Agglomération de près de 12 millions d’habitants, Londres est une ville-monde qui concentre des fonctions métropolitaines de haut niveau lui assurant un rayonnement international et une forte intégration dans la mondialisation. Sa zone centrale, l’Inner London, polarise pouvoir, puissance et richesse. L’accélération du processus de métropolisation des dernières années s’y traduit par des recompositions fonctionnelles et des mutations urbaines, immobilières et sociales de grande ampleur. Les grandes opérations de régénération urbaine portées par un capital immobilier international y accélèrent la hausse des prix fonciers et immobiliers, la gentrification du centre et les phénomènes de ségrégation socio-spatiale.
Légende de l’image
Cette image de Londres, capitale de l'Angleterre et du Royaume-Uni, a été prise le 26 février 2019 par le satellite Sentinel-2B. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.
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Présentation de l’image globale
L’Inner London : pouvoirs, puissance, richesse et mutations urbaines
Une capitale et une ville-monde
L’image couvre une partie des quartiers, ou boroughs, centraux de Londres appelés “Inner London”, soit la City, Westminster, Kensington et Chelsea, Southwark et Lambeth. Ces quartiers concentrent l’essentiel de la puissance politique, économique et financière et de la richesse de la ville.
La Tamise, au centre de l’image, est un axe structurant dans l’organisation de la ville. Elle vient nous rappeler que Londres est une ville de fond d’estuaire et que le jeu des marées remonte jusqu’à l’entrée est du cœur historique. A ce titre, Londres appartient aux grandes métropoles de la Northern Range de l’Europe occidentale atlantique comme Bordeaux, Nantes, Rouen, Anvers, Rotterdam, Brême et Hambourg. Mais les fonctions fluviales et portuaires (cf. Docklands plus à l’est) ont depuis longtemps quitté cet espace pour glisser très largement vers l’aval et vers l’estuaire.
Organisant une métropole de près de 12 millions d’habitants, polarisant au niveau régional tout le Grand Bassin londonien et capitale du Royaume-Uni, Londres est aussi et tout autant une métropole de rang mondial, ayant longtemps disposé d’un statut impérial exceptionnel, qui concentre pouvoirs, richesses et population.
Processus de métropolisation, dynamiques fonctionnelles et mutations urbaines
Dans le contexte de la mondialisation contemporaine, la spécialisation fonctionnelle des différents quartiers a eu tendance soit à se renforce, soit à se transformer complètement pour s’adapter au processus de métropolisation.
Ainsi, si le pouvoir politique reste concentré dans le quartier historique de Westminster, la City, coeur financier de la ville est en pleine mutation. La concentration toujours plus importante des activités financières a conduit à une profonde transformation de son tissu urbain : densification et verticalisation du bâti, extension vers l’est mais aussi dédoublement du centre économique et financier de la ville plus à l’est, dans le quartier de Canary Wharf, ancien quartier portuaire des Docklands.
La forte attractivité de la ville et la nécessaire adaptation des activités économiques au contexte mondial conduisent ainsi à une recomposition majeure de certains quartiers centraux : projets de régénération des anciens quartiers industriels comme King’s Cross ou Nine Elms-Battersea.
Le phénomène de gentrification, et la hausse des prix fonciers et immobiliers qui en fait une des métropoles les plus chère au monde, transforment aussi en profondeur la sociologie de la ville-centre et de l’agglomération. Il constitue aujourd’hui un défi majeur pour les pouvoirs politiques et les promoteurs immobiliers : renforcer la compétitivité de la ville tout en permettant à ses habitants de rester y vivre.
Comme nous allons le voir à travers les quatre zooms étudiés, le paysage urbain de la métropole londonienne se transforme, s’adapte et se renouvelle en permanence pour conserver et renforcer son rang de ville mondiale alors que le Brexit porte en germe un bouleversement profond de l’ancrage londonien au contient européen.
Zooms d’étude
Les lieux du pouvoir à Londres (image de 2017)
L’image proposée a été prise par un satellite Pléiades le 8 avril 2017. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.
