La médecine spatiale permet de comprendre les conséquences de la vie dans l’espace et de protéger les astronautes. Le plus ? Elle est utile à tous : elle a permis d’améliorer nos connaissances des effets physiologiques de la sédentarité, de développer des appareils de diagnostic innovants Quant aux satellites, ils sont indispensables à la télémédecine ou la surveillance des épidémies.
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Protéger les astronautes grâce à la médecine spatiale
Dans l’espace, le corps des astronautes est mis à rude épreuve. Vieillissement accéléré, sommeil et perception perturbés, perte de masse musculaire et osseuse … En cause : la micropesanteur. Le déplacement de la Station spatiale internationale (ISS) autour de la Terre est tel qu’il annule l’effet de l’attraction de la Terre. C’est ce qui lui permet de ne pas tomber sur Terre… et qui explique aussi pourquoi les astronautes semblent flotter. Longtemps, les modifications physiologiques que la micropesanteur provoque sont restées mystérieuses. Mais grâce à la médecine spatiale, la santé des astronautes est de mieux en mieux comprise… et protégée. Un enjeu de taille pour les futures missions longue durée vers la Lune et Mars.
Les scientifiques français ont bien sûr pensé à mener des expériences dans l’espace. Lors du tout premier voyage d’un français dans l’espace (Jean-Loup Chrétien en 1982), une première expérience d’échographie – développée par le CNES – étudie la réaction du cœur et des vaisseaux dans l’espace. Depuis 1998, les astronautes réalisent de nombreuses expériences dans l’ISS. L’échographie reste une technique largement utilisée : en 2017, Thomas Pesquet a pu tester une nouvelle génération d’échographe télécommandé à distance par un médecin, lui permettant de contrôler l’état de la veine porte, la tyroïde et la carotide de l’astronaute.
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À bord de l’ISS, le sommeil des astronautes est chamboulé : ils observent le soleil se lever et se coucher 16 fois par jour ce qui perturbe les rythmes nyctéméraux ! En 2021, l’astronaute français sert de nouveau de cobaye avec l’expérience française DREAMS développée chez nous, au CNES. Grâce à un bandeau placé sur le front, son sommeil est enregistré pendant plusieurs nuits dans le but de développer des thérapies cognitives favorisant l’endormissement des astronautes. Et en 2023, ce sont des cerveaux miniatures fabriqués en laboratoire – des organoïdes cérébraux – qui se sont envolés vers l’ISS. Grâce à l’expérience Cerebral Ageing, le vieillissement prématuré du cerveau des astronautes sera peut-être mieux compris.
Faire de la médecine spatiale… sur Terre
La médecine spatiale ne se cantonne pas qu’à l’espace, la Terre peut aussi servir de laboratoire. Il faut se rendre à MEDES, notre filiale santé basée à Toulouse. De nombreuses expériences y sont menées pour préparer les missions à bord de l’ISS en collaboration avec le Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales (CADMOS). Ici, des volontaires terriens prennent part à des expériences comme les « bed rest ». En 2023 et 2024 pour l’étude BRACE, 24 hommes restent cloués au lit pendant 60 jours pour simuler les effets de la micropesanteur. Le but ? Tester l’efficacité de deux mesures de protection pour les astronautes : pratiquer du vélo 6 jours sur 7 (toujours allongé !) et réaliser le même exercice au sein d’une centrifugeuse humaine. Les performances et la santé mentale des équipages intéressent également de près les équipes de MEDES. Toujours allongés pour simuler la micropesanteur, les volontaires de l’expérience Moonirs réalisent des exercices mentaux. Ils sont équipés d’un capteur portatif sur le front : l’objectif est d’évaluer leur capacité à mesurer l’activité du cerveau pour ainsi pouvoir surveiller les performances des astronautes à distance.
