Résultats
Résultats clés
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Détermination de la forme et structure du noyau de la comète
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Détermination de la composition de la comète
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Détermination de la composition isotopique de l’eau dans le noyau et la coma de la comète
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Étude de la chimie organique dans le noyau et la coma de la comète
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Récupération de données in situ par l’atterrisseur Philae
Détermination de la forme et de la structure du noyau de la comète
La mission Rosetta-Philae a rapproché l’humanité du cœur d’une comète de façon inédite. Pour la première fois, nous avons posé une sonde à la surface d’une comète, malgré quelques péripéties (Philae a rebondi plusieurs fois sur plusieurs kilomètres avant de se stabiliser). Cette vue rapprochée a permis une étude approfondie et détaillée de la forme et la structure du noyau de la comète 67P.
Une comète formée d’un agrégat de petits corps
Cette comète est composée de deux lobes accolés, probablement issus d’une accrétion « douce » de « graviers » de glace, avec entre eux des particules microscopiques. C’est l’hypothèse mise en avant par J. Blum et al. (2017), Evidence for the formation of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko through gravitational collapse of a bound clump of pebbles.
Pour aller plus loin dans la description de ce scénario, l’étude de S. Fornasier et al. (2021) : Small lobe of comet 67P: Characterization of the Wosret region with ROSETTA-OSIRIS, montre avec des résultats d’observations dans le domaine infrarouge que l’enrichissement en glace d’eau dans des points brillants à la surface du petit lobe, atteint 60% après le passage de la comète au périhélie. En comparant la couverture de poussière et l’apparition de glace d’eau fraîche à la surface des deux lobes, des différences notables apparaissent, dues à un comportement différent face au réchauffement de la comète. Ces résultats ont amené les auteur-rices à penser que la composition et les caractéristiques mécaniques des deux lobes sont différentes. Cela signifierait que ces deux lobes ont deux origines différentes et se seraient « doucement » accolés par la suite.
Des processus changeant la surface
Cette autre étude a mesuré l’inertie thermique de surface du noyau et son degré de granularité dans différentes régions afin de les cartographier : D. Marshall et al. (2018): Thermal inertia and roughness of the nucleus of comet 67P/Churyumov–Gerasimenko from MIRO and VIRTIS observations. Ces recherches représentent une piste pour déterminer les âges de ces différentes régions et les processus de renouvellement à l’œuvre à la surface.
Pour en savoir plus :
- Evidence for the formation of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko through gravitational collapse of a bound clump of pebbles, J. Blum et al Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 2017
- Small lobe of comet 67P: Characterization of the Wosret region with ROSETTA-OSIRIS, S. Fornasier et al., Astronomy & Astrophysics, 2021
- Thermal inertia and roughness of the nucleus of comet 67P/Churyumov–Gerasimenko from MIRO and VIRTIS observations, D. Marshall, Astronomy & Astrophysics, 2018
Détermination de la composition de la comète
Un suivi in situ de l’évolution d’une comète
L’apport considérable de la mission au domaine de l’étude des comètes, en plus d’avoir posé une sonde à la surface de 67P, est d’avoir pu suivre in situ l’évolution de son activité et de sa coma à différents points de son orbite autour du Soleil. Ce chapitre de livre de G. Filacchione et al. (2022) : Comet nuclei composition and evolution, montre ces apports importants de la mission à ce domaine d’étude, en comparant les résultats de la mission aux données obtenues par ailleurs à propos d’autres comètes.
Cette autre étude de M. Rubin et al. (2020) : On the Origin and Evolution of the Material in 67P/Churyumov-Gerasimenko, montre que les matériaux volatils du noyau de la comète ont été formés avant le Système solaire, tandis que le noyau lui-même s’est formé progressivement par une incorporation de petits grains à des distances héliocentriques très différentes.
Des observations effectuées avec le spectro-imageur en ultraviolet lointain Alice, tout au long du séjour de Rosetta en orbite de la comète 67P, ont montré qu’autour du périhélie, le dégazage de H2O et de CO2 dans la coma étaient asymétriques. L’étude de P. D. Feldman et al. (2017) : FUV Spectral Signatures of Molecules and the Evolution of the Gaseous Coma of Comet 67P/Churyumov–Gerasimenko montre en effet que H2O dominait la coma avant le périhélie, et le CO2 dominait après.