Elle montre le centre-ouest de Londres, à environ 3 km au sud-ouest de la City sur la rive gauche de la Tamise. On peut repérer au centre de l’image le Palais de Buckingham au nord-est à l’extrémité de Hyde Park et à l’est la Tamise. Si la City constitue le cœur économique, Wesminster concentre le pouvoir politique depuis le XIème lorsqu’Edouard le Confesseur décide de quitter la Cité et de s’installer à Westminster avec sa cour et son administration. Westminster est aujourd’hui un quartier de Londres où se concentre le pouvoir politique et les populations les plus riches de la ville.
Une fonction politique historique
Comme le montre Buckingham Palace au centre de l’image, la principale fonction du quartier de Westminster est politique. En effet, depuis l’installation en 1837 de la reine Victoria dans ce “nouveau” palais, Buckingham Palace est devenu le centre du pouvoir monarchique.
Si le pouvoir de la couronne britannique est aujourd’hui essentiellement symbolique, le quartier de Westminster concentre toujours les lieux de décision politique du pays. En effet, on trouve tout d’abord le Parlement au bord de la Tamise entre le Westminster Bridge au nord et le Lambeth Bridge au sud, où siègent la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. C’est le coeur du pouvoir législatif.
Le centre du pouvoir exécutif est symbolisé par le 10 Downing Street, résidence du 1er ministre, juste au nord du Parlement, en bordure est de St Jame’s Park. Plusieurs ministères régaliens se déploient le long de Parliament Street reliant le Parlement à Trafalgar Square : le Ministère des Finances avec son bâtiment circulaire, le Ministère des Affaires étrangères en face du Ministère de la Défense, reconnaissable à son alignement de quatre toits verts, ou encore le Ministère de la Santé. On peut ajouter à cela les locaux des célèbres services secrets britanniques, le MI5, au bord de la Tamise au sud du Parlement.
Le long du Mall, qui est la grande artère au bitume rouge où se déroulent les cérémonies officielles, se trouvent plusieurs prestigieux clubs privés où se réunissent les personnes les plus puissantes et les plus influentes du pays comme l’Oxford and Cambridge Club ou encore le Royal Automobile Club, fréquenté par le Général de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale.
Enfin, de nombreuses ambassades se sont installées à proximité de ces lieux de pouvoir dans le quartier de Belgravia reconnaissable à son bel alignement de grandes demeures entourées de grands jardins communs à l’ouest de l’image.
A la fonction politique, on peut aussi ajouter la fonction religieuse de ce quartier de Westminster avec Westminster Abbey, lieu de couronnement et nécropole des souverains britanniques. La présence de cette prestigieuse Abbaye à Westminster rappelle les liens étroits entre la monarchie et l’Eglise anglicane.
Une importante fonction patrimoniale et touristique
Si la relève de la garde constitue l’une des attractions touristiques majeures de Londres, l’ensemble du quartier de Westminster participe à l’attractivité touristique de la ville, qui est aujourd’hui 1ère destination touristique européenne avec Paris avec plus de 15 millions de visiteurs par an.
En effet, si Buckingham Palace et Big Ben sont des incontournables, on trouve aussi la présence dans ce quartier de plusieurs parcs : St Jame’s Park et Green Park autour de Buckingham Palace, Hyde Park au nord-ouest de l’image. Trafalgar Square est un lieu majeur de rassemblement de toutes les grandes manifestations. Au nord de la place, la National Gallery est l’un des plus grands musées de peinture au monde.
Le Londres du luxe et des riches
Cette image du centre-ouest de Londres laisse à voir le Londres des riches. En effet, les quartiers de Belgravia et Knightsbridge au sud-ouest de l’image, et de Mayfair au nord, sont des lieux de concentration exceptionnelle des patrimoines les plus élevés.
Le quartier de Belgravia a été construit à partir de 182O dans le style des lotissements à la mode au XVIIIème. Il s’agit de résidences de villes néo-classiques de 3 à 4 étages et d’hôtels particuliers disposés en bandes en alternance avec des parcs publics ou privatifs comme Belgrave Square ou Eaton Square, ce long rectangle orienté sud-ouest/nord-ouest que l’on peut repérer au sud de l’image.
