Vue d’artiste du drone Dragonfly.
Vue d’artiste du drone Dragonfly. © NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

Les drones spatiaux

Dans la panoplie de l’explorateur spatial, il existe différents engins : les sondes, les rovers, les atterrisseurs. Et depuis peu : les drones spatiaux, des objets volants motorisés et sans équipage.

Test d'activation des pales du drone Ingenuity sur Mars en 2021
Test d'activation des pales du drone Ingenuity sur Mars en 2021 © NASA/JPL-Caltech/ASU

Robots volants

  • Drones spatiaux et atmosphères

Les drones sont des engins volants, sans équipage, et motorisés. Ils peuvent avoir des ailes comme un avion ou des hélices (ou pales) qui tournent horizontalement, comme un hélicoptère. Quel que soit son look, un drone vole toujours en se basant sur le principe physique appelé portance, qui permet de « porter », de soulever l’engin en « s’appuyant » sur l’atmosphère (voir ci-dessous). Mais donc sans atmosphère, pas de portance. Et pas de portance, pas de drone : et non, jamais un drone ne pourra survoler sur la Lune ou sur Mercure !

A l’inverse, un drone pourra très bien explorer des astres dont l’atmosphère est très dense. Comme celle de Titan, la plus grande des lunes de Saturne. C’est pourquoi la NASA, l’agence spatiale américaine, va y envoyer un drone de 800 kg (l’équivalent d’une voiture de type Twingo), que pourra « porter » son atmosphère.

La portance, kezako ?

La portance est la force générée par les déplacements des molécules d’atmosphère sur les pales du drone. Leur forme bombée entraine une accélération des molécules au-dessus de l’hélice. Or, quand l’air (ou autre type d’atmosphère) accélère, sa pression diminue. Par conséquent, la pression de l’atmosphère au-dessus des pales est moins importante que celle en dessous : c’est ce qui génère la portance. Les pales sont « poussées » vers le haut. Et avec elles, tout le drone.

Drones spatiaux et pilotage 

Le premier drone spatial s’appelle Ingenuity. Il volé au-dessus de Mars entre 2021 et 2023… sans contrôle direct de l’humain. L’humain sait faire voler des engins depuis longtemps. Mais les piloter à des millions de km de distance est beaucoup plus complexe ! Car les opérations ne peuvent pas se faire en direct. Le délai moyen de transmission entre Mars et la Terre, par exemple, est 40 min aller-retour. Imaginez : le pilote verrait une falaise… 20 min après son drone (qui a donc largement eu le temps de s’y encastrer !). Il fallait donc les progrès de l’informatique et de la robotique pour que les drones puissent s’auto-diriger un minimum. Ainsi, les « pilotes » d’Ingenuity programmaient un trajet, que le drone suivait ensuite de manière automatique grâce à un logiciel de navigation. 

Pourquoi un drone ? 

Un drone peut se déplacer rapidement, en survolant sans risque les crevasses, les rochers coupants, les cailloux… et parcourir plus de distance qu’un rover. Sur Mars par exemple, le rover Curiosity a parcouru 31 km en un peu plus de 11 ans. Ingenuity a, lui, parcouru 17 km en moins de 3 ans ! Un drone peut ainsi servir d’éclaireur à des rovers, mais également faire de la science, en étudiant par exemple l’atmosphère de la zone dans laquelle il vole.

YouTube Lien vers la page YouTube

C'est pour quand les drones intelligents dans l'espace ?

Les drones sont partout aujourd'hui sur Terre.
Dans l'espace, ils commencent à conquérir la planète Mars, mais le problème c'est qu'on doit leur envoyer des ordres très précis pour qu'ils puissent se déplacer.
Ils ne savent rien faire par eux-mêmes.
Alors seront-ils un jour capables de prendre leurs propres décisions ?
Vous l'avez compris, c'est notre question du jour.
C'est pour quand les drones intelligents dans l'espace ?

