur les grands succès de 2024 et de présenter les perspectives du CNES pour 2025.
Concernant le budget du CNES 2025, il demeure en attente d’adoption par le gouvernement. Toutefois, il promet de rester à un très haut niveau grâce à la priorité donnée au spatial par les puissances publiques.
En termes de souveraineté, l’autonomie européenne d’accès à l’espace est recouvrée depuis le 5 décembre dernier avec le retour en vol réussi de Vega-C et la mise en orbite de Sentinel-1C. L’aventure avait commencé le 9 juillet 2024 avec le succès du vol inaugural d’Ariane 6 tant attendu. Dernier né de la famille des lanceurs européens Ariane, et successeur d’Ariane 5, Ariane 6 est un lanceur modulaire et polyvalent, capable d’atteindre aussi bien l’orbite terrestre basse que l’espace lointain. Ce premier vol a permis, non seulement de démontrer l’aptitude au vol de la fusée, mais aussi de tester le pas de tir et la séquence des opérations au sol au Centre spatial guyanais (CSG). La nouvelle zone de lancement, spécialement conçue pour Ariane 6 et réalisée par le CNES, permet une rotation plus rapide entre deux lancements.
Le prochain lancement d’Ariane 6 aura lieu à partir de la deuxième quinzaine de février 2025 et marquera le début de l’exploitation commerciale du lanceur sous la responsabilité d’Arianespace, opérateur et fournisseur de services de lancement.
Transformation du Centre spatial guyanais
Pour diversifier la famille des lanceurs européens, le CNES s’est investi dans la démonstration d’un service de micro-mini lancements via un appel d’offres compétitif pour le compte de l’État « France 2030 », pour permettre aux opérateurs privés de proposer leurs projets. Les quatre sociétés retenues sont LATITUDE, Hybrid Propulsion, SIRIUS Space et MAIASpace. La modernisation du Centre spatial guyanais menée par le CNES avec l’ESA s’inscrit aussi dans la transition écologique du centre grâce au projet CSG-NG qui a permis de lancer des investissements significatifs avec notamment la mise en place d'une nouvelle architecture énergétique, la création de champs photovoltaïques, et le projet HYGUANE (HYdrogène GUyanais A Neutralité Environnementale) pour une première filière de production d'hydrogène vert en territoire d’Outre-Mer. Afin de mieux mesurer les émissions de la base, l’ensemble des acteurs (ESA, CNES et industriels) vont de plus travailler ensemble afin de produire un bilan carbone de la base spatiale. Le CSG est la première base au monde à se livrer à cet exercice.
À ce jour, le futur du lancement lourd s’articule autour du moteur Prométhéus et des perspectives de récupération du premier étage (démonstrations Callisto et Thémis). Les besoins de lancements pouvant évoluer de manière significative dans le futur, plusieurs autres actions sont d’ores et déjà lancées avec notamment l’avant-projet du moteur à cycle à combustion étagée visant une forte poussée (2000 à 3000 kN) lancé avec ArianeGroup et en parallèle plusieurs actions menées avec différentes sociétés de notre écosystème, comme Add-up, SIRIUS, DARK, The Exploration Company. Ceci permettra de travailler sur différents verrous technologiques et la maturation technologique des moteurs à forte poussée. L’objectif est d’aboutir d’ici à 2027 à un démonstrateur à « échelle réduite » de ce type de moteur.
Un rôle central dans le spatial de défense
Le CNES continue d’appuyer le ministère des Armées avec son rôle central dans la dynamique de renouvellement complet de ses capacités spatiales, tant dans leur développement que dans leur mise en œuvre et leur maintien en condition opérationnelle. Avec la mise en orbite d’un troisième satellite CSO, le triptyque CSO pour l’observation optique et infrarouge, CERES pour l’écoute électromagnétique, et SYRACUSE 4 pour les télécommunications spatiales sera complètement opérationnel.
De plus, en 2025, les quatre satellites CO3D (Constellation Optique en 3D) décolleront depuis le CSG à bord de Vega-C. Ces quatre petits satellites vont cartographier le globe en 3D depuis l’orbite basse. Ils répondront ainsi aux besoins du secteur public et privé.
Concernant l’écoute du spectre électromagnétique, en fin d’année 2024, le CNES a relancé la production de deux satellites récurrents de NESS, nanosatellite dont l’objectif est d’évaluer la performance de ce type de système à détecter et à localiser des émetteurs interférents. Le lancement des NESS+ est prévu à horizon 2027.
