3 Juin 2015

Qu'est ce que l'impesanteur ?

Les fondamentaux pour comprendre la physique et les contraintes du milieu dans lequel évoluent nos satellites, sondes et instruments.

Qu'est ce que l'impesanteur ?

Tête en bas, pieds en l’air, cheveux hérissés et sirotant sa boisson comme le capitaine Haddock avec sa boule de Whisky : tel est à peu près le portrait type du spationaute dans son vaisseau. Etrange phénomène que l'impesanteur…

De l’opinion générale, il ne se rencontre qu’en des lieux privilégiés et réservés aux voyageurs de l’espace. Méconnu, cet état de lévitation apparente véhicule bon nombre d’idées fausses.Savez-vous par exemple qu’il n’est pas indispensable d’aller dans l’espace pour se trouver en impesanteur ?

Que dans l’espace, il ne suffit pas de tirer le frein à main au-dessus de l’atmosphère pour être en impesanteur ?

Que les spationautes, loin d’être immobiles, évoluent en réalité à une vitesse inconcevable pour l’esprit ?

Ou encore, que lorsque vous sautez d’un plongeoir vous êtes en impesanteur ?
flamme-chandelle-micropesanteurLa flamme d'une chandelle en micropesanteur. Les gaz chauds ne montent plus, l'oxygène n'est plus renouvelé, la flamme finit par s'éteindre.. Crédits : NASA

En impesanteur, dans une station spatiale, vous croyez flotter, et pourtant vous tombez ; vous croyez être dans le vide et pourtant vous respirez…

Quel est donc ce phénomène trompeur ?

Impesanteur ou apesanteur ?

  • Au terme apesanteur, utilisé dans le langage courant, on préfère aujourd’hui celui d’impesanteur, en raison de la confusion orale entre « la pesanteur » et « l’apesanteur ». Par ailleurs, l’impesanteur est un état théorique et idéal qui n’existe pas en réalité : il subsiste toujours des forces parasites, donc une pesanteur résiduelle. A bord d’un véhicule spatial, on parle donc en général de micropesanteur, dont la valeur est proche du millionième de la pesanteur terrestre.

Une conséquence de l'attraction terrestre

La gravité, toute la gravité, rien que la gravité !

A proximité de la planète, tout objet est attiré vers son centre : c'est l'effet de la gravité, la force d'attraction de la Terre. S'il y a un obstacle (le sol, un immeuble, une table), celui-ci empêche l'objet d'y tomber. C'est la réaction de l'obstacle sur l'objet qui crée la sensation de poids, c'est-à-dire la pesanteur. S'il n'y a aucun obstacle, l'objet tombe sans s'arrêter, en chute libre, jusqu'au centre de la Terre. Durant cette chute, il n'y a donc plus de pesanteur, c'est une situation d'impesanteur.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la pesanteur et l'impesanteur sont des conséquences directes de l'attraction terrestre. Leur seule différence tient à la présence ou non d'un obstacle. .

 

Alors pourquoi les spationautes ne retombent-ils pas sur Terre ?

Contrairement à une idée très répandue, les spationautes subissent l’attraction terrestre. Mais lors de leur mise en orbite, l’impulsion leur a été donnée avec une vitesse horizontale suffisante pour qu’ils « tombent » autour de la Terre sans perdre d’altitude, le long d’une trajectoire fermée.

C’est le phénomène de satellisation : on dit qu’ils gravitent autour de la Terre.

Au XVIIème siècle, Galilée montre que la vitesse des corps en chute libre dans le vide est indépendante de leur masse. En orbite autour de la Terre, les spationautes évoluent donc tous à la même vitesse, celle de 28 000 km/h, d’où une immobilité relative entre le vaisseau et ses occupants, à l’origine de leur lévitation apparente.

