Pour envoyer des satellites ou des vaisseaux dans l’espace, il faut une fusée, mais aussi une base de lancement. Une infrastructure organisée sans laquelle la fusée resterait au sol ! A l’image du Centre spatial guyanais d’où décollent les lanceurs européens. Visite guidée du port spatial de l’Europe.
Kourou, the place to be
Le Centre spatial guyanais (CSG), situé en Guyane française, sur les villes de Kourou et Sinnamary, est le port spatial de l’Europe. C’est depuis cette base que décollent toutes les fusées européennes, depuis Ariane 1 en 1979 jusqu’à Ariane 6 et Vega C aujourd’hui. Le CSG a également été la base de lancement de la fusée Soyouz, commercialisé par l’Europe de 2012 à 2022 dans le cadre d'un partenariat franco-russe. Fin 2023, on y comptabilisait 260 lancements de fusées Ariane, 22 lancements de Vega et 27 lancements de Soyouz. Depuis Kourou sont lancés des satellites de toutes tailles, qu’ils partent explorer l’Univers ou observer la Terre, rejoindre la constellation européenne de satellites de positionnement Galileo ou servir aux télécommunications.
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Le Centre spatial guyanais (CSG)
Port spatial de l’Europe, le CSG garantit un accès autonomie à l’espace aux États membres de l’ESA. Plus de 40 sociétés européennes et 1600 personnes assurent la mise en œuvre des lancements.
Il faut dire que le CSG présente de gros avantages :
- Il se situe quasiment sur l’équateur faisant profiter au maximum les fusées de l’effet de fronde, lié à la rotation de la Terre sur elle-même. En effet, plus on s’éloigne du point autour duquel on tourne, plus la vitesse augmente. On tourne plus vite à Kourou, qu’à Oslo en Norvège. Cette vitesse naturelle permet d’économiser du carburant au décollage.
- De plus, être sur l’équateur permet aux satellites d’accéder directement au plan équatorial. L’intérêt ? Imaginez une feuille rigide qui traverse la Terre au niveau de l’équateur et se prolonge ainsi dans l’espace : c’est le plan équatorial dans lequel doivent orbiter les satellites de télécommunication, à 36 000 km de haut, pour faire une révolution autour de la Terre en 24h. Oui, comme la Terre ! Ils restent donc toujours au-dessus du même endroit : pas besoin de faire tourner la parabole pour capter la radio ! Ces satellites dits géostationnaire sont les plus nombreux.
- La Guyane a une longue façade sur l’Océan Atlantique. Les fusées peuvent décoller vers le Nord et vers l’Est sans survoler la terre et donc de potentielles habitations.
- Enfin, à Kourou, on se trouve à l’abri des cyclones.
Infos-clé
- Date de création : 1964
- Latitude du CSG : 5° (500 km) au nord de l’équateur
- 140° d’ouverture sur l’océan
- Superficie : 660 km2
De la France à l’Europe, un peu d’histoire
Depuis les années 1950, la France développe son propre programme spatial. Ses premières fusées sont lancées depuis la base d’Hammaguir, située dans le désert en Algérie, alors française. Mais en 1962, l’Algérie devient indépendante, la France doit se trouver un autre site de lancement. Ce sera donc Kourou, dans le département français de la Guyane. Les travaux commencent dès 1964. La première fusée, Véronique, y décolle en 1968, puis le lanceur Diamant en 1970.
A cette époque, la course à l’espace est toutefois largement dominée par les 2 grandes puissances que sont l’URSS et les Etats-Unis. C’est dans ce contexte que naît l’agence spatiale européenne (1975) et le programme de fusées Ariane. L’Europe, en effet, est bien décidée à ne plus dépendre des autres : elle veut sa fusée ET les infrastructures pour la lancer. La décision est alors prise d’installer ces dernières au CSG, alors propriété de la France. En contrepartie l’ESA finance la base (à hauteur de 70% aujourd’hui). Ainsi, le 24 décembre 1979, Ariane 1 décolle avec succès du Centre spatial guyanais.
Le CSG évolue ensuite pour accueillir les successeurs d’Ariane 1, puis la « petite » fusée Vega. A partir de 2012, c’est aussi depuis le CSG que décolle le lanceur russe Soyouz. Ce partenariat a pris fin en 2022, suite à la décision de la Russie de suspendre la coopération avec l’Europe, conséquence de la guerre en Ukraine.