Avec la DGA et l’industrie, le CNES prépare déjà activement la génération suivante de systèmes spatiaux d’appui aux opérations militaires depuis l’espace attendue dans la prochaine décennie, qu’il s’agisse d’observation, d’écoute ou de télécommunications. Le démonstrateur Yoda, développé sous la maitrise d’œuvre du CNES complètera la gamme dans le domaine de la surveillance des actions dans l’espace.
Le CNES, c’est aussi une compétence de premier plan au niveau mondial dans le domaine des ballons. Celle-ci est mise à profit dans le cadre du programme BalMan de ballon manœuvrant, très intéressant pour de nombreuses applications civiles et militaires et qui a réussi un premier vol depuis le CSG fin 2024.
Soutien à la compétitivité de l'écosystème spatial
En outre, le CNES continue à jouer un rôle essentiel dans des projets innovants tels que le renforcement du système Cospas-Sarsat et Kinéis, la constellation pour l'Internet des Objets. Avec trois lancements de 5 satellites chacun déjà réussis, le dernier en date le 25 novembre dernier, les deux derniers lancements permettront le déploiement complet de la constellation Kinéis qui connectera à bas débit des millions d’objets en tout point du globe, en quasi-temps réel, dans des domaines qui représentent des enjeux majeurs pour un nombre très important d’applications.
Concernant le NewSpace, ConnectbyCNES est un programme complet qui va de l’idéation au financement en passant par l’incubation et l’accélération sans oublier la mise à disposition de brevets et de logiciels, la formation, l’accompagnement à l’international et surtout l’accompagnement technique, marque de fabrique du CNES. Ce sont plus de 500 entreprises qui ont bénéficié du programme, 65 start-ups accélérées et 38 équipes issues de l’hackathon ActInSpace qui ont lancé leur startup depuis le début de l’aventure.
Dans ce domaine de l’aide aux nouveaux entrants, l’engagement de l’important programme France 2030 se termine. Au total, ce sont 18 appels d’offres, 4 appels à manifestation et 5 appels à projets qui ont été lancés pour un total de 94 projets retenus. Le montant global dépasse le milliard d’euros et la part des acteurs émergents s’élève à 76%.
Un engagement fort pour un monde durable
Grâce à la coopération internationale, 2024 a vu des avancées considérables dans le domaine du climat. Le satellite franco-américain SWOT, lancé le 16 décembre 2022, délivre depuis plus d’un an et demi des mesures d'élévation de la surface de l'eau sur l'ensemble de la planète d’une qualité tout à fait exceptionnelle. Une étape importante a été franchie en fin d’année 2024 avec la fin de la phase de validation du satellite. Ce jalon important ouvre la voie à la diffusion des données scientifiques validées.
Le Space for Climate Observatory (SCO) poursuit son développement. En 2024, cette initiative internationale est portée à ce jour par 50 membres issus de 27 pays et plus de 90 projets couvrant des domaines thématiques variés tels que l'agriculture, la gestion de l'eau, la biodiversité, l'adaptation urbaine, etc. Le 3e Congrès du SCO se tiendra le 20 mars au ministère des Affaires étrangères et sera l’occasion d’une rencontre de l’ensemble de la communauté pour préparer les contributions aux échéances internationales de l’année comme le sommet des Nations unies sur l’océan à Nice (UNOC), et la COP30 à Bélem.
IASI-NG, interféromètre de nouvelle génération pour la mesure de plus de 25 composants atmosphériques utilisés pour la météo et l’étude de l’atmosphère, est intégré sur METOP-SG, développé par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et exploité par EUMETSAT, pour être lancé sur Ariane 6 en 2025. Au sein de cette coopération, le CNES assure la responsabilité technique globale des trois modèles de vol des instruments IASI-NG.
MicroCarb, mission conjointe entre le CNES et UKSA, capable de mesurer la concentration atmosphérique en CO2, le principal gaz à effet de serre, sur l’ensemble du globe avec une très grande précision, sera lancé mi-2025 sur Vega-C.
