Ballons en détails
Contexte
Les ballons stratosphériques sont capables d’emporter et de maintenir dans l’atmosphère des instruments scientifiques, à différentes altitudes jusqu’à 40 km. Ils collectent des données in-situ, pendant quelques heures, quelques jours voire plusieurs mois. Ils sont ainsi complémentaires des autres moyens d’étude de l’atmosphère : les avions scientifiques, qui plafonnent à environ 10 km d’altitude, les satellites, qui survolent l’atmosphère par intermittence depuis l’orbite, ou les fusées-sondes qui la traversent.
Aujourd’hui, le CNES a effectué plus de 4000 lâchers de ballons, faisant de la France l’un des pays les plus actifs dans ce domaine avec les États-Unis. La France est également l’un des rares pays à maitriser l’ensemble des techniques nécessaires aux vols de ballon, et son expertise en la matière est reconnue mondialement.
Un peu d’histoire
L'aérostation a vu le jour en 1783. Cette année-là, Joseph et Étienne de Montgolfier (qui donneront leur nom aux montgolfières), Jean-François Pilâtre de Rozier, Jacques Charles ou encore les frères Robert font voler les premiers aérostats à air chaud et à gaz… Ces premiers vols permettent déjà de mesurer certains paramètres physiques de l’atmosphère.
Il faut toutefois attendre la Première Guerre mondiale pour que se développe l’usage des ballons pour étudier les vents, la température, la pression… Il s'agit alors de ballons dilatables de petite dimension qui montent progressivement jusqu’à la troposphère (15 km d’altitude maximum), puis éclatent.
Les ballons deviennent ensuite stratosphériques à partir des années 1930.
Puis, un peu avant les années 50, l’on met au point de plus gros ballons capables de se maintenir à une altitude constante pendant plusieurs heures. Cette activité se développe fortement aux États-Unis et en URSS, où ces ballons peuvent transporter des charges très lourdes. Dans les années 60, la naissance de l’activité Ballons au CNES, sous l’impulsion de la communauté scientifique, s’inspire d’ailleurs fortement des activités américaines.
Les ballons pressurisés fermés, capables de se maintenir à une altitude constante pendant plusieurs semaines - et donc d’effectuer des vols de longue durée - sont quant à eux développés dans les années 1970.
Le saviez-vous ?
Le 27 mai 1931, le Suisse Auguste Piccard atteint 17 km d’altitude avec son ballon. Un record. Auguste est le grand-père de Bertrand Piccard, détenteur du premier tour du monde en ballon en 1999 et concepteur de l’avion solaire Solar Impulse.
Une communauté au service de la recherche
Pour encourager la recherche dans le domaine des ballons, le CNES initie et/ou s’engage dans plusieurs projets européens. Objectifs : développer la communauté des utilisateurs de ballons et favoriser la standardisation des équipements et des instruments, les synergies et l’industrialisation, dans le cadre de développements conjoints avec ses partenaires.
HEMERA (2017 – 2022) puis AIRLIFTS
HEMERA était une infrastructure de recherche européenne, initiée et pilotée par le CNES, pour offrir l’accès à des vols sous ballons (principalement des BSO) à des charges utiles innovantes.
Le projet, accepté en août 2017, dans le cadre du programme H2020 INFRAIA-02-2017 de l’Union Européenne, regroupait 13 partenaires issus de 7 pays (Suède, France, Norvège, Allemagne, Italie, Angleterre et Canada).
Aujourd’hui, les acteurs de ce consortium (HEMERA Working Group) s’attachent à développer une infrastructure de recherche européenne incluant non seulement les ballons, mais également les avions et les drones à visées scientifiques. Son nom : AIRLIFTS pour Airborne synergIstically inteRactive muLtIplatforms For aTmospheric, aStrophysical and earth sciences.
IN-AIR (Infrastructure Nationale des Aéronefs Instrumentés pour la Recherche)
IN-AIR a été créée à la demande du Ministère de la Recherche, qui souhaitait une gouvernance unifiée des infrastructures nationales avions, drones et ballons, portée par le CNES, le CNRS et Météo France. Objectif : mutualiser et rationaliser les moyens aéroportés d’observation de la Terre et de l’espace, en mettant à disponibilité de la communauté scientifique une flotte variée d’aéronefs instrumentés. Ceux-ci servent également à valider les innovations technologiques dans l’aéronautique et le spatial.
Cette flotte comprend des avions laboratoires de la plateforme SAFIRE (ATR 42, Piper Aztec) pouvant embarquer jusqu’à deux tonnes de matériel, et tous les ballons développés et opérés par le CNES (ouverts, pressurisés, ballons-sondes…).