Salut les impatients !
En fait si on y réfléchit bien, les drones autonomes offrent pour certaines tâches des possibilités d'exploration vachement plus efficaces que l'Homme.
Un drone, ça peut presque tout faire, ça vole dans tous les sens, ça peut se faufiler dans des lieux hyper étroits et plein d'autres choses encore.

L'intérêt du drone, c'est aussi qu'il peut être envoyé dans des endroits difficiles d'accès ou dangereux pour l'homme.
Pratique, non ?
On peut aussi collecter des données sur de longues distances ou cartographier facilement de grandes étendues ou une zone à explorer.
Peut-être même que les drones les plus perfectionnés pourront aussi collecter les échantillons à ramener sur Terre.
Où les faire analyser directement dans une station en surface ou en orbite.

Bref, les drones peuvent être un sacré avantage pour l'exploration spatiale.
L'un des plus célèbres est Ingenuity.
Vous vous souvenez ? Le petit hélicoptère du rover martien Perseverance.
Le drone est piloté à distance depuis la Terre et les millions de kilomètres qui séparent les deux planètes rendent impossible le pilotage en temps réel.
Il faut en effet plusieurs minutes pour pouvoir communiquer avec lui.
On se contente donc de lui envoyer son plan de vol à l'avance et il l'exécute à la lettre.
Mais pourquoi ces drones ne seraient-ils pas pilotés par une intelligence artificielle ?

Pour nous aider à comprendre, retrouvons notre expert Charles Yana, chef de projet InSight et Microlibs.
Salut Charles, alors aujourd'hui, c'est quoi un drone dans l'espace ?
« Salut Sylvain ! Nous, ce que l'on appelle "un drone" au CNES, c'est un engin spatial capable de voler à la surface d'une autre planète.
Ce n'est pas un vaisseau spatial qui est capable de se déplacer, par exemple d'une planète à une autre, c'est vraiment à la surface d'une autre planète, un appareil capable de s'élever dans les airs avec ses pales, sur un design un peu similaire à un hélicoptère sur Terre, et qui est capable avec un minimum d'intelligence, et un minimum d'autonomie, de se déplacer à la surface de notre planète.

Aujourd'hui le drone le plus récent, et en fait le seul qui n'ait jamais volé à la surface d'une autre planète, c'est Ingenuity, qui est parti avec le rover Perseverance et qui vole depuis le printemps 2021 à la surface de Mars.
Il a quand même une autonomie très rudimentaire, c'est à dire uniquement pour assurer sa sécurité au moment de la phase d'atterrissage pour éviter une pierre, un caillou, un fossé mais il est grandement contrôlé depuis la Terre, pas en direct, mais on va dire que son plan de vol est prédéfini à l'avance. »

Alors c'est quoi la difficulté principale pour faire voler un drone dans l'espace ?
« La problématique principale pour faire voler un drone sur une autre planète, c'est son environnement, donc l'atmosphère de la planète sur laquelle on lui demande de voler.
Si on prend l'exemple d'Ingenuity sur Mars, l'atmosphère de Mars n'est pas vraiment favorable à un vol d'hélicoptère parce que la pression est très faible. Certes la gravité est plus faible que sur Terre mais la pression est tellement faible qu'il est plus difficile d'obtenir de la portance sur les pales.
Donc par exemple, dans le design d'Ingenuity, on a des pales qui tournent beaucoup plus vite qu'un hélicoptère classique sur Terre pour permettre d'augmenter la portance et de voler à la surface de Mars.

Malgré cela, il est quand même très limité, c'est un hélicoptère rudimentaire par rapport à ce qu'on est capable de faire sur Terre ou plus tard, ailleurs, il est quand même rudimentaire parce qu'il n'est pas bardé d'instruments scientifiques.
Il est très léger.
"Très léger" peut se comprendre comme très fragile aussi et donc sur une mission vers Mars, on n'a pas cette capacité aujourd'hui d'envoyer plein d'instruments pour aller étudier des zones, des canyons, des cailloux beaucoup plus loin que ce qu'on est capable de faire actuellement.
Il faudra faire des drones plus gros.
C'est ce qu'on prépare avec la mission Dragonfly qui va aller vers Titan, partir en 2026 ou 2027 et arriver sur Titan quelques années plus tard.

