Poitou-Charentes - Rochefort, l’estuaire de la Charente et les marais de Brouage : un territoire littoral soumis à de nombreux enjeux

Au centre des destinations très touristiques - telles que la Rochelle, Royan, les îles de Ré et d’Oléron, l’estuaire de la Charente, Rochefort et les marais de Brouage ont une valeur patrimoniale et paysagère remarquable. Au terme de 360 km de méandres, la Charente, qui prend sa source en Haute-Vienne, se jette dans l'océan Atlantique, entre Fouras et Port-des-Barques. Cet estuaire constitue la colonne vertébrale du territoire étudié. Dans l’un de ses méandres, Rochefort, ville nouvelle du XVIIe siècle, se développe. Elle compte aujourd’hui 25 000 habitants, et s’organise autour de son arsenal restauré et mis en tourisme. Dans le marais de Brouage plus au sud, les hommes n’ont cessé de façonner les paysages pour répondre à leurs besoins : saliculture, conchyliculture, agriculture, élevage, urbanisation, déplacements… Sur cette portion du littoral charentais non propice au développement d’aménagements balnéaires, les acteurs doivent gérer de nombreux enjeux patrimoniaux, touristiques et agricoles parfois contradictoires dans un contexte de changement climatique. 

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Légende de l'image

Cette image du marais de Brouages, a été prise par un satellite Pleaides le 18 mai 2020. Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. 
 

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Présentation de l’image globale

L’estuaire de la Charente : site stratégique et épine dorsale du territoire

L’image satellite nous laisse clairement entrevoir au nord les méandres de la Charente. Le fleuve se heurte à des roches calcaires le contraignant à changer de direction. Cette sinuosité du fleuve donne un caractère singulier à ce paysage estuarien, qui serpente dans un ancien golfe au cœur d’un archipel d’anciennes îles (Rochefort, Breuil-Magné, Saint-Laurent de la Prée, Fouras…) avant de rejoindre le pertuis d’Antioche.

Dès le XVIIe siècle, cet espace littoral et fluvial présente plusieurs atouts, qui se sont avérés déterminants dans le choix de Rochefort pour abriter un arsenal militaire : un lieu abrité en fond d'estuaire avec un arrière-pays fertile, et un pertuis facile à défendre depuis les nombreuses îles au large (Ré, Aix, Madame et Oléron). De plus, à cette époque, il s’agit alors pour le pouvoir royal de surveiller au mieux le littoral et notamment La Rochelle, “rebelle et protestante”.

Dès lors, de part et d’autre de l’embouchure de la Charente, quatorze forts et redoutes sont édifiés entre la fin du XVIIe siècle et les années 1860. Ces fortifications voient le jour sur les îles proches ou à Brouage, citadelle bastionnée. Le fort Boyard, achevé au XIXe siècle, vient compléter cette « ceinture de feu ». Dans l’estuaire, plusieurs édifices défendent également l’accès, à l’image du Fort Lupin rive gauche (cf. zooms).

Un territoire littoral singulier, engagé pour la préservation durable du paysage

Ce territoire se caractérise par l’immensité et l’horizontalité de ces paysages. L’estuaire est la rencontre de deux écosystèmes : l’océan atlantique et le fleuve Charente. Les effets de la marée se font sentir jusqu’en amont de Saintes à 80 km environ de la côte. Ce paysage estuarien est donc la jonction entre eaux douces et eaux salées et donne naissance à une flore et une faune exceptionnelles. Une végétation halophile (salicorne, soude, obione, spartine…) s’est développée sur les rives du fleuve et joue un rôle de protection contre les submersions. Elle fixe au sol les sédiments et forme des vases molles (slikkes). Ces marais, le long de la Charente, abritent de nombreux oiseaux (cigogne blanche, busard des roseaux, bernache cravant, aigrette garzette…), poissons (anguilles, aloses, lamproies…) et mammifères (Loutre et vison d’Europe).

