Projet de base lunaire de l'ESA.
Projet de base lunaire de l'ESA © RegoLight, visualisation: Liquifer Systems Group, 2018.

Bientôt des bases humaines sur la Lune et sur Mars ?

Plus de 50 ans après les premiers pas sur la Lune, les humains veulent y retourner pour, cette fois, des séjours longue durée. Américains et Européens, mais aussi Chinois, Russes et Indiens ambitionnent d’installer des bases d’exploration sur son sol et en orbite lunaire. Avec comme objectif suivant le voyage habité vers la planète Mars.   

Projet 2022 d'installation de l'ESA sur la Lune.
Projet 2022 d'installation de l'ESA sur la Lune © ESA–ATG

Reposer le pied sur la Lune

Pas si facile de se rendre sur la Lune. Les vols habités Artemis II et Artemis III qui devaient mettre un équipage en orbite lunaire en 2023, puis déposer deux astronautes, une femme et un homme, au pôle Sud de la Lune en 2024 ont été décalés. 

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C'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?

Comme disait ma grand-mère : « Avant de connaître le monde, il faut apprendre à connaître son jardin et ses voisins. »
Eh oui, la Lune, c'est notre voisine, l'astre le plus proche de nous.

Aujourd'hui, l'humain explore les confins de notre Système solaire avec des machines, des satellites et des sondes spatiales... Alors s'il veut sortir enfin de son berceau, il lui faut un avant-poste, et dans ce rôle, la Lune est parfaite.

Alors, c'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?

Salut les impatients ! Aujourd'hui, on va parler de la Lune et des projets de base lunaire. Eh oui, pour explorer le Système solaire, il faut retourner sur la Lune !

Pourquoi ? Déjà, il faut comprendre qu'un objet pèse six fois moins lourd sur la Lune que sur Terre. C'est donc un gros avantage pour y faire décoller un engin spatial.

La Lune est proche : trois jours suffisent pour l'atteindre. C'est un site idéal pour les missions spatiales. Et puis, c'est aussi un point de départ parfait pour la destination suivante : la planète Mars.

Ensuite, pour que l'homme survive, il lui faut de l'eau. Mais il vaut mieux la trouver sur place, car c'est très lourd à emporter. Ça tombe bien, la Lune en a d'importantes quantités sous forme de glace.

« Salut Sylvain. Effectivement, il y a bel et bien de l'eau sur la Lune, mais pas de jolies flaques d'eau liquide libre qu'on pourrait boire rien qu'en se baissant, si on avait une petite soif. C'est la Lune quand même, on ne joue pas en mode facile. Cette eau est majoritairement présente au niveau des pôles. Comme tu le disais, on la trouve sous forme de glace au fond des cratères, à l'ombre et donc à l'abri de l'évaporation.

Et ce n'est pas tout ! Ailleurs, sur notre satellite préféré, on trouve aussi des molécules d'eau et des groupes hydroxyles — deux tiers de la molécule d'eau donc — absorbés à même le sol lunaire, notamment sous forme de minéraux hydratés.

Il n'y a pas énormément d'eau là-dedans non plus : ces molécules constituent au mieux 0,1 % de la masse de nos cailloux lunaires. Mais c'est déjà pas mal et plutôt utile si on veut y camper sans forcément apporter nos bonbonnes dans la fusée.

Quant à l'origine de cette eau, on pense qu'elle serait arrivée par ensemencement cosmique, éternuée par des comètes et météorites qui se seraient écrasées sur la Lune depuis sa naissance, il y a quelques 4,5 milliards d'années, avant Serena Williams. »

Merci Valentine d'être passée nous voir !

« Avec plaisir, merci pour l'invitation. »

Et oui, cette eau pourrait être utilisée sur la Lune pour produire de l'oxygène, de l'eau potable, et même du carburant.

Enfin, la Lune pourrait être un laboratoire géant. Une base sur la Lune permettrait non seulement de mieux comprendre la formation du Système solaire et l'évolution de notre planète, mais aussi de tester des technologies nouvelles et des systèmes vitaux pour la survie dans l'espace.

Mais tout cela nécessite une grande collaboration entre les nations et une vraie volonté. Même si cela a déjà été fait par les Américains dans les années 60-70, partir sur la Lune n'est pas une mince affaire. Les technologies ne sont plus les mêmes aujourd'hui : il faut tout repenser.

Sur place, il y a également les rayonnements ultra nocifs pour le corps humain, qui nécessitent la construction d'habitats protecteurs pour les astronautes. Il faut aussi une station spatiale en orbite, des serres, et résoudre tout un tas de problèmes logistiques.

