Instruments

L’expérience CAPS

L'expérience CAPS (Cassini Plasma Spectrometer), à bord de l'orbiteur de Saturne du projet Cassini, comprenait trois détecteurs plasma :

  • Le spectromètre de masse IMS (Ion Mass Spectrometer) qui permettait de déterminer la masse des ions détectés et, par conséquent, de remonter à la composition du plasma magnétosphérique. IMS était constitué de deux parties principales. La première était un analyseur électrostatique multidirectionnel qui permettait de sélectionner l'énergie des ions analysés par l'instrument entre ~1 et ~40 keV avec une résolution de ~8% et permettait aussi de connaître leur distribution angulaire sur un champ de vue instantané de 160°x10° divisé en 8 secteurs identiques de 20°x10°. À la sortie de l'analyseur électrostatique, les ions étaient accélérés par un potentiel de -14,6 kV imposé sur des feuilles de carbone de très faible épaisseur et correspondant à chacun des secteurs du champ de vue. Ils ressortaient de la feuille de carbone à l'état de neutres, d'ions positifs ou négatifs, les proportions relatives dépendant de l'énergie et de la nature de l'ion incident. Ils entraient alors dans un analyseur de temps de vol où un champ électrique linéaire (LEF) permettait de défléchir les fragments positifs vers le détecteur LEF, tandis que les fragments de neutres et d'ions négatifs suivaient une trajectoire différente et étaient collectés par le détecteur ST (Straight-Through). De la mesure de la durée de leur trajet, ou "temps de vol", dans cet espace de dérive on déduisait leur vitesse et, connaissant leur énergie, leur masse. À la traversé de la feuille de carbone, les ions moléculaires étaient dissociés en fragments atomiques qui sont mesurés indépendamment et permettaient donc l'identification du constituant initial. La résolution en masse M/M était de l'ordre de 8 pour le détecteur ST et qu'elle atteignait ~30 pour les ions détectés par le détecteur LEF, lorsque les ions entrant dans IMS étaient des ions atomiques, mais avec une efficacité de détection inférieure à celle du ST.
  • Le spectromètre de masse ELS (Electron Spectrometer) était un analyseur électrostatique hémisphérique chargé de mesurer les distributions en énergie et en direction d'arrivée des électrons dans la magnétosphère de Saturne et dans le vent solaire. Il permettait de mesurer des flux d'électrons en fonction de l'énergie de 0,56 eV à 26 keV en 63 niveaux d'énergie espacés de manière logarithmique. Les électrons pénétraient dans le capteur via un collimateur dont la géométrie définissait le champ de vue d'ELS (5 x 160°) et passaient ensuite entre les plaques concentriques de l'analyseur électrostatique hémisphérique (ESA) avant de percuter les galettes à micro-canaux (MCP). Les électrons étaient enregistrés successivement depuis les hautes vers les basses énergies par variation du potentiel appliqué entre les plaques. La résolution en énergie de chaque niveau (dépendant de l'espacement des plaques concentriques) était de 17 %. Le temps d'accumulation par niveau était de 31,25 millisecondes dont un quart de temps mort pour fixer le potentiel. En fonctionnement nominal, le spectre entier s'acquérait en 2 secondes. Huit anodes de 5x20° disposés en éventail enregistraient simultanément les spectres d'électrons dans huit directions différentes, situés dans le même plan.
  • Le spectromètre de masse IBS (Ion Beam Spectrometer) était un analyseur électrostatique chargé de mesurer les distributions en énergie et en direction d'arrivée des faisceaux d'ions dans la magnétosphère de Saturne et dans le vent solaire.

Les instruments de CAPS étaient montés sur une plateforme dont l'orientation pouvait varier de ±100° autour d'un axe situé dans le plan moyen du champ de vue du détecteur IMS et perpendiculaire à la direction centrale de ce champ de vue. Le mouvement d'essuie-glaces de l'actuateur sur lequel les instruments étaient fixés balayait autour de l'axe Z de la sonde une couverture angulaire de plus ou moins 104° (vitesse de l'actuateur 1° par seconde). En combinant ce mouvement avec les manœuvres de rotation de Cassini autour de ses 3 axes, il était possible de couvrir un champ de vue large afin de mesurer des fonctions de distribution tridimensionnelles, et de déterminer les anisotropies de direction dans les flux de particules.

