Publié le 31 août 2020

[MARS 2020] SuperCam, l’innovation made in France

Perseverance a un œil perçant : le laser de l’instrument SuperCam ! Construit par la France et sous maitrise d’ouvrage CNES, cet instrument 5 en 1 étudiera la géologie du sol et la composition des roches de Mars.

MastUnit de Supercam en test à l'IRAP
MastUnit de Supercam en test à l'IRAP


 

L’histoire de SuperCam réunit tous les ingrédients d’un film de super héros : une épopée riche en rebondissements, une mission d’exploration extra planétaire, la recherche de vie extraterrestre, des équipes ultra-motivées - la cape en moins – et une coopération internationale… la science en plus !

Cette histoire commence en 2014 lorsque le projet est sélectionné par la NASA pour intégrer leur futur rover martien. Une collaboration internationale se met en place : côté US, avec le Los Alamos National Laboratory pour la partie basse de l’instrument – le body unit, côté français avec le CNES, l’IRAP (responsable scientifique de l’instrument) associé à plusieurs laboratoires et universités (LESIA, LAB, OMP, LATMOS, IAS, ISAE) pour la partie située en haut du mât du rover – le mast unit.

Au total, ce sont plus de 200 personnes, laboratoires français et CNES confondus, qui ont construit et développé l’instrument pendant 5 ans. « 300 si on compte les industriels, qui ont fait un travail remarquable aussi ! » souligne Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’IRAP et co-responsable scientifique de SuperCam. « Le CNES et les laboratoires, ce sont deux cultures différentes mais nous sommes très complémentaires. C’est la richesse des deux mondes qui fait que nous sommes plus forts ! » Une force nécessaire pour tenir le planning très serré du projet et faire face aux multiples challenges qui ont jalonné le parcours. 

SuperCam, une super ChemCam ? Bien plus encore !

 

 « Au CNES, environ 70 personnes ont travaillé sur le projet, venant de structures très diverses : mécanismes, composants, qualité, etc. », indique André Debus, chef de projet des contributions françaises de SuperCam au CNES. Nos experts ont ainsi pu apporter leur savoir-faire tout au long du projet, en travaillant main dans la main avec l’IRAP. « Une partie de l’équipe se connaissait, pour avoir notamment travaillé ensemble sur ChemCam.»

Le CNES a piloté dans l'industrie la fourniture de plusieurs sous-systèmes de l’instrument. « Le laser, le micro-imageur, la table de focus – qui permet de concentrer le tir du laser à la bonne distance -, ainsi que la diode CWL, qui mesure le meilleur focus afin que le rover soit bien positionné au moment du tir laser, précise Muriel Deleuze, ancienne chef de projet des contributions françaises de SuperCam au CNES. Certains éléments sont un héritage de ChemCam, d’autres sont entièrement nouveaux ! »

Les scientifiques et ingénieurs ne sont donc pas partis de rien. ChemCam, un instrument similaire avait été embarqué sur le rover Curiosity qui opère sur Mars dans le cratère Gale au pied du mont Sharp depuis  2012, et qui a déjà fait des découvertes capitales. « Au début, on a dit que SuperCam était une ChemCam améliorée mais au final, rien n’a été repris à l’identique, affirme Muriel Deleuze. SuperCam en fait beaucoup plus que son ancêtre ! »

Là où ChemCam avait 2 fonctionnalités, SuperCam en cumule 5 dans un ensemble instrumental unique et multiplie les capacités d’analyse :

  • Les spectrométries LIBS (déjà présent sur ChemCam) et RAMAN (nouveauté !) permettront d’analyser à distance la composition des roches martiennes grâce à des tirs lasers jusqu’à 7 mètres.

 


 

  • le spectromètre infrarouge, autre nouveauté et premier instrument de ce type à être envoyé sur la surface de Mars, analysera la lumière du Soleil réfléchie par les roches dans les domaines du visible, et le l’infrarouge proche, permettant de détecter et d’identifier divers minéraux et composés organiques dont certains peuvent être d’intérêt astrobiologique.
  • le micro-imageur couleur RMI prendra des images à haute résolution jusqu’à l’infini (ChemCam, lui, ne voyait qu’en noir et blanc !)
  • le microphone embarqué, dernière nouveauté, enregistrera le son engendré par l’impact laser du LIBS sur la roche jusqu'à 4 mètres, ainsi que le vent et les bruits du rover.

 

Sylvestre Maurice
Instrument Supercam de Mars 2020



Les spectromètries LIBS et RAMAN : kezaco ?

Le laser infrarouge de SuperCam pulvérise à distance de très petites quantités de roche en produisant un plasma (= un gaz chaud) qui, en se recombinant, émet de la lumière. Cette lumière est analysée en spectrométrie et donne accès à la composition atomique des roches martiennes. La technique s’appelle LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy, ou spectrométrie sur plasma induit par laser).
Le laser de SuperCam est beaucoup plus performant que celui de ChemCam, car il peut aussi émettre une lumière dans le vert. Ce faisceau fait vibrer à distance les molécules, sans les altérer. 1 photon sur 100 000 est collecté avec une longueur d’onde légèrement différente de celle du laser. Ce déplacement constitue la « signature Raman », du nom du découvreur de cette diffusion particulière. L’information permet de déterminer la structure des molécules et la façon dont elles sont organisées entre elles. SuperCam permet ainsi de remonter à la signature minéralogique et la caractérisation de la matière organique.

