Publié le 17 mai 2023

[JUICE] Un mois de voyage et de très bonnes nouvelles

Après un décollage réussi grâce à Ariane 5 le 14/04 dernier, le satellite européen JUICE voyage désormais vers la planète Jupiter. Bonnes nouvelles et petites frayeurs, faisons le point sur les données et images envoyées par la sonde depuis 1 mois.

La Terre vue par JUICE
La Terre vue par JUICE

 



Antenne RIME : Anomalie, Correction, Libération !

 

Le 28/04, 2 semaines après le lancement de sa mission d'exploration du système jovien JUICE, l'ESA annonçait que l'antenne radar RIME n'était pas encore déployée comme prévu. Cet instrument, l'un des 10 embarqués sur le satellite, a été conçu pour étudier la structure de la surface et du sous-sol - jusqu'à 9km de profondeur - des lunes glacées de Jupiter. Son déploiement était donc une condition indispensable au bon déroulement de la mission. 

L'hypothèse privilégiée : une minuscule goupille coincée empêchait très probablement l'antenne de se libérer de son support de fixation.

JUICE : RIME repliée avant son déploiement

 

Pour tenter de déplacer la goupille, les équipes de l'ESA au centre de contrôle de la mission à Darmstadt, en Allemagne, en collaboration avec les partenaires scientifiques et industriels de la mission, ont décidé de "secouer" JUICE en mettant à feu ses propulseurs. 2e étape : réchauffer l'antenne et sa structure, qui se trouvaient sur la "face cachée" du satelite par rapport au Soleil, grâce à une série de rotations. Chaque jour, l'antenne RIME montrait des signes de mouvement, mais toujours pas de libération complète... 

C'est au bout de 2 semaines supplémentaires, le 12/05, que RIME a finalement été réveillée en sursaut lorsque l'équipe de contrôle du vol a actionné un dispositif mécanique, appelé "actionneur non explosif" (NEA), situé dans le support bloqué. Ce dispositif a produit un choc qui a déplacé la goupille de quelques millimètres et a permis à l'antenne de se déployer... en partie.

 

Déploiement de la 1ere partie de RIME. Crédits : ESA/Juice/JMC, CC BY-SA 3.0 IGO

 

 

Le graphique ci-dessus montre le choc mécanique provoqué par la mise à feu de l'actionneur non explosif dans le support de montage. L'actionneur a été déclenché au moment indiqué "NEA 6 Release". L'oscillation d'amortissement qui en résulte indique que l'antenne est libérée et qu'elle oscille d'avant en arrière avant de se stabiliser dans une position allongée et verrouillée.
Crédits : ESA, CC BY-SA 3.0 IGO

 

Une dernière partie de l'antenne restait encore pliée. La confirmation que l'instrument avait été entièrement déployé avec succès a finalement été annoncée après que l'équipe de contrôle du vol a actionné un autre dispositif du support de fixation, permettant à RIME de se dégager complètement.

 

Déploiement complet de l'antenne RIME. Crédits : ESA/Juice/JMC, CC BY-SA 3.0 IGO

 

Félicitations à toutes les équipes engagées dans ces opérations !

Traduit en français depuis ces articles originaux de l'ESA : 



Zoom sur les 1ères données magnétométriques

Les déploiements et l'activation des antennes, perches, capteurs et instruments de JUICE se déroulent sur plusieurs mois après le lancement, dans le cadre d'une période de vérification spécifique appelée phase de mise en service. Lors du déploiement de sa perche magnétométrique de 10,6 m de long (J-MAG), le 21/04, le satellite a enregistré des données sur le champ magnétique terrestre alors qu'il se trouvait à environ 1,7 million de km de notre planète.

Les données collectées par J-MAG ont permis de capturer le moment du déploiement lui-même.

 

JUICE : 1ères données magnétométriques

Le graphique ci-dessus montre l'amplitude du champ magnétique de 2 capteurs, représentés par les lignes rouge et bleue, avant (lignes plates) et pendant (lignes courbes) le déploiement de la perche J-MAG. La ligne rouge correspond aux données du capteur externe (OBS) et la ligne bleue à celles du capteur interne (IBS). Les 2 capteurs sont montés sur le segment extérieur de la perche et séparés d'environ 3 m. L'OBS est monté près de l'extrémité de la perche.La partie gauche du graphique montre la trace du champ avant le déploiement de la perche. A ce moment là, les capteurs étaient placés contre la paroi du satellite et l'OBS situé à proximité de ses 2 propulseurs, qui sont très magnétiques, ce qui explique la différence entre les 2 amplitudes de champ.Les lignes de tracé changent au fur et à mesure du déploiement de la perche, qui commence juste après 14:29:38 UT et dure environ 2 secondes. Par la suite, les 2 amplitudes de champ sont à un niveau similaire, tendant vers zéro et stables, ce qui indique que la perche s'est déployée sur 10,6 m et que les 2 capteurs mesurent le champ de vent solaire ambiant.Le tracé a été établi à l'aide d'étalonnages très préliminaires.