Dernier laboratoire pour la médecine spatiale : l’Airbus A310 Zéro G exploité par Novespace. Cet avion particulier est aménagé pour réaliser des vols paraboliques. À chaque parabole – l’avion monte brusquement puis entre en gravité zéro lors d’une courte chute libre – l’état d’apesanteur est reproduit pendant 22 secondes. Nous y menons des expériences scientifiques avec nos partenaires : mesure du comportement des muscles, étude du fonctionnement du cerveau humain, l’influence du système nerveux sur les articulations ou encore les effets de la nouvelle répartition sanguine du sang.
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Étudier l’hyper-sédentarité et aider les personnes amputées
Penchons-nous sur les retombées de ces développements pour la santé de toutes et tous. Les expériences menées à MEDES sont singulières : l’alitement prolongé provoque des effets similaires à l’hyper-sédentarité. Elles sont donc particulièrement utiles pour comprendre la survenue de maladies en lien avec la diminution d’activité physique, un phénomène actuel dans nos sociétés. Autre exemple : les avancées en neurosciences. Les scientifiques ont remarqué qu’au sein de l’ISS, les astronautes ont des difficultés à attraper une balle lancée vers eux car ils déclenchent leurs mouvements trop tôt. Une technique a été développée pour lutter contre ce phénomène : grâce à de petites stimulations des nerfs par électrodes, la perception est modifiée. Cette technique est utilisée sur Terre pour aider les personnes amputées et en rééducation, et est envisagée pour traiter les patients après un accident vasculaire cérébral.
De nombreuses innovations spatiales sont particulièrement utiles pour la télémédecine. Ici, on est loin d’un simple coup de téléphone : pour pratiquer des actes médicaux à distance, il faut des services de visioconférence, de transmission de données médicales… L’échographe téléopéré testé par Thomas Pesquet a par exemple déjà été utilisé à Terre – France métropolitaine, Espagne et Guyane – pour améliorer l’accès aux soins des personnes vivant dans des zones isolées. Et grâce aux satellites de télécommunications, exit les zones blanches : la connexion est assurée partout sur le globe. Mis en circulation dans les années 2000, le camion DIABSAT contient tout le matériel nécessaire pour réaliser les examens nécessaires à la surveillance du diabète. Œil, pied, rein… les examens étaient réalisés par du personnel paramédical et directement transmis à des spécialistes par satellite quand le réseau téléphonique est absent.
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Les satellites jouent aussi les sentinelles depuis l’espace. L’apparition et la propagation de certaines maladies dépendent de beaucoup de facteurs : l’environnement, le climat, la population, les comportements humains… Certains peuvent être mesurés par les satellites d’observation de la Terre. On parle de télé-épidémiologie, l’étude des relations climat-environnement-santé assistée par satellite.
Pour traquer les épidémies, les satellites détectent les périodes et habitats favorables à la prolifération des maladies. On suit par exemple les températures et les pluies pour détecter les périodes favorables aux moustiques, qui propagent de nombreux virus. Ces données sont croisées avec celles récoltées sur le terrain, comme les informations médicales, vétérinaires ou socio-économiques pour créer des cartes de prévision, comme pour la météo. Cela permet de faire de la prévention : cibler les zones où les vaccinations sont prioritaires, où la vaccination s’impose, ou encore où les éleveurs doivent éviter d’emmener leurs troupeaux.
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Quizz
Qu’est-ce que l’immersion sèche, mise en œuvre à l’Institut de médecine et physiologie spatiales MEDES ?
A – Un modèle de simulation de l’impesanteur
B – Une propriété des combinaisons des astronautes
C – Un entrainement obligatoire pour les astronautes avant leur départ
D – Une période de repos obligatoire pour les astronautes à leur retour sur Terre
A : Le premier modèle terrestre de simulation de l’impesanteur consiste à coucher un volontaire la tête en bas, c’est l’alitement anti-orthostatique appelé « bed rest ». Déployé pour la première fois en France en 2015, l’immersion sèche est un autre modèle : les volontaires flottent, allongés sur une bâche dans un bac rempli d’eau. Ces expériences sont beaucoup plus courtes : quelques jours suffisent à simuler les effets de la micropesanteur.