Vous pensiez que développer une fusée et participer à son lancement était réservé à des professionnels ? Avec le programme PERSEUS, lancé en 2005, le CNES permet chaque année à des étudiants de toute la France de participer au développement de lanceurs expérimentaux. Antoine Jolly et Romain Bouxirot, qui ont pris part à l’expérience à quelques années d’intervalle, relatent cette aventure à la fois technique et humaine et l’impact que PERSEUS a eu sur leur parcours.
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À suivre
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Comment en êtes-vous venus à travailler sur une fusée avec PERSEUS ?
Antoine : J’étais étudiant en L2 à l’université de Rennes. Un jour, je suis passé devant le local d’une association étudiante, SATURN, où des étudiants travaillaient sur Mini-Apterros, un démonstrateur d’étage réutilisable, dans le cadre de PERSEUS. Ça m’a intrigué et je les ai rejoints alors que ma filière n’était pas orientée vers le spatial.
Romain : De mon côté, j’ai toujours été passionné par le spatial. J’ai intégré Centrale Lille après une prépa. C’était un cursus d’ingénieur généraliste, mais en première année, nous avons eu l’occasion de travailler 18 mois sur un projet spatial dans le cadre du programme PERSEUS. On a construit un banc d’essai pour du contrôle de roulis sur la fusée ASTREOS. Puis j’ai participé à l’avionique et à la campagne de lancement de la fusée SERENDIPITY-K à Kiruna, en Suède, en 2025.
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À quel moment avez-vous réalisé que vous travailliez sur un vrai projet spatial ?
Romain : Je dirais seulement quelques semaines avant le décollage, peu de temps avant de partir en Suède. Au moment où on a commencé à préparer la fusée, à l’intégrer pour le jour J.
Antoine : Au premier essai, au premier décollage.
Quel moment vous a particulièrement marqué ?
Romain : La première tentative de lancement de Serendipity à Kiruna, en mai dernier. On avait tout préparé, placé la fusée sur la rampe, le stress montait… Et puis, quinze minutes avant le décollage, on nous annonce un « hold », c’est-à-dire que le chronomètre s’est arrêté. On a dû stopper la mission à cause de la météo, on était déçus. Heureusement, ce n’était que partie remise, et on a pu décoller le lendemain !
Antoine : C’était avant le lancement, pendant la préparation, on a eu des problèmes en termes d’électronique. On a dû faire de la soudure « à l’arrache » avec Thierry Stillace, l’un des encadrants du CNES, en urgence vers 23 heures-minuit, dans les locaux de la base spatiale d’Esrange, en Suède. Des réparations de dernière minute mais qui se devaient d’être rigoureuses, parce que derrière, il y avait les qualifications nécessaires au vol ! Un petit peu de pression, mais ça s’est très bien terminé. Ce jour-là, on a consigné sur notre journal de bord : « Ça gratouille la gélatine », car le petit module électronique se trouvait dans de la gélatine, et on a dû tout en enlever pour faire les réparations !
C’est quoi, un projet PERSEUS ?
Il s’agit de projets ambitieux de fusées expérimentales mis en œuvre au sein d’universités, d’écoles ou d’associations étudiantes, dont le développement et le lancement sont encadrés par le CNES. Les lanceurs développés au sein de PERSEUS font appel aux mêmes disciplines que les systèmes de transport spatial opérationnels : propulsion, structures et matériaux, avionique, etc. Tournés vers l’avenir, ils intègrent aussi une dimension de développement durable. Le CNES, en partageant ses connaissances et ses expériences, se met au service des étudiant(e)s pour les aider à devenir de acteurs du transport spatial du futur. En contrepartie, les projets menés par les étudiant(e)s viennent alimenter les projets en recherche & technologie du CNES.
Qu’avez-vous appris avec PERSEUS qui vous servira dans votre vie professionnelle ?
Antoine : Le côté concret des projets PERSEUS m’a apporté de l’expérience. Mais pas seulement de l’expérience technique, vraiment dans tous les domaines. Je dirais que 80% de la formation qui me sert aujourd’hui professionnellement, je la dois à PERSEUS !
Romain : Travailler sur des projets PERSEUS m’a appris à suivre des procédures dans le domaine spatial, à devenir très rigoureux et à travailler en équipe autour d’un objectif important.
Est-ce que PERSEUS a influencé votre choix de carrière ?
Antoine : Oui, car avant de travailler sur PERSEUS, je ne savais pas trop ce que je voulais faire ! Pour moi, cette expérience a même constitué une véritable transition entre le monde étudiant et le monde professionnel. D’une part parce que d’étudiants, on a monté notre entreprise en mécatronique, Hippocampus R&D, pour proposer des prototypes de lanceurs fonctionnels. D’autre part car PERSEUS a été notre premier client : c’est Hippocampus R&D qui a finalisé la fusée Mini-Apterros sur laquelle nous avions travaillé en tant qu’étudiants !
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Romain : Je passe cette année en M2 et j’ai choisi un double diplôme « Management, innovation et data » avec une école de commerce à l’international. Je dirais que c’est PERSEUS qui m’a mené vers ce double cursus, d’une part car j’ai pu travailler avec des personnes de cultures et de nationalité différentes, d’autre part parce que ça m’a donné l’envie d’avoir une vision plus globale sur les projets, d’adopter un point de vue plus large.
Quel conseil donneriez-vous à des étudiants et étudiantes qui voudraient se lancer dans un projet PERSEUS ?
Romain : Faites ce que vous aimez et normalement… ça fonctionnera !
Antoine : C’est une occasion en or, alors osez !
PERSEUS en chiffres
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300
étudiants impliqués chaque année
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30 à 40
universités et écoles partenaires