Publié le 08 juillet 2025

Qu’est-ce que le Cadmos, qui prépare et suit les expériences de Sophie Adenot ?

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L’astronaute française de l’ESA réalisera plusieurs expériences françaises préparées par le CNES. Zoom sur ceux qui les développent avec Rémi Canton, chef de projet vols habités au Cadmos.

Vue plongeante sur la salle de contrôle du CADMOS au CNES à Toulouse
© CNES/DE PRADA Thierry, 2020

Qu'est-ce que le Cadmos et qu’est-ce qu’on y fait ?

Le Cadmos est l’acronyme de Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales. C’est une structure du CNES basée à Toulouse. Il a été créé en 1993 pour structurer l’activité des vols habités qui avait commencé avec le vol de Jean-Loup Chrétien en 1982, à l’époque où le CNES avait ses propres astronautes. C’est de là qu’ont été suivies toutes les missions d’astronautes français, à bord de MIR, puis de la Navette spatiale et de la Station spatiale internationale (ISS).

Le Cadmos est composé de deux entités : celle qui développe les expériences, en lien avec les laboratoires de recherche et en cohérence avec la feuille de route "exploration" du CNES, et celle qui assure le suivi opérationnel des expériences européennes, en lien direct avec les astronautes de la Station spatiale internationale.

Rémi Canton

  • Chef de projets vols habités au Cadmos (CNES)

En Europe, il existe plusieurs centres d’opérations de l’ISS pour le compte de l’ESA, l'Agence spatiale européenne, mais le Cadmos est le seul centre à combiner développement et opérations, permettant ainsi de couvrir toute la chaîne, de l’expression du besoin jusqu’à la collecte de données. D’autre part, le fonctionnement de l’ISS et de la contribution européenne au programme permet d’assurer une continuité du rôle du Cadmos, à la fois dans le développement d’expériences et le suivi opérationnel, qu’il y ait un astronaute français (ou européen) ou pas, à bord.

Comment les expériences emportées dans la Station spatiale internationale sont-elles choisies ?

Il y a deux grands enjeux. Le premier est de soutenir et accompagner la communauté scientifique française, avec qui nous sommes en lien étroit, qui a des besoins d’accès à la micropesanteur pour ses recherches. Nous répondons donc à ces besoins en concevant et préparant des expériences à destination de la Station spatiale internationale, en nous appuyant aussi sur le tissu industriel français et européen.

Le deuxième enjeu est d’anticiper le futur des vols habités et les technologies qui doivent être développées dans ce but. Pour cela, une feuille de route est élaborée au sein du CNES pour définir nos priorités, et nous sollicitons laboratoires et industriels pour préparer ces technologies avec nous.

Le CNES est donc souverain dans le choix de ses expériences. Celles-ci peuvent être nationales, ou, le plus souvent, s’inscrire dans le cadre d’une coopération bilatérale, avec une autre agence comme l’ESA ou la NASA.

Quels types d’expériences ont besoin d’être soumis à la micropesanteur ?

Beaucoup de phénomènes, qu’ils soient physiques, biologiques ou physiologiques, sont masqués au sol à cause des effets de la gravité. En se mettant en situation d’impesanteur, on ne s’affranchit pas de la gravité (à bord de l’ISS, son niveau est de 90% de la gravité terrestre), mais de ses effets : le poids, la convection thermique, la poussée d’Archimède, la sédimentation ou la pression hydrostatique. Cela permet ainsi d’observer des phénomènes inobservables sur Terre. On distingue deux grandes familles :

  • Les sciences de la matière : étude des fluides, des plasma, les phénomènes de solidification ou d’évaporation…
  • Les sciences de la vie : la biologie (végétale ou animale), l’exobiologie, la physiologie humaine (système cardiovasculaire, neurosciences, organoïdes…). La médecine spatiale est d’autant plus intéressante qu’elle met en lumière un phénomène de vieillissement accéléré, mais heureusement réversible.

Même si elle est plus marginale, il y a également les sciences fondamentales (atomes froids…).

Comment le Cadmos suit-il une expérience dans l’espace, de sa préparation à son retour sur Terre ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes scientifiques pour bien comprendre leur besoin, pour ensuite concevoir avec des industriels les expériences (matériel et protocole) qui vont y répondre. Nous connaissons bien l’environnement de micropesanteur, ses contraintes, tout le processus de qualification et de certification du matériel à destination de l’ISS, et c’est là notre plus-value essentielle. En parallèle, les procédures opérationnelles sont préparées. Le matériel livré est ensuite acheminé par cargo à destination de la Station spatiale internationale. La recette en vol puis les opérations sont suivies depuis notre centre de contrôle au Cadmos, et les données scientifiques sont ensuite transmises aux scientifiques, qui les analysent.