Les magasins de luxe se succèdent le long d’avenues comme Brompton Road ou Sloane Square. On peut ainsi repérer à l’ouest de l’image le grand magasin Harrods sur Brompton Road. Le long de Sloane Street se succèdent des hôtels 5 étoiles et des restaurants gastronomiques.
La proximité du pouvoir politique et monarchique explique la forte pression foncière de ces quartiers et le prix extrêmement élevé de l’immobilier. En effet, dès le XIXème siècle, Belgravia attire les aristocrates anglais qui souhaitent vivre à proximité du Parlement et du Palais. Il s‘agit aussi d’être au cœur de la vie mondaine londonienne. Aujourd’hui, les hôtels particuliers occupés par des aristocrates anglais ont été pour la plupart rachetés par des milliardaires provenant en particulier de Russie, d’Asie ou du Proche-Orient dont la présence participe du statut international de la métropole.
Une internationalisation croissante de la métropole londonienne : l’exemple du périmètre de régénération urbaine Vauxhall/ Nine Elms autour de la Battersea Power Station (image de 2017)
L’espace ici étudié s’étend sur la rive sud de la Tamise à l’ouest du centre historique de la ville. Il appartient à ce que l’on nomme les quartiers péricentraux de l’Inner London.
Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 8 avril 2017.
On peut distinguer sur l’image trois éléments remarquables caractérisant cet espace. Premièrement, la Tamise qui constitue un axe structurant et inscrit cet espace au coeur des problématiques de reconquête des berges du fleuve. Deuxièmement Battersea Park qui est l’un des quatre plus grands et plus célèbres parcs de Londres, avec Hyde Park, Regent’s Park et Hampstead Heath. Et enfin, troisièmement, une zone qui apparaît en pleine transformation et qui correspond au périmètre du programme de régénération urbaine de Vauxhall, Nine Elms, Battersea Opportunity Area.
Cet espace est traversé par de nombreuses voies ferrées qui morcellent le paysage urbain avec une double coupure constituée par les voies desservant le sud de l’agglomération londonienne et de l’Angleterre au départ de la gare de Victoria (visible sur le zoom au nord de la Tamise) et une coupure est-ouest constituée par les voies du hub ferroviaire de Vauxhall et de Clapham Junction reliant l’ouest de la ville à la gare de Waterloo mais permettant aussi la circulation de l’overground.
Battersea : un quartier au cœur des projets de reconquête des berges de la Tamise
Relié à la rive nord de la Tamise par le Chelsea Bridge (1858) et l’Albert Bridge (1873), le parc de Battersea est créé à l’initiative de la Reine Victoria et est inauguré en 1858. Il est prévu pour améliorer les conditions de vie des habitants de Chelsea et accompagne le développement d’un habitat résidentiel dans le quartier de Battersea alors que la métropole londonienne connaît une croissance spectaculaire à l’époque victorienne.
Il est encore aujourd'hui l’un des plus grands parcs de la ville de Londres. Ouvert sur la Tamise, c’est un parc très paysager qui compte de nombreux espaces aménagés pour les enfants, des installations sportives, mais aussi des espaces pour la détente visible sur l’image satellite.
Il constitue aujourd’hui un trait d’union entre les différents projets de reconquête des anciennes berges industrielles de la Tamise qui doivent permettre de retrouver une continuité de circulation le long du fleuve par le développement des mobilités douces dans le cadre d’une politique visant à réduire la pollution atmosphérique de la ville. En effet, à l’est de Battersea Park s’étend tout un périmètre aux paysages encore très marqués par l’époque industrielle : le périmètre de régénération Vauxhall, Nine Elms, Battersea PowerStation.
Un quartier populaire et industriel qui se paupérise dans les années 1970
Ce quartier a connu de très importantes destructions pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont fait disparaître une grande partie des habitats résidentiels de l’époque victorienne et ont libéré de nombreux espaces. Comme ailleurs dans la ville, l’Etat-providence britannique au lendemain de la guerre fait le choix de construire dans ces terrains libérés par les bombardements des councils estates, ou logements sociaux. On les reconnaît sur l’image satellite à la forme allongée des immeubles en bâton entourés d’espaces verts qui occupent de grandes parcelles délimitées par des rues alors que seuls de petits passages piétonniers assurent la circulation en leur sein.
