Décollage d’Ariane 5 depuis le Centre Spatial Guyanais
Décollage d’Ariane 5, au Centre Spatial Guyanais © ESA-CNES-Arianespace/Optique video du CSG/P. Piron

Quel est l'impact d'une fusée sur l'environnement ?

Lancer une fusée n’est pas sans conséquence pour l’environnement. Mais la pollution n’est pas forcément là où on la croit. Focus sur les impacts environnementaux réels des lanceurs, et les solutions mises en place au Centre spatial guyanais pour les limiter.

 

Les impacts directs des fusées

En décollant puis en traversant l’atmosphère, la fusée émet des gaz et des particules. Mais gros engins riment-ils forcément avec grosse pollution ?

Décollage de la première Ariane 6 au CSG le 09 juillet 2024
Décollage de la première Ariane 6 au CSG le 09 juillet 2024 © ESA/CORVAJA Stéphane, 2024

Au décollage, pollution, ou pas ?

On a tous en tête cette image d’une fusée décollant dans un gigantesque nuage blanc, appelé nuage de combustion. Il s’agit en fait principalement de vapeur d’eau, générée par les moteurs à propulsion chimique : la réaction entre l’hydrogène et l’oxygène produit de la chaleur et de l’eau. 2H2 + O2 -> 2H2O, CQFD ! L’étage inférieur d’Ariane 6, par exemple, est équipé d’un tel moteur.

Reste qu’une fusée rejette des polluants. Les propulseurs et leur moteur à poudre, que l’on trouve sur Ariane 6 par exemple, rejettent des composants de l’acide chlorhydrique ou des particules de suies et d’alumine. Mais les relevés, menés à chaque lancement, montrent que les concentrations de ces polluants, dans l’air ou dans le sol, restent négligeables.  

Enfin, une fusée qui décolle génère du bruit et des vibrations. Le niveau sonore du lancement d’Ariane 5 a été mesuré à 110 dB, à 5 km du lieu de lancement (à titre de comparaison le son est limité à 102 dB dans les salles de concert en France). 

YouTube Lien vers la page YouTube

Dans l’atmosphère

Une fusée qui part vers l’espace émet également du CO2, un gaz à effet de serre. Par exemple, la Falcon 9 de Space X émet 425 tonnes de CO2, plus qu’un Boeing reliant Paris à New-York (350 tonnes). Toutefois, en 2022, seules 180 fusées ont été tirées dans le monde – dont 5 par l’Europe et 61 par Space X  -  alors que ce sont en moyenne plus de 100 000 avions qui ont survolé la Terre, chaque jour. Les fusées génèrent moins de 0,0001% de l’ensemble des émissions mondiales de gaz carbonique. 

Mais l’activité spatiale est en plein essor et il est légitime de s’interroger sur son coût environnemental, au regard de son utilité. Le spatial a permis de grandes avancées pour l’humanité, technologiquement et scientifiquement. Mais a-t-on vraiment besoin de faire du tourisme dans l’espace ? Ou d’avoir 10 constellations de satellites pour l’accès à Internet ?

Des études absolument nécessaires

Un lanceur émet des gaz à effet de serre mais aussi des particules (de minuscules poussières) dans la haute atmosphère. Or, quels que soient les types de propulsion, les effets des produits de combustion (eau, dioxyde de carbones, suies…) et ceux de leur recombinaison dans la haute atmosphère sont très méconnus. Ils sont actuellement étudiés afin de comprendre leur impacts sur notre environnement. 

Vers des fusées plus vertes

Un moyen de limiter l’impact environnemental des lanceurs ? Les recycler par exemple. Tous les pays travaillent aujourd’hui sur des projets de fusées réutilisables (tout ou partie), à l’image de l’Europe et de sa future génération de lanceurs. Les raisons sont économiques ET environnementales. Car la réutilisation limite la pollution, importante, engendrée par leur fabrication. Des carburants plus propres sont également à l’étude. Le moteur européen Prometheus par exemple carburera au méthane (en remplacement de l’hydrogène). Or la fabrication du méthane liquide a moins d’impact sur l’environnement que celle de l’hydrogène liquide.  

Alerte aux débris spatiaux

On compte plus de 900 000 objets de plus de 1 cm en orbite autour de la Terre, débris de satellites ou d’étages de fusées. Cette pollution spatiale est dangereuse, car ces objets tournant vite (25 000 km/h), ils peuvent endommager les satellites en activités, les stations spatiales (Sandra Bullock en sait quelque chose !)… Ce problème est pris en compte par nombre de pays, à l’image de la France qui a voté en 2008 une loi obligeant les opérateurs de satellites à prévoir la fin de vie de l’engin (comme garder un peu de carburant pour changer d’orbite et se désintégrer dans l’atmosphère).

