L’espace entre les lignes : quand la littérature nous offre le voyage
Certains ont grandi en lisant les aventures fantastiques de Jules Verne, d'autres avec Albator. Certains ont rêvé en tournant les pages de Valérian, d’autres celles du Petit Prince. Certains se sont évadés grâce aux récits de Franck Herbert, d’autres avec ceux de Hergé... Nous avons tous à un moment ou un autre lu des aventures spatiales. Petit tour d’horizon de quelques œuvres littéraires incontournables.
Invitation au voyage
Si la science-fiction est un genre récent, les voyages spatiaux poétiques, mythologiques, fantaisistes existent depuis longtemps dans la littérature. Vers 1650 par exemple, un certain Cyrano de Bergerac publie une Histoire comique des États et Empires de la Lune. Si son nom est surtout resté dans l’histoire en devenant le personnage d’une pièce d’Edmond Rostand avec un grand nez (« c’est un peu court jeune homme »), Cyrano de Bergerac n’en reste pas moins un vrai auteur et poète. Il imagine un voyage sur la Lune grâce à des bouteilles accrochées à la ceinture du personnage, voyage qui permet davantage de faire une satire de la société humaine que d’interroger vraiment la possibilité d’atteindre l’astre.
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S’il y a des habitants (sur la Lune), ils respirent. S’il n’y en a plus, ils auront laissé assez d’oxygène pour trois personnes, ne fût-ce que dans le fond des ravins où sa pesanteur l’aura accumulé ! Eh bien, nous ne grimperons pas sur les montagnes ! Voilà tout !
- Extrait du livre Autour de la Lune (1869)
2 siècles plus tard, avec Jules Verne, les choses changent. Avec lui, l'aventure devient vraiment scientifique ! Pas la peine d’extraterrestres ou de torrides histoires d’amour pour faire vivre l’intrigue de ses 2 romans : De la Terre à la Lune et Autour de la Lune. Le suspense, les retournements de situation, les succès… Tout ou presque est lié à des questionnements techniques que Jules Verne étudie avec sérieux.
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Aux côtés de Jules Verne, l’écrivain anglais H.G. Wells est souvent considéré comme l’un des premiers auteurs de science-fiction. Et à lui aussi, nous devons plusieurs romans spatiaux. En 1901, il propose à son tour un voyage à destination de notre satellite naturel avec Les premiers hommes sur la Lune. Mais l’un de ses romans les plus célèbres reste sans nul doute La guerre des mondes. Wells imagine une invasion de martiens sur la Terre que rien ne semble freiner dans leur volonté de réduire en cendres notre civilisation. Avant même ses adaptations au cinéma, le texte fait l’objet d’une fiction radiophonique signée Orson Welles en 1938. Beaucoup ont raconté que les auditeurs avaient été pris de panique à l’écoute de ce canular avec de faux journaux et de faux envoyés spéciaux relatant l’invasion extraterrestre. Certains ont même parlé de crises cardiaques chez des auditeurs. Si tout cela a vraisemblablement été exagéré, cette fiction reste l’un des moments marquants de l’histoire de la radio au XXe siècle.
De 7 à 77 ans
Depuis 1943, on ne compte plus les enfants de toutes générations et sur tous les continents qui ont pu lire (ou écouter leurs parents lire) les aventures du Petit prince. C’est la dernière œuvre de l’aviateur, journaliste et écrivain Antoine de Saint-Exupéry qu’il écrit pendant la guerre aux États-Unis. Ce conte commence par la rencontre improbable dans le désert entre un aviateur et un jeune garçon qui a très envie qu’on lui dessine un mouton. On apprend ensuite que le Petit Prince vient d’une autre planète… une toute petite planète où il vit seul entouré de quelques volcans, de baobabs envahissants et d’une rose sublime. Sa planète est si petite qu’on peut y contempler des couchers de soleil successifs en déplaçant simplement sa chaise de quelques mètres. Le Petit Prince reste encore aujourd’hui l’un des livres traduit dans le plus de langues.
