Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale en 2017.
Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale en 2017. © ESA/NASA/AFP/HO

C’est quoi l’impesanteur ?

On a tous en tête les images de Thomas Pesquet flottant dans la Station spatiale internationale ou de Neil Armstrong bondissant avec légèreté sur la Lune... Impesanteur ? Quelques explications sont nécessaires pour répondre à cette question qui ne doit pas être prise à la légère !

Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale en 2017.
Thomas Pesquet à bord de la Station spatiale internationale en 2017. © ESA/NASA/AFP/HO

Apesanteur/impesanteur

Ces deux termes sont identiques, mais l’on préfère impesanteur, pour éviter la confusion, à l’oral, entre « l’apesanteur » et « la pesanteur » !

Sur Terre, nous ressentons cette pesanteur car le contact du sol vient s’opposer à la force d’attraction. On peut également ressentir la pesanteur grâce aux frottements de l’air, qui ralentissent - un peu - la chute lorsque l’on saute d’un arbre.

Et donc l’impesanteur, c’est lorsque que les effets de la pesanteur disparaissent. En état d’impesanteur, on ne ressent plus la pesanteur, ou autrement dit, on ne ressent plus son poids.

L’impesanteur : des lois physiques et du ressenti

Pour comprendre l’impesanteur, il faut d’abord expliquer la pesanteur.

Dans l’Univers tous les corps s’attirent les uns les autres, plus ou moins selon leur masse : c’est le phénomène de gravitation (ou gravité). Ainsi, la Terre attire vers son centre tous les objets dans son voisinage (la Lune, la Station spatiale internationale (ISS)…), et ceux à sa surface : vous, moi, un pingouin, un pot de fleur… C’est ce qui nous maintient au sol, et que l’on nomme dans ce cas la pesanteur (c’est aussi vrai pour les autres astres).

Poids/masse

Le mot « poids » est très souvent mal utilisé. Nous devrions dire : « Ma masse sur la balance ? 54 kg. » La masse correspond à une quantité de matière, elle s’exprime en kg. Le poids correspond à la force (exprimée en newton - N) exercée par un objet soumis à une force de gravité. Donc à la pesanteur terrestre dans le cas de notre planète. Ainsi, ma masse sur Terre est de 54 kg, mon poids y est d’environ 530 N. Mais sur la Lune, où la force de gravité – et donc la pesanteur - est moins importante, mon poids sera de 84 N (mais ma masse sera toujours de 54 kg). Et en état d’impesanteur parfaite, je ne pèserais plus rien du tout ! 

Où trouver l’impesanteur ?

On peut trouver les conditions d'impesanteur dans l'espace mais aussi sur Terre, sur le plancher des vaches ou presque...

  • Dans la Station spatiale internationale ?

Oui, dans l’ISS (International Space Station), à 400 km d’altitude, les astronautes vivent en impesanteur. Ils flottent, car ils ne subissent plus les effets de la pesanteur. Mais attention, il est faux de croire que si Thomas Pesquet peut gober des billes d’eau flottantes, c’est parce qu'il ne subit plus la force d’attraction de la Terre ! A cette altitude, la gravité est encore quasiment identique à ce qu’elle est sur Terre (90 %). Alors certes, plus les corps sont éloignés, plus la force gravitationnelle est réduite. Donc il est vrai que plus on s’éloigne de la Terre et moins sa force d’attraction agit sur nous… Mais cela n’est pas perceptible à 400 km d’altitude. Pour preuve : la gravité terrestre s’exerce même sur la Lune pourtant située 1 000 fois plus loin, à 400 000 km de la Terre. C’est le fait que l’ISS soit en orbite, qui est comme une chute libre permanente autour de la Terre, qui créé l’état d’impesanteur.

  • Sur Terre ?

Sur Terre, il existe plusieurs moyens pour créer l’impesanteur : fusées-sondes, vol parabolique, tour de chute libre... On parle plutôt de micropesanteur car la pesanteur qui s’exerce dans ce cas est très faible, mais pas totalement nulle.

L’Airbus A310 zéro G en pleine ascension avant de redescendre « en piqué » à 650 km/h pour simuler l’impesanteur.
L’Airbus A310 zéro G en pleine ascension avant de redescendre « en piqué » à 650 km/h pour simuler l’impesanteur. © Novespace

On parle parfois aussi de microgravité, qui correspond à une gravité extrêmement faible, donc à une très faible force gravitationnelle. Comme le serait un objet perdu dans l’espace, éloigné de tout astre céleste (qui serait aussi donc en micropesanteur). Mais attention, un astronaute dans l’ISS n’est pas en microgravité mais bien en micropesanteur ! 

