Hera en détails
Contexte
La Terre est continuellement bombardée par de nombreuses météorites, débris spatiaux et petits astéroïdes. Chaque année, près de 10 000 tonnes de matériaux tombent sur Terre, essentiellement sous forme de poussière.
Les astéroïdes qui croisent ou s’approchent de la trajectoire de la Terre sont appelés géocroiseurs. Leurs tailles vont de quelques mètres à quelques dizaines de kilomètres. Si la Terre venait à croiser un astéroïde dépassant 1 000 mètres de diamètre, les conséquences seraient catastrophiques. Ce sont notamment les poussières générées et diffusées dans l’atmosphère qui auraient la plus grave incidence.
Heureusement, 90% de ces géocroiseurs sont identifiés et aucun ne représente une menace pour le siècle à venir. Par ailleurs, leur fréquence d’impact est estimée à un tous les 500 000 ans en moyenne. Lorsque leur diamètre dépasse les 140 mètres, les géocroiseurs pourraient provoquer des dégâts à l’échelle régionale, autrement dit, ils atteindraient des zones habitées quelle que soit la région dans laquelle ils s’écrasent. Nous ne connaissons actuellement que 40% des géocroiseurs de ce gabarit, dont le nombre est estimé à environ 20 000, mais leur fréquence d’impact serait d’environ un tous les 10 000 ans.
Notre compréhension des processus en jeu lors des collisions entre un corps et un astéroïde repose sur des expériences d’impact réalisées en laboratoire avec des cibles de taille centimétrique.
Grâce aux données collectées par Hera, les équipes scientifiques vérifieront que les modèles numériques établis à partir d’expériences en laboratoire demeurent robustes à une échelle réellement pertinente, celle d’un astéroïde dans l’espace. En effet, les quelques missions qui ont précédé DART ayant pour destination un astéroïde ont montré à quel point des hypothèses échafaudées à partir de mesures terrestres peuvent se révéler fausses dans les conditions spatiales, en particulier dans l’environnement de très faible gravité d’un petit astéroïde.
Par exemple, en lançant à 2 km/s un objet en cuivre de 2kg sur l’astéroïde Ryugu le 5 avril 2019, la sonde japonaise Hayabusa 2 a généré un cratère beaucoup plus grand que ne le prédisaient les calculs scientifiques. L’objectif de ce bombardement était de prélever des échantillons des couches profondes mises à nu lors de l’impact artificiel. Toutefois, l’observation parallèle du cratère a mis en exergue notre méconnaissance des paramètres impliqués. On suppose désormais que cette erreur serait liée à la gravité de Ryugu qui, bien que très faible, influencerait davantage les caractéristiques du cratère que sa résistance mécanique.
Pour déterminer la fiabilité d’une méthode de défense par impact cinétique, il faut en connaître les effets. C’est donc ce que propose Hera en explorant avec précision le couple Didymos-Dimorphos et les effets consécutifs à l’impact de la mission américaine DART.
Hera va illustrer brillamment le leadership de l’Europe dans la défense planétaire et l’exploration scientifique des petits corps, des thèmes fascinants dans la lignée de la mission Rosetta.
- Responsable scientifique de la mission Hera
Les astéroïdes sont d’excellents traceurs de l’histoire de notre Système solaire car ils conservent la composition des roches dont sont issues les planètes. En revanche, leur structure évolue constamment du fait des nombreuses collisions qui ont donc un rôle clé dans le Système solaire.
- Responsable scientifique de la mission Hera
Objectifs
-
Mesurer la masse de Dimorphos
-
Observer le cratère d’impact de DART
-
Mesurer les effets de l’impact de DART
-
Mesurer les propriétés surfaciques et internes de Dimorphos
En ciblant un couple d’astéroïdes composé d’un corps principal, Didymos (730m de diamètre) et sa lune, Dimorphos (150m de diamètre), Hera va caractériser pour la première fois un système binaire. Ce type d’astéroïde représente 15% des géocroiseurs. Leur étude constitue un intérêt pour la défense planétaire mais aussi pour la science car ils demeurent à ce jour inexplorés.
Ce couple d’astéroïdes a été choisi pour plusieurs raisons : tout d’abord, Dimorphos tourne très lentement autour de son corps principal (en moyenne 18,5cm/s), ce qui peut conduire à une déviation marquée de sa trajectoire autour de celui-ci en cas de collision. C’est bien ce qui s’est produit lorsque DART, un impacteur de 580kg l’a percuté à la vitesse de 6km/s. Par ailleurs, la trajectoire de Didymos permettait de choisir d’impacter son satellite à un moment où le couple d’astéroïdes passe assez près de la Terre pour que les observatoires terrestres puissent mesurer le changement consécutif à la collision.
Le couple Didymos-Dimorphos est un géocroiseur (NEA, Near-Earth Asteroid) de type spectral S (S pour silicaté), découvert en 1996.

Avant le crash de DART, Dimorphos avait une période de 11h55min autour de Didymos qui a été réduite à 11h22min par l’impact.