L'expérience a été préparé sous la responsabilité principale du Southwest Research Institute de San Antonio, USA, avec une contribution technique et scientifique du LPP (Polytechnique) et scientifique de l'Observatoire Midi-Pyrénées (Toulouse, LATT puis IRAP).

Les trois détecteurs de plasma de l'expérience CAPS : ELS, IBS et IMS, à bord de Cassini
Les trois détecteurs de plasma de l'expérience CAPS : ELS, IBS et IMS, à bord de Cassini © NASA

La magnétosphère de Saturne diffère de la plupart des autres environnements planétaires par le nombre et la complexité des sources internes de plasma qui y sont présentes. Outre le vent solaire et l'ionosphère de la planète elle-même, les satellites de glace, Mimas, Encelade, Téthys, Dionne et Rhéa, les anneaux et Titan constituent en effet des sources abondantes voire majeures du plasma magnétosphérique et déterminent pour l'essentiel sa composition. Les différentes populations de plasma magnétosphériques peuvent être utilisés comme traceurs et fournir des informations originales sur les mécanismes de production, de perte et de transport du plasma dans la magnétosphère de Saturne.

 

Le spectromètre CIRS

L'instrument CIRS, embarqué à bord de la sonde Cassini était capable d'analyser la lumière infrarouge émise par la planète Saturne, ses anneaux et ses satellites. Il visait à mesurer la température et la composition chimique de ces corps afin de comprendre leur formation et leur évolution.

Écusson du spectromètre CIRS à bord de l’orbiteur Cassini
Écusson du spectromètre CIRS à bord de l’orbiteur Cassini © NASA/GSFC

Description de l'instrument

L'instrument CIRS (Composite InfraRed Spectrometer) était le fruit d'une collaboration entre le Goddard Space Flight Center (GSFC) de la NASA situé près de Washington, l'Université d'Oxford, le Queen Mary College de Londres, le CEA/DAPNIA de Saclay et le LIRA de l'Observatoire de Paris.

CIRS était un spectromètre infrarouge à Transformée de Fourier composé de deux interféromètres. Il opérait dans les domaines de l'infrarouge moyen et lointain de 7 à 1000 µm (1400 à 10 cm-1) avec une résolution spectrale programmable de 0,5 cm-1 (haute résolution) à 15,5 cm-1 (basse résolution). Les deux interféromètres partageaient le même télescope et le même mécanisme de balayage en différence de marche optique. L'interféromètre de la voie "infrarouge lointain" (10-690 cm-1 ou 1000-14,5 µm, domaine dit "submillimétrique") était un interféromètre à polarisation qui illumine le plan focal "FP1" (Focal Plane 1) où étaient placés deux détecteurs de type thermopile. L'interféromètre de la voie "infrarouge moyen" était un interféromètre de Michelson à deux plans focaux "FP3" (570-1130 cm-1 ou 17,5-8,8 µm) et "FP4" (1025-1495 cm-1 ou 9,8- 6,7 µm). Une barrette de 10 détecteurs réalisés en HgCdTe (tellure de mercure et de cadmium) était placée dans chaque plan focal (le plan focal FP2 a été supprimé lors d'une réduction de budget du projet Cassini).

L'ensemble optique comprenait un télescope Cassegrain dont le miroir primaire paraboloïde mesurait 50,8 cm de diamètre et le miroir secondaire hyperboloïde 7,6 cm de diamètre. Le rayonnement infrarouge incident était distribué entre les voies infrarouges "moyen" et "lointain" par un miroir de champ. À la sortie des interféromètres les faisceaux étaient focalisés vers les détecteurs. Un interféromètre de référence permettait de maintenir une vitesse constante du mécanisme de balayage et de contrôler l'échantillonnage des données.

