Microscope en détails

Contexte

La théorie généralement admise pour décrire la gravitation est la théorie de la Relativité Générale. Elle est fondée sur le Principe d'Équivalence. Einstein a en effet promu ce principe, considéré comme empirique depuis Galilée et Newton, au statut de postulat de départ de sa théorie.

Selon ce principe, les lois physiques dans un référentiel tombant en chute libre dans un champ de gravitation sont équivalentes aux lois physiques dans un référentiel inertiel. Une conséquence élémentaire du principe peut s'énoncer ainsi : la trajectoire d'un corps tombant en chute libre (c'est-à-dire un corps qui n'est soumis à aucune interaction de type électromagnétique par exemple) ne dépend ni de sa structure interne ni de sa composition.

La principale raison pour tester ce principe vient du fait que la gravitation, première des interactions fondamentales connues, résiste aux tentatives d'unification avec les autres interactions fondamentales (électromagnétique, nucléaire faible et nucléaire forte). Celles-ci sont décrites selon un modèle de théorie quantique des champs, le Modèle Standard de la physique des particules, alors que la gravitation est décrite par une théorie classique (par opposition à quantique), la relativité générale, qui relie la géométrie de l'espace-temps à la densité de matière-énergie qu'il contient.

Les théories d'unification les plus récentes, telles que la théorie des cordes, cherchent ainsi à trouver une description cohérente de la gravitation et des autres interactions. Dans tous les cas, ces théories prédisent l'existence d'une nouvelle interaction dépendant de la composition des corps. Quelle que soit son origine, une éventuelle nouvelle force pourrait, en se superposant à la gravitation, être mise en évidence comme une violation du Principe d'Équivalence. Tester le Principe d'Équivalence, en particulier à travers l'universalité de la chute libre, c'est donc chercher aussi l'existence et les caractéristiques de cette nouvelle interaction.

Microscope, un microsatellite du CNES, avait pour mission de tester le principe d'équivalence d'Albert Einstein avec une précision jamais atteinte auparavant.

Vue d’artiste du satellite Microscope en orbite avec ses micropropulseurs allumés
Vue d’artiste du satellite Microscope en orbite avec ses micropropulseurs allumés © CNES

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur le contexte scientifique de la mission Microscope, consultez le PDF « Contexte scientifique » téléchargeable depuis la page Ressources.

Objectifs

  • Tester le Principe d’Équivalence avec une précision de 10-15

  • Obtenir une précision 100 fois meilleure sur ce test déjà réalisé avec diverses méthodes

Le principal objectif de la mission était de tester le Principe d'Équivalence (PE) avec une précision de 10-15, c'est-à-dire 100 fois meilleure que la précision des expériences réalisées jusque-là sur Terre aussi bien avec un pendule à torsion ou sur la Lune par Laser. Pour cela, Microscope a mesuré la chute libre de deux cylindres, l’un en platine, l'autre en titane. S'ils n’avaient pas chuté de la même manière, comme prédit par certaines théories, cela aurait été un événement majeur de la recherche en physique ! Cependant, les résultats définitifs de l’expérience ont été publiés en octobre 2022, et ils confirment le principe d’équivalence avec une précision de 2,7x10-15, la meilleure obtenue jusqu’alors. Une information qui vient valider et consolider notre compréhension des lois de la physique !

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur les résultats de l’expérience de la mission MICROSCOPE, consultez la publication de P. Touboul et al., Result of the MICROSCOPE weak equivalence principle test, Classical and Quantul Gravity, 2022.

Balance à torsion inventée par le physicien hongrois Loránd Eötvös en 1888
La balance à torsion inventée par le physicien hongrois Loránd Eötvös en 1888. Le modèle photographié, la « grande double balance » a été construit en 1902. Ce dispositif avait pour but de tester le principe d’équivalence d’Einstein © Tamás Kármán
La tour de chute libre ZARM (Center of Applied Space Technology and Microgravity)
La tour de chute libre ZARM (Center of Applied Space Technology and Microgravity) à l’Université de Brême (Allemagne). Elle permet des chutes libres de 109 m. Tout comme le dispositif à bord du satellite Microscope, la tour ZARM a été utilisée pour tester © ZARM Fab

En démontrant qu’il n’y avait pas de violation du principe d’équivalence jusqu’à des niveaux de précision de l’ordre de 10-15, le résultat de cette expérience a permis d'orienter les théories de la gravitation. L’absence de violation à ce niveau est par ailleurs en totale adéquation avec l’observation directe d’ondes gravitationnelles par les observatoires LIGO (2015) puis VIRGO (2017).

La mission Microscope utilisait la Terre comme source gravitationnelle de cette expérience de physique fondamentale dans l'espace. On contrôlait que le mouvement en orbite de deux masses de composition différente tombant dans le champ gravitationnel de la Terre était identique, en faisant attention à ce que les deux masses soient soumises exactement au même champ gravitationnel.

