Publié le 24 juin 2022
Dans les premiers temps de l’exploration spatiale, les modifications physiologiques subies par les corps des astronautes en micropesanteur sont longtemps restées mystérieuses. Les phénomènes de remontée des liquides corporels des jambes vers le haut du corps en micropesanteur étaient connus, sans que les scientifiques en comprennent les effets sur la santé des astronautes. La mission PVH de Jean-Loup Chrétien sur la station Saliout-7, en 1982, va commencer à changer les choses avec une première expérience d’échographie développée par le CNES pour étudier la réaction du cœur et des vaisseaux à un séjour dans l’environnement spatial.
« A l’époque, nous avons été les premiers à envoyer un appareil d’échographie dans l’espace, décrit Guillemette Gauquelin-Koch, responsable des sciences de la vie au CNES. C’était très rudimentaire et centré sur le système cardiovasculaire, mais l’expérience a permis d’observer une augmentation de la fréquence cardiaque, une augmentation des dimensions des ventricules et des oreillettes et une modification des flux veineux. »
Progrès technologiques
La mission PVH est le point de départ de la constitution d’une expertise française qui est devenue de plus en plus précise au fil du temps.
Car dans l’espace, c’est tout le corps qui subit les effets de la micropesanteur : le cœur et les vaisseaux, le cerveau mais aussi les os, les muscles, le système immunitaire, le métabolisme… « Le séjour dans l’espace est un peu un modèle de vieillissement réversible. Les artères d’un astronaute peuvent prendre 20 ans d’âge en un an, et revenir à la normale un mois après », explique Philippe Arbeille.
Ces progrès ont été rendus possibles par les évolutions technologiques des appareils, qui sont de plusieurs ordres. Les sondes sont aujourd’hui motorisées et donnent une meilleure définition d’image. Il y a aussi la miniaturisation, qui a permis de passer de 1m3 à l’époque de Jean-Loup Chrétien au volume d’un ordinateur portable aujourd’hui, et on s’oriente vers un format plus proche d’une tablette pour les missions vers la Lune et Mars.
Grâce à cette évolution, l’astronaute place la sonde d’échographie sur la partie du corps qui doit être analysée et le scientifique peut optimiser la position de la tête de la sonde qui est robotisée. Les mouvements que le scientifique donne à une sonde fictive connectée à son ordinateur en salle de contrôle sont transmis et reproduits au niveau de la tête de sonde placée sur l’astronaute. A partir de son ordinateur, le scientifique peut également, à distance, modifier les réglages de l’échographe ainsi que sélectionner les fonctions nécessaires pour l’examen (mode doppler, doppler couleur, etc.). Ainsi, la qualité des images enregistrées est optimisée, la durée d’un examen à bord de l’ISS et le temps d’entrainement des équipages peut être réduit.
Missions lunaires
Dans le cadre du projet CIPHER, la NASA a sélectionné l’échographe télé-opéré du CNES, développé avec Sonoscanner, et le programme « Routine Ultrasound », dont le principal investigateur est Philippe Arbeille, pour une nouvelle mission sur l’ISS qui commencera au mois de septembre. « L’objectif est de faire des investigations sur tous les systèmes physiologiques en même temps. Cela permettra de constituer une base de données de santé pour préparer les missions d’exploration lointaines vers la Lune et Mars », ajoute Philippe Arbeille.
Car la finalité première de ces recherches est bien là : comprendre les effets de la microgravité pour mettre en place les mesures de protection les plus efficaces pour la santé des astronautes. Même si d’autres applications peuvent en découler, par exemple dans le développement de la télémédecine.
C’est ainsi par exemple que l’échographe télé-opéré a d’abord été expérimenté pendant 2 ans par Philippe Arbeille dans le cadre de gardes médicales avant de s’envoler sur l’ISS. Mais dès que les missions spatiales vont s’éloigner de la Terre, les délais de communication rendront impossible la téléopération de l’échographe depuis le sol. La prochaine génération d’échographe spatial, en cours d’étude au CADMOS avec le projet Echofinder, permettra de résoudre cette difficulté en donnant une plus grande autonomie à l'astronaute. L'échographe couplé à la réalité virtuelle et à l’intelligence artificielle aidera en effet l’astronaute à positionner correctement la sonde, en trouvant lui-même l’organe à étudier. Ce nouvel instrument qui conforte la position de la France et du CNES dans cette filière est un candidat sérieux pour prendre place dans les prochaines missions lunaires.
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