Cette diversité biologique est préservée dans le cadre du réseau européen Natura 2000. Pour autant, des abris (tonnes de chasse) sont dissimulés dans ces marais saumâtres, il s’agit d’une pratique de chasse réglementée possible plusieurs mois dans l’année. Les vasières recouvertes lors des grandes marées (schorres) ont été drainées et entourées de digues pour servir aux pâturages. Un système de fossés, de canaux et d’écluses quadrillent ainsi ce paysage alimenté en eau douce. L’eau est en effet un élément essentiel de ce territoire et fait l’objet de conflits perpétuels entre ses différents usages : agriculture, élevage, chasse, loisirs…

Depuis 2013, l’estuaire de la Charente est un site classé et, depuis 2020, il est labellisé avec l’Arsenal de Rochefort “Grand Site de France”. Cette labellisation est la reconnaissance nationale d’un paysage singulier qui s’engage dans une préservation durable en prenant en compte tous les acteurs. La pression urbaine est forte sur ce territoire avec une activité économique variée (industries, artisanat, tourisme, agriculture, conchyliculture). La préservation du paysage et la gestion des flux et des usages restent ainsi au cœur des enjeux du Grand Site de France pour les années à venir.

Certains sites ont fait l’objet de travaux de restauration et de mise en valeur, à l’image du Pont Transbordeur qui enjambe la Charente au Sud de Rochefort : élaboration d’outils d’interprétation du paysage, création de sentiers pédestres et cyclables (Chemin de la Charente), réorganisation des stationnements. Il s’agit d’améliorer l’accueil des visiteurs tout en prenant en compte le cadre de vie des habitants. Pour faciliter les déplacements doux et l’itinérance touristique, deux véloroutes structurent cet espace : la Flow Vélo longe la vallée de la Charente de la Dordogne à l’île d’Aix, et la Vélodyssée traverse Rochefort depuis la Rochelle en direction de Royan (cf.zoom).

Rochefort : de la ville de garnison à celle des “Demoiselles”

Au nord de l’image satellite, la ville de Rochefort se distingue clairement. Elle s’est développée dans un méandre de la Charente, rive droite, à une vingtaine de kilomètres de la côte atlantique. Au XIe siècle, “Roccafortis” est un château dominant la Charente au cœur d’un marais, entouré de quelques chaumières. En 1666, sur ordre de Louis XIV, les restes du château de Rochefort sont rasés, dans le but de créer un arsenal de guerre, capable de construire rapidement une flotte, pour rétablir la puissance maritime du royaume contre les Anglais et favoriser le commerce avec les colonies. L’arsenal voit le jour dans ce site stratégique de fond d’estuaire. (cf. zoom).

Longtemps associée à une image de ville de garnison, cette ville moyenne est aujourd’hui synonyme de vie culturelle. A partir des années 1970, elle connaît un regain d'intérêt, avec une politique de réhabilitation de l'habitat et la construction de nouveaux équipements.  En 1974, Rochefort signe avec l’Etat un “contrat ville moyenne” pour relancer l'économie rochefortaise et l'amélioration du cadre de vie.  La Corderie Royale en ruine est restaurée, deux des anciens bassins du port de commerce sont transformés en ports de plaisance. La comédie musicale de Jacques Demy, “Les Demoiselles de Rochefort”, sortie en 1967, participe également à ce nouvel élan culturel.

Depuis 1997, le lancement du chantier de reconstruction de l’Hermione (réplique de la frégate qui a transporté Lafayette en 1779 lors de la guerre d’indépendance américaine) a attiré des milliers de visiteurs et a permis à Rochefort de sortir de son image de “belle endormie”. Cette réplique a traversé l'Atlantique en 2015 avec 80 membres d'équipage.  Le projet touristique de l’Arsenal des Mers, qui a vu le jour en 2019, permet de redécouvrir ce patrimoine maritime rochefortais, moteur touristique indéniable avec plus d’un million de nuitées touristiques en 2019.
Par ailleurs, Rochefort est également une ville thermale (la sixième de France) facilement accessible depuis la gare ferroviaire : 20 000 curistes environ viennent chaque année bénéficier de soins en rhumatologie, phlébologie ou dermatologie. Ce tourisme de santé génère des retombées économiques non négligeables pour la ville et ses alentours.

