Rapa, une île des Australes tout au bout du monde

Dans l’océan Pacifique, en Polynésie française, Rapa appartient à l’archipel des Australes. C’est l’une des îles habitées les plus isolées du monde et la terre française occupée par une population permanente la plus australe, au-delà du tropique du Capricorne (27°30’ sud).

Contient des informations PLEIADES © CNES 2012, Distribution Airbus DS, tous droits réservés. Usage commercial interdit.

Légende de l’image

Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 01/02/2012. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

 

Présentation de l’image globale

Rapa, tout au bout du monde

Un isolat insulaire volcanique de l’archipel des Australes

Rapa (39 km²) est une île volcanique culminant à 650 m d’altitude au mont Perau. Comme le montre l’image, le relief est très disséqué et les pentes sont fortes ; aucune plaine littorale ne s’accroche à son pourtour. La côte sud, hérissée de falaises, est battue par la houle australe générée par les Quarantièmes rugissants et les Cinquantièmes hurlants.

De forme grossièrement circulaire, Rapa est un volcan éteint qui appartient à l’archipel des Australes. À l’instar des îles de la Société, ces îles dessinent un alignement contrôlé par un point chaud : le hotspot Macdonald, situé plus au sud-est. Cet axe regroupe les monts Macdonald (volcan sous-marin), les îles Marotiri, Rapa, Rimatara, Maria, Mauke et Aitutaki, les deux dernières appartenant aux îles Cook.

Son centre est occupé par une baie profonde correspondant à la caldeira, aujourd’hui envahie par la mer. C’est le long de cette baie abritée qu’ont été établies les installations humaines : la seule route de l’île suit la rive, reliant la localité principale, Ahurei, sur la rive sud, au village d’Area, juste en face.

Les premières laves mises en place à Rapa, datées entre 12 et 5 millions d’années, correspondent à la phase de construction du bouclier basaltique d’un volcan de point chaud. Après une longue période d’érosion, une reprise d’activité plus récente, vers 5–4 Ma, a construit des cônes adventifs, injecté des dykes rayonnants et produit des magmas différenciés plus riches en silice, aujourd’hui matérialisés par des aiguilles et des dômes trachytiques ou phonolitiques nichés dans les vallées centrales. L’effondrement du toit de la chambre magmatique superficielle a engendré la caldeira qui forme la baie d’Ahurei ; large de 2,5 km, cet amphithéâtre a ensuite été ouvert et agrandi par l’action combinée de l’érosion marine et de la remontée eustatique de 120 m survenue à la fin de la dernière glaciation.

Les falaises littorales dévoilent un empilement complexe de coulées basaltiques, de brèches pyroclastiques et d’un réseau dense de dykes pluricentimétriques, tandis que des failles normales, bien exprimées sur les versants nord-ouest, attestent d’une subsidence thermique continue de l’édifice, de l’ordre de 0,2 mm par an, comparable à celle mesurée sur les autres îles de la chaîne Australe-Cook. Sous un régime hyper-pluvieux supérieur à 2 500 mm annuels, ces laves se transforment en andosols rouge brun riches en argiles allophanes, dont la forte capacité de rétention d’eau a favorisé l’aménagement traditionnel de tarodières en terrasses irriguées dans les fonds de vallon. Enfin, la latitude de 27° S impose des températures marines plus fraîches, comprises entre 20 et 22 °C en hiver, limitant la croissance corallienne à un récif frangeant mince et discontinu ; à 50 m sous le niveau actuel de la mer, un niveau récifal fossile enregistre le haut-niveau interglaciaire du dernier épisode isotopique 5e, daté d’environ 125 000 ans.

Les atouts de l’isolement

Avec 507 habitants en 2017, Rapa est l’une des communautés les plus isolées du globe : l’île habitée la plus proche se situe à 500 km et Tahiti à plus de 1 200 km au nord-est. Cette position stratégique, face à la future route du canal de Panama vers la Nouvelle-Zélande, attira au XIXᵉ siècle l’intérêt du Royaume-Uni et de la France. En 1867, la Panama-New Zealand and Australian Mail Royal Company avait installé une station de ravitaillement. En 1881, alors que le projet de canal était relancé, la France annexa Rapa ; ses îlots méridionaux de Marotiri, inhabités et distants de 90 km, étendent aujourd’hui la zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie française de plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés.

Au-delà du tropique du Capricorne, le climat est plus frais et nettement moins ensoleillé que dans le reste de la Polynésie : on enregistre couramment des températures inférieures à 10 °C en juillet-août et seulement 1 600 h d’ensoleillement annuelles.

Desserte et autosubsistance

Faute de cadastre, le foncier est régi par le conseil des sages (Tohitu). Ce dernier a refusé de céder des terres pour construire une piste d’aviation, bien qu’une consultation populaire en 2000 ait penché, d’une courte majorité, pour sa construction — elle aurait pourtant facilité les évacuations sanitaires sur cette île dépourvue de médecin résidant.

Rapa n’est donc accessible que par mer. Le cargo mixte Tuha’a Pae IV fait escale environ une fois par mois ; il faut quatre jours de traversée pour rejoindre Papeete. Sur l’image, on distingue le quai, à l’est d’Ahurei, à l’entrée de la baie. L’accostage du bateau, porteur de denrées, de matériel et du courrier, reste un temps fort de la vie rapanaise.

Privée de collège et de lycée, l’île voit ses adolescents partir en internat à Tubuai, Rurutu ou Tahiti, ne rentrant, au mieux, qu’aux vacances scolaires.

Du fait de l’isolement, la population vit largement en autosubsistance : On y cultive le taro, plante à tubercules courante de l’agriculture vivrière polynésienne. Les tarodières sont établies en banquettes irriguées dans certains vallons proches du village d’Ahurei. Les Rapanais pratiquent également beaucoup la chasse aux taureaux et chèvres sauvages, ainsi que la pêche, spécialement à la langouste.

 

D’autres ressources

  • Dupon J.-F. (dir.), 1993, Atlas de la Polynésie française, Paris, ORSTOM.
  • Fer Y. et Malogne-fer G., 2000, Tuaroí : réflexions bibliques à Rapa, conversion et identité, Papeete, Haere po, 306 p.
  • Serra-Mallol Ch., 2013, « Entre local et global : l’alimentation en Polynésie. Le cas de Tahiti et Rapa », Anthropologie et Sociétés, numéro thématique Glocalisation alimentaire, 37-2, p. 137-153

Auteur

Jean-Christophe Gay, professeur des universités, IAE de Nice, université Nice Sophia Antipolis