Cette autre étude a utilisé l’algorithme de thermophysique NIMBUS (Numerical Icy Minor Body evolUtion Simulator) pour modéliser puis estimer les abondances de H2O et CO2 dans la coma de 67P avant et après son passage au périhélie, à partir des données de Rosetta : B. J. Davidsson et al. (2021) : Modelling the water and carbon dioxide production rates of Comet 67P/Churyumov–Gerasimenko.
D'autres études encore ont analysé la production d’eau depuis la surface de la comète, comme D. W. Marshall et al. (2017) : Spatially resolved evolution of the local H2O production rates of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko from the MIRO instrument on Rosetta.
La façon dont le dégazage se fait, à la fois dans l’espace et dans le temps, permet de comprendre comment sont agencées les couches de matériaux dans le noyau, et donc comment et dans quel ordre ils ont été accrétés.
Par conséquent, la connaissance précise de la composition de la coma de la comète à différents points de son orbite autour du Soleil, combinée avec la connaissance précise de la structure de la surface et de l’intérieur de son noyau permet de reconstituer l’évolution de la comète, et de retracer l’origine des différents petits corps agglomérés qui la composent.
Pour en savoir plus :
- Comet nuclei composition and evolution, G. Filacchione et al., Comets III (livre) The University of Arizona Press, 2022
- Comet nuclei composition and evolution
- On the Origin and Evolution of the Material in 67P/Churyumov-Gerasimenko, M. Rubin et al., Space Science Review, 2020
- FUV Spectral Signatures of Molecules and the Evolution of the Gaseous Coma of Comet 67P/Churyumov–Gerasimenko, Paul D. Feldman et al., The Astronomical Journal, 2017
- Modelling the water and carbon dioxide production rates of Comet 67P/Churyumov–Gerasimenko, B. J. R. Davidsson et al., Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 2022
- Spatially resolved evolution of the local H2O production rates of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko from the MIRO instrument on Rosetta, D. W. Marshall et al., Astronomy & Astrophysics, 2017
Détermination de la composition isotopique de l’eau dans le noyau et la coma de la comète
Une partie de l’eau terrestre aurait été apportée par les comètes
Mesurer le rapport entre les abondances du deutérium et de l’hydrogène (D/H) permet de retracer l’origine des molécules d’eau, dans le Système solaire. Alors que le Soleil n’était encore qu’un cœur pré-stellaire au sein de la nébuleuse protosolaire, les basses températures ont permis à la plupart des molécules volatiles de geler. La glace d’eau à ce moment-là contenait beaucoup de deutérium. Et puis les températures ont monté, les glaces se sont sublimées et mélangées à l’hydrogène déjà présent, faisant baisser la proportion de deutérium dans l’eau. Les zones plus éloignées du Soleil ont conservé l’abondance originelle du deutérium, contrairement aux zones internes où se sont formées les planètes telluriques.
Examiner ce rapport D/H permet donc de retracer l’origine de l’eau sur un corps du Système solaire.
L’hypothèse qui fait consensus est que l’origine de l’eau sur Terre est à la fois locale (lieu de formation de la Terre) et externe (apport par les comètes), mais il est difficile de déterminer laquelle de ces deux origines est prépondérante.
Une première étude de 2015 de K. Altwegg et al. : 67P/Churyumov-Gerasimenko, a Jupiter family comet with a high D/H ratio, montrait que le rapport D/H dans la coma de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko était 3 fois plus important que celui mesuré sur Terre, contraignant à la baisse la proportion d’eau apportée par les comètes sur Terre. Mais en 2024, une autre étude montre qu’en prenant en compte la dynamique de la poussière qui s’élève et retombe en emportant de la glace de la surface de la comète, le rapport D/H mesuré est finalement similaire à celui observé sur Terre : K.E. Mandt et al. : A nearly terrestrial D/H for comet 67P/Churyumov-Gerasimenko.
On revient alors à une contribution plus importante des comètes à l’eau terrestre. Ce revirement montre que le sujet mérite encore d’y consacrer du temps de recherche !