Pour nous aider à y voir plus clair, retrouvons notre expert en exploration et vol habité au CNES, Jean Blouvac.

Salut Jean, pourquoi est-ce qu'il est nécessaire de faire une base permanente sur la Lune aujourd'hui ?

« Bonjour Sylvain. Il est important d'installer une base permanente sur la Lune pour s'entraîner à des voyages plus lointains, notamment en vue de la destination de Mars, qui est peut-être un des objectifs nouveaux de l'exploration dans les années à venir.

Mais également, la Lune suscite un regain d'intérêt scientifique, notamment pour l'étude du système Terre-Lune et celle du Système solaire.

Sur la Lune, il y a potentiellement des ressources, comme l'eau, mais aussi des composants plus pratiques comme le régolithe, qui pourrait permettre de construire des habitations et de protéger les astronautes de l'environnement lunaire très difficile. On pourrait aussi y trouver des terres rares.

Mais c'est surtout l'eau qui est intéressante, principalement située au niveau des pôles. Nous n'avons pas encore une connaissance très détaillée de la façon dont elle se répartit. »

Quelles sont les étapes pour construire une base sur la Lune, Jean ?

« Pour construire une base sur la Lune, il va d'abord falloir y retourner. Jusqu'à maintenant, les Américains n'y sont allés qu'à six occasions et sont restés au maximum trois jours sur la surface lunaire. Aujourd'hui, on veut y retourner de façon durable.

Il va falloir progressivement apprendre à voyager. Pour cela, il faut construire une nouvelle fusée, un nouveau vaisseau — ce qui a déjà commencé. Ensuite, il faut être capable de transporter des matériaux, voire utiliser les ressources sur place pour construire des bases complètes avec des habitats, des laboratoires et des moyens de transport. »

Alors Jean, c'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?

« Cette fameuse base lunaire est envisagée dans le cadre de deux programmes, notamment le programme américain Artemis, auquel l'Europe est associée avec ses partenaires canadiens et japonais.

Ce programme sera progressif : il commencera par une petite station lunaire, puis un atterrissage à la surface de la Lune, et enfin la construction d'une base complète pour protéger les astronautes.

Le programme chinois ressemble fortement au programme américain, et d'autres pays, notamment l'Inde, envisagent également une présence permanente sur la Lune.

Quand cela verra-t-il le jour ? Probablement, compte tenu des difficultés techniques, à l'horizon de 2035. C'est déjà une date optimiste pour une présence humaine durable sur la Lune. »

Merci Jean, tu nous donneras des nouvelles de ce retour sur la Lune !

« Volontiers, Sylvain ! Nous allons suivre ça, car cette période est formidable en termes de développements spatiaux. »

Retourner sur la Lune reste un défi colossal. Pour s'y installer durablement, il y a encore tout un tas de choses à prévoir. Au CNES, on travaille depuis quelques années déjà sur l'habitat lunaire à travers un projet qui s'appelle SpaceShip. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Nous ferons partie de l'aventure Artemis à travers les contributions de l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne. Il y aura peut-être un ou une astronaute française à la surface de la Lune dans les années qui viennent.

L'étape suivante sera Mars, mais ça, c'est une autre histoire !

Si cet épisode vous a plu, likez, partagez et laissez-nous vos idées de sujets en commentaires. À bientôt les impatients !

Car il s’agit de programmes extrêmement complexes et délicats à mettre en œuvre. La Lune se situe tout de même à 384 400 km de la Terre en moyenne. Une distance un peu plus longue que les 400 km qui nous séparent de la Station spatiale internationale (ISS), désormais régulièrement desservie par des véhicules spatiaux éprouvés. Rejoindre la Lune, y atterrir et en repartir en sécurité impliquent la mise en œuvre de nouveaux systèmes spatiaux utilisant des avancées technologiques.  En particulier pour le programme Artemis :

  • Le très puissant lanceur de la Nasa SLS (Space Launch System)
  • Le vaisseau habitable Orion dont le module de service est fourni par l’Agence spatiale européenne (ESA)
  • La fusée Starship de Space X dans sa version avec module de descente lunaire HLS (Human Landing System)
  • De nouvelles combinaisons spatiales adaptées à l’environnement lunaire.

EN 2022, la première phase Artemis I a été menée à bien : une fusée SLS a mis en orbite un vaisseau Orion qui a réalisé un tour de Lune avant de revenir sur Terre. La trajectoire a été bouclée en 25 jours.

