L’espace semble de plus en plus accessible aux humains. Mais explorer la Lune ou travailler dans une station spatiale demande un peu d’entraînement. Car il est nécessaire de se préparer mentalement et physiquement à des conditions de vie vraiment extraordinaires. Seriez-vous apte ?
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Une sélection sans pitié
Vous rêvez de décoller pour l’espace ? Si vous êtes en bonne santé, de préférence sportif et en plus avec une formation scientifique, toutes les chances sont de votre côté. Enfin, il faudra un peu de détermination et passer quelques étapes destinées à vérifier votre aptitude à vivre et travailler en équipe dans un milieu clos et hostile.
Un long parcours qui commence par un premier marathon, celui des épreuves de sélection. Lors de la sélection européenne de 2021, plus de 22 500 candidats se sont présentés au départ. Après un an et demi de tests en tous genres, seuls 16 candidats-astronautes ont été sélectionnés : 11 ont intégré le corps de réserve européenne des astronautes et 5 ont rejoint le programme d’entraînement des titulaires !

Un cerveau bien rempli
Aujourd’hui, il n’est plus indispensable d’être pilote pour gagner sa place vers les étoiles. Mais cela constitue un atout de poids. Les parcours d’études sont variés, mais un bon bagage scientifique reste un prérequis. Car il faudra comprendre le fonctionnement des équipements techniques, les piloter et les entretenir, réaliser des expériences scientifiques…
Thomas Pesquet recruté par l’ESA en 2009, Sophie Adenot et Arnaud Prost, issus de la promotion 2022, ont des parcours scientifiques. Ils sont ingénieurs, diplômés de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l'espace. Tous trois sont également pilotes. Thomas Pesquet sur des avions civils, Arnaud Prost sur des avions militaires rafales et Sophie Adenot sur des hélicoptères de l’armée. Quant au sport, pas besoin d’être ceinture noire de Judo comme Thomas Pesquet. L’important est d’être en bonne santé, résistant et… avec un moral de champion. Donc sportif, c’est mieux…
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En 2022, l’ESA a également recruté un « parastronaute » : le Britannique John McFall, amputé de la jambe droite après un accident de moto. Médecin et sportif de haut niveau, il va contribuer à étudier l’accessibilité de l’espace pour les personnes porteuses d’un handicap.
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Un mental d’acier
Dans l’espace, vous n’êtes pas seul. La coopération est le maître mot. Pas question de paniquer au premier incident ou de se fâcher avec l’équipage : dans l’ISS, vous êtes condamné à vivre ensemble pendant 6 mois minimum. L’essentiel des épreuves finales de sélection consiste en des batteries de tests psychomoteurs puis psychologiques : logique, mémoire, orientation dans l’espace, habileté manuelle, capacité à mener des tâches multiples sont ainsi évaluées.
L’équilibre psychologique des derniers candidats est enfin scruté à la loupe. Quelles sont ses capacités à résoudre des problèmes complexes en groupe ? Comment réagit-il sous pression ? Que fait-il face à des questions existentielles telles que : « 100% de chance de vous en tirer en abandonnant votre coéquipier, ou bien 50% en lui prêtant main forte : que faites-vous ? »
Quelles qualités pour devenir astronaute ?
Les heureux sélectionnés de l’ESA ne perdront leur surnom de « ascan » (comme « astronaut candidate ») pour gagner le titre d’astronaute qu’au terme d’un entraînement initial de… un an ! Cette première année est une sorte de tronc commun.
Les nouveaux venus sont issus de formations diverses. Ils sont pilotes, astrophysiciens, médecin… Tous doivent donc suivre une base commune. Au programme : techniques de survie, initiation au fonctionnement de l’ISS et à la sécurité à bord, mais aussi biologie, physique, astronautique, etc. De nombreuses heures se passent… en salle de classe, pour des formations d’abord théoriques. Les apprentis astronautes pourront tout de même se familiariser avec l’apesanteur durant des vols en avion zéro-G.
Se familiariser avec l’apesanteur en avion zéro G
Ensuite vient une seconde année d’approfondissement. Plus technique, elle vise à maîtriser parfaitement les équipements de l’ISS et des véhicules spatiaux pour s’y rendre. S’entraîner à l’entretien de la station, aux procédures de sécurité et d’urgences.
L’entraînement devient concret avec des simulations sur des répliques d’équipements, sur ordinateur ou en réalité virtuelle. Par exemple pour se spécialiser dans le maniement du bras robotisé Canadarm qui permet d’attraper un véhicule de ravitaillement pour l’arrimer à la station, ou pour apporter du matériel aux astronautes en sortie extravéhiculaire. Autant de missions qui exigent un doigté sans faille !