Le marais de Brouage : une zone humide d’exception face au changement climatique

Là où se trouve aujourd’hui le marais de Brouage, loin de l’agitation du littoral, s’étendait un golfe marin : le golfe de Saintonge. La mer s’est retirée il y a environ 2 000 ans avant notre ère, formant des vasières. Les anciennes îles se distinguent encore aujourd’hui au niveau des villages et hameaux existants. Au gré du comblement de la baie et des usages agricoles décidés par les hommes, ce jardin de terre et d’eau n’a cessé d’évoluer : marais salants jusqu’au XVIIe siècle, espaces ostréicoles, terres abandonnées puis réexploitées au XIXe siècle. La mécanisation de l’agriculture, après la seconde guerre mondiale, a délaissé l’élevage au profit d’espaces dédiés à la culture céréalière. Une partie des fossés où l’eau avait l’habitude de circuler a été comblée. Drainage et mise à plat des parcelles ont transformé ce paysage.

Des “prises” successives sur la mer ont également été effectuées modifiant profondément cet espace. Ces marais poldérisés sont protégés par une digue littorale, édifiée dans les années 1970 pour lutter contre les assauts des vagues. Cette digue dessine le trait de côte actuel sur la frange littorale Moëze-Saint Froult, et détermine les paysages qui s’offrent aux regards. Toutefois, situé à une altitude très proche du niveau de la mer, ce territoire est sensible. La digue côtière est fragilisée par les aléas climatiques récurrents : submersion et élévation du niveau marin (Tempêtes Martin en 1999 et Xynthia en 2010). Le “Plan Digues”, lancé depuis 2012 par le département pour renforcer les protections littorales, a permis de déployer d’importants moyens de travaux publics, en coopération avec les acteurs locaux dans le cadre des Programmes d’Action de Prévention des Inondations (PAPI).

Toutefois cette problématique interroge : faut-il poursuivre la lutte contre les assauts de la mer et continuer à reconstruire la digue à chaque destruction liée à une tempête, ou accepter une gestion plus souple du trait de côte, en modifiant les pratiques agricoles, allant à l’encontre d’une “culture de maîtrise des éléments naturels” ? Cette acceptation sociale d’un retour de la mer sur une partie du territoire reste une question délicate, entraînant une situation conflictuelle sur l’utilisation de ces milieux.

Initié par le Conservatoire du littoral, le projet nommé "Life Adapto" vise à trouver différents scénarii pour répondre à ces enjeux. Afin de permettre une gestion concertée du marais impliquant l’ensemble des usagers, l'opération Grand site engagée en 2021, intègre ces réflexions dans les outils de planification. Les collectivités (agglomération de Rochefort et Communauté de communes du bassin de Marennes) associent l’ensemble des acteurs (éleveurs, ostréiculteurs, chasseurs, pêcheurs, protecteurs de l’environnement, professionnels du tourisme) pour permettre une adaptation du marais au changement climatique.
 

Zooms d'étude

Un puissant arsenal naval au service du rayonnement de la Marine du Roi

En 1666, la première ville-arsenal française sort de terre, faisant basculer le destin de tout l’estuaire de la Charente. Le premier ouvrage construit est une manufacture de cordes, bâtiment de 374 mètres de long, destiné à confectionner les cordages d’une encablure. La Corderie Royale, posée sur un radeau de poutres de chêne pour pallier l’instabilité du terrain marécageux, est repérable sur l’image satellite et constitue l’emblème du patrimoine rochefortais.  Des centaines de navires et vaisseaux y ont été construits. Le bâtiment abrite aujourd’hui le Centre International de la Mer.

