Des astronautes « privés » prêts à embarquer pour l’ISS © SpaceX

Newspace : les nouveaux acteurs du spatial

Jusqu’au début des années 2000, l’espace était l’affaire des Etats, des pays. Mais depuis, des acteurs privés, entreprises multinationales ou startups, investissent le secteur. C’est ce qu’on appelle le Newspace. Le développement de fusées n’est plus l’apanage des Etats et de leurs agences spatiales. Le secteur, devenu très concurrentiel, voit s’affronter de nouveaux acteurs de toutes tailles.

Des initiatives privées

Fini le temps où l’accès à l’espace était réservé aux grands pays comme les Etats-Unis, l’URSS/Russie, puis l’Europe ou la Chine. Depuis les années 2000, des entreprises privées, SpaceX en tête, fabriquent elles aussi leurs fusées. Leur objectif est de faire baisser le prix des lancements pour être compétitives sur le marché des tirs de satellites. On compte aujourd’hui dans le monde plus d’une centaines d’entreprises dites « du Newspace », spécialisées dans le développement de fusées. Les plus connues : SpaceX, fondée par Elon Musk (aussi patron de Tesla) ou Blue Origin de Jeff Bezos (également patron d’Amazon).

Les pionniers, des cow-boys de l’espace

2000, Jeff Bezos fonde Blue Origin. 2002, Elon Musk fonde SpaceX. Les 2 milliardaires veulent libéraliser l’accès à l’espace ; c’est le début du Newspace qui prend racine aux Etats-Unis. En 2004, le britannique Richard Branson leur emboite le pas en fondant, aux Etats-Unis, l’entreprise aérospatiale Virgin Galatic. Ces sociétés sont soutenues par le gouvernement américain, par l’intermédiaire de la NASA qui fait appel à eux. Pour desservir la Station spatiale internationale (ISS) par exemple.

La guerre des mini-fusées

Pour réduire le prix de la mise en orbite de satellites, les acteurs du Newspace misent sur des fusées moins chères à construire et à lancer. L’une des stratégies est de fabriquer des fusées réutilisables, au moins en partie. L’autre est de développer des fusées plus petites et plus légères mais qui peuvent atteindre l’orbite basse de la Terre (moins de 1 000 km d’altitude), là où se trouve l’essentiel des satellites. Et l’on assiste à une vraie compétition sur ce marché des petits (et très petits) lanceurs, aux Etats-Unis bien sûr, mais aussi en Chine, en Inde, en Australie, en Allemagne, en Espagne... En France, plusieurs startups travaillent sur des mini-lanceurs comme Latitude, HyprSpace, Sirius, Opus ou encore MaiaSpace. Cette société fondée en 2022 ambitionne de réaliser le premier vol de sa fusée fin 2025. 

Illustration du lanceur Latitude en orbite
Illustration du lanceur Latitude en orbite © Latitude

Le Newspace dans tous les domaines

Le Newspace ne s’arrête pas aux fusées mais concerne tous les secteurs d’activité : fabrication de satellites, objets connectés, utilisation des données spatiales, tourisme…  Même l’exploration de la Lune intéresse les acteurs privés. Ce mouvement a créé une nouvelle économie qui profite des innovations et des avancées technologiques, dans les domaine du numérique de la miniaturisation ou de la robotique. 

 

  • Satellites miniatures

C’est l’innovation low cost dans le domaine des satellites : leur miniaturisation, grâce à des composants plus légers et moins volumineux, comme les cartes électroniques. La société Anywaves par exemple fabrique des antennes d’à peine 1 cm d’épaisseur et 10 cm de long ! Ces satellites sont même classés selon leur petitesse : du picosatellite (moins de 1 kg) au minisatellite (inférieur à 500 Kg) en passant par le nanosatellite (moins de 10 kg). Ils sont ainsi bien moins chers à lancer (on considère que placer 1 kg en orbite basse coûte en moyenne 10 000€), et peuvent néanmoins servir pour la météorologie ou pour communiquer avec des objets connectés au sol.