En 2024, pour la toute première fois, le CNES a lâché un BSO capable de traverser l’Atlantique, depuis la base de l’Esrange à Kiruna en Suède, jusqu’au Grand Nord canadien, un véritable défi technique et une démonstration de la polyvalence de ce type d’aérostat. Le vol a duré 3 jours et 17 heures, évoluant entre 38 et 40 km d’altitude, emportant une nacelle charge utile de 900 kg, et a été récupéré sur l’Ile de Baffin. En fin d’année 2024, le ballon manœuvrant BalMan, conçu et fabriqué par HEMERIA sous maîtrise d’ouvrage du CNES, et opéré par le CNES, a effectué avec succès son 1er essai en vol, depuis le Centre spatial guyanais. À la suite de ce premier vol d’essai concluant, un second vol aura lieu courant 2025.
Enfin, dans ce domaine, l’avancement du projet TRISHNA, née d’un partenariat franco-indien avec l’ISRO, qui fournira des images de la surface terrestre dans le domaine solaire et infrarouge thermique avec une résolution et une fréquence de revisite inégalées, reste compatible d’un lancement en 2026.
Par ailleurs, le CNES soutient activement le programme IRIS2, une initiative de connectivité sécurisée de l'Union européenne. La Commission européenne a signé le 16 décembre dernier l’accord de concession avec le consortium SpaceRISE, ce qui marque le véritable démarrage du projet IRIS2, un tournant pour l’Europe spatiale et surtout un signal fort pour une souveraineté européenne décuplée. Constituée d'environ 300 satellites, cette constellation, opérationnelle aux alentours de 2030, contribue directement à l’autonomie stratégique de l’Europe. Troisième pilier de l’Europe spatiale, ce nouveau programme illustre parfaitement la montée en puissance et le rôle d’impulsion politique que doit donner la Commission à la politique spatiale européenne.
Toujours sur le sujet européen, depuis septembre 2024 la constellation Galileo compte 27 satellites opérationnels ou prêts à l’être à 23 000 km d’altitude pour les missions de positionnement et de navigation. La deuxième génération de Galileo leur succèdera ensuite ; celle-ci apportera des capacités améliorées et plus puissantes au système. Les premiers satellites seront lancés en 2027.
De fructueuses collaborations scientifiques
Dans le domaine de la coopération scientifique, l’année 2024 a été une année très riche avec en point d’orgue le Séminaire de Prospective Scientifique à Saint-Malo en octobre dernier qui permet d’identifier avec la communauté scientifique ses priorités pour les années à venir.
2024 a vu se réaliser les lancements des missions SVOM (hautes énergies) et Chang’E 6 (Lune), avec à son bord l’instrument française DORN. La mission SVOM en cours de recette en orbite donne entière satisfaction et des dizaines de « gamma bursts » ont déjà été détectés : le démarrage de la phase totalement opérationnelle est prévu en avril 2025.
PHARAO sera la 1ère horloge à atomes froids, en orbite autour de la Terre et intégrée dans un réseau de comparaison de temps, élément central de la mission de l’ESA ACES (Atomic Clock Ensemble in Space) constituée de plusieurs horloges atomiques. Elle sera fixée à l'extérieur de la Station spatiale internationale. Le lancement est désormais annoncé pour début 2025.
Sophie Adenot, astronaute française européenne, a été affectée à son premier vol vers l’ISS pour une mission longue d’environ 6 mois actuellement prévue au printemps 2026. Durant son vol, elle sera amenée à réaliser de nombreuses expériences scientifiques, dont certaines sont déjà en préparation par le CNES au sein du CADMOS (Centre d'Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales).
La mission japonaise MMX (Martian Moons Exploration) décollera en octobre 2026 pour étudier les deux lunes de Mars, Phobos et Deimos. Un petit robot mobile franco-allemand baptisé IDEFIX opéré par le CNES et le DLR sera largué sur Phobos en éclaireur afin de caractériser le sol de la lune martienne.
Le sismomètre FSS (Farside Seismic Suite) sera posé sur la face cachée de la Lune en 2026, près du pôle sud dans le bassin Schrödinger, un ancien cratère d’impact qui porte des traces d’éruption volcanique d’il y a un demi-milliard d’années. C’est une coopération avec les États-Unis et son lancement est prévu en juin 2026.
Toujours en coopération avec la NASA, le lancement de la mission Dragonfly (drone volant dédié à l’exploration de la surface de Titan, la plus grande lune de Saturne qui abrite un océan sous sa surface) est prévu en 2028. Elle échantillonnera des matériaux et déterminera la composition de surface dans différents contextes géologiques, faisant progresser notre recherche des éléments constitutifs de la vie.