Au sud-est de l’image, la grande station de trains de Nine Elms et le site de construction des locomotives a été remplacé par le New Covent Garden Market, les grandes halles de fruits, légumes et de fleurs qui fournissent Londres en produits frais.
Mais dès le milieu des années 1970, le quartier de Nine Elms connaît une importante paupérisation liée au déclin de l’activité industrielle et à la fermeture partielle de la centrale électrique, la Battersea power station.
Un projet de régénération du quartier visant à renforcer le caractère métropolitain de Londres
Adopté en 2012, le programme de régénération de ce périmètre est le dernier à être adopté pour reconquérir les friches industrielles des berges de la rive sud de la Tamise. Pensée autour de la rénovation de l’iconique Battersea Power Station, classée monument historique avant même sa fermeture définitive en 1983, la régénération de ce quartier péri-central répond à la volonté de renforcer le caractère métropolitain de la ville de Londres en favorisant l’internationalisation de sa population, des investisseurs présents mais aussi tendant à une certaine uniformisation des paysages urbains marquée par une verticalisation grandissante.
Il s’appuie sur un ambitieux projet de rénovation de la centrale électrique de Battersea qui doit accueillir plus de 15 000 nouveaux logements, mais aussi des commerces et des entreprises (Apple en particulier) afin de permettre la création de 20 000 à 25 000 emplois dans le quartier. Ce programme s’inscrit dans le cadre d‘un partenariat public-privé et c’est par exemple un investisseur malaisien qui est en charge de la réhabilitation de la Battersea Power Station. De la même façon, les 23 hectares occupés par le New Covent Garden Market sont intégrés au programme de régénération du quartier. Les halles seront conservées mais une partie des terrains seront lotis en résidences de luxe pour financer leur modernisation.
La mairie de Londres soutient ce projet par le développement du réseau de transports avec l’extension d’une ligne majeure de métro - la Northern Line - vers la rive sud de la Tamise et l’ouverture de deux stations dans le périmètre du programme de régénération (Battersea Power Station et Nine Elms) prévues pour septembre 2021. En parallèle, plusieurs ambassades se sont délocalisées dans ce quartier comme les ambassades des Pays-Bas et des Etats-Unis (sur l’image, le vaste carré entouré d’eau proche de la Tamise) ; ce qui a renforcé l’attractivité du quartier et la hausse des prix du foncier.
Les anciennes friches industrielles et les logements ouvriers sont remplacés par une dizaine de tours de 150 à 200 mètres de hauteur. Le programme de régénération financé par des investisseurs asiatiques a en effet fait le choix de développer un parc immobilier de luxe en s’appuyant sur le patrimoine industriel historique du quartier (réhabilitation de la Battersea Power Station). Il s’agit de lui donner une identité et d’en faire une nouvelle vitrine du Londres moderne de demain. L’articulation local-mondial constitue donc un axe majeur de ce programme. Les appartements sont vendus prioritairement aux investisseurs individuels, aux Fonds de pension qui gèrent les retraites ou aux Fonds d’investissements souverains.
De nombreuses critiques se sont élevées contre ce qui apparaît être un accaparement de la ville par des populations à hauts revenus ; le projet étant ainsi parfois qualifié de mini-Manhattan ou de Dubai-in-Thames. Les habitants du quartier n’ayant pas les moyens financiers d’accéder à ces appartements seront obligés de s’installer dans des secteurs où le coût de l’immobilier est moindre. La mondialisation des acteurs de l’immobilier et la financiarisation de l’immobilier favorisent donc une verticalisation du paysage urbain et un net renforcement des logiques de ségrégation sociale au détriment des anciens habitants du quartier repoussés vers des espaces résidentiels plus lointains.
