Innovations

Cela fait plus de 60 ans que le CNES conçoit, développe et opère des ballons stratosphériques, une activité portée par l’intérêt grandissant pour la stratosphère. Ce qu’on appelle aussi la « très haute altitude » devient une zone stratégique, que ce soit pour des usages civils ou militaires. Le CNES, associé à des entreprises privées comme HEMERIA ou A-NSE, explore de nouvelles technologies pour mettre au point et qualifier de nouveaux types d’aérostats.

 

BalMan, le ballon manœuvrant

Depuis quelques années, le CNES développe, en partenariat avec l’industriel HEMERIA, un ballon haut de 20 m, pouvant emporter pendant plusieurs mois une charge utile de 50 kg, et, surtout, un ballon manœuvrant, pilotable. Une petite révolution !

 

Une architecture innovante : une double enveloppe

Aujourd’hui, pour « diriger » un aérostat, véhicule sans moteur et sans organe de direction, les opérateurs jouent avec les différents courants d’air de l’atmosphère. Ils doivent donc pour cela pouvoir le faire monter et descendre pour l’engager dans tel ou tel courant. Les ballons stratosphériques classiques le permettent grâce au dégazage et au délestage du ballon. Mais ces opérations sont limitées pour chaque vol.

Avec le BalMan, plus de limite : les opérateurs pourront le faire monter et descendre à volonté, entre 16 et 22 km d’altitude. Et donc le diriger de manière très fine en jouant avec les bonnes veines de vent, voire le faire rester au-dessus d’une même zone pendant plusieurs heures. Comment ? Grâce à un système innovant de double enveloppe : la première, interne, gonflée classiquement à l’hélium, permet l’ascension et le vol au plafond du ballon. La seconde, enveloppant la première, est, elle, gonflée avec l’air ambiant. Gonflée et dégonflée à volonté grâce à un système de compresseur. L’air joue donc ici le rôle de lest : il est aspiré et intégré dans la seconde enveloppe pour augmenter la masse du système et faire descendre le ballon ; il est évacué pour le faire remonter.

Après plusieurs vols de qualification en 2025 et 2026, le BalMan devrait être opérationnel début 2027.

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Des applications multiples

L’atout majeur du BalMan est sa persistance, sa capacité à rester au-dessus d’une même zone à environ 20 km d’altitude, et qui laisse imaginer de très nombreuses applications.

  • Pour l’observation scientifique de la Terre. Par exemple, pour étudier les émissions d’un volcan en éruption, le BalMan permettant de s’attarder autour, voire dans le panache. Ou pour contourner des pays qui auraient interdit leur survol lors d’une mission scientifique.
  • Pour la sécurité : surveillance des frontières, des zones maritimes... Surveillance également des feux de forêt.
  • Pour les télécommunications. Par exemple pour servir de relais en cas de crise ou de catastrophe.
  • Pour l’imagerie depuis la stratosphère…

L’info en plus

Le projet BalMan est inspiré du programme de ballon LOON initié par Google.

La vraie rupture pour les ballons est leur manœuvrabilité. Et j’entends par là - et c’est un peu contradictoire - leur persistance, leur capacité à pouvoir rester au-dessus d’une même zone.

Caroline LAURENT

  • Directrice des Systèmes orbitaux et des applications au CNES
Essai ballon Balman
Le premier lâcher du BalMan à Aire-sur l’Adour a permis de valider la méthodologie de lâcher mise au point par les équipes du CNES © CNES/OLLIER Alexandre, 2024

Transat 2024, vol transatlantique hors-norme

En 2024, un ballon stratosphérique ouvert (BSO) baptisé Transat a parcouru plus de 4000 km pendant près de 90 heures, reliant la Suède (Kiruna) au nord du Canada (île de Baffin).Un ballon aux mensurations exceptionnelles : une enveloppe de 800 000 met une charge utile de 900 kg. Ce vol transatlantique inédit, opéré par le CNES en coopération avec l’agence spatiale canadienne, a permis de démontrer la capacité des équipes françaises à mettre en œuvre un ballon stratosphérique, sur un temps long, à 40 km d’altitude.