Lancer, mais pas que…
Le CSG recouvre une surface de 660 km2, 6 fois la surface de Paris. Et même si, vu du ciel, on dirait plutôt un immense parc, on y trouve de multiples bâtiments et équipements.
Chaque fusée possède sa propre aire ou ensemble de lancement (ou pas de tir), adaptée à ses spécificités. L’ensemble de lancement d’Ariane 6, opérationnel depuis 2023, est ainsi le neuvième du CSG, le deuxième en activité – jusqu’à l’arrivée de nouveaux véhicules… Il comprend toutes les infrastructures nécessaires au bon déroulement d’une campagne de tir.
Préparer
Les lanceurs, arrivés « en morceaux » au CSG, sont assemblés dans des bâtiments spécifiques. D’autres bâtiments sont eux dédiés à la préparation et aux derniers tests des satellites qui seront installés ensuite dans la coiffe de la fusée, l'ogive au sommet. On y trouve notamment des salles « propres », dans lesquelles l’humidité, la température, la pression de l’air sont contrôlées, ainsi que le nombre de particules contenues dans l’air. Tout est fait pour éviter de « salir » ou de contaminer le satellite avant son grand voyage. Les propulseurs d’appoint des fusées Ariane 6 et Vega C sont eux aussi assemblés et stockés dans une zone spécifique du CSG, avant d’être installés autour du corps principal des lanceurs. Ces boosters sont les mêmes pour les 2 fusées, ce qui permet de mutualiser leur préparation.
Sur le site, on compte également 5 usines qui produisent les gaz et les fluides, « les carburants », (oxygène et hydrogène liquides) qui alimenteront les fusées. De très grosses stations-services ! Elles sont reliées entre elles par plus de 60 km de canalisations.
Faire décoller
C’est depuis l’aire de lancement à proprement parler que décollent les fusées. Ce sont de vastes zones dégagées, caractéristiques notamment par leur grandes tours ou leurs portiques qui maintiennent la fusée verticale et qui permettent de l’alimenter avant son départ.
Contrôler
« A tous de DDO, attention pour le décompte final… » C’est depuis la salle de contrôle baptisée Jupiter que sont orchestrés les lancements, sous le commandement du Directeur des Opérations (DDO). Il donne le « go », quand tous les voyants sont au vert (état de santé de la fusée, de son passager, conditions météo…). Pendant un tir, le DDO est en lien permanent avec le centre de lancement, véritable cockpit, au sol : c’est de là que sont commandées les actions sur la fusée.
L’avenir du CSG
Les bases de lancement se multiplient, et des attentes légitimes en matière de respect de l’environnement émergent : le site de Kourou doit s’adapter à ces nouveaux enjeux. La compétition est féroce dans le monde des lanceurs. Des ports spatiaux poussent aujourd’hui un peu partout sur la planète. Il ne s’agit pas de bases aussi importantes que celle de Kourou, mais d'installations adaptées au lancement de mini voire de micro-lanceurs, en plein boom. Une tendance à laquelle répond le CSG qui transforme le pas de tir historique de la fusée Diamant pour qu’il puisse accueillir ces petites fusées. Cet ensemble de lancement sert aussi aux démonstrations de véhicules expérimentaux comme Callisto.
Un site vert
La France et l’Europe se sont engagées à rendre le CSG plus responsable. Objectif : 90% de l’électricité produite au CSG sera verte d’ici à 2030, grâce au développement de panneaux solaires et de centrales biomasse. Un effort est fait également pour décarboner la production de l’hydrogène, utilisée notamment comme carburant pour les lanceurs. L’énergie nécessaire à l’électrolyse de l’eau (réaction chimique qui sépare l’eau en hydrogène et en oxygène) sera fournie par des panneaux photovoltaïques. Des usines expérimentales fonctionnent actuellement sur le site guyanais. Cet hydrogène propre sera utilisé pour remplir les réservoirs d’Ariane 6 mais aussi au quotidien, en dehors du CSG, pour faire rouler les bus et autres engins.
Quizz
La ville de Kourou s’est fortement développée avec le Centre spatiale guyanais, qui emploie 1 500 personnes. Elle compte aujourd’hui 25 000 habitants. Mais combien était-il en 1964, avant l’installation de la base ?
A – 2
B – 50
C – Environ 700
D – 3 500 environ
C : La ville comptait moins de 700 habitants, vivant de la pêche et de l’agriculture principalement.