Les données sont valorisées au sein du pôle AERIS (dédié à l’atmosphère) de l’infrastructure de recherche DATA TERRA.
IN-AIR a vocation à devenir la composante française d’un programme AIRLIFTS.
Partenariat avec l’armée
En 2025, le CNES a collaboré avec l’armée de l’Air et de l’Espace, lors d’exercices destinés à tester ses capacités d’interception à Très Haute Altitude (THA). Plusieurs ballons légers dilatables (BLD) ont été spécialement développés pour servir de cibles aux avions de chasse et lâchés depuis l’océan. L’armée française voulait ainsi vérifier qu’elle disposait de moyens de localiser et d’atteindre une cible évoluant au-dessus de 20 km d’altitude, une zone stratégique où se déploient les High altitude Pseudo Satellites (HAPS) et les missiles.
Les deux vols de BLD opérés en juin 2025 ont permis aux militaires de tirer, avec succès, depuis un Rafale et un Mirage 2000.
Objectifs
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Comprendre l’atmosphère
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Étudier l’Univers
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Améliorer les prévisions météorologiques
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Tester de nouvelles technologies
Atmosphère, climat et météo
Les instruments embarqués sous ballon permettent d’étudier les phénomènes physico-chimiques qui ont lieu dans l’atmosphère et d’y prélever des échantillons. Ils permettent d’analyser in-situ les vents, les gaz à effet de serre, les aérosols ou encore les radiations. Ils ont ainsi contribué aux études sur la couche d’ozone ou à mieux comprendre les mécanismes de mousson en Inde et en Afrique.
Les météorologues utilisent également des ballons-sondes pour connaître l’état de l’atmosphère (humidité, pression…) et les vents, du sol jusqu’à la stratosphère.
Astronomie
Les ballons répondent aussi aux besoins des astronomes et des astrophysiciens qui les utilisent pour observer des phénomènes cosmiques, en captant certains rayonnements qui parviennent peu ou pas à la surface (infrarouges, ultraviolets, rayons X et gamma…). Les ballons stratosphériques permettent de placer les instruments dans la stratosphère, au-dessus des nuages, de la pollution et des turbulences.
Technologie
Les ballons stratosphériques sont aussi utilisés pour tester des technologies ou du matériel (caméras, télescopes, cellules photovoltaïques…), destinés à être embarqués à bord des satellites.
Ils sont également utilisés comme grue aérostatique : ils permettent de larguer à haute altitude les répliques d’éléments dont on veut étudier l’aérodynamisme, à une échelle plus représentative qu’en soufflerie. Par exemple, l’entrée de la sonde européenne Huygens dans l’atmosphère de la lune de Jupiter Titan (2005) avait été validée via un largage depuis un ballon. De même pour les parachutes qui devront déposer le rover européen Rosalind Franklin Mars : pour tester leur déploiement, un ballon a hissé une masse de 2 tonnes (représentant le rover) à 29 km d’altitude, avant de la lâcher.
Principes de fonctionnement
Eurêka !
Pourquoi un ballon stratosphérique s’élève-t-il dans les airs malgré la force d’attraction de la Terre ?
Le fonctionnement des aérostats est fondé sur le principe de la poussée d’Archimède qui s’applique sur tout objet plongé dans un fluide (liquide ou gaz) : cet objet subit une force verticale dirigée vers le haut, et égale au poids (autrement dit la force d’attraction gravitationnelle, liée à sa masse) du volume de fluide déplacé. Concrètement : un ballon stratosphérique gonflé avec un gaz plus léger que l’air subit une force verticale, dirigée vers le haut, égale au poids du ballon s’il était rempli d’air. Il subit donc une force ascendante plus importante que la force d’attraction dirigée vers le bas : le ballon monte. Il s’élève jusqu’à ce que s’instaure un équilibre entre la poussée d’Archimède et la force d’attraction liée à la masse du ballon et de sa charge utile, calculée lors de la conception de la mission. On dit que le ballon a atteint son plafond, il ne monte plus et dérive alors au gré des vents.
L’aérostation tient compte également des variations de température et de pression de l’air et du gaz contenu dans le ballon, subies lors de l’ascension dans l’atmosphère (et lors des passages entre le jour et la nuit). Comme la pression atmosphérique, qui diminue avec l’altitude, provoquant la dilatation des gaz.
Composition d’un ballon
Un ballon se compose d’une enveloppe, d’une nacelle et d’une chaine de vol. Revue de détails.
La nacelle
La nacelle porte la charge utile, c’est-à-dire le ou les instruments dédiés à la mission. Elle est donc adaptée aux besoins de cette dernière et aux spécificités des équipements embarqués.
