Avec une population estimée à plus de 20 millions d’habitants, Lagos, capitale économique du Nigéria et plus grande ville d’Afrique, appartient à la catégorie des mégapoles. S’il est parfois difficile de prendre la mesure, au sens propre, de cette métropole de l’informel, la ville fascine au-delà des frontières par le dynamisme de sa croissance démographique, par le succès continental de ses productions culturelles (Nollywood, l’industrie nigériane du film, serait la 2e du monde), autant que par ses paysages urbains spectaculaires et contrastés. Posée au bord d’une lagune des rives du Golfe de Guinée, l’immense agglomération lagotienne met environnement et société sous forte(s) tension(s) du fait de son dualisme interne et des inégalités socio spatiales exacerbées.
Légende de l’image
Cette image de la ville de Lagos, la plus grande ville du Nigéria, a été prise par un satellite Pleaides le 24 décembre 2018.
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Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Lagos : sur la lagune, la plus grande ville d’Afrique face
aux contraintes et aux risques
Dans le Golfe de Guinée, un port sur la lagune
Le poids des héritages
A l’instar d’autres grandes villes portuaires du Golfe de Guinée comme Abidjan en Côte d’Ivoire ou Cotonou au Bénin, le site de Lagos est implanté sur les rives occidentales d’une grande lagune à laquelle elle donne son nom. Le centre urbain historique s’est établi sur la petite Ile de Lagos - Lagos Island, située à l’entrée de la lagune et en bordure du chenal reliant celle-ci à l’océan Atlantique.
C’est à partir de ce site originel que Lagos s’est développée, d’abord comme pivot de la traite esclavagiste à l’époque moderne sous la domination du Royaume du Bénin, puis comme centre de raffinage et d’exportation de l’huile de palme et du cacao du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle dans le cadre de l’Empire colonial britannique, et, enfin, comme port pétrolier du Nigéria indépendant à partir des années 1970. Les terminaux portuaires - pétroliers et à conteneurs - se trouvent aujourd’hui à Apapa, faisant face à Lagos Island de l’autre côté du chenal.
La lagune de Lagos : jeu des interfaces et systèmes amphibies littoraux
En arrière de la côte, sableuse, au tracé parfaitement rectiligne, on peut observer la lagune de Lagos qui s’étire sur une soixantaine de kilomètres d’est en ouest parallèlement au rivage (cf. images complémentaires régionales). Elle communique à l’est avec la lagune de Lekki par un étroit chenal, et à l’ouest avec la lagune de Porto-Novo et le Lac Nokoué – la lagune de Cotonou - par le chenal de Badagry.
Elle est séparée de l’océan au sud par un cordon littoral sableux et marécageux : la péninsule de Lekki. Elle est alimentée par les eaux marines de l’océan Atlantique et par les eaux continentales, en provenance de l’Ogun principalement, qui se jette au nord-ouest de la lagune en formant un petit delta.
L’ensemble dessine un paysage amphibie, marqué par l’omniprésence des eaux continentales et marines : l’ensemble de l’arrière-côte est drainé par un dense réseau hydrographique, tandis que la bande côtière est parcourue de chenaux parallèles au trait de côte communiquant avec l’océan. Les eaux ont sur l’image des teintes variées : vert émeraude lorsque la flore aquatique est abondante avec possiblement un processus d’eutrophisation en lien avec les effluents urbains, blanchâtre lorsque la charge sédimentaire en suspension est plus importante, bleu soutenu lorsque la profondeur est plus accentuée ou la pénétration des eaux océaniques plus importante. Dans les espaces non encore urbanisés, les tons verts soutenus correspondent à un couvert végétal de forêt tropicale humide, avec en particulier une mangrove pour les parties strictement côtières, aujourd’hui largement défrichée.
Le port de Lagos : les jeux d’emboitement d’échelles
Le port a donc historiquement exploité une situation permettant d’articuler, à petite échelle, un vaste arrière-pays correspondant grossièrement au Niger inférieur, et un avant-pays atlantique étendu (Europe, Amériques). A grande échelle, Lagos Island offre un site abrité de la houle océanique.