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Si avec Saint-Exupéry, l’espace est le lieu idéal pour situer un conte et une source de métaphores (la petite planète fait office de chambre d’enfant), Hergé lui se situe plutôt dans les pas de Jules Verne. Le « papa » de Tintin publie en 1953 et 1954, deux tomes des aventures de son célèbre reporter : Objectif Lune et On a marché sur la Lune. 15 ans avant le voyage d’Apollo 11 sur la Lune, Hergé nous plonge dans un voyage crédible et assume la pédagogie de son projet. Hergé s’est beaucoup documenté et a discuté avec plusieurs scientifiques pour écrire son scénario. Ce qui a beaucoup impressionné et impressionne encore, ce sont les équipements que Hergé imagine : un centre spatial, des combinaisons et bien sûr une fusée à damier rouge et blanc qui repose sur 4 pieds. Objet culte de la pop-culture, la X-FLR 6 est sûrement la fusée la plus reconnaissable dans le monde.
Génération désenchantée
Si beaucoup de romans envisagent la conquête spatiale comme une formidable aventure, on voit aussi arriver, surtout à partir des années 50, des œuvres spatiales plus sombres. Dans ses Chroniques martiennes par exemple, Ray Bradbury représente les premiers humains sur Mars comme des colons et les martiens comme des victimes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le voyage spatial n’est pas beaucoup plus tentant dans le roman Solaris. On le doit à l’auteur polonais Stanislas Lem qui le publie en 1961 et qui sera adapté 2 fois au cinéma en 1972 et 2002. L’histoire se passe dans une station spatiale en orbite autour d’une planète entièrement recouverte d’un mystérieux océan. A bord de la station, dépressions et suicides se multiplient… sûrement à cause des fantômes des êtres chers que les astronautes croisent dans les couloirs. Le roman est à la fois une incroyable aventure mélancolique à des millions de km de la Terre mais aussi une profonde réflexion sur les sciences à travers cette planète dont le mystère résiste à toute analyse.
Nous ne cherchons que l’homme. Nous n’avons pas besoin d’autres mondes. Nous avons besoin de miroirs. Nous ne savons que faire d’autres mondes. Un seul monde, notre monde, nous suffit, mais nous ne l’encaissons pas tel qu’il est.
- Extrait du film Solaris (1972)
Dans un tout autre genre, le premier tome de Dune sort en 1965. Si la saga est aujourd’hui de retour en haut de l’affiche grâce aux films de Denis Villeneuve, les romans de Frank Herbert ont toujours fait office d’œuvres cultes. Dans le monde imaginé par Herbert, pas besoin d’extra-terrestres pour faire la guerre. Se sont bien des humains qui s’affrontent sur la lointaine planète Arrakis. Comme Solaris, Arrakis est une planète avec un écosystème unique : un désert. Il attire les convoitises et les armées de toute la galaxie puisque lui seul permet de récolter « l’épice », une drogue aux nombreux pouvoirs. Avec les 6 tomes de la saga, Herbert évoque les intrigues de palais, montre des peuples opprimés, parle d’écologie et interroge la figure du messie.
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Écrit en parallèle du film, le roman 2001, l'odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke n’est pas plus joyeux mais tout aussi culte. Clarke y prolonge la guerre froide jusque dans l’espace et porte un regard à la fois fasciné et dubitatif sur les voyages spatiaux. Qu’est ce qu’on cherche ? Qu’est ce qu’on trouve ? Qu’est ce qu’on amène avec nous ? sont quelques-unes des questions qui hantent cette œuvre incontournable de la science-fiction.
Des autrices en quête d’espace
En science-fiction comme dans bien d’autres genres littéraires, les autrices ont parfois eu du mal à se faire une place. Surtout, l’histoire de la science-fiction a eu tendance à bien vite les oublier. Les autrices de romans spatiaux sont pourtant nombreuses et certaines ont eu une influence importante et durable.