Pour en savoir plus :
- 67P/Churyumov-Gerasimenko, a Jupiter family comet with a high D/H ratio, K. Altwegg et al., Science, 2015
- A nearly terrestrial D/H for comet 67P/Churyumov-Gerasimenko, K. E. Mandt et al., Science, 2024
Étude de la chimie organique dans le noyau et la coma de la comète
L’hypothèse de la pseudo-panspermie renforcée
Les comètes contiennent de la glace d’eau et d’autres molécules volatiles, mais la surface de leur noyau n’a pourtant bien souvent pas un albedo très élevé. On les qualifie de « boules de neige sales ». En effet, elles contiennent également toutes sortes de molécules organiques. Dès 2015, alors que la sonde était active en orbite autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, des molécules organiques ont été détectées sur la partie illuminée par le Soleil de sa surface, par spectroscopie, comme le montre cette étude : F. Capaccioni et al. (2015) : The organic-rich surface of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko as seen by VIRTIS/Rosetta.
Par la suite, d’autres études se sont penchées sur le sujet. K. Altwegg et al. (2017) : Organics in comet 67P – a first comparative analysis of mass spectra from ROSINA–DFMS, COSAC and Ptolemy, ont montré la présence d’une grande variété de molécules contenant des groupements CH-, CHN-, CH-S, CHO2- et CHNO-, ainsi que du toluène, une molécule aromatique. Pour obtenir ces résultats, cette équipe a combiné les mesures faites dans la coma et de la surface de la comète, par les instruments ROSINA et COSAC de la sonde Rosetta, ainsi que Ptolemy de l’atterrisseur Philae.
Au fil des ans après la fin de la mission, les analyses des spectres obtenus par les instruments de la sonde et de l’atterrisseur ont continué, et par exemple en 2022, l’équipe de N. Hänni et al. (2022) : Identification and characterization of a new ensemble of cometary organic molecules a détecté de nouvelles molécules organiques de toutes sortes dont la composition moyenne est C1H1.56O0.134N0.046S0.017. Le nombre et la variété des molécules détectées a continué d’augmenter au fil des études, comme avec celle de N. Hänni et al., de nouveau, en 2023 : Oxygen-bearing organic molecules in comet 67P’s dusty coma: First evidence for abundant heterocycles.
Toutes ces études renforcent la vraisemblance de l’hypothèse de la peudo-panspermie, qui consiste à penser qu’une partie au moins des briques de bases à partir de laquelle la vie s’est formée sur Terre auraient été apportées, avec de l’eau, par les comètes.
Pour en savoir plus :
- The organic-rich surface of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko as seen by VIRTIS/Rosetta, F. Capaccioni et al., Science, 2015
- Organics in comet 67P – a first comparative analysis of mass spectra from ROSINA–DFMS, COSAC and Ptolemy, K. Altwegg et al., Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 2017
- Identification and characterization of a new ensemble of cometary organic molecules, N. Hänni et al., Nature, 2022
- Oxygen-bearing organic molecules in comet 67P’s dusty coma: First evidence for abundant heterocycles, N. Hänni et al., Astronomy & Astrophysics, 2023
Le saviez-vous ?
Le terme « panspermie » regroupe différentes hypothèses, parfois très anciennes, sur l’origine de la vie, ou plutôt, différents « degrés » de la même hypothèse, selon qu’on suppose l’apport sur Terre depuis l’espace de simples molécules organiques ou bien d’organismes entiers qui auraient résisté au voyage interplanétaire dans le vide spatial.
Par exemple, une version de l’hypothèse de la panspermie consiste à penser que la vie serait apparue sur Mars et aurait voyagé jusque sur Terre à bord de fragments de roche éjectées de la surface de Mars suite à un ou des impacts météoritiques – ou l’inverse, de la Terre à Mars, qui sait ?
Cependant, la version de l’hypothèse qui retient vraiment l’attention de la communauté scientifique est appelée « pseudo-panspermie » et consiste à penser que seules des molécules organiques auraient en partie été apportées sur Terre depuis le milieu interplanétaire par les impacts de comètes. La découverte de nombreuses molécules organiques de conformation et composition variées dans des comètes et dans le milieu interstellaire renforce la vraisemblance de cette hypothèse.
Récupération de données in situ par l’atterrisseur Philae
Un atterrissage mouvementé
L’aventure de l’atterrisseur Philae a été mouvementé. Il était prévu qu’au moment de toucher la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, Philae allume un propulseur pour le plaquer au sol pendant qu’il devait actionner ses 3 harpons pour assurer son ancrage sur la surface de la comète. Ce système n’a cependant pas fonctionné, ce qui a eu pour conséquence de faire rebondir l’engin, en raison de sa vitesse et d la très faible gravité. Celui-ci a rebondit 3 fois, sur une distance d’un kilomètre environ. Le premier rebond l’a amené à 1 km d’altitude. Il s’est finalement stabilisé 2 h après une collision, un 2e et un 3e rebond, dans la région Abydos de la surface de la comète.