Néanmoins le développement de la ville et de son port n’a pu se faire qu’au prix d’aménagements importants permettant de surmonter les contraintes inhérentes à ce milieu lagunaire tropical : drainage des sols et rattachement de plusieurs îles au continent, comme dans le cas de Victoria Island, ancienne île située au sud de Lagos Island, rattachée à la péninsule de Lekki ; et artificialisation du chenal reliant la lagune à l’océan afin de lutter contre l’ensablement. On aperçoit d’ailleurs sur l’image les môles destinés à maintenir la navigabilité du chenal.
Une mégapole à l’étalement urbain spectaculaire
La difficulté des évaluations statistiques des dynamiques démographiques
Depuis l’indépendance du Nigéria en 1960, Lagos a connu une croissance démographique et urbaine extrêmement rapide, alimentée par un puissant mouvement d’exode rural et par un accroissement naturel important. Selon le site Worldpopulationreview, elle passe de 1 million d’habitants en 1960 à 4,7 millions en 1990, 10,4 millions en 2010 et 14,3 millions en 2020 et devrait atteindre 24,4 millions en 2035.
Mais ces données sont particulièrement fragiles du fait de la difficulté de mener des évaluations efficientes d’un côté, du fait du débordement de la croissance urbaine sur des entités administratives différentes de l’autre. Ainsi la population de 2016 est évaluée par le gouvernement de l’État fédéré de Lagos à 17,5 millions alors que la Commission nationale de la population du Nigéria juge ces données fortement sous-évaluées et estime la population à plus de 21 millions d’habitants, soit 4,5 millions de habitants de différence à la même date entre les deux organismes. Pour 2020, de nombreuses estimations portent la population non pas à 14,3 mais à plus de 20 millions d’habitants.
Les statistiques démographiques doivent donc être utilisées avec prudence et prises comme des ordres de grandeur. Dans ce contexte, le recours à l’image satellite permet de disposer d’informations beaucoup plus fiables sur les dynamiques de la croissance urbaine.
L’explosion urbaine de l’agglomération de Lagos
L’extension selon les axes Nord/Sud. L’agglomération lagotienne déborde aujourd’hui en effet largement des limites administratives de l’État de Lagos pour s’étendre sur l’État voisin d’Ogun au nord et à l’ouest. Alors que le cœur de l’agglomération, qui s’étend de Lagos Island à Ikeja, apparaît à l’image relativement compact, la trame urbaine se fait plus diffuse à mesure que l’on s’éloigne du centre. Le front d’urbanisation a surtout progressé en direction du nord, l’agglomération atteignant plus de 40 kilomètres d’envergure dans le sens nord/sud.
Explosion urbaine
L’axe d’urbanisation principal, dans la direction nord/nord-ouest, suit grossièrement le tracé de la ligne de chemin de fer - dont le tracé ressort nettement sur l’image - qui relie Lagos à Abeokuta, la capitale de l’Etat voisin d’Ogun. Elle traverse du sud vers le nord les quartiers d’Apapa et ses terminaux portuaires, Ebutte Meta, Surulere – qui est l’épicentre de « Nollywood », Lagos Mainland, Yaba, Mushin, Oshodi, Kosofe, Ikeja, Agege et enfin Ojodu.
Ikeja, capitale administrative de l’État fédéré de Lagos située à une quinzaine de kilomètres au nord la ville-centre, constitue une véritable centralité secondaire, accueillant notamment l’aéroport international. Ce dernier, construit pendant la Seconde Guerre Mondiale et agrandi dans les années 1970, se retrouve aujourd’hui enclavé dans le tissu urbain, ce qui souligne de manière frappante la vitesse à laquelle l’urbanisation a progressé.
Dans la direction nord/nord-est, la ville s’étend classiquement en doigt de gant le long de l’autoroute principale du pays, elle aussi bien visible sur l’image. Elle permet de rejoindre Ibadan, la 3e agglomération du Nigéria à environ 150 kilomètres, et, au-delà, Abuja, la capitale fédérale située à presque 800 kilomètres. A l’est, le front d’urbanisation lagotien atteint la grande ville d’Ikorodu, qui occupe la rive nord de la lagune de Lagos, et avoisine le million d’habitants en 2020.
L’extension littorale Est/Ouest.