Cette expérience spatiale profitait du fait que le satellite était un "cocon" qui protégeait les instruments des forces perturbatrices (les forces non gravitationnelles, appliquées au satellite, étaient compensées par la mise en œuvre des micropropulseurs ioniques), de l'absence totale des fluctuations du gradient de gravité et de l'absence de perturbations dues à l'activité humaine.

La possibilité d'avoir de très longues périodes d'observation des mouvements de masses en apesanteur dans des conditions très stables conduisait à l'intégration de mesures faites sur plusieurs jours, ce qui permettait de rejeter les perturbations stochastiques (aléatoires).

La rotation de la fenêtre d'observation par rapport au champ gravitationnel, aidait aussi dans la discrimination du signal d'une éventuelle violation du Principe d'Équivalence. Pour améliorer la précision de la mesure, plusieurs fréquences et phases de rotation ont été considérées.

La compensation de traînée du satellite mettait en jeu des micropropulseurs à jets de gaz. Cette technologie, d'une extrême précision, a ouvert la voie à d'autres missions scientifiques nécessitant de compenser la traînée et de façon plus générale toutes les forces non gravitationnelles. Elle était aussi prometteuse pour la préparation des missions futures comportant plusieurs vaisseaux spatiaux en formation, leur trajectoire relative devant être contrôlée avec une très grande précision.

Infographie présentant les chiffres clés de la mission Microscope
Infographie présentant les chiffres clés de la mission Microscope © CNES 2016. Création : nun {atelier de design graphique} Licence CC BY-NC-SA 3.0

Déroulé du projet

Manque une partie sur quand le projet a été démarré / quand le satellite a été lancé.

Le satellite a été placé sur une orbite circulaire héliosynchrone à 710 km d'altitude avec un nœud ascendant à 18 heures.

Lancement du satellite Microscope à bord de Soyouz depuis le Centre Spatial Guyanais
Lancement du satellite Microscope à bord de Soyouz depuis le Centre Spatial Guyanais, vol VS14, le 25 avril 2016. À bord se trouvait également le satellite Sentinel-1B du programme Copernicus © ESA/M. Pedoussaut

L'expérience de test du Principe d'Équivalence, qui était l'objectif principal de cette mission, ne requérait en théorie qu'une semaine de mesures en continu. Mais la préparation de cette expérience nécessitait des périodes d'étalonnage très longues (plusieurs mois). De plus elle devait être reproduite plusieurs fois dans des conditions variées pour éliminer tous les effets parasites.

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Pendant les phases de mesure, le satellite était orienté suivant 2 modes principaux :

  • Un mode inertiel (fixe par rapport au Soleil et aux étoiles)
  • Un mode "spinné" : rotation lente autour de l'axe de l'orbite pour augmenter la fréquence du signal gravitationnel (de l'ordre de 3 ou 4 fois plus)

Pendant les phases d'étalonnage, le satellite subissait des sollicitations angulaires et linéaires programmées pour identifier très finement les paramètres des accéléromètres.

L'orbite choisie permettait d'assurer au satellite des périodes de 9 mois en continu sans passage dans l'orbite de la Terre, ce qui permettait de réaliser l'ensemble des phases de mesures et d'étalonnage sur une durée de mission de 2 ans.

 

Organisation

La supervision de la mission Microscope était sous la responsabilité d'un Comité Directeur CNES-ESA-ONERA-DLR-INSU-GEOAZUR-ZARM.

La responsabilité scientifique a été assurée par l’ONERA. Le CNES avait la charge du développement du système complet et de la réalisation du satellite. Il a financé le projet à 80%, et a assuré la maîtrise d'œuvre : développement de la plate-forme satellitaire, intégration et essais sur le satellite jusqu'à son lancement, réalisation et opération du centre de contrôle.

L'ONERA était responsable du développement de l'instrument accélérométrique et du Centre de Mission Scientifique. Il coordonnait l'exploitation scientifique de la mission.

Le laboratoire Géoazur (Observatoire de la Côte d'Azur et CNRS) a participé à la préparation du plan de mission et a préparé les traitements scientifiques en collaboration avec l'ONERA.

L'Agence Spatiale Européenne a fourni le système de micro-propulsion.

Le DLR a financé les matériaux des masses d'épreuve et les participations allemandes du PTB et du ZARM.

Le PTB, laboratoire de métrologie allemand, a fait l'usinage et la métrologie des masses d'épreuve.

Le ZARM a participé à la validation au sol des performances de l'instrument en réalisant des essais préalables dans sa tour de chute libre, ainsi qu'au traitement des données.

Le groupe performances sous la responsabilité du PI était composé de membres du CNES, de l'ONERA, de Géoazur et du ZARM.