Les vols paraboliques assurent des sensations fortes, mais permettent avant tout de mener des expériences en micropesanteur.
Les vols paraboliques assurent des sensations fortes, mais permettent avant tout de mener des expériences en micropesanteur. © Austrian Academy of Sciences/Daniel Hinterramskogler

Dans un avion, manœuvré par un très bon pilote, il est possible de créer les conditions de l’impesanteur pendant quelques instants. C’est ainsi le cas de l’Airbus A310 zéro G de Novespace, basé près de Bordeaux. Le principe : l’avion décrit une parabole (une courbe constituée d’une grosse montée suivie d’une grosse redescente), pendant laquelle l’avion et ses passagers se retrouvent en chute libre. Donc en impesanteur. Cet état dure 22 secondes par parabole. 

Les astronautes européens, ici Sophie Adenot, s’entrainent aussi à bord de l’Airbus zéro G.
Les astronautes européens, ici Sophie Adenot, s’entrainent aussi à bord de l’Airbus zéro G. © ESA–A. Conigli
  • Chute libre

Il existe des « tours d’impesanteur », comme la « ZARM drop tower » située à Brême en Allemagne. On y laisse tomber du matériel d’expérimentation d’une hauteur de 110 m de haut. Il se retrouve ainsi en chute libre, en impesanteur, pendant 4,74 secondes. Notez que l’air a été retiré auparavant dans la tour pour éviter les frottements. Un système de catapulte permet même de créer la chute libre pendant l’ascension ! Un aller-retour express en impesanteur.

Ce type d’infrastructures est utilisé notamment pour tester des technologies, des matériaux… destinés à partir dans l’espace.

La capsule en bas de la tour de chute libre de l’ESA, prête à être catapultée. A l’intérieur se trouve une expérience de physique qui est ainsi testée en micropesanteur.
La capsule en bas de la tour de chute libre de l’ESA, prête à être catapultée. A l’intérieur se trouve une expérience de physique qui est ainsi testée en micropesanteur. © ESA

La vie en impesanteur

Nous autres terriens sommes faits pour vivre avec la pesanteur, qui nous façonne depuis que nous sommes apparus sur Terre. L’impesanteur a donc des effets non négligeables sur le corps humain : sur les os, les muscles, le système cardiovasculaire, le système nerveux…

  • Des effets délétères sur le corps humain…

Par exemple, en impesanteur, le squelette n’a plus besoin de soutenir le corps, et les os, de ce fait, ne se régénèrent plus. Ils se creusent (phénomène d’ostéoporose) et deviennent plus fragiles. Même principe pour les muscles qui s’atrophient, qui perdent de leur masse car ils n’ont plus besoin de « porter notre poids » et sont moins sollicités pour soulever des objets.

Vieillissement accéléré

6 mois en micropesanteur, c’est près de 20 ans de vieillissement sur Terre, en terme de perte osseuse

Les astronautes dans l’ISS sont aussi parfois victimes du mal de l’espace. La cause ? La micropesanteur perturbe l’organe situé au fond des oreilles et qui, habituellement, permet de s’orienter, de garder l’équilibre. Résultat : les informations visuelles ne correspondent plus avec celles envoyées par cet organe au cerveau. Les astronautes ont des nausées, le mal de tête… voire des hallucinations ! Mais ce mal de l’espace disparaît après quelques jours dans l’espace. 

  • Mais des moyens pour y remédier

Les astronautes savent lutter contre ces effets : vitamine D et calcium au menu et surtout, ils font du sport ! 2 heures d’activité physique obligatoire, 6 jours sur 7, via un tapis de course, un vélo attaché au sol de l’ISS ou encore une presse hydraulique qui fait office de banc de musculation (soulever des haltères en impesanteur serait en effet un peu trop simple !)  

Des recherches sont aussi en cours sur la nourriture des astronautes, comme des salades modifiées génétiquement qui stimuleraient la croissance des os ! 

Séance de sport à bord de l’ISS pour le spationaute japonais Akihiko Hoshide.
Séance de sport à bord de l’ISS pour le spationaute japonais Akihiko Hoshide. © ESA/NASA/T.Pesquet, 2021

De plus, pour mieux comprendre ces changements physiologiques, les scientifiques mènent des études sur les astronautes dans l’espace. Mais également sur terre, sur des personnes saines volontaires, dans des cliniques spécialisées comme celle de MEDES à Toulouse.