La mission Dragonfly va être une mission fabuleuse parce que sur Titan la pression est plus importante et la gravité est plus faible.
Du coup ça donne des bonnes conditions pour faire voler un drone et donc on a cette capacité de fabriquer un drone plus gros, avec plus d'instruments scientifiques.
C'est donc une mission de la NASA pour laquelle la France (le CNES et son partenaire le CNRS) fournit des instruments scientifiques. »

Alors ça serait quoi pour toi un drone intelligent, un drone totalement autonome ?
« Pour moi, un drone complètement et totalement intelligent, ça serait un drone capable de définir son plan de vol tout seul.
D'aller déterminer, peut-être même pendant son vol, les cibles qu'il souhaite aller observer...
Les roches qu'il souhaite approcher...
Et puis, vraiment de manière très pragmatique, l'endroit précis où il souhaite atterrir.
Être capable de se décaler.
Ingenuity est déjà capable de le faire, mais être capable de dire : "moi je vais aller me poser là bas, parce que à la fois scientifiquement, c'est là que c'est plus intéressant, à la fois pour les objectifs d'exploration de la mission c'est là bas qu'il faut aller et puis c'est aussi l'endroit où je serai capable d'aller me poser en sécurité et de renvoyer mes données vers la Terre et dire à la Terre 'Voilà, tout s'est bien passé... Voilà mes données, on décide ensemble ce qu'on fait plus tard'. »

Finalement Charles, c'est pour quand les drones intelligents dans l'espace ?
« Les prochaines missions avec drones partiront dans une petite dizaine d'années et ce ne sont pas encore des drones complètement autonomes et vraiment intelligents.
C'est moins rudimentaire qu'Ingenuity.
C'est la 2e génération. Pour la 3e génération de drones qui seront complètement intelligents et complètement autonomes sur une autre planète, on peut tabler sur 15 à 20 ans, plus, probablement, 20 ans. »

Merci Charles pour ces explications passionnantes.
Merci Sylvain !

Le vrai défi n'est donc pas de remplacer l'Homme par la machine mais bien d'apporter toujours plus d'autonomie à ces appareils qui deviennent de plus en plus indispensables à l'exploration spatiale.
L'intelligence artificielle est donc une étape de plus dans cette recherche d'autonomie et deviendra probablement incontournable dans les missions martiennes futures et celles qui exploreront les lunes de Saturne et Jupiter.

Voilà, vous savez tout !
Si cet épisode vous a plu, likez, partagez et laissez-nous vos idées de sujets en commentaires.
Allez, à bientôt les impatients !

Ingenuity, « Ginny » pour les intimes, a été le premier drone à survoler un sol extraterrestre, entre 2021 et 2024. Il faisait partie de la mission américaine Perseverance, dont le rover poursuit aujourd’hui sa route sur Mars. Deux pales, un moteur alimenté par des panneaux solaires, et moins de 2 kg sur la balance : Ingenuity concourrait dans la catégorie poids plume. Il n’embarquait qu’un seul instrument, une caméra. Car son objectif était de démontrer la possibilité de faire voler un engin dans une atmosphère non terrestre. Et sans contrôle direct par un humain. Objectif atteint !