Catherine Lucille Moore, par exemple, est considérée comme l’une des pionnières de la science-fiction tendance fantasy. On lui doit de nombreuses nouvelles publiées dans des revues et plusieurs recueils à partir des années 30 et jusque dans les années 50. Elle utilisa souvent des pseudonymes et parfois simplement ces initiales C.L. pour ne pas être pénalisée par son genre. Son héros le plus célèbre est Northwest Smith, sorte de cowboy de l’espace qui déambule pistolet thermique à la ceinture dans les villes minières de Mars (dans Shambleau par exemple publié en 1933).
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Il fît une fois de plus la tournée des bars de la ville (...). Il entendit les ragots de l’espace, des nouvelles d’un millier d'événements différents d’une douzaine de planètes. Il écouta la dernière blague sur l’empereur de Vénus…
- Extrait du livre Les aventures de Nothwest Smith (2010)
On doit à Leigh Brackett d’autres épopées spatiales comme L’homme stellaire en 1952 ou Les livres de Mars pendant les années 50 à 60. Elle aussi imagine des sortes de Yann Solo qui n’hésitent pas à se battre à mains nus ou à l'épée. D’ailleurs, Leigh Brackett a écrit la toute première version du scénario de L’Empire contre-attaque, le deuxième film de la saga Star wars. Même si Georges Lucas n’a pas gardé grand chose de son scénario, Leigh Brackett est tout de même créditée au générique du film. Hommage posthume puisque l'autrice meurt avant la sortie du film en 1978.
Au rayon BD
La littérature de science-fiction est un genre très prolifique et c’est particulièrement vrai en bande dessinée… et quelque soit le continent. Aux États-Unis, dans les années 1930 alors que les super-héros s'apprêtent à commencer leur conquête du monde, le premier d’entre eux est bel et bien un extraterrestre, enfant de la planète Krypton : Superman.
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En France, c’est à la fin des années 60 que voit le jour une longue saga spatiale qui se décline en plus de 20 albums : Valérian et Laureline. Ce fameux couple de jeunes agents se balade à travers les galaxies et le temps pour régler les conflits et sauver le monde (en tout cas celui des humains). Au Japon, l’un des voyageurs spatial le plus connu est Albator qui voit le jour en 1969 dans une série de manga avant de connaître un succès planétaire en dessin animé. Le point de départ de ces aventures est plutôt sombre puisque Albator est contraint de quitter une Terre trop polluée et trop corrompue, l’obligeant à errer et à résister dans l’espace sous la bannière des pirates.
J’erre parmi les étoiles. Les gens m’appellent le « capitaine Albator ». Arborant le drapeau noir, je parcours une mer sans lendemain et je vis en homme libre sous ma bannière : la bannière de la liberté.
- Extrait du manga Capitaine Albator, le pirate de l’espace de Leiji Matsumoto
Toutes ces œuvres très différentes ont un point commun : elles s’affranchissent complètement de la réalité scientifique et historique de la conquête spatiale. À l’inverse, quelques BD ont choisi la crédibilité comme toile de fond. C’est le cas par exemple des mangas Space brothers, parus à partir de 2007 qui mettent en dessin les aventures de deux frères apprentis astronautes. Entrainements, sélections et autres histoires d’amours ou de concurrences rythment leurs aventures, dont les éditions françaises sont complétées par des experts chez nous, au CNES. Histoire de démêler la réalité de la fiction.
Quizz
Quelle est la première planète visitée par le Petit Prince après avoir quitté son astéroïde B612 ?
A – La planète du buveur
B – La planète du vaniteux
C – La planète du roi
D – La planète de l’allumeur de réverbères
C : Dans Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, après avoir quitté son astéroïde B612, le Petit Prince visite une série de planètes habitées par des personnages symboliques. La première planète est celle du roi, un homme obsédé par le pouvoir et le contrôle, même s'il n’a personne à gouverner.