Publié le 1er février 2021
Rendez-vous en terre hostile
Atterrir sur Mars est une entreprise risquée. Seulement 40% des sondes envoyées vers la planète rouge (toutes agences spatiales confondues) sont arrivées à destination.
La rentrée atmosphérique, dont la précision doit être chirurgicale, est la phase la plus critique de la mission. La sonde doit toucher l’atmosphère martienne en un point et selon un angle rigoureusement calculés. Un angle trop obtus et l’appareil part en fumée. Un angle trop aigu et il rebondit sur l’atmosphère, direction les confins du système solaire.
A cela s’ajoute la très faible densité de l’atmosphère martienne, qui diminue l’effet de friction permettant à la sonde de ralentir et donc les marges de tolérance sur l’enchainement des actions.
7 Minutes de terreur
7 minutes, c’est le temps nécessaire à la sonde spatiale pour atterrir sur Mars à partir de son entrée dans l’atmosphère. C’est la phase d’EDL, ou Entry, Descent and Landing (Entrée atmosphérique, descente et atterrissage). Chaque étape de cette phase cruciale est programmée sur l’ordinateur de bord de la sonde : aucune assistance humaine n’est possible ni requise. L’enchainement doit être parfait. Un délai, une anomalie même mineure suffirait à faire échouer la mission. Au sol, sur Terre, le centre de contrôle ne reçoit qu’un signal succinct confirmant le bon déroulé de chaque action. 7 minutes extrêmes et riches en émotions pour tous les acteurs de la mission.
« La moindre erreur d’angle d’entrée, d’estimation de vitesse ou de télécommande qui ne se déclenche pas au bon moment, et tout déraille. En 2012, pour l’atterrissage de Curiosity, nous étions au JPL et c’était la même chose. Quelle angoisse ! Pour Mars 2020, c’est encore une émotion très forte. C’est aussi beau humainement que c’est complexe techniquement, donc tout est décuplé ! »
Un système d’atterrissage ultrasophistiqué
Fondé sur le succès de la mission Mars Science Laboratory, l’atterrissage de Mars 2020 se décompose en 5 étapes distinctes et parfaitement orchestrées :
- La phase d’approche
- La rentrée atmosphérique pilotée
- La descente sous parachute
- La descente propulsée
- La dépose par l’étage de descente, ou « Sky Crane »
10 minutes avant son entrée atmosphérique, la sonde spatiale se sépare de l’étage de croisière. 5 minutes plus tard, elle ajuste son angle d’attaque en larguant deux lests de 75 kg chacun. Entrée atmosphérique dans 5, 4, 3, 2, 1…
Ça y est, Mars 2020 vient de pénétrer l’atmosphère martienne. Elle entame alors sa phase d’entrée atmosphérique pilotée qui fait passer sa vitesse de 21 000 km/h à 1510 km/h. Tout au long de cette phase, la sonde adapte son angle d’attaque à l’aide de quatre propulseurs situés à l’arrière du bouclier thermique. Elle corrige ainsi les variations locales de densité de l’atmosphère qu’elle traverse et maintient sa trajectoire vers le point d’atterrissage visé.
Environ 80 secondes après son entrée dans l’atmosphère, la surface externe du bouclier thermique atteint son pic de température à 1 300°C.
Parachute supersonique et skycrane
Le parachute supersonique, d’un diamètre de 21,5 mètres, est déployé environ 240 secondes après la rentrée atmosphérique, lorsque la sonde atteint approximativement 11 kilomètres d’altitude et alors que sa vitesse est encore de 1510 km/h.
20 secondes après le déploiement du parachute, le bouclier thermique est éjecté à une altitude de 2,1 km. 90 secondes plus tard, l’étage de descente se sépare du bouclier arrière, auquel le parachute est attaché.
C’est alors que la sonde entame sa phase de descente propulsée. Les 8 moteurs de l’étage de descente (ou Skycrane) se mettent en marche et modifient la trajectoire de la sonde afin que le rover n’atterrisse pas au même endroit que le bouclier arrière. Ici, la sonde décélère de 680 km/h à 6 km/h entre 2100 m et 20 m d’altitude.
Au cours de cette phase, une caméra pointant vers le sol capture en continu les images du sol martien et les envoie à l’ordinateur de bord. Celui-ci identifie alors la position de la sonde par rapport à la surface de Mars, détecte les obstacles ou les accidents de terrain et sélectionne l’endroit le plus sûr où atterrir.
À 21 mètres au-dessus du point d’atterrissage, 12 secondes avant le toucher, le rover est descendu le long de 3 câbles de 6,40 mètres tout en déployant et verrouillant ses roues.
Dès que le rover détecte le contact avec le sol, les câbles sont coupés, libérant l’étage de descente qui, allégé, s’éloigne du point d’atterrissage jusqu’à épuisement du carburant.
Le rover touche le sol avec une vitesse verticale de 2,7 km/h (0,75 m/s).
Une précision inégalée
Le système d’atterrissage de Mars 2020 est largement inspiré de celui de la mission MSL, qui s’est posée avec succès dans le cratère Gale en août 2012. Mais pour préparer les futures missions, Perseverance embarque avec elle de nouvelles technologies de pointe destinées à améliorer la précision de l’atterrissage.
- Le « Range Trigger » est une nouvelle technique utilisée par Mars 2020 pour déclencher le déploiement du parachute. Contrairement à MSL/Curiosity, le déclenchement de l’ouverture du parachute ne sera pas conditionné par la vitesse de la sonde mais par sa distance mesurée par rapport au point d’atterrissage visé. Cette nouvelle technique réduit significativement la taille de l’ellipse d’atterrissage dont la longueur du grand axe passe de 25 km pour MSL à 7,7 km pour Mars 2020.
- La navigation autonome par imagerie de terrain (Terrain-Relative Navigation) est un système de pilotage qui sélectionne en temps réel l’endroit le plus sûr où atterrir. Des caméras pointant vers le sol capturent en continu les images et les envoient à l’ordinateur de bord qui détecte si le site d’atterrissage prévu comporte des blocs de rochers trop gros ou des pentes trop importantes. Ce système peut ajuster le point d’atterrissage du rover jusqu’à 600 mètres. La probabilité d’atterrissage réussi passe alors à 99% contre 80 à 85% sans cette technique.
Ainsi, l’ellipse de l’atterrissage de Perseverance mesure 7,7 km x 7,6 km (46 km²), soit un peu moins de la moitié de la surface de Paris intra-muros. En comparaison, celle de MSL Curiosity était de 25 km x 20 km (soit 393 km²), soit presque 4 fois la surface de la même ville.
Une prouesse technologique inédite donc, qui met la communauté spatiale dans tous ses états !