Drone piloté dans une grotte italienne
Le drone, piloté dans le cadre du programme CAVE de l'ESA, a permis en 2017 de cartographier des zones trop dangereuses pour les humains dans des grottes en Sicile © ESA, Natalino Russo

Le petit hélicoptère a réalisé 72 vols (contre 5 prévus au départ). Il a aussi pris de nombreuses photos aériennes du sol qui ont été utilisées par les « pilotes » du rover Perserverance pour éviter les obstacles. C’est finalement la casse de 2 de ses pales qui a mis fin à sa mission en janvier 2024. Ingenuity a ouvert la voie à l’exploration spatiale – notamment de Mars - via des drones. Ainsi, pour la mission Mars Sample Return, qui vise à ramener sur Terre des échantillons martiens, la NASA pense envoyer, en 2028, 2 petits drones semblables à Ingenuity. Ils centraliseront les tubes d’échantillons que Perseverance est en train de prélever. 

Chiffres-clé : Le bilan d’Ingenuity 

  • 72 vols
  • 17 km parcourus
  • Temps de vol total : 2 h et presque 9 min
  • Altitude maximale : 24 m
Sol de mars en noir et blanc prise par Ingenuity
Ingenuity prend en photo son ombre portée sur le sol martien ! © NASA / JPL-Caltech

Dragonfly, grosse libellule extraterrestre

  • Un drone hors-norme

En 2034, un drone américain baptisé Dragonfly (libellule en anglais) survolera Titan, l’un des satellites naturels de Saturne. Pourquoi un drone ? Car les conditions de vols sur Titan sont idéales : la gravité est faible (7 fois plus réduite que sur Terre, comprenez qu’un objet y pèse 7 fois moins lourd), la météo locale plutôt calme et l’atmosphère épaisse et dense : un récipient d’atmosphère de Titan contient 4 fois plus de molécules que le même récipient rempli d’air terrestre. La portance en est facilitée ! 

Dragonfly est une grosse libellule de 800 kg (l’équivalent d’une petite voiture ou du rover Perseverance), pourvue de 4 hélices (ou plutôt 8 hélices, chacune ayant été doublée au cas où la première tombe en panne). Son énergie ne viendra pas du soleil, dont les rayons ne traversent que très peu l’atmosphère de Titan, mais d’un petit réacteur nucléaire. 

Dragonfly parcourra ainsi d’abord des petites distances, puis des distances de plus en plus grandes (jusqu’à 100 km). Evidemment, pas question de le piloter en direct depuis la Terre, qui se trouve à 1,3 milliard de km de Saturne ! Il sera programmé en amont par des personnes, et à l’aide de sa caméra et de son logiciel de navigation, il pourra « juger » de la dangerosité – ou pas – des sites d’atterrissages. 

  • Découvreur de vie ?

Dragonfly va réaliser des analyses, en vol, de l’atmosphère de Titan et prendre des photos aériennes de sa surface. Mais son travail scientifique se fera principalement lorsqu’il sera au sol. Grâce à plusieurs instruments, il va analyser la composition chimique de son environnement, identifier les molécules organiques qui s’y trouvent, et peut-être déceler des traces de vie. 

Dragonfly sera également équipé de capteurs météorologiques et sismiques afin de mieux connaitre la planète et son atmosphère. 

Illustration de l’atterrissage du drone Dragonfly sur Titan
Dragonfly sera lâché dans l’atmosphère de Titan dans une capsule, puis effectuera le début de sa descente sous parachute, avant de mettre en route ses hélices et se poser… tout en douceur © NASA/JOHNS HOPKINS APL/STEVE GRIBBEN

Quizz

Au CNES, nous sommes partenaire de la NASA dans la mission Dragonfly. La France participe à l’élaboration d’un instrument appelé DraMS (pour Dragonfly Mass Spectrometer ou spectromètre de masse de Dragonfly). Mais à quoi sert un tel instrument ?

A – Identifier des molécules 

B – Analyser des roches

C – Faire des excellents milkshakes

D – Forer le sol pour prélever des échantillons.

A : DraMS permettra de rechercher et d’identifier les molécules du sol et de l’atmosphère de Titan, particulièrement les molécules organiques. Il sera raccordé à un système qui prélève des échantillons du sol et de l’atmosphère.