L’agglomération lagotienne s’est aussi étendue parallèlement au rivage sur une étroite bande côtière de plus de 60 kilomètres dans le sens est/ouest.
Au sud-ouest, l’urbanisation suit l’autoroute reliant Lagos au chapelet urbain littoral du Golfe de Guinée composé de Porto-Novo, Cotonou, Lomé, Accra et Abidjan. À une quinzaine de kilomètres de Lagos Island, Festac Town et Trade Fair Complex sont deux quartiers planifiés, reconnaissables à leur trame viaire géométrique ; on aperçoit sur l’image les cercles emboîtés de Trade Fair Complex. Ils témoignent d’une époque où le jeune État nigérian, non-aligné et fort de sa toute nouvelle rente pétrolière, voulait faire de Lagos une vitrine de la modernité africaine. Festac Town était ainsi destiné à accueillir le Black and African Festival of Arts and Culture de 1977, tandis que Trade Fair Complex, ouvert la même année, devait accueillir chaque année la plus grande foire internationale d’Afrique de l’Ouest. Il en reste aujourd’hui une vaste zone commerciale, où s’échangent entre autres les pièces détachées automobiles.
Au sud-est, la progression de l’urbanisation sur la péninsule de Lekki obéit quant à elle plutôt à une logique de front de mer, avec à partir des années 1990 le développement de quartiers privés destinés aux franges les plus aisées de la population lagotienne.
L’artificialisation de la côte : environnement et société sous tensions
Aménagements et modification du trait de côte
La croissance de Lagos a entraîné d’importantes modifications du trait de côte. D’une part, la construction, dans les années 1910, des brise-lames protégeant l’accès au port, a profondément altéré le transit des sédiments lié à la dérive littorale ; ce courant marin parallèle à la côte, qui va d’ouest en est au large de Lagos.
La digue occidentale piège les sédiments, ce qui provoque par engraissement une avancée du trait de côte à l’ouest de Lagos. A l’opposé, privée d’apports sédimentaires, la côte située à l’est de Lagos connaît une érosion accélérée depuis un siècle. On observe en effet sur l’image un décalage d’environ deux kilomètres entre les segments occidental et oriental de la côte. Des épis anti-érosion ont d’ailleurs été disposés perpendiculairement aux plages de Lekki depuis les années 2010.
Terre-pleins et artificialisation de la côte au service des élites urbaines
D’autre part, plusieurs terre-pleins artificiels apparaissent actuellement en cours d’aménagement. On en trouve trois au sud-ouest de la lagune de Lagos avec une île artificielle au large de Lagos Island, et deux presqu’îles artificielles qui prolongent le nouveau quartier de Lekki ; et un sur la façade atlantique pour la future Eko Atlantic City.
Ils s’agrègent à un ensemble, qui est formé de Lagos Island, de l’ancienne île de Victoria Island, elle-même rattachée à la péninsule de Lekki qui abrite le principal quartier d’affaires (sur Lagos Island), ainsi que les quartiers huppés de Ikoyi, Victoria Island, Maroko, Lekki.
L’artificialisation croissante de la côte est en effet mise au service des élites urbaines. Dès les années 1990, la pression foncière résultant de la rapide croissance urbaine de Lagos confère de la valeur à la péninsule de Lekki. Cette bande de terre marécageuse à peine plus élevée que le niveau de la mer est en effet jusqu’à là habitée de manière informelle par des dizaines de milliers de migrants venus des campagnes et des pays voisins. L’expulsion de ces habitants autorise la viabilisation des terrains, et leur lotissement par des promoteurs privés à destination de la bourgeoisie lagotienne.
Le projet Eko Atlantic City, démarré en 2008, vient porter à son paroxysme cette double-logique d’artificialisation et de fragmentation socio-spatiale. Régulièrement vanté comme un « Manhattan », un « Singapour » ou un « Dubaï » de l’Afrique, la construction du futur quartier a nécessité la réalisation d’un terre-plein artificiel abrité derrière une digue longue de 8 kilomètres. Il doit accueillir des logements de standing, des bureaux, des hôtels de luxe, une marina et un immense centre commercial.