 

Des équipements customisés

  • Pour communiquer avec le BSO au-dessus de l’océan ou dans les régions les plus éloignées des stations de suivi, le CNES a déployé une station déportée sur la côte ouest du Groenland (Kangerlussuag). Elle a pris le relais quand celle de Kiruna était trop éloignée. De plus, les moyens de communication avaient été doublés : une liaison satellite Inmarsat en redondance du lien satellite habituel (Iridium). Et une seconde liaison radar en bande S (moyen de transmission plus rapide pour récupérer les données).
  • Le système MEDOR, déjà qualifié, a aussi prouvé son efficacité sur un vol longue durée. Ce système permet d’alimenter les nacelles avec l’énergie produite par des panneaux solaires, qui se déploient selon les besoins sous la nacelle, à la manière de store vénitiens. À son arrivée au Canada, les batteries de Transat étaient aussi pleines qu’au départ !
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Le saviez-vous ?

L’enveloppe du BSO Transat aurait pu contenir la cathédrale Notre-Dame de Paris aurait pu y tenir).

Des ambitions scientifiques

La communauté scientifique est en demande d’outils, tel Transat, leur permettant de faire des mesures sur des périodes relativement longues et à des altitudes aussi élevées (40 km environ). Un vol plus long permet en effet d’augmenter le nombre de mesures et donc de fiabiliser les statistiques scientifiques, ainsi que mener des recherches à plus grande échelle.

Récupération de la nacelle Transat
La nacelle du BSO Transat a atterri sur l’Ile de Baffin au Canada, après 3 jours et 17 heures de vol depuis la Suède. Nacelle et chaîne de vol ont été récupérées par une équipe franco-canadienne © CNES/BRAY Nicolas, 2024

R&T, d’un bout à l’autre de la chaîne

Optimisation des systèmes de pointage, nouveau design ou enveloppe customisée … Les ingénieurs du CNES étudient sans cesse de nouveaux équipements ou dispositifs pour améliorer la performance des ballons stratosphériques. Quelques pistes :

 

Physalia, dans l’œil du cyclone

Il s’agit d’une nouvelle génération d’aéroclippers, ces aérostats destinés à survoler les océans et équipés d’un guiderope, un cordage qui flotte à la surface pour stabiliser l’engin à la bonne altitude. Physalia sera lâché près de zones où se forment les cyclones pour être aspiré par les vents et atteindre l’œil du tourbillon. Les modèles précédents étaient trop lourds et trop fuselés pour permettre une bonne prise au vent. La nouveauté de Physalia : sa voile tendue sous le ballon pour une meilleure prise au vent. Le dispositif associe ainsi la portance aérostatique grâce à l’hélium qui porte le ballon, et la portance aérodynamique due à l’écoulement de l’air sur la voile.

Autre innovation : un élastique tendu à l’intérieur du ballon et qui rapproche les deux pôles, lui donnant une forme cylindrique, quelles que soient les variations de son volume. (Entre l’extérieur d’un cyclone et son œil, la pression atmosphérique peut en effet baisser de plus de 10 %, ce qui peut entraîner une variation du volume de l’enveloppe de 10%.) L’élastique permet de conserver son intégrité structurelle.

De plus, la nacelle et sa charge utile ont été miniaturisées (volume d’une orange). Simple de construction et donc peu coûteux, Physalia est destiné à être lâché en essaim, pour multiplier les chances d’atteindre l’œil du cyclone et y mesurer la température, l’humidité, la pression ou encore la température de surface de l’océan.

 

Contact

Responsable du développement
Jean-Baptiste BEHAR
Courriel : Jean-baptiste.behar at cnes.fr

Physalia associe les principes du ballon et du cerf-volant pour être « accroché » plus vite par le vent et rejoindre l’œil du cyclone.