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Gateway : une station spatiale avec vue sur la Lune

Le programme ARTEMIS comprend également le développement d’une petite station cislunaire (dont l’orbite passe à proximité de la Lune) appelée Gateway. Sa construction commencera à partir du milieu de la décennie et elle comprendra 2 modules principaux fournis par l’Europe. Le module logistique ESPRIT et le module d’habitation et d’expériences I-HAB.

La station lunaire Gateway sera également un poste d’observation avancé pour étudier l’espace lointain, à l’abri des pollutions lumineuses ou radio émanant de la Terre.
La station lunaire Gateway sera également un poste d’observation avancé pour étudier l’espace lointain, à l’abri des pollutions lumineuses ou radio émanant de la Terre © ESA

3 vols d’astronautes européens à partir de 2025

À bord de Gateway, les astronautes piloteront par exemple des robots déposés sur le sol lunaire. Ces engins poursuivront l’exploration de la Lune et en extrairont les ressources utiles à la construction et au fonctionnement d’une base lunaire. Mais l’intérêt principal de cette petite station, au-delà de servir de relais pour les missions lunaires, sera de pouvoir étudier et préparer les conditions de vie des astronautes en espace profond, hors du champ de protection magnétique de la Terre.

Missions habitées vers Mars

En visant la Lune, on vise en réalité… Mars. Les expériences de physiologie à bord du Gateway et la construction d’une base sur le sol lunaire serviront à valider les technologies indispensables pour aller vers Mars. Car rejoindre la planète rouge présente des défis encore plus démesurés. Tout d’abord, s’assurer que les astronautes résisteront physiquement et psychologiquement au voyage de 3 ans, puis leur garantir un environnement viable. Sur Mars en effet, les températures sont plus froides que sur Terre, l’atmosphère est extrêmement ténue et essentiellement composée de gaz carbonique (CO2), et la surface est régulièrement balayée de violentes tempêtes de sable. Et si la présence d’eau sur Mars est désormais avérée, elle ne coule pas du robinet ! Elle devra être extraite des glaces souterraines ou des sulfates (des sels minéraux). Il faudra ainsi être capable de produire de façon autonome de l’eau, mais aussi de l’oxygène, de l’énergie, de la nourriture…  

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Spaceship : un espace d’innovations pour les bases spatiales 

Les défis technologiques et humains pour séjourner sur la Lune sont nombreux ! Aussi, les agences spatiales s’allient à différents acteurs pour mettre au point les futures solutions spatiales. Laboratoires scientifiques, universités, industries, startups… sont mobilisés. Des grandes entreprises comme Michelin aident à la conception des pneus des rover martiens, des startups imaginent des équipements de vie comme Interstallar Lab, développeur de biodômes, des serres pour cultiver des plantes dans n’importe quel environnement ou Spartan Space qui conçoit des habitats lunaires. D’autres mettent au point des véhicules spatiaux, telle The Exploration Company qui prépare un vaisseau cargo. 

Le Spaceship français fais partie d’un réseau de Spaceships européens coordonné par l’ESA.
Le Spaceship français fais partie d’un réseau de Spaceships européens coordonné par l’ESA © CNES/OTCE

Chez nous, en France, au CNES de Toulouse, un complexe consacré à l’exploration de l’espace se prépare ainsi à accueillir ces partenaires : le Spaceship, un tiers lieu composé de différents modules dédiés à la santé, à l’utilisation des ressources, au recyclage, à la gestion et la production de l’eau et de l’énergie ainsi qu’un espace de travail et un atelier de fabrication.

Avec Spaceship nous identifions les technologies françaises qui peuvent participer au projet lunaire. S’associer à des acteurs parfois non issus du spatial aide à innover et trouver des solutions à la fois bénéfiques pour le spatial et à Terre.

Sébastien Barde

  • Sous-directeur Exploration et Vols Habités au CNES
Sébastien Barde, sous-directeur Exploration et Vols Habités au CNES.

Quizz

L’un des défis lunaires consiste à utiliser la poussière de roche qui recouvre la surface comme matériau de construction. Comment se nomme cette poussière de Lune ?

A - La lunite

B - Le régolithe

C - L’appollonite

D - La réglisse

B : Le régolithe est une poussière de roche très fine, comme du talc, faite de fragments de roches pulvérisés par les bombardements des météorites et accumulés depuis plus de 4 milliards d’années. Elle pourrait être utilisée pour construire les futures bases lunaires à l’aide de robot-pelleteuses autonomes par exemple, ou comme matériau de base d’impression 3D.