Plus d’une décennie après le lancement des travaux, l’image révèle toutefois un chantier à peine entamé. Les causes du retard dans la mise en œuvre de ce projet pharaonique sont à rechercher dans les incertitudes pesant sur l’extraction pétrolière avec les fluctuations importantes des prix du pétrole et l’insécurité dans le delta du Niger et tout autant dans les programmes de lutte contre la corruption. Elles en disent long sur les fragilités de l’émergence nigériane.
Pression sur les milieux : extraction de sable, rejets, réseaux, pollution et sinking houses
De manière générale, les pressions occasionnées sur le milieu naturel de la côte et de l’arrière-côte sont considérables. Il faut souligner que le boom de la construction, presqu’ininterrompu depuis les années 1970, repose, pour la fabrication de ses matériaux, sur l’extraction de sable provenant de la lagune et du lit des cours d’eau qui s’y déversent.
L’artificialisation des sols qui accroit le ruissellement, les importants rejets domestiques et industriels, issus du raffinage du pétrole notamment, et une croissance urbaine trop rapide pour permettre une planification adéquate des réseaux d’assainissement et de collecte des déchets, fragilisent les écosystèmes.
De surcroit, les habitants se trouvent eux aussi exposés aux pollutions et aux risques générés par l’érosion des rives, l’affaissement des sols et la perturbation des mécanismes naturels d’évacuation des eaux due au colmatage des canaux de drainage par les déchets solides.
De nombreux quartiers de Lagos sont ainsi frappés par des inondations catastrophiques ou par le phénomène des sinking houses - les « maisons qui coulent », les inégalités environnementales venant renforcer les inégalités socio-spatiales qui fragmentent la mégapole.
Zooms d’étude
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Découpage des zooms
L'image ci-contre présente les différents zooms d'étude présentés dans cette section
ZOOM 1. Le port : Apapa et Tincan Island
Un rôle névralgique pour le Nigeria et un vaste hinterland continental
C’est à ses activités portuaires que Lagos doit avant tout son statut de métropole économique du Nigéria. Le trafic portuaire est aujourd’hui dominé par les importations (équipements industriels, pétrole raffiné, produits chimiques, denrées alimentaires, etc.), les exportations sont à 80 % constituées de pétrole brut. Depuis 2006, les terminaux portuaires sont exploités par des opérateurs concessionnaires, selon le modèle du landlord port.
Les terminaux portuaires sont initialement situés au sud-ouest de Lagos Island, le long du chenal reliant la lagune à l’océan, mais leur redéploiement vers Apapa, sur la rive opposée du chenal, s’amorce dès 1913. Le réaménagement de Lagos Island par les Britanniques dans les années 1950-1960 achève de la convertir en centre d’affaires (zoom 2), selon un processus classique de dissociation ville/port.
Le glissement des activités vers Apapa et Tincan Island
Les activités portuaires de Lagos ont depuis poursuivi leur glissement vers l’ouest, elles se concentrent aujourd’hui à Apapa et sur l’île de Tincan Island plus à l’ouest, où les terminaux ont ouvert en 1977.
On reconnaît à leurs cuves d’hydrocarbures les imposants terminaux pétroliers, principalement situés dans la partie nord d’Apapa et, plus ponctuellement le long du chenal de Badagry au sud d’Apapa et à l’extrémité ouest de Tincan Island.
En direction du sud d’Apapa, on trouve les terminaux vraquiers, associés à des industries agro-alimentaires (raffinerie de sucre, sel, farine), et un vaste terminal à conteneurs situé à la pointe sud-est d’Apapa. Tincan Island, reliée au continent par une voie express, accueille l’autre grand terminal à conteneurs et un terminal roulier, ainsi que des terminaux vraquiers couplés à des industries de raffinage.
Des difficultés structurelles : engorgement, piraterie
Le port de Lagos fait face à des difficultés majeures. L’insuffisance notoire des infrastructures de transport terrestre, combinée à une corruption omniprésente, génèrent une spectaculaire congestion du trafic. La piraterie représente l’autre défi considérable du port de Lagos, la présence de la marine nigériane a d’ailleurs été renforcée dans le port avec l’inauguration en 2019 d’une jetée flambant neuve au nord d’Apapa. Ces difficultés grèvent la compétitivité de Lagos face aux autres ports de la façade maritime d’Afrique de l’Ouest, notamment Lomé au Togo, qui est devenu le premier port régional pour le trafic conteneurisé.