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Une vie à s’entraîner
Durant toute leur période active, les astronautes suivent des programmes de révision pour conserver leurs capacités techniques et physiques.
Des entraînements spécifiques sont programmés avant chaque mission. Les astronautes doivent apprendre à réaliser les expériences qui leur seront confiées (une centaine par mission), éventuellement à réparer un élément à l’extérieur de la station et jusqu’au rôle de commandant de bord pour les plus expérimentés.
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Ceux qui ont une sortie extravéhiculaire au planning passent des journées entières en piscine pour apprendre à se mouvoir dans le vide spatial vêtu d’une combinaison aussi encombrante que vitale. Enfiler la combinaison fait aussi partie du programme : s’en équiper requiert un savant protocole de… 45 minutes ! Chaque astronaute est secondé par une doublure, un ou une collègue qui le remplacera en cas d’empêchement et qui doit donc suivre exactement le même entraînement.
La première année, l’essentiel c’est d’entraîner ses neurones à apprendre 13 heures, 14 heures, 15 heures par jour. Ça deviendra un automatisme et les autres apprentissages futurs seront très faciles.
- Astronaute français et ancien recruteur à l'ESA
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Un entraînement XXL vers la Lune
Le programme international Artemis prévoit d’envoyer de nouveau des humains sur la Lune. Et pourquoi pas ensuite vers Mars. Les conditions de voyage et de vie seront alors bien différentes des séjours dans l’ISS. Les astronautes devront se préparer à travailler à une gravité 6 fois moindre que sur Terre, à manipuler des robots, entretenir les équipements pour s’approvisionner en eau, étudier la géologie « locale », etc. Des bases européennes les y préparent, dont la base Spaceship française, au CNES de Toulouse et LUNA en Allemagne, au centre spatial de Cologne.
C'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?
C'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?
Comme disait ma grand-mère : « Avant de connaître le monde, il faut apprendre à connaître son jardin et ses voisins. »
Eh oui, la Lune, c'est notre voisine, l'astre le plus proche de nous.
Aujourd'hui, l'humain explore les confins de notre Système solaire avec des machines, des satellites et des sondes spatiales... Alors s'il veut sortir enfin de son berceau, il lui faut un avant-poste, et dans ce rôle, la Lune est parfaite.
Alors, c'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?
Salut les impatients ! Aujourd'hui, on va parler de la Lune et des projets de base lunaire. Eh oui, pour explorer le Système solaire, il faut retourner sur la Lune !
Pourquoi ? Déjà, il faut comprendre qu'un objet pèse six fois moins lourd sur la Lune que sur Terre. C'est donc un gros avantage pour y faire décoller un engin spatial.
La Lune est proche : trois jours suffisent pour l'atteindre. C'est un site idéal pour les missions spatiales. Et puis, c'est aussi un point de départ parfait pour la destination suivante : la planète Mars.
Ensuite, pour que l'homme survive, il lui faut de l'eau. Mais il vaut mieux la trouver sur place, car c'est très lourd à emporter. Ça tombe bien, la Lune en a d'importantes quantités sous forme de glace.
« Salut Sylvain. Effectivement, il y a bel et bien de l'eau sur la Lune, mais pas de jolies flaques d'eau liquide libre qu'on pourrait boire rien qu'en se baissant, si on avait une petite soif. C'est la Lune quand même, on ne joue pas en mode facile. Cette eau est majoritairement présente au niveau des pôles. Comme tu le disais, on la trouve sous forme de glace au fond des cratères, à l'ombre et donc à l'abri de l'évaporation.
Et ce n'est pas tout ! Ailleurs, sur notre satellite préféré, on trouve aussi des molécules d'eau et des groupes hydroxyles — deux tiers de la molécule d'eau donc — absorbés à même le sol lunaire, notamment sous forme de minéraux hydratés.
Il n'y a pas énormément d'eau là-dedans non plus : ces molécules constituent au mieux 0,1 % de la masse de nos cailloux lunaires. Mais c'est déjà pas mal et plutôt utile si on veut y camper sans forcément apporter nos bonbonnes dans la fusée.
Quant à l'origine de cette eau, on pense qu'elle serait arrivée par ensemencement cosmique, éternuée par des comètes et météorites qui se seraient écrasées sur la Lune depuis sa naissance, il y a quelques 4,5 milliards d'années, avant Serena Williams. »
Merci Valentine d'être passée nous voir !
« Avec plaisir, merci pour l'invitation. »
Et oui, cette eau pourrait être utilisée sur la Lune pour produire de l'oxygène, de l'eau potable, et même du carburant.
