Vous hésitez sur les habits que vous mettrez dans votre valise pour l’été ? À moins d'un an de son départ pour la Station spatiale internationale, et alors que son entraînement s’intensifie, Sophie Adenot doit déjà songer au contenu de ses bagages…
L'astronaute française de l'ESA se prépare activement pour sa mission à bord de la Station spatiale internationale (ISS), prévue pour le printemps 2026. Il s’agira du premier vol vers la Station d’un spationaute (astronaute français) depuis 2021 et la mission Alpha de Thomas Pesquet, et de la seconde mission d'une femme de nationalité française, 25 ans après Claudie Haigneré. À bord de la station, Sophie mènera une série d'expériences scientifiques, dont une partie sont des expériences françaises préparées par le CNES.
Dans l’attente de cette aventure, elle a accepté de faire une pause dans son entraînement pour nous raconter son quotidien pas comme les autres, et c’est passionnant !
Comment tu te sens, un an avant ton décollage ?
Sophie Adenot : Je suis super contente ! C’est vraiment l’aventure dont j’avais rêvé. Mais c’est intense… Le planning est très chargé et tous les anciens astronautes m’ont dit que ça allait encore s’intensifier. La clef, c’est la gestion de l’énergie sur le long terme, pour être sûre d’être en forme pour la mission.
Tu es actuellement en plein entraînement : jusqu’ici, qu’est-ce qui t’a semblé le plus compliqué, le plus simple et le plus étonnant ?
S. A. : Le plus compliqué, c’est la gestion des décalages horaires. À partir de maintenant, soit un an avant la mission, je ne vais quasiment jamais passer plus de deux semaines au même endroit… Donc toutes les deux semaines, nouveau décalage horaire, il faut se recaler, on voyage le week-end, et dès le lundi huit heures il faut être en forme !
Le plus simple, clairement, ça a été de tester la nourriture de l’espace ! On a eu un cours pour nous apprendre à réchauffer la nourriture dans l’espace, qui s’est transformé en test de nourriture (rires). Donc ça, ça a été super facile… j’ai adoré !
Enfin le plus surprenant, ce qui m’a vraiment dérouté, ça a été d’apprendre à arracher une dent… parce qu’il faut être à même de pouvoir aider un coéquipier qui aurait des problèmes dentaires. Jamais je n’aurais pensé que dans ma vie, j’apprendrais à arracher une dent, mais ça y est, c’est fait !
Pourquoi le sport est-il important dans l’entraînement d’un(e) astronaute ?
S. A. : La première chose, c’est que dans un voyage de longue durée, de six mois environ, malgré tout le sport qu’on va faire là-haut, on perdra en moyenne 20% de masse musculaire et entre 10 et 20% de capacité cardio-vasculaire. Il faut donc arriver en très bonne condition physique, car on sait que ça va se dégrader en l’espace de six mois.
La deuxième raison, c’est pour les sorties extravéhiculaires, une épreuve physiologique pour le corps. Les sorties extravéhiculaires durent 6 à 7 heures et on ne peut boire qu’un litre d’eau pure, sans additif. Et comme c’est essentiellement le haut du corps qui travaille, il faut développer la musculature des épaules, des bras, des avant-bras et des mains pour pouvoir être performant. Il faut pouvoir accomplir chaque mouvement sans qu’une crampe ou que la fatigue ne vienne entraver les tâches de base, assurer sa sécurité ou celle de son coéquipier. C’est un vrai challenge pour moi car je n’avais jamais autant développé la musculature du haut de mon corps. Mais j’aime les challenges !
As-tu reçu des conseils des anciens astronautes de l’ESA et du CNES ?
S. A. : Oui, j’en ai même reçu beaucoup ! Tous ceux qui ont déjà volé partagent volontiers leur expérience et leurs petits trucs et astuces sur la gestion de la vie quotidienne, des expériences scientifiques ou encore des sorties extravéhiculaires. Je les en remercie d’ailleurs, car c’est une telle aventure qu’on est heureux de prendre tous les conseils possibles !
Mission Epsilon
Le nom de la mission de Sophie Adenot, Epsilon, ainsi que son écusson, ont été dévoilés le vendredi 20 juin au Salon du Bourget. Choisi par la spationaute, le nom Epsilon (le « e » grec) incarne l’essence des petites contributions qui ont pourtant un impact : en mathématiques, ε désigne en effet une petite quantité, tout comme le rôle d’un astronaute dans l’immensité d’un vol spatial.
Qu’est-ce que tu vas mettre dans ta valise ?
S. A. : La valise, c’est un vaste sujet (rires). Elle doit être prête un an avant de partir en mission spatiale. Il faut donc se préparer à ne rien oublier. Et ce n’est pas si évident ! Bien sûr, j’aurai des affaires de sport, parce qu’on fait à peu près 2 h de sport là-haut : j’aurai deux paires de chaussures, une paire pour courir sur le tapis de course à pied et une autre pour faire du vélo. Ça, c’est la partie facile ! Ensuite, il y aura tous les vêtements du quotidien et les affaires pour l’hygiène : de quoi se laver, du shampooing sans rinçage, etc. Il y a également la bonus food, de la nourriture sur laquelle travaille un chef français pour mettre à l’honneur la gastronomie française. Enfin, il y aura des affaires personnelles et de petites surprises, qui devront rentrer dans boîte de la taille d’une grosse boîte à chaussures et ne pas dépasser 1,5 kilo !
Est-ce que tu as déjà préparé la playlist que tu vas écouter là-haut ?
S. A. : Pas encore, mais ce dont je suis sûre, c’est que je vais avoir besoin d’une grande variété de musiques ! En l’espace de six mois, on va passer par différentes phases émotionnelles, on aura parfois besoin de musiques entraînantes pour faire du sport et se motiver, à d’autres moments des musiques apaisantes, relaxantes, des musiques énergisantes pour débuter la journée…
Ce dont je suis sûre, c’est que je vais emporter des bruits de la nature. J’adore être en plein air et en pleine nature ! Et la Station, c’est un environnement très technologique, avec un bruit de fond technologique en permanence… J’ai donc préparé des enregistrements de chants d’oiseau, de torrents qui coulent… Lors d’une rando en montagne, j’ai même enregistré le bruit de mes pas sur les cailloux et dans la neige ! Dès que j’entends la nature, je capte les sons avec mon téléphone pour les emporter là-haut. En les écoutant, ça me rapprochera de la Terre !
Ta mission va en effet comporter un volet éducatif. Cette mission de transmission, en quoi est-ce important pour toi ?
S. A. : La transmission a toujours été quelque chose de très important pour moi. Là, c’est la petite fille qui parle, la petite Sophie qui a toujours bénéficié de figures inspirantes ! Si j’ai réussi à atteindre ce métier et à surmonter toutes les étapes difficiles de mon parcours, c’est parce que des personnes m’ont inspirée. Claudie Haigneré a été une grande source d’inspiration pour moi, mais pas seulement, il y a aussi eu des scientifiques, des figures que j’ai rencontrées à travers des biographies, des événements scientifiques, des portes ouvertes… Aujourd’hui, j’ai envie de donner quelque chose en retour, et si à mon tour je peux aider les jeunes à trouver l’inspiration qui les aidera à naviguer dans ce monde qui n’est pas si facile pour eux, je me dis que ce sera un juste retour des choses.