La reconversion d’un ancien quartier péri-central industriel : le quartier de Kings Cross/ St Pancras (image de 2015)
Cette image prise par un satellite Pléiades le 3 juillet 2015 couvre un quartier péri-central situé au nord du centre de la ville de Londres. Ce quartier est relativement isolé des quartiers alentours par une double coupure urbaine : une coupure est/ouest liée à la présence des voies ferrées de Euston Station à l’ouest et de King Cross-St Pancras à l’est, et une coupure nord/sud constituée par un important axe routier, l’Euston Road/Pentoville Road.
Ce quartier péri-central peut donc être appréhendé comme un îlot, nœud ferroviaire majeur au cœur de la métropole et ancien noeud industriel en pleine reconversion qui doit s’adapter aux rapides mutations sectorielles et fonctionnelles de l’économie de la ville. C’est un espace où s’illustre parfaitement la politique ambitieuse de la municipalité londonienne de développement des territoires, articulé à celui des infrastructures de transport.
Un des nœuds de communication les plus importants de la capitale
L’attractivité du quartier est liée à la présence de trois gares : Euston Station, St Pancras et King Cross. Ouverte en 1837, Euston Station a été la première gare de chemin de fer inter-cités de Londres desservant le nord de l’Angleterre, l’Ecosse et la côte ouest. Elle a connu d’importants travaux de rénovation dans les années 1960 et est en pleine transformation aujourd’hui, puisqu’elle doit accueillir d’ici 2026 la 2ème ligne de train à grande vitesse du Royaume-Uni reliant Londres à Birmingham.
Les stations de St Pancras et de Kings Cross constituent quant à elles la plus importante plate-forme multimodale du trafic de passagers du centre de Londres en connectant 6 lignes de métro et 17 lignes de bus. Ces deux grandes stations de train sont fréquentées par près de 140 000 passagers par jour. Il est prévu de dépasser les 60 millions de passagers par an d’ici quelques années.
En effet, la croissance démographique et urbaine de Londres repose sur une logique de concentration de l’emploi dans l’hyper-centre élargi aux Docklands, tandis que les lieux de résidence se déconcentrent de plus en plus en périphérie. Ce processus entraîne un accroissement significatif des migrations pendulaires et renforce donc le rôle et la place des plateformes d’échanges comme Euston Station et Kings Cross/St Pancras dans l’organisation urbaine.
Comme on le voit sur l’image, des friches industrielles s’étendent entre St Pancras et King Cross. Celles-ci sont traversées par le Regent’s Canal, une des branches du Grand Union Canal reliant Birmingham à la ville de Londres et à la Tamise. Construit au début du XIXème siècle, ce canal a été un axe majeur du trafic de marchandises pendant toute la Révolution industrielle et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale où il a constitué une alternative au transport ferroviaire. Il constitue donc avec la gare de King Cross l’un des axes de communication majeur du transport de marchandises tout au long du XIXème siècle et ce jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Autour de la gare et du canal se sont alors développés de grands entrepôts qui accueillaient tout type de marchandises pour répondre aux besoins de la population londonienne à l’époque victorienne : produits frais (fruits, légumes, poissons…) mais aussi d’importantes quantités de charbon et de gaz.
Un quartier en déclin et mal famé à partir des années 1950
De moins en moins utilisés au lendemain de la Seconde Guerre, alors que la route prend le dessus sur le transport ferroviaire pour le fret, ces entrepôts sont progressivement abandonnés. Le quartier de Kings Cross devient à partir des années 1970 un quartier très mal famé, lieu de tous les trafics et d’une importante prostitution. Les habitats ouvriers se dégradent progressivement et la population ouvrière connaît une forte paupérisation.
Malgré ce déclin progressif, le quartier n’appartient pas à l’axe prioritaire de régénération urbaine des années 1980, plutôt centré le long de la Tamise et des anciens docks autour de Canary Wharf. Il faut attendre le milieu des années 1990 pour que la question de sa régénération émerge. La décision de transférer la gare Eurostar de Waterloo à St Pancras pour permettre la construction de la 1ère ligne à grande vitesse du Royaume-Uni marque le point de départ de la transformation du quartier. L’ouverture de la gare de St Pancras International en 2007 lance plus largement les travaux de profonde transformation du tissu urbain.