 

La mise en service détaillée de J-MAG a débuté la semaine suivante, notamment dans ses plages les plus sensibles. Après avoir été rigoureusement testé depuis, il est désormais « prêt à remplir sa mission » selon les chercheurs de l'Imperial College London responsables de l'instrument. C'est la première fois qu'un capteur d'interférence quantique - une technologie précise mais délicate - est utilisé au-delà de l'orbite terrestre. Le professeur Michele Dougherty, du département de physique de l'Imperial College, chercheur principal de J-MAG, a déclaré : « C'est un grand soulagement de voir que tous les instruments ont été testés avec succès, [...] de voir que les trois capteurs sont en bonne santé et fonctionnent bien après le lancement, et c'est très excitant de les voir mesurer le champ magnétique ensemble. »

Un nouveau type de capteur

J-MAG se compose de 3 capteurs : un construit à l'Imperial College London, un à la Technische Universität Braunschweig, en Allemagne, et un à l'Académie autrichienne des sciences (OeAW) en partenariat avec l'Université de technologie de Graz, en Autriche.

Les instruments de l'Imperial College et de Braunschweig sont des capteurs à vanne de flux, capables de mesurer la direction et l'intensité des champs magnétiques. Ils sont respectivement appelés capteurs "externes" (MAGOBS) et "internes" (MAGIBS).  
Les capteurs à vanne de flux doivent être étalonnés régulièrement en vol. L'environnement magnétique autour de Ganymède est si complexe et change si rapidement que les techniques traditionnelles d'étalonnage des capteurs, telles que des manoeuvres de rotation du satellite une fois en orbite autour de Ganymède - ne fonctionneraient pas. Il a donc fallu trouver une nouvelle méthode d'étalonnage utilisant un capteur quantique sensible et précis, baptisé MAGSCA.

Le capteur MAGSCA, construit en Autriche et situé à l'extrémité de la perche, mesure l'intensité absolue du champ magnétique. Il utilise l'effet Zeeman, qui provoque une division des niveaux d'énergie des électrons proportionnellement à l'intensité du champ magnétique. L'effet quantique est généré par une lumière laser spécifiquement modulée qui interfère avec les atomes de rubidium dans la cellule de verre du capteur MAGSCA. Cette mesure est exempte d'erreurs d'étalonnage car l'effet est basé sur des constantes physiques fondamentales. Le capteur MAGSCA étalonne les deux autres, ce qui leur permet de caractériser pleinement le champ magnétique.

Werner Magnes, co-chercheur principal de MAGSCA à l'Institut de recherche spatiale de l'OeAW, a déclaré : « Le développement de cette nouvelle technologie pour la mission JUICE a été un grand défi pour l'ensemble de l'équipe J-MAG, qui a bénéficié du soutien de l'ESA et d'Airbus. Nous sommes très heureux que MAGSCA fonctionne désormais parfaitement dans l'espace. »

Des mesures réussies

Le graphique ci-dessous montre que les 3 capteurs de l'instrument J-MAG détectent les mêmes variations du champ magnétique du vent solaire, ce qui confirme leurs bonnes performances respectives.

 

Représentation de la toute première détection du signal d'interférence quantique pour mesurer les champs magnétiques dans le capteur MAGSCA embarqué sur JUICE, lorsque le satellite se trouvait à environ 5 millions de kilomètres de la Terre. Il montre le champ magnétique le long de l'axe optique SCA pour les trois capteurs (les champs IBS et OBS sont projetés sur cet axe). Les champs OBS et SCA sont décalés par rapport à IBS pour faciliter la visualisation.Tracé de 3lignes de couleurs différentes suivant les mêmes schémas.

 

Une fois entré dans le système de Jupiter, en 2031, J-MAG aidera à caractériser le champ magnétique de la planète et son interaction avec celui de la lune géante Ganymède, et étudiera les océans souterrains des lunes glacées. J-MAG est l'un des 10 instruments qui examineront Jupiter et ses plus grandes lunes glacées, Ganymède, Europe et Callisto.

Traduction en français depuis ces articles originaux : 

 

 

Tout savoir sur la mission JUICE, l'explorateur des lunes glacées de Jupiter

→ Accéder à la fiche mission JUICE sur la bibilothèque des projets du CNES