Publié le 08 février 2024

1986 : découverte de plusieurs composés de la Comète de Halley

Au printemps 1986 une véritable armada est allée à la rencontre de la comète de Halley. En effet, la célèbre comète ne revenant que tous les 75 ans, l’opportunité de l’étudier de près était un rendez-vous à ne pas manquer.

Comète de Halley
Comète de Halley



50 ans de résultats scientifiques

1986 : découverte de plusieurs composés de la Comète de Halley.

 

Dans l’ordre d’arrivée, les deux sondes soviétiques VEGA 1 & 2 survoleront la comète les 6 et 9 mars en passant à 9.000 km et 8.000 km respectivement.

Entre temps, la sonde japonaise Suisei passera le 8 mars à 151.000 km afin d’étudier l’interaction de la comète avec le vent solaire.

Ensuite se sera Sakigake, le 11 mars, à 7 millions de kilomètres et enfin Giotto le 14 à 600 km du noyau.

Les américains souhaitant être dans la course ont détourné une sonde d’étude du plasma terrestre et l’ont fait passer à 28 millions de kilomètres le 25 mars.

De plus une coordination internationale sans précédent de nombreux pays, l’International Halley Watch, est mise en œuvre par la NASA afin d’optimiser les observations depuis des observatoires terrestres notamment pour étudier l’évolution temporelle de son activité dès son apparition dans le ciel en 1982 et jusqu’à son retour aux confins du système solaire près de dix ans plus tard. Des sursauts d’activités surprenants ont ainsi été détectés jusqu’au printemps 1991 alors que la comète était au-delà de l’orbite de Saturne.

Déterminer la composition chimique de la comète

L’objectif central de cette armada était de déterminer la composition chimique du matériau primordial qui constitue les noyaux de comètes.

En effet, depuis le sol les observations de la région proche du noyau sont limitées par la transparence de l’atmosphère terrestre, la présence de poussières et par le processus de photodissociation des molécules éjectées du noyau par les rayons ultraviolets du Soleil.

Pour cette raison les observations au sol dans les domaines visible, infrarouge et radio ont détecté certaines molécules « filles » produites par la photodissociation (tel le radical CN détecté au printemps et OH détecté en radio à Nançay à l’automne 1985 provenant de H2O) mais seules les molécules « mères » CO et S2 avaient pu être identifiées.

Pour les sondes VEGA l’enjeu était de taille. Etant les premières, leurs observations devaient également permettre d’affiner la trajectoire de la sonde européenne Giotto afin qu’elle puisse passer au plus près du noyau.

Celles-ci étaient surtout équipées d’instruments d’analyse à distance du matériau cométaire alors que Giotto se focalisait sur des analyses in situ des gaz et des grains de la comète.

L’une des nombreuses contributions françaises aux missions soviétiques était le spectromètre infrarouge IKS (IKS étant les initiales de « spectromètre IR » en russe) réalisé par le LESIA (ex DESPA), le LPSP (devenu l’IAS depuis) avec des contributions d’autres laboratoires. Cet instrument était composé de deux canaux spectrométriques à 2,5 – 5 µm et 6 – 12 µm et d’un canal imageur (appelé « voie image » sans pour autant fournir des images) dont l’objectif était de déterminer les dimensions, la température et l’émissivité du noyau. Les détecteurs infrarouges étaient refroidis par un dispositif de détente de gaz.

IKS était monté sur une plateforme de pointage avec l’instrument français TKS (spectromètre UV, visible et proche infrarouge réalisé par l’observatoire de Besançon) et la caméra TVS auquel avait contribué le LAM (ex LAS à Marseille) et le LATMOS (ex Service d’Aéronomie).

Une moisson de molécules

Le survol de VEGA 1 a été parfaitement nominal pour IKS. Dans la bande 2,5 - 5 µm, les spectres ont révélé la présence des molécules H2O, CO2, CO et même H2CO et OCS ainsi qu’une intense bande d’émission à 3 µm liée à la vibration de la liaison C-H dans des molécules d’hydrocarbures complexes mais non formellement identifiées. Ces hydrocarbures pourraient être des PAH (hydrocarbures aromatiques polycycliques) ou des petits grains carbonés. Dans la gamme 6 - 12 µm, une large bande est attribuée à la présence de silicates dont la signature est caractéristique de l’olivine.

TKS complètera cette liste en détectant des PAH tels que le naphtalène (C10H8) et le l’anthracène (C14H10). De plus des considérations sur les rapports isotopiques de l’hydrogène et du carbone, dont les valeurs ne correspondent pas aux rapports mesurés sur Terre, laissent penser que du matériau de la comète de Halley ne serait pas d’origine solaire mais se serait formé dans le milieu interstellaire, à l’instar des météorites de type chondrites carbonées.

Le survol de la comète de Halley a confirmé le modèle de Fred Whipple qui décrit les comètes comme une « boule de neige sale » et les sondes Vega et Giotto permettent de dire que la neige est vraiment très sale ! Pour autant le mystère de la composition du matériau cométaire reste entier.

La découverte récente d’olivine, matériau se formant à haute température, dans les grains de la comète Wild-2 rapportés par la mission Stardust en 2006, pourtant déjà suggérée par IKS, a mis en évidence que le mécanisme de turbulence dans la nébuleuse primitive avait été sous-estimé jusqu'à présent ce qui nécessite de revoir profondément le modèle de formation du système solaire.

Aujourd’hui, la quête de ce matériau primitif continue avec la mission Rosetta qui arrivera au voisinage de la comète Churyumov-Gerashimenko dans moins de 3 ans. Cette fois l’engin se mettra en orbite autour de la comète afin d’étudier l’émergence et l’évolution de son activité.

Rosetta larguera un atterrisseur, Philae, qui se posera sur le noyau afin de prélever des échantillons du sol et du proche sous-sol et de les analyser sur place. Les moyens d’analyse de Philae devraient nous donner enfin la composition chimique de ce matériau si primitif. Les mécanismes de formation des comètes devraient être mieux contraints et l’existence de matériaux pré-solaires devraient être précisés.

Il y avait un avant et un après le rendez-vous avec Halley en 1986, il y aura certainement un avant et un après Rosetta en 2014 !

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