Un port en eau profonde au sein d’une zone franche est en cours d’aménagement sur la péninsule de Lekki, à une soixantaine de kilomètres à l’est de Lagos. Il comportera un terminal à conteneurs, un terminal vraquier et un terminal de cargaison liquide pour des produits pétroliers raffinés, issus de la raffinerie Dangote, destinée à devenir la plus importante raffinerie du continent africain.
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Zoom 2. Le nord-ouest d’Apapa : la densité de l’habitat dans un milieu marécageux (Ajengule / Alaba / Malu)
L’habitat dans un milieu marécageux (Ajengule / Alaba / Malu)
Cette image permet d’observer la densité des constructions dans ces quartiers péricentraux, dont l’aménagement s’est fait essentiellement par l’auto-construction sur des terrains très marécageux.
Les trois canaux parallèles visibles sur l’image sont une relique des chenaux qui parcouraient ces marais maritimes tropicaux. Ils servent aujourd’hui à l’évacuation des eaux usées, ce qui explique leur importante eutrophisation ; la couleur verte signale qu’ils sont encombrés de végétation. Ce sont souvent des égouts à ciel ouvert dans un espace caractérisé par un climat très humide et pluvieux et une topographie très plane qui gêne l’écoulement des eaux.
L’imperméabilisation des sols et le colmatage des chenaux pour la construction, ainsi que l’utilisation des canaux de drainage pour l’évacuation des déchets solides conduisant à leur comblement, aggravent les risques d’inondation et d’affaissement des constructions (sinking houses).
Une très forte densité d’occupation : le quartier d’Iganmu au Nord-Ouest
La trés forte densité d’habitat se retrouve aussi dans l’angle nord-ouest dans le quartier d’Iganmu. A côté de la tâche verte se trouve le poste électrique de la Power Holding Compagny of Nigeria.
Des systèmes d’îlots dans la ville : Oke Ira
Dans cette marée urbaine se distinguent parfois des îlots comme celui d’Oke Ira bordé à l’est par le grand axe ferroviaire et l’Alagomeji Train Station et le grand centre commercial de Tejuoso (hors image). Face au National Stadium bien visible à l’ouest se déploie un îlot entouré et protégé par un espace lagunaire que le vert de la végétation rend bien visible. Le contraste urbain et architectural avec la densité des zones de lotissements à l’est ou au nord est frappant.
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Zoom 3. Le cœur de la métropole : Lagos Island
Centre historique de la ville, Lagos Island concentre au sud-ouest les hauts-lieux politiques, religieux, culturels et commerciaux de Lagos : résidence du gouverneur de l’État de Lagos, mairie de Lagos, palais de l’Oba (le chef traditionnel de Lagos), cathédrale, mosquée centrale, Musée National du Nigéria, théâtre du Glover Memorial Hall, marchés de Balogun et Idumota…
Mais privée de son statut de capitale fédérale depuis 1991 au profit d’Abuja, Lagos reste sans nul doute la capitale économique du Nigéria. Lagos Island abrite en effet le quartier des affaires (central business district) de la métropole, situé à l’ouest, entre Broad Street et la rive sud de l’île, où se trouvait originellement le port (zoom 1). Ses hautes tours accueillent notamment la principale bourse du Nigéria (Nigerian Exchange Group), la Banque Centrale du Nigéria, plusieurs sièges d’entreprises appartenant principalement au secteur bancaire (First Bank, Union Bank, Sterling Bank), parfois à d’autres secteurs (par exemple UAC of Nigeria, principalement spécialisé dans le commerce de produits alimentaires), et des immeubles de bureaux (notamment les Afriland Towers).
Priorité a été donnée au rattachement de Lagos Island au continent, comme en témoignent les trois ponts au nord de l’île : le pont Carter, le pont Eko et le Third Mainland Bridge). Un quatrième pont la relie à Victoria Island au sud. Cette vue de l’espace témoigne sur certaines portions des voies rapides et autoroutes de la densité des flux automobiles.
L’aménagement de Lagos Island a aussi consisté à en accroitre progressivement la superficie par la construction de terre-pleins du côté de la lagune : un quartier entier est en cours d’aménagement au-delà du gros échangeur routier du Third Mainland Bridge.
