Publié le 11 juin 2025

Fabriquer et lancer une fusée depuis la Suède ? Des étudiants l’ont fait avec le CNES

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Des étudiants de toute la France ont planché sur le lanceur SERENDIPITY. L’expérience menée en vol viendra nourrir les activités de recherche & technologie du CNES, dans le cadre du programme PERSEUS.

L'équipe PERSEUS devant le démonstrateur SERENDIPITY-K à Kiruna, en Suède.
© CNES, 2025

Comme un air de bout du monde. Une base de lancement perdue au milieu de la toundra. Bienvenue à Esrange, dans l’extrême nord de la Suède, 200 km au nord du cercle polaire arctique. Sur cette base spatiale exploitée par la SSC, l’agence spatiale suédoise, un lancement a eu lieu le 22 mai dernier. Le lanceur SERENDIPITY-K a atteint 3 km de haut pour un vol nominal. Sa particularité ? Avoir été développé par des étudiants issus de toute la France, dont sept se trouvaient sur place pour participer au lancement.

Fusées expérimentales

SERENDIPITY est un démonstrateur développé dans le cadre du projet PERSEUS, un programme lancé il y a 20 ans par le CNES pour mettre des lanceurs expérimentaux à la portée des étudiants. « Nous donnons ainsi à des jeunes issus d’écoles d’ingénieurs, d’IUT et de lycées techniques, l’opportunité de participer à des projets de fusées un peu plus importants que ceux sur lesquels ils travaillent dans leurs associations ou leurs écoles », explique Kevin Mathis, spécialiste conception et structure au CNES et chef de projet SERENDIPITY. Ce dernier en est un bon exemple : « De nombreux étudiants venus de diverses formations ont œuvré pendant 2 an sur différents sous-systèmes du lanceur (contrôle de navigation au sol, mécanique, avionique) pour faire voler une fusée de 3,6 mètres de haut à propergol solide. »

La fusée SERENDIPITY-K (pour Kiruna) est un démonstrateur, c’est-à-dire une fusée expérimentale composée d’un propulseur et d’une coiffe embarquant des expériences. Celles-ci sont conçues et fabriquées par les étudiants et leurs résultats sont suivis de près par le CNES. « Ces expériences vont nous permettre d’apprendre et de monter en maturité sur certaines technologies », explique Kevin Mathis. Ainsi, PERSEUS ne constitue pas seulement une opportunité offerte à des étudiants de participer à la conception et au lancement d’une fusée : les projets qu’ils mènent viennent aussi alimenter les projets en recherche & technologie du CNES. « Nous pourrons peut-être, à l’avenir, embarquer ces expériences sur des fusées de plus grande dimension, comme Ariane. »

L'équipe PERSEUS prépare le vol de SERENDIPITY-K à Kiruna, en Suède.
© CNES, 2025

Lanceur réutilisable

Sur SERENDIPITY-K, les étudiants ont testé un système permettant la séparation de la coiffe et le déploiement d’un parafoil, une voile semblable à un petit parapente, afin de récupérer du lanceur. « Au cours du lancement, la séparation entre la coiffe et le corps de la fusée doit permettre l’extraction du parafoil, explique Martin Desnos, étudiant à l’ISAE-ENSMA présent sur le lancement. En agissant sur les différents freins, le but est de contrôler la descente du parafoil en faisant des cercles, comme pour un parapente. »

Le système de parafoil déployé sur SERENDIPITY est piloté : il permet un retour maîtrisé et même guidé du lanceur sur une zone définie à l’avance.

Stéphane Oriol

  • Chef de projet Transport intelligent au CNES et encadrant sur SERENDIPITY

Les sept étudiants présents à Esrange, issus de diverses écoles d’ingénieurs (Centrale Lille, CentraleSupélec, ISAE-ENSMA, ISAE-Supméca, ESTACA et INSA Lyon), ont œuvré sur place à l’assemblage de la fusée et à la préparation de la zone de lancement, sous la supervision d’encadrants du CNES et de coordinateurs. « Nous avons disposé d’une semaine et tout a été prêt dans les temps, précise Thierry Stillace, expert avionique au CNES et coordinateur des opérations de lancement. Le déballage, l’assemblage et les premiers essais étaient une étape délicate, mais tout s’est passé sans aucun problème. La fusée a été testée une première fois pour un vol simulé et a très bien fonctionné, de même que le test countdown. »

Participer à une campagne sur une base professionnelle donne aux étudiants goût la partie opérationnelle. Mais cela leur montre aussi les contraintes liées à une campagne, comme la sauvegarde, c’est-à-dire la sécurité au sol et en vol.

Kevin Mathis

  • Spécialiste conception et structure au CNES et chef de projet SERENDIPITY

La seule partie du lanceur qui n’a pas été manipulée par les étudiants est le moteur de la fusée, un booster à propulsion solide. « En France, la manipulation de moteurs est très encadrée. Et au CNES, nous avons le devoir de mettre en œuvre ces propulseurs en toute sécurité vis-à-vis des étudiants, explique Nicolas Verdier, encadrant CNES sur SERENDIPITY pour la pyrotechnie. Sur le projet PERSEUS, les étudiants n’approchent pas les moteurs. En revanche, ils sont sensibilisés à ces aspects de sécurité. » 

L'équipe PERSEUS prépare le vol de SERENDIPITY-K à Kiruna, en Suède.
© CNES, 2025

20 ans de réussites et de passion

Le vol de SERENDIPITY s’est révélé nominal, atteignant l’altitude espérée de 3 000 m. Seul bémol, le signal GPS a été perdu quelques temps après le décollage : sa captation étant la condition nécessaire au déploiement du parafoil, le parachute guidé ne s’est donc pas déployé… Conformément aux consignes de sécurité, le parachute de secours a pris le relais, permettant la récupération du démonstrateur dans un état quasi-intact et la validation de la procédure de sauvegarde. ​

Mais si l’expérience n’a pas eu la réussite escomptée, cette campagne de lancement restera gravée dans la mémoire des étudiants, tant au travers des enseignements techniques qu'ils ont pu retirer, que des échanges avec les personnes de la base d’Esrange. C’est aussi une nouvelle page dans la saga PERSEUS et un beau cadeau d’anniversaire pour le programme, qui fête ses 20 ans au Salon du Bourget

Et en cela, PERSEUS continue de remplir son objectif : donner à des jeunes l’envie de viser plus haut. « Au fil des campagnes, on leur démontre qu’avec de petits objets, on peut faire de vrais lancements et mener de vraies expériences, comme des pros. Et ils sont hyper-réceptifs ! C’est comme ça qu’on a amené pas mal de jeunes vers le spatial », conclut Stéphane Oriol.

(Re)vivre le lancement de SERENDIPITY-K

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