Après des recherches par l’orbiteur Rosetta, avec sa caméra OSIRIS, il est apparu que Philae avait basculé sur le côté, avec un angle de 30°, contre une falaise, à moitié dans l’ombre, limitant la quantité d’énergie que pouvaient recevoir ses panneaux solaires. Malgré tout, 80% des observations scientifiques prévues ont pu être menées par l’atterrisseur. L’étude de P. Heinisch et al. (2017) : Reconstruction of the flight and attitude of Rosetta's lander Philae, montre une reconstitution de cette séquence d’événements.
Une analyse in situ de la région Abydos de la surface de la comète
Cette publication montre les images du sol de la comète capturées par la caméra ROLIS de l’atterrisseur Philae : S. E. Schröder et al. (2017) : Close-up images of the final Philae landing site on comet 67P/Churyumov-Gerasimenko acquired by the ROLIS camera. Cette autre étude s’intéresse aux changements d’albédo et de composition de la surface dans la région Abydos autour du passage au périhélie, mais vue cette fois depuis l’orbiteur avec sa caméra OSIRIS : H. V. Hoang et al. (2020) : Spectrophotometric characterization of the Philae landing site and surroundings with the ROSETTA/OSIRIS cameras.
En termes de retours scientifiques, 8 des 10 instruments de Philae ont fonctionné (ne pouvant pas forer le sol de la comète, les instruments APXS, COSAC et SD2 n’ont pas fourni de données pertinentes). Cette étude de H. Boehnhardt et al. (2017) : The Philae lander mission and science overview, récapitule les principaux résultats de la mission de Philae, dont voici un résumé succinct :
- La région du premier rebond, Agilkia, est plutôt lisse et homogène et couverte d’un régolithe composé de grains de tailles allant de l’ordre du centimètre au décimètre, avec quelques blocs enfouis de tailles allant de quelques décimètres à quelques mètres. Il semblerait que la force du rebond de Philae ait été augmentée par la présence d’une couche plus dure au-dessous de ce régolithe.
- La surface sur laquelle Philae s’est stabilisée, dans la région Abydos, a un aspect plus chaotique, avec des falaises, des crevasses et de gros blocs composés de glace ou de sel (albédo plus fort) et de matériaux riches en carbones (albédo plus faible). Il y a ici beaucoup moins de régolithe que sur la surface de la région Agilkia. Les résultats des instruments de Philae décrivent une région Agilkia plus poudreuse et une région Abydos plus dure. Il semblerait que ces régions plus poudreuses sont le résultat d’une accumulation de retombées de poussière de régolithe après des épisodes d’activité cométaire, i.e de sublimation de glace sous-jacente.
- En faisant utilisant le radar CONSERT et mode bistatique entre Philae et Rosetta à travers le noyau de la comète, une cartographie de l’intérieur du noyau a pu être tracée. L’intérieur du grand lobe semble être uniforme sans surdensités ni vides de plus de quelques décimètres de taille, mais semble être très poreux (75 à 85%). Les résultats pointent vers une formation par accrétion classique pour la plus grande partie du noyau avec processus de différenciation, puis accumulation de plus petits éléments une fois le noyau formé.
- Des analyses de l’environnement magnétique de la comète ont été effectuées.
- Enfin, une analyse chimique a été effectuée. Des différences ont été remarquées dans les espèces organiques détectées par l’atterrisseur et l’orbiteur, suggérant une hétérogénéité dans la répartition de celles-ci sur et dans le noyau et/ou une différence de composition entre les particules de poussières étudiées sur la surface du noyau et la coma.
Pour en savoir plus :
- Reconstruction of the flight and attitude of Rosetta's lander Philae, P. Heinisch et al., Acta Astronautica, 2017
- Close-up images of the final Philae landing site on comet 67P/Churyumov-Gerasimenko acquired by the ROLIS camera, S. E. Schröder et al., Icarus, 2017
- Spectrophotometric characterization of the Philae landing site and surroundings with the ROSETTA/OSIRIS cameras, H. V. Hoang et al., Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, 2020
- The Philae lander mission and science overview, H. Boehnhardt, Philosophical Transactions A, 2025.
- 67P/Churyumov-Gerasimenko surface properties as derived from CIVA panoramic images, J.-P. Bibring et al., Science, 2015