Un ambitieux programme de régénération urbaine : valorisation de la fonction de hub et renouvellement des activités économiques
Ce quartier péri-central est aujourd’hui le lieu d’un très ambitieux programme de régénération urbaine qui s’appuie sur sa fonction de hub. Le périmètre de la régénération s’étend sur près de 27 hectares au nord des deux gares de Kings Cross et St Pancras autour du Canal. A cheval sur les deux boroughs de Camden et Islington, il a obtenu un code postal unique, NC1, afin de marquer symboliquement l’unité du périmètre.
Les promoteurs en charge de la régénération ont dû s’engager à construire un vaste parc résidentiel, dont un tiers doit être réservé à des logements sociaux, des écoles et des espaces publics et à réhabiliter ou construire près de 50 bâtiments destinés à des activités économiques. Ainsi, au cœur du périmètre, la St Martin’s School, l’une des plus grandes écoles d’architecture, de design et de mode du monde, s’est installée en 2011 dans un ancien bâtiment entièrement réhabilité qui s’ouvre sur une place, Granary Square.
Ce programme de régénération est marqué par une réelle volonté de conserver la mémoire industrielle du quartier. Ainsi, comme on peut le voir sur l’image, trois anciens réservoirs de gaz circulaires ont été conservés, deux sont devenus des résidences de luxe et le troisième est un parc public.
Le financement du projet basé là encore sur un partenariat public-privé doit permettre d’attirer les flux d’investissements et de nouvelles entreprises. Ainsi deux entreprises phares, Google et Facebook, sont au centre du projet de régénération. Elles doivent contribuer au dynamisme économique du quartier en favorisant le développement d’un pôle de haute technologie lié à l’économie créative et aux technologies informatiques. L’objectif étant de constituer un ensemble reliant la Silicon Roundabout Tech City UK à King Cross. On assiste donc aujourd’hui à une métamorphose complète de l’image du quartier : d’un endroit dangereux et mal famé à l’un des nouveaux poumons de la ville mondiale.
La City, cœur de la ville mondiale (image de 2015)
La City : un petit territoire, centre financier et cœur historique de Londres
Située sur la rive gauche de la Tamise, la City est un petit territoire de 2,9 km² délimité au sud par le fleuve. Cette image du cœur historique de Londres et de l’un des centres financiers les plus puissants au monde a été prise par un satellite Pléiades le 3 juillet 2015. Les buildings modernes de la City jouxtent des vestiges romains, des ruelles médiévales et des églises des XVIIème et XVIIIème siècles.
La City bénéficie depuis le Moyen-Age d’un statut spécifique lui conférant une réelle autonomie de gestion. Elle est donc à la fois un comté de Londres et une ville à part entière disposant de son propre maire. Différents monuments historiques comme Tower of London, la fameuse Tour de Londres au sud-ouest de l’image, et la Cathédrale Saint-Paul, à l’ouest, confèrent également une forte attractivité touristique à ce territoire.
Une place financière mondiale de 1èr ordre
La City fait partie des principales places financières mondiales au côté de New-York, Tokyo, Shanghai, Paris ou Francfort. Ce quartier des affaires concentre des activités financières, des sièges sociaux de grandes entreprises, des banques, de grandes assurances, et un ensemble de services aux entreprises (cabinets d’avocats, communication, publicité, marketing…).
Malgré le développement des transactions financières via les réseaux numériques, le processus de mondialisation ne s’est pas traduit par une déterritorialisation de l’économie. A l’image du Leadenhall market, un marché couvert abritant des pubs et des restaurants situé entre le Leidenhall building et le talkie Walkie, la City reste un endroit où les financiers se rencontrent pour conclure des affaires. Cette synergie entre les différents agents économiques en présence favorise la création de richesses et explique cette forte concentration de fonctions métropolitaines.