L'instrument était refroidi passivement et contrôlé pour être maintenu à 170 ± 0,1 K. Le détecteur du plan FP1 fonctionnait à la même température. Il permettait d'obtenir une résolution sur le ciel de 3,9 mrad (équivalent à 1500 km à la distance de la Lune). Les barrettes de 10 détecteurs HgCdTe fonctionnaient à des températures programmables entre 75°K et 85°K. Chaque élément couvrait un angle de 0,27 mrad (équivalent à 100 km à la distance de la Lune).

Instrument CIRS en cours d’intégration
L’instrument CIRS en cours d’intégration © NASA

Les contributions françaises à cet instrument ont consisté en la fourniture d'un prototype du mécanisme de balayage par le LIRA, et de barrettes de détecteurs pour le plan focal FP4 par le CEA/DAPNIA.

Schéma optique de CIRS montrant les différentes voies issues du télescope
Schéma optique de CIRS montrant les différentes voies issues du télescope © LIRA/Observatoire de Paris

Caractéristiques du système de Saturne dans l'infra-rouge lointain

Le système de Saturne est situé à environ 9,5 UA (soit 1,4 milliards de km) du Soleil. A cette distance, la température d'équilibre d'un corps parfaitement absorbant (possédant un albédo de 1) serait de 180°K environ (-90°C). Mais aucun corps n'absorbe parfaitement le rayonnement solaire, si bien que les objets dénués d'atmosphère gravitant autour de Saturne ont une température comprise entre 50°K et 130°K (-220°C à -140°C). Quant aux atmosphères de Saturne et de Titan, elles sont caractérisées par des températures allant de 70°K à 200°K (200°C à -70°C) du fait de processus de redistribution de la chaleur en leur sein (avec une composante de chaleur d'origine interne pour Saturne).

Tous ces objets sont donc des corps froids qui rayonnent essentiellement dans le domaine infrarouge moyen et lointain. Les observations effectuées par l'instrument CIRS ont permis, d'une part, de déterminer la température de ces différents corps, et d'autre part, d'identifier les molécules composant ces corps grâce à des raies d'émission ou d'absorption produites lors de transitions moléculaires. Les caractéristiques de l'instrument CIRS - domaine spectral étendu, résolution spectrale, et résolution spatiale – ont permis une caractérisation tridimensionnelle des atmosphères de Saturne et de Titan, à savoir le profil de température, la distribution des constituants gazeux et des aérosols en fonction de l'altitude, de la latitude et de la longitude. Cet instrument mesurait également les caractéristiques thermiques et la composition de la surface des satellites et des anneaux.

 

L’expérience MIMI

L'expérience MIMI (Magnetospheric Imaging Instrument) à bord de l'orbiteur de Saturne du projet Cassini, comprenait trois détecteurs de particules énergétiques, chargées et neutres, parmi lesquels un détecteur de conception tout à fait nouvelle et qui permettait, pour la première fois, l'étude par imagerie d'une magnétosphère planétaire. L'expérience a été préparée sous la responsabilité principale de l'Applied Physics Laboratory / Johns Hopkins University (Maryland, USA), avec la contribution de l’IRAP (Toulouse).

Instrument MIMI en cours de préparation
L’instrument MIMI en cours de préparation © MPS/JHUAPL

Cette expérience, grâce à l'analyse de populations de particules les plus énergétiques, a apporté une contribution majeure à la compréhension de la configuration et de la dynamique de la magnétosphère de Saturne et de ses interactions avec le vent solaire, l'atmosphère de Saturne, l'exosphère de Titan, et les satellites de glace.

 

L’instrument DISR (DeScent Imager/spectral Radiometer)

L'instrument

DISR (Descent Imager / Spectral Radiometer) était l'instrument d'imagerie et de spectroscopie de la sonde Huygens. Il comprenait trois caméras (HRI, MRI et SLI qui offraient une couverture angulaire complète de 6 à 96° du nadir), deux spectromètres infrarouges (ULIS, qui regardait vers le haut, et DLIS, vers le bas), deux spectromètres visibles (ULVS, qui regardait vers le haut, et DLVS, vers le bas), deux photomètres violets (ULV et DLV), une caméra (SA) mesurant la polarisation verticale et horizontale de la lumière solaire diffusée à deux longueurs d'onde, et finalement un senseur solaire (SS) pour déterminer l'azimut du soleil et l'attitude de la sonde à chaque rotation. DISR était le fruit d'une collaboration internationale entre les Etats-Unis, la France et l'Allemagne. Le LIRA (Observatoire de Paris) a fourni le plan focal infrarouge, l'électronique associée et un obturateur mécanique pour les spectromètres ULIS et DLIS.