Les autres bâtiments de l’arsenal vont se succéder au bord du fleuve : formes de radoub (bassins maçonnés servant à fabriquer ou restaurer les coques des vaisseaux), fonderies, forges, poudrières, bâtiments administratifs, … Ces édifices présentent une unité architecturale de style classique, avec une recherche de monumentalité. Les portes de l’arsenal rappellent les arcs de triomphe antiques, avec des attiques monumentaux, des médaillons et éléments décoratifs militaires (lances, casques, boucliers …).

La création d’une ville nouvelle militaire

Autour de l’arsenal, une ville nouvelle militaire se développe rapidement, au XVIIe siècle sous l'impulsion de l’intendant Colbert de Terron. Ceinte de remparts à partir de 1689, elle prend son aspect définitif grâce à Michel Bégon, Intendant de la Marine (1688-1710), qui organise la reconstruction de la ville en pierre de taille et son embellissement.

Elle dispose d’un plan d’urbanisme monumental en damier (parcelle de 7 mètres de largeur) avec de larges avenues et des perspectives qui mettent en valeur les édifices : l’église Saint-Louis tel un temple romain, ou la place Colbert, modèle d’une place royale. Le théâtre de la Coupe d’Or, l’hôpital de la marine, l’école de médecine navale, l’Hôtel de Cheusses (actuel Musée national de la Marine), magasin aux vivres, abattoirs, casernes symbolisent également cette organisation urbaine, avec cette préoccupation esthétique, pensée par et pour l’élite de la Marine du Roi.

Grâce à l’activité intense de l’arsenal, la population rochefortaise croît rapidement, faisant de Rochefort la ville la plus peuplée du département en 1860. Le faubourg se développe et l’arrivée du chemin de fer, puis la création de bassins à flot, génèrent un développement important du commerce. Savoir que Rochefort est aussi la patrie natale de Pierre Loti (de son vrai nom Julien Viaud), écrivain-voyageur et officier de marine, donne aussi à réfléchir sur l’identité d’un territoire historiquement tourné vers l’extérieur et vers le monde.

Déclin et renouveau contemporain

Cependant à l'usage, l'arsenal montre ses limites. Les 12 miles le séparant de la rade sont une très bonne protection, mais les méandres du fleuve et sa faible profondeur, posent problèmes aux plus gros navires : faible tirant d’eau et envasement de la Charente. L’activité de l’arsenal décroît après 1900 jusqu’à sa fermeture en 1927. Aujourd’hui, Rochefort reste encore largement associée au domaine militaro-industriel. La ville abrite l’école de gendarmerie et la base aéronavale, et l’industrie aéronautique reste un fleuron du territoire, premier employeur industriel du pays rochefortais. 

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Le franchissement du fleuve : un défi

Les bords de Charente, en aval de Rochefort, abritent un patrimoine écologique et historique notable. Cette zone abritait au Moyen Age le port fluvio-maritime de Martrou.

Au XIXe siècle, le seul moyen de traverser la Charente entre Rochefort et Echillais – en rive gauche - était le bac. Pour permettre un franchissement du fleuve, sans gêner la navigation maritime, un pont transbordeur, chef d’œuvre de l’architecture métallique, est conçu en 1900, par Ferdinand Arnodin, avec un système de nacelle suspendue. Ce dernier pont transbordeur français a été rénové pour les piétons et cyclistes et constitue aujourd’hui une attraction touristique. Rive gauche, un centre d'interprétation a été installé à la maison du Transbordeur et raconte l’histoire de cet ouvrage.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, l'augmentation du trafic automobile a rapidement nécessité de nouveaux équipements. Un pont levant situé en aval fut construit en 1967. Les vestiges de l'ouvrage sont encore visibles (entre les deux ponts actuels). Le viaduc de Martrou, repérable sur l’image, l’a remplacé depuis 1991 et est devenu un axe de circulation routière très dense. Payant à l’origine pour les véhicules non immatriculés en Charente-Maritime, il est devenu gratuit pour tous en 2004. Afin de favoriser les mobilités douces, des travaux sont actuellement entrepris avec la création d’une piste cyclable.