Jargon

  • Pesanteur et gravité : attention, danger !
    La gravité est la force d’attraction qu’un astre (par exemple la Terre) exerce sur un corps quelconque qui se trouve dans sa zone d'influence . Elle diminue à mesure qu’on s’éloigne du sol, mais il n’existe aucun moyen de la supprimer artificiellement. Elle agit sans cesse, qu’on soit en état de pesanteur (assis pas terre) ou d’impesanteur (en cas de chute libre) La pesanteur est un effet direct de la gravité.

Expérience : La satellisation

Dessinons un disque sur un tableau. En son centre, un fil de pêche est fixé avec une punaise. A l’autre extrémité du fil, un bout de craie. Lorsqu’on écarte la craie vers le haut du disque et qu’on la relâche, elle retombe verticalement. En revanche, lorsqu’on la lance la craie autour du disque avec une vitesse suffisante, elle tourne autour, tout en restant attirée vers le centre du disque par l’intermédiaire du fil. Ce phénomène est analogue à celui observé par un satellite en orbite.

Le monde de l'impondérable

Tout corps céleste suffisamment massif exerce une force d'attraction sur les objets qui reposent à sa surface. L'intensité de la pesanteur varie cependant selon le lieu de la mesure : elle est par exemple 6 fois moins importante sur la Lune que sur Terre.

Le pèse-personne est un outil idéal pour mesurer le poids d'un corps sur Terre. Par abus de langage, on exprime souvent le poids en kilogrammes.

En réalité, le pèse-personne mesure un poids en Newton : les graduations donnent en revanche une masse, déduite par rapport à la valeur de la pesanteur terrestre.

Ainsi, avec les notations introduites, le poids est égal à P = mg. Comme la pesanteur varie selon le lieu de la mesure, le poids varie également.

Poids, masse et pesanteur sont 3 notions bien distinctes mais corrélées. Pour cette raison, le poids en impesanteur est inexistant, bien que la masse reste constante : si l’intensité de la pesanteur est nulle, le poids est nul. Inutile de partir avec sa balance dans l’espace, l’aiguille restera désespérément sur 0 !

Jargon

  • Poids, masses  et pesanteur
    La masse (appelée m ) est la quantité de matière contenue dans un objet. Elle s’exprime en kg et est constante quelque soit le lieu de la mesure. Le poids (appelé P) est la force exercée sur la masse d’un objet. On l’exprime en Newton (N) et il est égal au produit de la masse par l’intensité de la pesanteur (appelée g).

Sur Terre, on a tendance à se croire très agiles et libres de ses mouvements. En réalité, tous nos gestes sont conditionnés par les effets de la pesanteur. Mais l’absence de poids ne rend pas les choses plus faciles : au pays du « non-poids », les spationautes peuvent éprouver ces gestes quotidiens et en constater toute la difficulté…

Comme tout objet lancé en l'air, un jet d'eau décrit une trajectoire parabolique. Une observation attentive permet de constater son fractionnement en gouttelettes plus ou moins sphériques. Elle ressemblent à celles que les spationautes avalent en impesanteur.

Un phénomène trompeur

Nombreuses sont les idées fausses concernant l’impesanteur. Voici les plus répandues :

« L’impesanteur est due au vide » : FAUX !

Une erreur très répandue consiste à dire que le poids d’un individu est du à la pression de l’air sur ses épaules. Le poids d’un objet mesuré dans une enceinte sous vide diffère d’1‰ de celui mesuré à l’air libre.

Pour s’en convaincre, il suffit de considérer un spationaute sur la Lune : il est dans le vide mais bien en état de pesanteur, même si l’intensité de la pesanteur est plus faible que sur Terre.

A l’inverse, les spationautes dans une station spatiale sont en impesanteur sans pour autant être dans le vide, auquel cas ils ne pourraient pas respirer !

« L’impesanteur est due à l’éloignement de la Terre » : FAUX !

A 400 km d’altitude, où évoluent les stations comme l’ISS, les spationautes sont en impesanteur, alors que l’attraction terrestre n’y est plus faible que de 10 %. La gravité disparaît effectivement à mesure qu’on s’éloigne de la Terre, mais il faudrait être à des centaines de millions de km pour qu’elle soit nulle.
« Dans l’eau, je suis en impesanteur » : FAUX !