Enfin, la Lune pourrait être un laboratoire géant. Une base sur la Lune permettrait non seulement de mieux comprendre la formation du Système solaire et l'évolution de notre planète, mais aussi de tester des technologies nouvelles et des systèmes vitaux pour la survie dans l'espace.
Mais tout cela nécessite une grande collaboration entre les nations et une vraie volonté. Même si cela a déjà été fait par les Américains dans les années 60-70, partir sur la Lune n'est pas une mince affaire. Les technologies ne sont plus les mêmes aujourd'hui : il faut tout repenser.
Sur place, il y a également les rayonnements ultra nocifs pour le corps humain, qui nécessitent la construction d'habitats protecteurs pour les astronautes. Il faut aussi une station spatiale en orbite, des serres, et résoudre tout un tas de problèmes logistiques.
Pour nous aider à y voir plus clair, retrouvons notre expert en exploration et vol habité au CNES, Jean Blouvac.
Salut Jean, pourquoi est-ce qu'il est nécessaire de faire une base permanente sur la Lune aujourd'hui ?
« Bonjour Sylvain. Il est important d'installer une base permanente sur la Lune pour s'entraîner à des voyages plus lointains, notamment en vue de la destination de Mars, qui est peut-être un des objectifs nouveaux de l'exploration dans les années à venir.
Mais également, la Lune suscite un regain d'intérêt scientifique, notamment pour l'étude du système Terre-Lune et celle du Système solaire.
Sur la Lune, il y a potentiellement des ressources, comme l'eau, mais aussi des composants plus pratiques comme le régolithe, qui pourrait permettre de construire des habitations et de protéger les astronautes de l'environnement lunaire très difficile. On pourrait aussi y trouver des terres rares.
Mais c'est surtout l'eau qui est intéressante, principalement située au niveau des pôles. Nous n'avons pas encore une connaissance très détaillée de la façon dont elle se répartit. »
Quelles sont les étapes pour construire une base sur la Lune, Jean ?
« Pour construire une base sur la Lune, il va d'abord falloir y retourner. Jusqu'à maintenant, les Américains n'y sont allés qu'à six occasions et sont restés au maximum trois jours sur la surface lunaire. Aujourd'hui, on veut y retourner de façon durable.
Il va falloir progressivement apprendre à voyager. Pour cela, il faut construire une nouvelle fusée, un nouveau vaisseau — ce qui a déjà commencé. Ensuite, il faut être capable de transporter des matériaux, voire utiliser les ressources sur place pour construire des bases complètes avec des habitats, des laboratoires et des moyens de transport. »
Alors Jean, c'est pour quand la création d'une base permanente sur la Lune ?
« Cette fameuse base lunaire est envisagée dans le cadre de deux programmes, notamment le programme américain Artemis, auquel l'Europe est associée avec ses partenaires canadiens et japonais.
Ce programme sera progressif : il commencera par une petite station lunaire, puis un atterrissage à la surface de la Lune, et enfin la construction d'une base complète pour protéger les astronautes.
Le programme chinois ressemble fortement au programme américain, et d'autres pays, notamment l'Inde, envisagent également une présence permanente sur la Lune.
Quand cela verra-t-il le jour ? Probablement, compte tenu des difficultés techniques, à l'horizon de 2035. C'est déjà une date optimiste pour une présence humaine durable sur la Lune. »
Merci Jean, tu nous donneras des nouvelles de ce retour sur la Lune !
« Volontiers, Sylvain ! Nous allons suivre ça, car cette période est formidable en termes de développements spatiaux. »
Retourner sur la Lune reste un défi colossal. Pour s'y installer durablement, il y a encore tout un tas de choses à prévoir. Au CNES, on travaille depuis quelques années déjà sur l'habitat lunaire à travers un projet qui s'appelle SpaceShip. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Nous ferons partie de l'aventure Artemis à travers les contributions de l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne. Il y aura peut-être un ou une astronaute française à la surface de la Lune dans les années qui viennent.
L'étape suivante sera Mars, mais ça, c'est une autre histoire !
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Quizz
Combien de temps dure l’entraînement initial d’un apprenti astronaute européen avant qu’il ne gagne le titre officiel d’astronaute ?
A – Six mois
B – Un an
C – Un an et demi
D – Deux ans
B : Après leur recrutement, les astronautes européens suivent d’abord une année entière de préparation initiale au Centre européen des astronautes de Cologne en Allemagne (European astronaut center – EAC). Ce n’est qu’une fois cet enseignement de base accompli qu’ils recevront leur certificat d’astronaute de l’ESA.