On peut repérer sur l’image quelques institutions prestigieuses de la finance mondiale. Dans le prolongement du pont ferroviaire, la Banque d’Angleterre surnommée « the old lady Threadneedle street » est la Banque centrale du Royaume-Uni. En face, la Royal Exchange est la première bourse de commerce de la City fondée en 1565. Le London Stock Exchange, au nord de Saint-Paul, est l’un des plus grands marchés boursiers de la planète au côté des bourses de Tokyo, Shanghai, New-York, Paris ou Francfort.
Une verticalisation et une densification urbaine
Le paysage urbain vertical de la City tranche nettement avec le reste de Londres, ville historiquement horizontale composée pour l’essentiel d’immeubles de 3 à 4 étages. Ce contraste paysager est bien visible sur l’image entre la partie est et la zone centrale de l’image.
Les constructions de building de verre et d’acier, signés en général par des cabinets d’architectes de renommée internationale, témoignent de la régénération urbaine et du dynamisme économique de la ville. Ce dynamisme est à mettre en relation avec la politique de dérégulation financière mise en œuvre par Margaret Thatcher dans les années 1980 et avec une fiscalité britannique très avantageuse. Depuis les années 2000, la City a vu se multiplier les projets de tours. Cette politique répond au besoin de densification urbaine et doit permettre de renforcer la stature internationale de ville.
La skyline londonienne est à la fois une manifestation et un symbole de la puissance de la ville, de sa modernité et de son intégration à la mondialisation financière. Si la crise financière des années 2007-2009 a ralenti cette dynamique de construction, plusieurs projets sont en cours de réalisation. Sur l’image, les polygones marons sont autant de chantiers de building en construction. Le nombre important de grues que l’on peut repérer sur l’image témoigne également de ce dynamisme.
Ces nouvelles tours transforment le paysage urbain de la ville et lui donnent une signature urbaine spécifique. On peut repérer sur l’image, du sud au nord de la Tamise, quelques immeubles emblématiques qui ponctuent la silhouette urbaine de Londres. Au 20 Fenchurch Street, a été construit entre 2009 et 2014 un building de 160 mètres de haut, appelé Walkie-talkie par les londoniens du fait de sa forme spécifique. Un peu plus au nord, le Leadenhall Building, haut de 234 mètres et signé par l’architecte Richard Rogers, est surnommé the cheesegrater (la râpe à fromage). Il abrite des bureaux d’affaires. Sa construction a été achevée en 2014. Au 30 St Mary Axe, du haut de ces 180 mètres, ce building signé par Norman Foster a été fortement critiqué du fait de sa forme ovoïdale. Il est surnommé The Gerkin (le cornichon). Au 22 Bishopgate, the Pinnacle, haut de 288 mètres, est en cours de construction. Enfin, au sud de la Tamise, on peut repérer the Shard. Cette tour de 310 m de haut, conçue par l’architecte Renzo Piano en 2014, a suscité elle aussi la polémique. Elle est au cœur d’un projet de renouvellement urbain de Southwark.
Un quartier connecté au reste de la ville et au monde
La City est peuplée de seulement 9 041 habitants résidents, mais elle accueille plus de 300 000 personnes quotidiennement, les ¾ étant des emplois en lien direct avec les activités financières de la City, le reste étant constitué d’employés travaillant dans les activités de services supports (restauration, nettoyage, sécurité…). L’importance des navettes pendulaires entre la City et le reste de Londres a conduit la municipalité à définir comme prioritaire le renforcement de l’accessibilité de Londres dans le Plan Londonien – le London Plan - de 2004.
De nombreuses stations de métro permettent de desservir les quartiers orbitaux de la City au nord, au sud à l’est et à l’ouest via les stations de Saint Paul, Bank, Monument ou de Tower Hill; mais également les aéroports d’Heathrow et de City Airport. (hors de l’image). La gare de Liverpool Street Station, le long de Bishopsgate, permet de desservir l’Est de l’Angleterre et l’aéroport de Stansted. La City est par ailleurs desservie par plusieurs ponts franchissant la Tamise. On peut identifier sur l’image d’ouest en est : The Millenium Bridge, Southwark Bridge, London Bridge et Tower Bridge. Le 1er pont de bois ayant permis le franchissement de la Tamise à l’époque romaine correspond au site actuel du London Bridge.