L’astronaute peut être soit sujet (dans le cas des expériences de physiologie), soit opérateur. Certaines expériences ne nécessitent pas l’astronaute, et sont commandées depuis le sol comme l’est un satellite. Certaines expériences sont même installées à l’extérieur de l’ISS, comme ACES ou  Euro Material Ageing.

Plus spécifiquement, comment le Cadmos accompagne-t-il Sophie Adenot ?

Une précision importante tout d’abord : le CNES ne prépare pas d’expériences uniquement pour les astronautes français. La Station spatiale internationale est un laboratoire international de recherche scientifique, auquel l’Europe, et donc la France, contribue pour bénéficier d’une utilisation continue. En temps normal, les expériences françaises sont donc opérées par les astronautes qui se trouvent dans la Station spatiale internationale, quelle que soit leur nationalité. Notre véritable client in fine, c’est la science ! Mais quand un astronaute de l’Agence spatiale européenne, l’ESA, est de nationalité française, le CNES en profite pour préparer un ensemble d’expériences qui met en valeur son expertise tout en avançant nos objectifs, en profitant de cette vitrine.

Comme nous l’avions précédemment fait pour Thomas Pesquet avec les missions Proxima et Alpha, nous sommes en train de préparer un programme d’expériences scientifiques, technologiques, et éducative pour la mission de Sophie Adenot , et travaillons en coordination avec elle afin qu’elle s’approprie cette contribution nationale et en soit l’ambassadrice.

Rémi Canton

Les expériences menées par le Cadmos sont-elles influencées par les orientations que prend la géopolitique spatiale mondiale ?

Sur le volet des expériences scientifiques, la géopolitique n’a pas vraiment d’impact au niveau du contenu, mais elle a un fort impact sur les coopérations possibles avec les autres agences.

Concernant la préparation de l’exploration spatiale habitée, nous nous adaptons au contexte international. Par exemple, avec la dynamique ces dernières années de retour sur la Lune impulsée par les Américains, nous avons creusé dans ce qui fait notre expertise des thématiques qui peuvent être appliquées à l’exploration lunaire, pour affirmer notre place dans ces domaines et être complémentaires de nos partenaires. C’est le cas avec ce qu’on appelle le « support vie », avec des axes santé, nutrition, radiations, bio-contamination, traitement des déchets, recyclage de l’eau…

Le Cadmos prépare également les expériences qui sont menées à bord de l’avion Zéro-G : quelle différence avec celles qui partent dans l’espace ?

Le CNES organise chaque année deux campagnes scientifiques de vols paraboliques. Chaque campagne consiste en 3 vols de 30 paraboles, chaque parabole offrant 22 sec d’impesanteur. Tout comme pour l’ISS, les expériences qui sont menées à bord de l’Airbus A-310 de Novespace concernent essentiellement les sciences de la vie et les sciences de la matière. Les laboratoires candidatent et nous en sélectionnons une dizaine pour chaque campagne, sur la base du mérite scientifique et de la faisabilité. Parfois nous faisons aussi voler nos propres expériences.

L’avantage principal pour un chercheur, c’est qu’il peut lui-même opérer son expérience, et en ajuster les réglages ou paramètres entre chaque parabole, plutôt que devoir la déléguer à un astronaute.

De nombreuses expériences se suffisent à l’avion et n’ont pas besoin d’aller dans la Station, car il s’agit d’observer des phénomènes très courts : par exemple la propagation d’un front de flamme dans un nuage d’aérosols (ce qui d’ailleurs, serait compliqué à mettre en œuvre dans l’ISS pour des questions de sécurité !). De la même manière, l’avion n’est pas forcément un prérequis pour un voyage vers l’espace ! Pour autant, un vol parabolique en zéro g peut servir à « dérisquer » des expériences qui partiront dans la Station, c’est-à-dire à tester du matériel ou des protocoles pour lesquels on veut s’assurer du bon fonctionnement, ou trouver les ajustements nécessaires, avant de l’embarquer pour un séjour plus long. 

La France mènera-t-elle toujours des expériences dans l’espace après le retrait de la Station spatiale internationale, annoncé pour 2030 ? 

Oui, car pour la communauté scientifique le besoin d’accès à la micropesanteur pour ses recherches existe toujours, et l’orbite basse est la plus accessible. Il y a des projets de capsules ou de stations privées, habitées ou robotisée, et les moyens sont en cours de développement, en Europe et ailleurs. Nous utiliserons donc ces nouveaux moyens, avec toujours pour rôle d’accompagner la science et de préparer les technologies de demain. 

En chiffres

  • 8,6%

    La part d’expériences européennes dans l’ISS.

  • 1 à 2

    Nouvelles expériences françaises montées par an en moyenne à bord de l’ISS (hors missions d’astronautes français).

  • 200

    Expériences menées en moyenne par un astronaute en 6 mois sur l’ISS.

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