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Zoom 4. Ikoyi : le processus de gentrification d’un isolat urbain
Sillonnée par de puissants axes autoroutiers, le quartier d’Ikoyi occupe tout le centre et l’est de la Lagos Island. Il a connu un vaste processus de gentrification urbaine au profit des élites économiques et politiques. De manière emblématique, le golf ou le Lagos Polo Club – situés au cœur du tissu urbain - témoignent de ce processus d’entre-soi résidentiel. Le littoral sur la lagune au nord fonctionne sur un modèle de riviera, continué au nord-est par la Banana Island (hors image).
Le bras qui sépare la Lagos Island au nord de la Victoria Island au sud est bordé de vastes systèmes résidentiels dotés de piscines et d’embarcadères et appontements auxquels sont arrimés les bateaux de croisière des élites.
Enfin dans l’angle sud-ouest de l’image, la zone arborée de Victoria Island peut être considérée comme la « zone diplomatique », car si Lagos n’est plus la capitale politique, elles accueillent du fait de ses fonctions économiques et financières une vaste communauté d’expatriés. On retrouve sur un espace réduit de nombreuses ambassades ou consulats : Etats-Unis, Japon, Inde, Italie, Allemagne, Pays-Bas, Bulgarie, Liban, Émirats Arabes Unis, Russie...
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Zoom 5. Makoko : un bidonville géant sur pilotis
Un quartier auto-construit, les franges les plus paupérisées de la ville
Étiré sur près de trois kilomètres sur la rive occidentale de la lagune de Lagos, au nord-ouest de Lagos Island, le quartier auto-construit de Makoko rassemblerait entre 150 000 et 300 000 habitants selon les estimations. Majoritairement constitué d’habitations sur pilotis, Makoko est à l’origine un village fondé au XIXe siècle par des pêcheurs originaires de l’actuel Bénin. Toutefois ses habitants appartiennent surtout aujourd’hui aux franges les plus paupérisées de la ville.
Le quartier se détache nettement sur l’image par la densité des constructions et l’étroitesse des rues et des canaux, dont la trame labyrinthique ressort sur le fond noir de la lagune. Ce paysage urbain marqué par la précarité des constructions et l’absence de planification urbaine contraste avec les quartiers formels - ou consolidés - voisins et avec le Third Mainland Bridge qui le surplombe.
Le Third Mainland Bridge : symbole du dualisme de l’agglomération
Construit en 1990 afin de relier Lagos Island au continent, en facilitant l’accès au quartier d’Ikeja dans une agglomération notoirement congestionnée par le trafic automobile, ce pont de 10 km, le plus long d’Afrique, matérialise à lui seul l’ambition métropolitaine de Lagos. Mais il offre paradoxalement aux élites nigérianes et ouest-africaines qui l’empruntent une vue imprenable sur une pauvreté urbaine qui s’étale au grand jour.
Accès au foncier et déguerpissement – formel et informel
La formation d’un tel quartier d’habitat informel, littéralement les pieds dans l’eau, est révélatrice de la difficulté que représente l’accès au foncier urbain pour les habitants de Lagos, d’autant plus forte qu’ils sont pauvres. Car le peuplement de Makoko est historiquement alimenté par les déguerpissements qui président à toutes les grandes opérations d’urbanisme depuis l’indépendance, du réaménagement de Lagos Island en 1960 afin d’installer un quartier d’affaires moderne, à celui du quartier de Maroko sur la péninsule de Lekki en 1990 pour faire place à des quartiers résidentiels de standing.
Situé à proximité des quartiers déguerpis, et dans une position relativement centrale, Makoko est devenu le réceptacle des populations délogées, avant d’être à son tour frappé par des opérations de déguerpissement régulières, la dernière ayant lieu en 2012. A Makoko, la ville informelle est plus que jamais un sous-produit de la ville formelle.
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Zoom 6. L’entrée de la lagune et Eko Atlantic City
Ces deux images couvrent l’entrée de la puissance passe reliant la mer à la lagune de Lagos. Le trafic maritime est important, à l’image de la puissance de la mégapole et du pays. Les processus d’érosion/accumulation de chaque côté des môles et le différentiel de trajectoire entre chaque rive est bien visible.