 

 

« L’un des principaux défis techniques auxquels nous avons été confrontés, c’est qu’on nous a attribué la même place sur Perseverance que sur Curiosity avec ChemCam – que ce soit en termes de volume, masse et consommation électrique - mais pour Perseverance, on a ajouté plein de choses ! » ajoute Muriel Deleuze. Il a donc fallu ruser pour tout faire tenir. « On a vraiment tiré le meilleur parti des contraintes que l’on avait, malgré la complexité optique de l’instrument. »

Sylvestre Maurice va même plus loin : « Finalement, l’héritage technique ne nous a pas aidé ! Nous avons dû repenser les éléments qui existaient déjà sur ChemCam pour les améliorer. »

Au final, l’instrument livré n’avait plus grand-chose à voir avec l’instrument tel qu’il avait été pensé au tout début. « Dans ce cadre, l’héritage humain et le fait qu’un tiers de l’équipe avait déjà travaillé ensemble sur ChemCam nous a permis de démarrer plus vite… Ensuite, le fait d’avoir des équipes soudées et motivées, c’est ce qui nous a permis d’innover et d’aller encore plus loin dans le projet », confie Sylvestre Maurice.

 

Supercam : essais fonctionnels vide thermique


 

 

Le plus gros défi ? Refaire l’instrument en un temps record

 

L’histoire de SuperCam n’a pas été de tout repos pour les équipes du CNES, des laboratoires et même de nos partenaires industriels. En 2018, à un mois de livrer l’instrument aux Etats-Unis, un incident technique provoque la destruction du modèle de vol. Un coup dur pour les équipes qui vont travailler d’arrache-pied pour produire un nouvel instrument en 6 mois.

« C’est là que la mobilisation a été cruciale » insistent les chefs de projets. « Nous avions des modèles de rechange mais pas sur toutes les pièces », précise Muriel Deleuze. « Tout le monde a été vraiment très impliqué pour réussir à tenir ce délai incroyable, que ce soit les équipes des labos, du CNES – y compris les achats, les ressources humaines, les finances, etc. – mais aussi les industriels qui nous ont fourni en un temps record. »

Après 3 mois de reconstruction et 3 mois de tests, un SuperCam flambant neuf arrive au JPL pour être intégré directement sur Perseverance. Et il apparait de façon unanime que ce 2ème exemplaire est de loin bien meilleur que le 1er.

« Par exemple, des tests tardifs ont montré que le traitement du miroir qui collecte les flux lasers n’était pas optimal. Avec l'aide du JPL, nous avons changé la conception du miroir, de façon à ce que sa performance au froid soit meilleure. Une modification que notre partenaire industriel a pu réaliser en un temps record. », explique Muriel Deleuze. Une donnée qui fera la différence quand on sait que Perseverance affrontera des températures avoisinant les -80 degrés sur Mars (même si l’instrument, lui, sera toujours réchauffé au-dessus de -40°… ce qui reste bien froid tout de même).

 

Muriel Deleuze


 

 

SuperCam, au cœur du retour d’échantillons et de l’aventure martienne

 

Et cette épopée ne s’arrête pas là ! Si le projet SuperCam a été intense ces dernières années, notamment « parce que ChemCam était déjà très performant et que la pression est immense pour SuperCam », selon Sylvestre Maurice, le chemin à parcourir est encore long – et pas seulement parce qu’il faut arriver jusqu’à Mars !

Les objectifs de SuperCam sont bien sûr à mettre en parallèle avec les missions de Perserverance, et notamment découvrir – peut-être ! - des biosignatures dans les roches martiennes.

En effet, SuperCam n’est pas un instrument qui travaille seul : son action s’inscrit dans un but clair, le retour d’échantillons martiens.

« Le site d’atterrissage de Mars2020, le cratère Jezero, a été choisi parce qu’on y détecte des minéraux hydratés, ce qui signifie que l’eau y a stagné il y a bien longtemps et que c’est un lieu propice à la découverte d’anciennes traces de vie », affirme André Debus.

Grâce au laser 2 couleurs de SuperCam et la spectroscopie infrarouge, les scientifiques vont explorer la diversité chimique et minéralogique des sites traversés par le rover. Cette première évaluation permettra d’identifier les cibles rocheuses les plus intéressantes. Les scientifiques utiliseront ainsi ces informations, obtenues à distance, pour les compléter avec des analyses au contact avec 2 autres instruments localisés sur le bras robotique de l’astromobile. L’ensemble de ces analyses aidera au choix des carottes de roche ou de sol qui seront prélevées avec le système de collecte d'échantillons du rover, et qui seront, à terme, rapportées sur Terre.

Là-dessus, les 2 ingénieurs et le chercheur sont unanimes : « C’est une opportunité extraordinaire de pouvoir travailler sur un instrument en partance vers Mars, nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir relever tous ces challenges. » Et l’aventure ne fait que commencer…

 

André Debus


 

 POUR EN SAVOIR PLUS

 



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