Pour simuler l’impesanteur, autrement dit pour faire croire aux cerveaux voire aux organismes des volontaires qu’ils sont en état impesanteur, les chercheurs utilisent 2 dispositifs : 

  • Le bedrest : les volontaires restent en position allongée pendant une longue période (3 mois environ), la tête plus basse que les pieds (à - 6°). Interdiction de se lever ! 
  • L’immersion sèche : les volontaires sont immergés 5 jours et 5 nuits consécutifs dans une baignoire recouverte d’une bâche pour rester au sec. L’eau appuie ainsi uniformément sur l’ensemble de la surface du corps, ce que le cerveau interprète comme une absence d’appui ! Ce modèle, mis au point par des scientifiques russes, permet de simuler l’impesanteur beaucoup plus rapidement. 

La physique bouleversée

Les phénomènes physiques que l’on connaît sur Terre sont, eux aussi, perturbés quand la pesanteur ne se fait plus sentir. Par exemple, en impesanteur, finie la pression hydrostatique. Autrement dit : les liquides n’ont plus tendance à se déformer sous les propre poids, telle une goutte d’eau qui prend naturellement la forme d’une larme en tombant (voilà pourquoi Thomas Pesquet peut gober des billes d’eau ! )

Autre exemple : la flamme d’une bougie qui, en impesanteur, ne s’élève pas et reste dans une forme de boule. C’est parce que tous les gaz qu’elle réchauffe restent concentrés autour d’elle. Sur Terre, ces gaz, plus chauds, donc plus légers que l’air, ont tendance à s’élever – on appelle ce phénomène la convection thermique. 

La poussée d’Archimède ne « fonctionne plus » non plus, les bulles d’air qui se forment dans de l’eau qui bout, par exemple, ne remonteraient plus à la surface. Toutes ces bizarreries intéressent les scientifiques qui, depuis le début des vols habités, les étudient. Pour les exploiter ou, au contraire, limiter leurs effets. De nombreuses expériences sont ainsi menées dans l’ISS, que ce soit sur la mécanique des fluides ou sur les matériaux.

Thomas Pesquet teste l’instrument Télémaque, un projet de pince acoustique qui permet de manipuler des objets, voire des liquides, sans les toucher.
Thomas Pesquet teste l’instrument Télémaque, un projet de pince acoustique qui permet de manipuler des objets, voire des liquides, sans les toucher. © ESA/NASA, 2021
  • Préparer l’exploration spatiale

L’étude de l’impesanteur, ses effets et les moyens de les contrecarrer, est essentielle pour préparer le futur de l’exploration spatiale. Les prochains astronautes qui mettront le pied sur la Lune subiront une pesanteur moindre que sur Terre (car la force gravitationnelle de la Lune, moins massive, est 6 fois moins importante). Quant aux astronautes qui poseront peut-être un jour le pied sur Mars, ils voyageront, eux, plusieurs mois dans l’espace dans un vaisseau, en impesanteur. Ou pas...

Dès 1952, le scientifique W. Von Braun, qui a joué un grand rôle dans la mise au point des fusées, imaginait un vaisseau avec une gravité artificielle, reproduite à l’aide d’une roue tournant sur elle-même.
Dès 1952, le scientifique W. Von Braun, qui a joué un grand rôle dans la mise au point des fusées, imaginait un vaisseau avec une gravité artificielle, reproduite à l’aide d’une roue tournant sur elle-même. © NASA, dessin de Chesley Bonestell

Certains ingénieurs réfléchissent aujourd’hui sérieusement à un thème pourtant cher à la science-fiction : la gravité artificielle. Le fait de recréer la pesanteur (et donc ses effets) dans un espace comme un vaisseau. A l’aide, par exemple, d’un engin qui tournera sur lui-même, créant une accélération venant compenser l’absence de pesanteur (la force centrifuge). Ce concept a été développé dans de nombreuses fictions, comme les films 2001, Odyssée de l’Espace, Interstellar ou plus récemment Passengers. Mais de telles technologies sont encore très très hypothétiques. 

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Quizz

Un peu de mathématiques ? 

Jupiter étant beaucoup plus massive que la Terre, sa force gravitationnelle est de 25 m/s2 (contre 9,8 m/S2 pour la Terre). Si ma masse est de 50 kg sur le plancher des vaches (et donc mon poids de 490 Newton), quel sera mon « poids jupitérien » ?

A – 250 N

B – 39 N

C – 1250 N

D – 3600 N

C : Le poids (P) est égal à la masse (m) multipliée par la force de pesanteur (g). P = m X g. Donc sur Jupiter, mon poids est de 50 X 25 soit 1 250 newton.