A l’ouest, le quartier de Tarkwa Bay avec sa plage, ses clubs fonctionne comme une mini-station balnéaire coincée au nord par un terminal pétrolier et ses quais d’appontement qui s’avancent en mer. Tout en haut, à l’ouest de la couverture végétale de l’Ogogoro Island se trouve un village de pêcheurs face à l’île de Middle Creek.
A l’est se déploie sur la Beecroft Point et au-delà les premiers chantiers du projet Eko Atlantic City aujourd’hui à l’arrêt.
Zoom 7. Festac Town / Trade Fair Complex : entre quartiers planifiés, urbanisation interstitielle et agriculture urbaine, le front d’urbanisation lagotien
Sur la route de Badagry, à l’ouest de Lagos, le secteur de Festac Town est révélateur des logiques de production de l’espace urbain lagotien, à la fois « par le haut » et « par le bas ». Festac Town et Trade Fair Complex sont deux quartiers planifiés, situés le long de l’autoroute reliant Lagos au chapelet urbain littoral du Golfe de Guinée (Porto-Novo, Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan), créés dans les années 1970 à la périphérie de Lagos, et aujourd’hui intégrés dans le tissu urbain d’une agglomération qui s’est depuis largement étendue.
Festac Town et Trade Fair Complex se trouvent à une quinzaine de kilomètres de Lagos Island. Leur trame viaire géométrique - rues orthogonales à Festac Town, cercles emboîtés à Trade Fair Complex - signale les produits d’un aménagement urbain planifié. Les deux quartiers témoignent d’une époque où le jeune Etat nigérian, non-aligné et fort de sa toute nouvelle rente pétrolière, voulait faire de Lagos une vitrine de la modernité africaine.
Festac Town était ainsi destiné à accueillir le Black and African Festival of Arts and Culture de 1977, tandis que Trade Fair Complex, ouvert la même année, devait accueillir chaque année la plus grande foire internationale d’Afrique de l’Ouest. Il reste aujourd’hui une vaste zone commerciale, où s’échangent entre autres les pièces détachées automobiles.
En créant une nouvelle centralité secondaire dans la banlieue de Lagos, alternative à celle d’Ikeja, les pouvoirs publics guidaient le développement d’un nouvel axe d’urbanisation en direction de l’ouest. L’espace compris entre les deux quartiers, initialement constitué de petites parcelles agricoles aux productions destinées soit à l’autoconsommation - qui complète utilement les ressources aléatoires procurées par le travail informel - soit au marché urbain, se voit peu à peu comblé par une urbanisation interstitielle.
Au large de l’entrée du chenal d’accès au port, une vaste zone de stationnement maritime est dédiée au stationnement des navires en attente d’accès au port pour charger ou décharger leurs cargaisons. Sur le cordon littoral isolé des îles intérieures par la Badagry Creek, certaines portions (cf. Elachi) sont occupées par des résidences de luxe avec piscine, témoignant ainsi des profondes inégalités socio-spatiales qui organise l’agglomération.
Repères géographiques
Images complémentaires
Le Grand Lagos
Repères géographiques
La région de Lagos
Repères géographiques
Carte croisssance urbaine 2000
Sources et bibliographie
Choplin (2019) « Produire la ville en Afrique de l’Ouest, Le corridor urbain de Accra à Lagos en construction », L’Information Géographique, 2019/2 (vol. 83) : 85-103 https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2019-2-page-85…
Denmat (2018) « Urbanités africaines / Lagos, immensité et urbanité d’une ville d’Afrique subsaharienne fantasmée dans les séries télévisées », Urbanités https://www.revue-urbanites.fr/urbanites-africaines-denmat/
Josse, Salmon (2016) « Quel avenir pour les quartiers précaires de Lagos ? », Métropolitiques https://metropolitiques.eu/Quel-avenir-pour-les-quartiers.html
Lamoureux (2015) « Comprendre l’organisation spatiale de Lagos, 1955-2015 », Hérodote n° 159 https://www.cairn.info/revue-herodote-2015-4-page-112.htm
Contributeur
Isabelle Greig, Professeure de géographie en CPGE, Lycée Hélène Boucher, Paris XXe