Jean-Baptiste BEHAR

  • En charge du développement de Physalia au CNES
Ballon Physalia
Physalia est conçu pour être le plus simple, le plus inoffensif et le moins coûteux possible © CNES, Thierry de Prada, 2021

Stratofleet, optimiser les vols longue durée

Dans la continuité des campagnes Stratéole-2, le CNES, sollicité par les scientifiques, réfléchit à augmenter la durée de vol des ballons destinés à survoler l’équateur, jusqu’à 6 mois. C’est le programme Stratofleet, démarrée en juin 2025.

Le principe : augmenter les capacités de manœuvrabilité des ballons stratosphériques pour pouvoir corriger leur trajectoire au fil des mois. Plusieurs pistes sont à l’étude : une hélice motorisée installée sur la nacelle (à l’image d’un dirigeable) ou une double enveloppe comme le BalMan.

Cette flottille (fleet en anglais) aurait d’autres avantages : rester dans ou près de zones d’intérêts scientifiques comme les orages, éviter le survol de tel ou tel pays qui auraient interdit l’accès à leur espace aérien, pouvoir utiliser la base brésilienne de lâcher du CNES, actuellement trop éloignée de l’équateur pour les lâcher des BPS « classiques » ou encore faire atterrir ces futurs ballons dans un endroit choisi, sur Terre, où ils pourraient être récupérés par des équipes locales…

 

Contact 

STRATEOLE 2  
Stéphanie VENEL 
Courriel : stephanie.venel at cnes.fr

 

DICOS, un pointage encore plus fin

Ce système de contrôle d’attitude des nacelles scientifiques, en cours de développement, utilise le principe de l’optique adaptative pour contrer les turbulences de l’atmosphère et optimiser le pointage de précision. Il permettra de viser un point avec une précision de moins d’une seconde d’arc. En clair, c’est comme si l’instrument pouvait rester pointer toute une nuit, depuis Toulouse, sur une pièce de 2 euros qui serait sur la Tour Eiffel !

Ce nouveau service doit être disponible à l’horizon 2028/2029.

 

Les ballons légers, une filière dans le vent

Portés par une demande croissante pour des ballons peu coûteux et faciles à mettre en œuvre, les ingénieurs du CNES conçoivent depuis plusieurs années de nouveaux systèmes pour améliorer les capacités des ballons légers (dont la masse embarquée ne doit pas dépasser 4 kg).

  • BLD plafonnant

Ce BLD est capable de voler pendant plusieurs heures à la même altitude. Il se compose en fait de deux ballons, l’un qui permet l’ascension de la charge utile, et qui est séparé du reste du système une fois l’altitude voulue atteinte ; et l’autre, auquel est attaché la nacelle, qui a été gonflé avec la quantité de gaz nécessaire pour se maintenir à cette altitude.

Frédéric THOUMIEUX

Ce ballon a une autonomie de quelques heures, assurée par des batteries rechargeables. Il est équipé de moyens de localisation (dont localisation par satellite via la constellation Iridium) et de séparation, miniaturisés.

  • Nano-BSO

Avec un diamètre de 10 m environ, ces ballons fonctionnent comme des ballons stratosphériques ouverts mais dans la catégorie des ballons légers. Donc plus facilement opérables (depuis Aire-sur l’Adour par exemple) et moins coûteux. Ils sont en cours de développement avec l’industriel HEMERIA qui conçoit les « nano-enveloppes ».

  • Planeur stratosphérique sous ballon

Une nacelle planante, voilà le principe de ce dispositif développé par les équipes du CNES. La charge utile est embarquée dans un planeur en polystyrène d’environ 1 m d’envergure et équipé d’un calculateur de bord. Objectif : récupérer les instruments à un endroit déterminé, avec une précision plus grande que lors d’une descente sous parachute.

Ce planeur a été qualifié en 2024. Il a été développé avec l’entreprise Cetim Aviation.

 

Contact

Scientifique - Ballons scientifiques
Frédéric THOUMIEUX
Courriel : Frederic.Thoumieux at cnes.fr