Les impacts des bases de lancement

Le CSG vu par satellite
Le CSG vu par satellite © Contains modified Copernicus Sentinel data (2020), processed by ESA, CC BY-SA 3.0 IGO

Pour décoller, une fusée a besoin d’installations importantes au sol : des bâtiments pour préparer la fusée et la contrôler pendant son vol, une aire de lancement… On compte ainsi dans le monde une vingtaine de bases de lancement aujourd’hui actives (plus ou moins), aux Etats-Unis, en Chine, en Russie, en Inde, au Japon … Et de nouvelles bases, pour lancer des petits satellites, devraient voir le jour partout sur la planète. Les lanceurs européens, eux, décollent depuis le Centre spatial guyanais (CSG) situé à Kourou en Guyane française. Toutes ces installations ont un impact sur leur environnement, plus ou moins pris en compte par les différents pays. En Europe, ce sujet est pris très au sérieux. 

 

Au CSG, des lancements surveillés de très près

La qualité de l’air, ainsi que celle du sol, sont testées systématiquement. A chaque lancement, des appareils de mesure et des bacs à eau sont installés pour mesurer les retombées issues du nuage de combustion. Sur le site mais aussi dans les villes alentours comme Kourou ou Sinnamary. Les bacs à eau sont même placés différemment selon les lancements, pour tenir compte de la météo et donc du déplacement du nuage de combustion. Quant à la qualité des eaux, eaux souterraines ou rivières, elle est également surveillée par des mesures directes et via un suivi des communautés de poissons.

 

Et les bébêtes ? 

Jaguars photographiés dans la forêt du CSG
Des jaguars photographiés dans la forêt du CSG © ONCFS/CNES (CSG)

Le CGS s’étend sur 660 km2 (100 000 terrains de foot !) mais seuls 10% sont utilisés. Le reste, ce sont des forêts, des savanes, des mangroves, des marais… Des espaces naturels habités par de nombreuses espèces végétales et animales, qu’il faut préserver. Quelques exemples pour rêver ? Le grand tamanoir, le jaguar ou l’ibis rouge. Le CSG est ainsi un espace protégé. La chasse y est interdite.

L’Office Français de la Biodiversité travaillent même sur place. Ses agents suivent et étudient les grands mammifères, pour vérifier qu’ils ne soient pas perturbés par l’activité humaine. Ainsi, un jaguar suivi pendant un an, n’a montré aucun signe de perturbation, même juste après un tir de fusée. Les poissons, les oiseaux sont également surveillés. Et pour l’heure, aucun ne semble se plaindre de l’activité spatiale ! 

Espèces animales recensées au CSG : 

  • 509 oiseaux
  • 92 amphibiens et reptiles
  • 76 chauves-souris
  • 60 mammifères terrestres non volant

 

Le coût énergétique

Une base de lancement est gourmande en énergie. A Kourou, sous les Tropiques, la climatisation par exemple est indispensable pour protéger les engins et les équipements. Elle compte pour 70% des dépenses énergétiques du CSG. Lui-même est le plus gros consommateur d’énergie de la Guyane. La France et l’Europe s’engagent donc à faire du CSG un site plus responsable en terme d’émission de gaz à effet de serre et de consommation énergétique. Et cela commence par n’utiliser que de l’électricité issue de sources renouvelables : bois et soleil ! 2 champs de panneaux solaires sont prévus dans l’enceinte du site. Et l’électricité produite par ces fermes solaires sera directement utilisée sur la base. Il est prévu aussi 2 centrales biomasse pour produire de l’énergie à partir de bois ou de déchets organique. 90 % de l’électricité produite au CSG sera verte d’ici à 2030.

Odyssée, bâtiment à énergie positive au CSG
Odyssée, bâtiment à énergie positive au CSG © CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/P Piron, 2020

De l’hydrogène propre

Les moteurs de fusée fonctionnent avec de l’hydrogène. Or la production de cet élément génère des gaz à effet de serre. Via le projet HYGUANE, le CNES s’engage ainsi à ne produire sur le site du CSG que de l’hydrogène décarboné, grâce à l’énergie solaire. L’énergie nécessaire à l’électrolyse de l’eau (réaction chimique qui sépare l’eau en hydrogène et en oxygène) sera fournie par des panneaux photovoltaïques. Des usines expérimentales fonctionnent actuellement sur le site guyanais. Cet hydrogène « propre » sera utilisé pour remplir les réservoirs d’Ariane 6 mais aussi au quotidien, pour faire rouler les bus et autres engins.

Quizz

Pour mesurer la pollution engendrée par les lancements de fusées, des réservoirs d’eau sont dispatchés sur le CSG et alentours (l’eau est ensuite analysée après chaque tir). Mais un autre dispositif a également été mis en place. Lequel ?

A – Des capteurs à air comprimé

B – Des abeilles 

C – Des drones

D – Des oiseaux

B : Depuis 2016, des ruches sont présentes en permanence à proximité des lanceurs. Les abeilles, lorsqu’elles butinent, collectent d'éventuelles particules de pollution, que l’on peut ensuite détectées à l’aide d’un microscope, dans le miel, la cire, voire sur les abeilles elles-mêmes. Des milliers de petits capteurs ambulants !