Dans certains cas par exemple, la nacelle doit être orientée pour que l’instrument embarqué (un télescope par exemple) pointe le plus précisément possible vers la zone à observer, pendant toute la durée du vol. Les nacelles du CNES permettent aujourd’hui une précision de pointage inférieure à la minute d’arc (0,016 °), à l’aide, notamment, de viseurs stellaires qui situent le ballon par rapport à la position de différentes étoiles référencées. De même, des dispositifs embarqués permettent de stabiliser la nacelle (centrale gyroscopique, pivot…) et lutter ainsi contre les perturbations liées à l’environnement.
L’agence spatiale a conçu et développé une gamme de 4 nacelles :
- Nacelle BANA (1m X 0,8m X 1m, 80kg) : jusqu’à 170 kg de charge utile, cette petite nacelle est adaptée aux vols technologiques.
- Nacelle HELIOS (2,06m X 1,43m X 1,44m ; 90 kg) : cette nacelle a été conçue pour intégrer facilement des instruments de taille moyenne, dans les murs ou le plancher de sa structure constituée de barres et de boule en acier. Capacité d’emport : jusqu’à 180 kg.
- Nacelle CARMENCITA (2,45m X 1,85m X 2,2m ; 190kg) : elle peut supporter jusqu’à 410 kg de charges utiles. Elle peut pivoter sur elle-même et dispose d’un système de pointage.
- Nacelle CARMEN (2,45m X 1,85m X 3 ; 210 kg) : adaptée aux grandes charges utiles, notamment celles nécessitant un pointage fin, elle permet d’installer à bord plus de 700 kg d’instruments.
Le saviez-vous ?
Jusqu’en 1997, les nacelles pointées étaient principalement conçues et développées par l’Observatoire de Genève. Mais en 1997, le CNES reprend à son compte cette activité et les technologies associées, les perfectionnant au fil des ans.
La chaîne de vol
La chaîne de vol comprend tous les éléments et équipements nécessaires au bon fonctionnement du ballon et à ses exigences mécaniques, de communication, de localisation. Elle comprend également les éléments nécessaires au suivi des règles de sauvegarde et de sécurité aérienne.
Un des éléments « phare » de la chaîne de vol est la nacelle de servitude opérationnelle (NSO). C’est son « cerveau », qui permet la maîtrise du ballon et son suivi. Elle contient les moyens de transmission des télémesures et des télécommandes entre l'aérostat et le sol, au cours du vol. Ainsi que les équipements qui fournissent l'énergie nécessaire à l’électronique, adaptés à la durée de la mission et aux conditions d'éclairement.
La NSO contient aussi, pour certains ballons, le bac à lest rempli de billes d'acier qui sont vidangées lorsqu'il faut redonner à l'aérostat un peu d'altitude.
La nacelle de servitude est développée et fournie par le CNES.
L’enveloppe
L’enveloppe contient le gaz (hélium ou hydrogène) qui permet au ballon de s’élever. Son diamètre et son volume sont très variables, et dépendent des besoins de la mission (durée, masse à transporter…). Mais l’objectif est commun à toutes : être à la fois résistantes et légères.
La plupart des enveloppes sont fabriquées à partir de polyéthylène, un matériau plastique translucide, épais de 15 à 25 microns (plus fin qu’un cheveu). Malgré cela, l’enveloppe conserve ses propriétés élastiques, même lorsque la température baisse pendant l’ascension du ballon (jusqu’à -90°C).
Une enveloppe est obtenue en assemblant, par soudage à chaud, des fuseaux (bandes) de polyéthylène par des rubans plus résistants, créant ainsi un maillage capable de supporter la charge.
Les plus grosses enveloppes fabriquées pour les ballons stratosphériques ouverts (non pressurisés) peuvent atteindre des dimensions considérables : si on les déployait à plat, leur surface serait équivalente à celle de 8 terrains de rugby ! Elles peuvent dépasser plus de 100 m de haut et contenir près d’un million de m3 de gaz, un volume qui pourrait largement contenir le Centre Pompidou de Paris.
Les enveloppes des ballons sondes, destinées à éclater en latitude, sont, elles, faites en latex.
De l’importance de l’enveloppe
Pour la fabrication des enveloppes, le CNES s’appuie sur l’expertise d’un équipementier unique en Europe, la société HEMERIA Airship. Cette entreprise (anciennement Zodiac puis CNIM Air Space) fabrique des ballons depuis 1971. Les dimensions parfois exceptionnelles des enveloppes nécessitent des lignes de production hors norme, installées dans une usine longue de près de 400 mètres.