Présentation du nanosatellite NESS au CST
Le nanosatellite NESS du CNES équipé d'une antenne extraplate de la société Anywaves © CNES/DE PRADA Thierry, 2022
  • IoT spatial

IoT : de l’anglais Internet of Things, l’Internet des choses. Il s’agit concrètement des milliards d’objets, sur Terre, qui doivent - et devront- se connecter à un réseau Internet pour fonctionner (voiture, brosse à dent, enceinte...). Ils utilisent pour cela des constellations de petits satellites en orbite basse, fournissant un service de télécommunication. C’est pourquoi il se créé de plus en plus d’entreprises qui développent ces satellites et/ou les services pour y avoir accès, ou qui imaginent des applications utilisant la connectivité spatiale.

La constellation de nanosatellites dédiée à l'IoT de Kinéis
La société Kineis utilise une constellation de nanosatellites pour offrir une connectivité dédiée à l’IoT © Kinéis
  • Tourisme spatial

Les entreprises de tourisme spatial, plus marginales en terme de marché, restent pourtant un symbole du Newspace. Les plus emblématiques : SpaceX, Virgin Galactic et Blue Origin dont la fusée New Shepard a déjà envoyé plus d’une trentaine de touristes à plus de 100 km d’altitude pendant quelques minutes. Les stations en orbite autour de la Terre sont elles-mêmes aujourd’hui utilisées pour des missions privées. Des hôtels spatiaux pour milliardaires en quelque sorte ! La société américaine Axiom Space organise ainsi des séjours dans la Station spatiale internationale. 

Dans ce cadre, ces missions privées permettent de financer en partie le fonctionnement de la station. Mais le tourisme spatial a un coût écologique, sans plue-value scientifique, et ne profite qu’à quelques très riches personnes (pour 1h30 à bord du vaisseau de Virgin Galactic, compter 450 000$).

Le touriste Clint Kelly en orbite spatiale
Le touriste Clint Kelly, participant au projet New Shepard de Blue Origin © Blue Origin

L’espace proche, le nouveau Far West ?

La très grande facilité d’accès à l’orbite basse de la Terre (entre 400 et 1 000 km environ) pose beaucoup de questions, notamment car il y a peu de lois règlementant les activités qui s’y développent. Le trafic des satellites, par exemple, n’est pas régulé. Ainsi, la constellation Starlink de SpaceX, constituée - à terme - de 12 000 petits satellites placés très bas dans l’espace, crée une pollution lumineuse pour les astronomes et multiplie les risques de collisions avec d’autres satellites.

Le Newspace français

En France aussi, l’espace se libéralise. En 2023, près de 150 entreprises privées travaillaient dans le Newspace. Cela représente plus de 2 000 emplois, dont plus de 300 dans des entreprises qui ambitionnent de construire des micro-lanceurs. Ce mouvement participe à l’économie du pays. C’est pourquoi il est soutenu par le gouvernement et les acteurs institutionnels qui financent certains projets, achètent des services ou mettent à disposition des innovations technologiques. Au CNES, nous avons créé par exemple « Connect by CNES », qui encourage les entreprises et les organismes publics à utiliser les données et les technologies spatiales pour créer de nouveaux services, de nouveaux usages.

C’est dans ce cadre qu’est né l’incubateur TechTheMoon, pour aider les entrepreneurs qui imaginent des activités autour de l’exploration de la Lune : construction de véhicule spatiaux, production de plantes dans l’espace ou formation d’astronautes. 

 

Chiffres-clé

  • 150 entreprises du Newspace en France
  • 400 brevets et logiciels liés à l’espace et mis à disposition par le CNES pour imaginer d’autres utilisations
Fusée Maïa, un petit lanceur réutilisable
Le premier étage de fusée réutilisable Themis et le moteur bas coût Prometheus développés par le CNES et ArianeGroup vont être réunis pour créer Maïa, un petit lanceur réutilisable © ArianeGroup

Quizz

Le Centre spatial Guyanais, d’où décollent toutes les fusées européennes, a redonné vie à un ancien pas de tir pour qu’il puisse accueillir des petits lanceurs. De quel ancien pas de tir historique s’agit-il ?

A – Celui d’Ariane 5

B – Celui du Falcon 9

C – Celui de Soyouz

D – Celui de Diamant

D : Les fusées françaises Diamant ont été tirées depuis la base de Kourou entre 1970 et 1975. L’ensemble de lancement Diamant (ELD), abandonné pendant 45 ans, a été réhabilité afin de pouvoir y lancer des micro lanceurs commerciaux. Il s’appelle aujourd’hui Ensemble de lancement Multilanceurs (ELM) .