Shoreditch, un exemple de recomposition spatiale au nord-est de la City
L’attractivité de Londres se traduit par une extension de la City vers le nord et l’est et par un processus de gentrification du quartier de Shoreditch. Celui-ci est à l’interface entre la City et l’East End londonien, deux territoires économiquement et sociologiquement très distincts.
Dans la partie nord-est de l’image, on peut identifier un habitat constitué de petits collectifs ou d’immeubles. Shoreditch est historiquement un quartier populaire peuplé de populations immigrées, originaires notamment d’Inde et du Bangladesh. Le contraste paysager avec la City, assez proche en termes de distance, est saisissant.
L’extension de la City au nord se fait le long de Bishopsgate. Le plan du Grand Londres (GLA) vise à renforcer la densification urbaine autour des nœuds de transports comme par exemple le projet d’immeubles au-dessus de la gare de Liverpool Street. La recomposition urbaine en cours est bien visible sur l’image. Ainsi, on peut identifier, au nord de Liverpool Street Station, deux tours assez récentes qui s’avancent vers Shoreditch, la Brodgate Tower et la Principal Tower, dont l’achèvement est prévu en 2019, puis un autre building en construction. De l’autre côté de la rue subsistent des maisons de 2 à 3 étages anciennes parfois abandonnées, et convoitées par les promoteurs immobiliers.
Cet espace en transition est l’objet de controverses entre les associations de riverains et les promoteurs immobiliers. Ainsi, le Bishopsgate Goodsyard, une friche ferroviaire de 5 ha située à l’extrême nord-est de l’image, est au cœur d’un projet d’extension de la City très contesté par les populations riveraines. L’ouverture de la gare de Shoreditch High Street, située le long du flanc nord de la friche ferroviaire du Bishopgate Goodsyard, est au cœur de ce processus de recomposition du quartier de Shoreditch. La gare permet de relier le quartier à la East London Line. Réalisée entièrement en béton, elle a été construite dans l’optique de l’aménagement futur de la friche.
Shoreditch est donc en cours de recomposition sous l’effet de l’extension de la City. C’est aujourd’hui un quartier composite qui se gentrifie. La forte pression foncière liée à la proximité de la City entraîne une hausse du prix des terrains, ce qui a pour conséquences le départ des populations les plus modestes et une transformation des fonctions du quartier.
Signe de cette gentrification en cours, le Old Spitafields Market, au sud de la friche du Bishopsgate Goodsyard, est un ancien marché d’approvisionnement victorien transformé en un immense marché couvert accueillant des boutiques branchés et des artistes. A l’est de ce marché, une ancienne brasserie – la Old Truman Brewery - est devenue un lieu accueillant des évènements artistiques, des bars et un marché vintage. Tous les week-ends, Brick-Lane Market accueille des touristes et le quartier est désormais connu pour ses fresques de Street Art.
La City, cœur financier de la ville, est un quartier historique qui connaît un processus de densification, de verticalisation et d’extension vers des territoires proches sous l’effet de l’intégration croissante au processus de mondialisation. A l’image de Shoreditch, ces dynamiques entraînent une recomposition urbaine, économique et sociale de grande ampleur des quartiers proches.
Images complémentaires
Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 3 juillet 2015. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m
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Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 8 avril juillet 2017. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m
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Cette image de la region de Londres a été prise le 26 février 2019 par le satellite Sentinel-2B. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution à 10m.
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Traduction
D’autres ressources
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Manuel Appert, “Londres entre régénération urbaine et verticalisation”, entretien, mondes urbains britanniques, Urbanités, octobre 2014
Martine Drozdz, “Réparer des marchés défaillants et après ? La régénération urbaine par projets à Londres”, entretien, mondes urbains britanniques, Urbanités, mars 2016
King’s Cross Visitor Centre
Site de la ville de Londres. Les grandes opérations de rénovation urbaine
contributeur
Julien Meynet et Elodie Gruit, Lycée français Charles de Gaulle, Londres.