Instrument DISR en cours de préparation
L’instrument DISR en cours de préparation © ESA

Les opérations

DISR a commencé à collecter des données vers 150 km d'altitude, peu après l'ouverture du parachute principal, et a enchaîné les différentes séquences d'observation programmées pendant les 2 h 28 min de la descente. A 700 m d'altitude, l'instrument a allumé une lampe pour éclairer la surface et compenser en partie l'absorption de la lumière solaire par le méthane atmosphérique. DISR a survécu à l'atterrissage et a continué à transmettre des données pendant 1 h 12 min, jusqu'au passage de la sonde Cassini sous l'horizon. Le seul problème instrumental a été un dysfonctionnement du senseur solaire, qui a entraîné la collecte des données de chaque sous-instrument à des azimuts aléatoires, au lieu de ceux prévus.

Toutefois, la reconstruction précise du profil de descente, quelques mois plus tard, a fourni l'information nécessaire pour analyser correctement l'ensemble des données et remplir les objectifs scientifiques prévus. On peut aussi déplorer la perte d'un des deux canaux de communication dans le récepteur à bord de Cassini qui a causé la perte de la moitié des images et de quelques mesures spectrales à basse altitude. Au total, 4 Mo de données ont été recueillies, dont environ 3 Mo d'imagerie (376 images enregistrées pendant la descente et 230 à la surface).

 

L’expérience GCMS

L'instrument GCMS (NASA-GSFC) représentait l'une des plus importantes expériences scientifiques de la sonde Huygens de la mission Cassini-Huygens pour l'analyse chimique in situ de l'environnement de Titan. Il comprenait deux sous-systèmes d'analyse : un chromatographe en phase gazeuse (GC) et un spectromètre de masse (MS), les deux pouvant opérer soit en couplage, soit séparément.

Instrument GCMS en cours de préparation
L’instrument GCMS en cours de préparation © NASA/JPL

Le sous-système GC était constitué de 3 colonnes chromatographiques disposées en parallèle, permettant la séparation des constituants gazeux de l'atmosphère selon leur nature chimique, avant analyse par le sous-système MS. Il utilisait le dihydrogène, H2, comme gaz vecteur. Ce dernier était stocké sous forme d'hydrure dans un réservoir.

L'instrument disposait de 5 sources ioniques : une pour l'analyse directe de l'atmosphère gazeuse dans le MS (IS1), une pour l'analyse des échantillons venant de l'expérience ACP (Aerosol Collector and Pyrolyser) (IS2), et les trois dernières pour l'analyse des éluants de chacune des trois colonnes chromatographiques (IS3, IS4 et IS5).

L'instrument GCMS disposait aussi d'une cellule d'enrichissement qui permettait d'augmenter la concentration des différents composés gazeux de l'atmosphère par rapport à celle de son constituant majoritaire, le diazote N2, et d'augmenter ainsi la sensibilité de l'instrument vis-à-vis des composés trace.

Pendant la descente de la sonde dans l'atmosphère de Titan (environ 2,5 heures) l'instrument GCMS a pu effectuer l'analyse moléculaire et isotopique de ce milieu : phase gazeuse et aérosols (via un collecteur-pyrolyseur d'aérosols : l'expérience ACP). Cette analyse a été réalisée soit par injection directe dans le MS (mode séparé), soit par l'ensemble GCMS (mode couplé). La sonde Huygens ayant survécu à son atterrissage sur le satellite de Saturne, l'instrument GCMS a également pu analyser l'atmosphère à la surface de Titan pendant 1 heure 10 minutes.

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