Libres comme le vent… ou presque
Les ballons sont conçus pour dériver au gré des vents. Ils restent néanmoins « pilotés », téléguidables depuis le sol. Les opérateurs peuvent en effet les faire monter ou descendre pour les placer dans les courants d’air qui les intéressent et/ou les maintenir à leur altitude plafond.
Pour faire descendre un aérostat, ils évacuent de l’hélium par une petite ouverture au sommet de l’enveloppe, le clapet. Pour le faire monter, ils allègent la structure en lâchant du lest, de minuscules billes en acier d’1 mm de diamètre. L’utilisation de ces dispositifs est toutefois limitée lors d’un vol.
Aujourd’hui, le CNES, en partenariat avec la société Hemeria, développe un aérostat innovant dont on pourra faire varier l’altitude à volonté, le BalMan (Ballon Manœuvrant). Il pourra également rester au-dessus d’une même zone pendant plusieurs heures, à 20 km d’altitude environ.
Les familles de ballon
Les missions remplies par les ballons sont diverses, nécessitant des caractéristiques de vols différentes, qu’elles concernent l’altitude, la durée ou encore la capacité d’emport du véhicule. Aujourd’hui, aucun ballon n’est capable de répondre à toutes ces exigences. Le CNES développe et opère ainsi différents types d’aérostats, conçus pour fonctionner dans des conditions particulières et donc répondre à des besoins différents.
Le ballon stratosphérique ouvert (BSO)
Pour porter du très lourd, très haut, pendant quelques heures/jours.
Comme son nom l’indique, l’enveloppe du ballon stratosphérique ouvert comporte des ouvertures situées en bas du ballon qui permettent de conserver une pression identique à l’intérieur et à l’extérieur de l’enveloppe, qui ne subit donc aucune surpression. Avantage : le développement d’enveloppes de grande dimension et donc l’emport de charges utiles lourdes. L’enveloppe d’un BSO peut ainsi atteindre la taille d’un immeuble de 30 étages et soulever plusieurs tonnes d’équipements scientifiques et techniques, jusqu’à 40 km d’altitude. Lorsque le ballon atteint son plafond, l’enveloppe est complètement gonflée, prenant la forme d’une goutte d’eau inversée.
La contrepartie : l’hélium s’échappe peu à peu par l’ouverture, limitant la durée de vol d’un BSO à quelques jours.
Caractéristiques :
- Volume de l’enveloppe : de 3000 à 1 200 000 m3
- Altitude plafond : 40 km
- Masse emportée : plusieurs tonnes
- Durée de vol : de quelques heures à quelques jours
- Exemple de mission avec BSO : Strato-Science
Le ballon pressurisé stratosphérique (BPS)
Pour des vols de longue durée.
L’enveloppe du BPS est fermée et étanche, son volume reste donc constant une fois l’altitude de croisière atteinte, entre 20 km et 30 km. C’est ainsi qu’il peut rester au plafond jusqu’à 3 mois. L’enveloppe d’un BPS est constituée de plusieurs couches pour assurer la robustesse et l’étanchéité.
Caractéristiques :
- Volume de l’enveloppe : 900 m3
- Altitude plafond : 30 km
- Masse emportée : jusqu’à 60 kg
- Durée de vol : environ 3 mois maximum
- Exemple de mission avec BPS : Stratéole-2
Le ballon léger dilatable (BLD) ou ballon-sonde
Pour opérer facilement.
Ce petit ballon a une capacité d’emport limitée, 3 kg maximum. Mais il est plus simple et moins couteux à opérer. À peine gonflé d’hydrogène ou d’hélium, il s’élève rapidement et de manière constante. Au cours de son ascension, l’enveloppe de latex, très extensible, se gonfle jusqu’à atteindre environ 10-15 m de diamètre puis explose, à environ 30 km d’altitude.
Le BLD est notamment utilisés par les météorologues pour réaliser des sondages verticaux de l’atmosphère à l’aide d’instruments embarqués, et qui effectuent des mesures ou des prélèvements tout au long de l’ascension et/ou de la redescente sous parachute.
Les opérateurs de ballons les utilisent également pour connaître le profil de l’atmosphère juste avant le lâcher d’un BSO ou d’un ballon pressurisé.
Les BLD est, enfin, un outil prisé par les étudiants ou le public scolaire dans le cadre de projets éducatifs.
Caractéristiques :
- Volume de l’enveloppe : plus de 500 m3
- Altitude plafond : 30 km
- Masse utile emportée : jusqu’à 3 kg
- Durée de vol : 2 à 3 heures
Le saviez-vous ?
Qu’il s’agisse de BSO, de BPS ou de BLD, le CNES travaille à l’amélioration continue de ces véhicules, que ce soit pour augmenter la durée de vol ou la capacité de manœuvrabilité.