L’objectif d’Hera est de déployer ses instruments à proximité de Didymos afin de :
- mesurer la masse de Dimorphos pour déterminer la quantité de mouvement transférée lors de l’impact de DART (objectif de défense)
- observer le cratère d’impact ou la déformation globale de Dimorphos pour déterminer les mécanismes en jeu et les conditions susceptibles de produire un transfert de quantité de mouvement efficace (objectif de défense et scientifique)
- mesurer les propriétés de surface et la structure interne de Dimorphos (objectif de défense et scientifique)
- identifier tous les processus et paramètres impliqués dont on ne soupçonne pas l’importance (objectif de défense et scientifique)
- démontrer notre capacité à faire naviguer de façon autonome un satellite sous faible gravité et tester une liaison inter-satellite entre une sonde et ses deux CubeSats (objectif technologique)
Quelques caractéristiques du couple d’astéroïdes
- Axe, a = 1,66446 AU
- Excentricité, e = 0,3839
- Inclinaison, i = 3,4083 deg
- Période de révolution, T = 770 jours
- La nouvelle période de rotation de Dimorphos autour de Didymos est de 11 heures 22 minutes, sa masse inconnue, notamment après l’impact de DART
- La période de rotation de Didymos est de 2,26 heures
- Le couple a une masse estimée à 5,226x1011 kg sur la base de la période orbitale de Dimorphos
- Les deux astéroïdes sont séparés de 1,2 km
- Dimorphos tourne à 20cm/seconde autour du corps principal ; il a été percuté par DART (580kg au moment de l’impact) à la vitesse de 6km/s.
Déroulé du projet
La sonde Hera a été lancée le 7 octobre 2024 par Falcon 9 (SpaceX) depuis le Centre Spatial Kennedy (États-Unis). Après plusieurs mois de voyage interplanétaire, un survol de Mars pour assistance gravitationnelle est prévu en mars 2025. Lors de ce survol, un passage au plus près de Deimos, la seconde lune de Mars, est prévu, notamment en partenariat avec la JAXA dans le cadre de la mission MMX.
Plusieurs mois de voyage supplémentaires seront encore nécessaires avant l’arrivée de la sonde à proximité du couple d’astéroïdes Didymos-Dimorphos en octobre 2026. La mission scientifique commencera en décembre de la même année, pour une durée de 6 mois.
Voici le déroulé prévisionnel de la mission scientifique de la « sonde-mère »-’Hera à partir de décembre 2026 :
- phase de caractérisation (6 semaines) : Hera reste en orbite à 20-30 km de sa cible pour déterminer la masse, la gravité, les propriétés physiques et thermiques des deux astéroïdes.
- phase de déploiement (2 semaines) : Hera suit sa trajectoire tout en déployant les deux CubeSats Milani et Juventas.
- phase de caractérisation détaillée (4 semaines) : Hera se rapproche de la cible de 8-20 km et commence à naviguer de façon partiellement autonome. Le satellite va cartographier Didymos et déterminer ses propriétés thermiques, spectrales et de subsurface.
- phase d’observation à proximité (6 semaines) : Hera se situe à environ 4 km de sa cible et navigue de façon totalement autonome, avec l’aide notamment de l’altimètre (PALT). Cette phase permettra d’observer Dimorphos et le cratère d’impact.
- phase expérimentale (6 semaines) : en adoptant des techniques de navigation inédites, Hera s’approche de sa cible à 1 km, voire moins. Durant cette phase, la résolution des observations morphologiques, spectrales ou thermiques sera de l’ordre du décimètre. Le CubeSat Juventas atterrira sur Dimorphos, permettant de tester la réponse de la surface et d’effectuer des mesures de gravimétrie. Le CubeSat Milani pourrait aussi atterrir sur l’un des deux astéroïdes.
- fin de la mission : à définir.

Organisation
La mission (la sonde, les CubeSats, les opérations, certains instruments et le lanceur) est développée et financée dans le programme Sécurité de l’Espace de l’ESA. L’imageur dans l’infrarouge thermique (TIRI) est une contribution de l’agence spatiale japonaise, la JAXA. L’accompagnement scientifique a été financé par le projet NEO-MAPP sélectionné par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne jusqu’en mai 2023. Le CNES a soutenu la mission.
Participations du CNES :
- développement du radar basse fréquence JuRa à l’IPAG (Grenoble)
- opérations des CubeSats Milani et Juventas par l’équipe Hera CNES (Toulouse) pour les opérations de dynamique de vol et de programmation des instruments depuis le C-FDSOC (Cubesats Flight Dynamics and Science Operations Center)
- soutien des scientifiques français impliqués, tel que la participation aux ateliers de travail de la mission, le support à la définition de la programmation des instruments, ainsi que lors de présentations dans les congrès internationaux.
L’équipe scientifique de la mission ESA est structurée de la façon suivante :
- un responsable scientifique (français)
- un comité de gestion scientifique (incluant le responsable scientifique, le scientifique projet ESA et 6 autres experts dont un Américain et un Japonais)
- quatre groupes de travail sur :
- la modélisation de l’impact (WG1)
- les observations au sol (WG2) avec un co-responsable français
- les propriétés dynamiques et physiques (WG3) avec un co-responsable français
- l’analyse des données, l’exploitation et l’interprétation (WG4) avec deux co-responsables français