Dans l’eau, même si le corps semble très léger et agile, le poids n’a pas disparu. Il est compensé par en raison de l'égalité de densité entre l'eau et le corps humain. Alors que sur Terre, la réaction de l'obstacle ne s'applique qu'au point de contact (souvent les pieds), dans la piscine, la réaction de l'eau se répartit sur l'ensemble du corps.

Cette force est la poussée d’Archimède.

Le saviez-vous ? La poussée d'Archimède

« Tout corps plongé dans un fluide subit une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé ».
Cette loi a été énoncée par le savant grec Archimède (287 – 212 av. J.C.) La légende dit qu’il en prit brutalement conscience dans son bain, s’élançant alors dans la rue en criant « Eurêka ! Eurêka ! »

Savant complet, il est à l’origine de nombreuses théories… et a également inventé le boulon, formé d’une vis et d’un écrou !

Un état difficile à reproduire sur Terre

Si le vide est facile à obtenir sur Terre, l’impesanteur – plus exactement la micropesanteur – est un état difficile à reproduire. Difficile, mais pas impossible. Différents moyens sont actuellement utilisés pour recréer une situation de chute libre.

Les tours et puits à chute libre, de quelques centaines de mètres, permettent d'obtenir de 3 à 10 s de micropesanteur grâce à une chute libre verticale. Souterraines ou en surface, ces infrastructures de quelques centimètres à quelques mètres de diamètre sont utilisées pour mener des expériences en physique des matériaux ou de recherche fondamentale.

Le vol parabolique, effectué à bord d'un avion spécialement aménagé, permet d'obtenir une chute libre à trajectoire parabolique. Comme un projectile, l'avion est propulsé avec une forte impulsion de départ. Sous l'action de la seule gravité, il revient vers la Terre. Il est en chute libre pendant environ 20 s. De nombreuses expériences de tous types peuvent alors être réalisées. C'est également le seul moyen permettant d'embarquer des hommes.


La fusée-sonde fonctionne selon le même principe : lancée verticalement, elle décrit naturellement une trajectoire parabolique.

Selon les modèles, la chute libre peut durer de 6 à 15 min. Le fonctionnement des expériences embarquées est entièrement automatique.

Au-delà de ces quelques outils ne générant jamais plus d’1/4 d’heure de micropesanteur, le moyen idéal reste à l’évidence la satellisation, permettant un état d’impesanteur permanent.

La fusée-sonde Maxus à Kiruna en Suède. Elle peut embarquer plus de 400 kg de matériel expérimental dans la haute atmosphère et les soustraire à 1/4 d'h d'impesanteur.

Un laboratoire particulier

Plus qu’un simple jeu pour les spationautes, l’impesanteur est avant tout un laboratoire particulier pour les scientifiques. En annulant artificiellement la pesanteur, des expériences totalement nouvelles et impossibles à réaliser sur Terre peuvent être menées.

Par exemple, les mélanges entre solides et liquides ont des réactions tout à fait différentes en impesanteur : sans poids, des éléments comme l’eau et le sable forment un mélange homogène. En les solidifiant, on peut fabriquer des matériaux difficiles à créer sur Terre.

Les effets de la pesanteur ont une influence sur notre représentation de l’espace en 3 dimensions. En impesanteur, notre perception du temps ou de l’orientation est différente. Les expériences réalisées à ce sujet sont destinées à mieux comprendre les mécanismes cérébraux et leurs dysfonctionnements.

Notre corps s’est adapté pour vivre en situation de pesanteur : la circulation du sang en est un exemple. Bien que la santé des spationautes ne soit pas menacée en impesanteur, des études sont nécessaires afin d’éviter certains troubles lors de vols de longue durée. L’impesanteur est donc le lieu idéal pour ces expériences.

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