Traitement des eaux usées et protection des milieux

A l'ouest du viaduc de l’estuaire de la Charente, on peut également observer plusieurs bassins, il s’agit d’une station de lagunage. Dès 1985, Rochefort a été une ville pionnière dans le traitement naturel des eaux usées. Cette station, la plus grande d’Europe, épure les eaux de façon écologique grâce au processus du lagunage : 35 hectares de bassins traitent environ 5 000 m³ d'eaux usées par jour en utilisant les mécanismes naturels de l’environnement (soleil, vent) pour épurer l’eau par des communautés de micro-organismes variés. Ce site constitue également un lieu remarquable pour l’accueil des oiseaux. La ville en lien avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) propose des visites commentées pour découvrir le fonctionnement de cette station et observer cet environnement. 

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Fort Lupin : dépasser les contraintes en protégeant la navigation

Sur cette image satellite, en aval de Rochefort sur la rive gauche de l’estuaire, on aperçoit l’une des fortifications, édifiée au XVIIe siècle selon les plans de Vauban : il s’agit de Fort Lupin. A cette époque, les navires sortant de l’arsenal en direction de l’Océan Atlantique, ne prennent le vent qu’à 3 kilomètres de l’embouchure de la Charente. Il faut donc que les hommes tirent les navires jusqu’à Saint-Nazaire-sur-Charente.

Construite sur le bord d’un marais, cette batterie semi-circulaire est entourée d’un fossé d’eau qui le protège depuis les terres. Ce fort en demi-lune se compose d’échauguettes pour monter la garde, et côté terre, de cinq éperons bastionnés. Cet ensemble aux formes remarquables comprend un donjon, un magasin à poudre, une chapelle, deux casernes. Un peu plus en aval, la Fontaine Lupin permettait aux navires de s'approvisionner en eau douce avant de partir en mer, le Fort assurait alors leur protection.

Fosses aux mats et carrelets : la valorisation d’un patrimoine historique et naturel  

Entre ces deux éléments, on repère aisément les "fosses aux mâts", ces bassins servaient à baigner les bois utilisés et notamment les mâts des navires. Les pièces de bois de construction étaient ainsi immergées dans des bassins d'eau saumâtre. Cette technique permettait de les protéger des champignons ou des insectes xylophages.

De part et d’autre de la Charente, on devine également les silhouettes des carrelets. Ces cabanes sur pilotis, avec des filets carrés actionnés par un bras levant, permettent d’organiser cette pêche estuarienne. Les pêcheurs descendent les filets à marée haute puis les remontent chargés de mulets, crevettes, crabes…

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L'île Madame : la plus petite du pertuis charentais

L'île Madame est la plus petite du pertuis charentais à l’entrée de l’estuaire de la Charente, reliée au continent par un cordon naturel formé de sable et de galets. Ce tombolo submersible appelé “la passe aux boeufs” est accessible à marée basse. L’île est une ancienne place forte militaire, elle abrite une redoute, qui jouait (en vis-à-vis avec le Fort Vauban de Fouras, plus au Nord, hors image satellite) un rôle stratégique pour la défense de l’arsenal de Rochefort. Cet espace naturel classé, sauvage et isolé à chaque marée, est un lieu apprécié des promeneurs et adeptes de la pêche à pied.

Ostréiculture et aquaculture : les huîtres de Marennes-Oléron

Comme pour les autres îles charentaises, l’ostréiculture et l’aquaculture tiennent une place importante dans l’économie de cette île. On remarque ainsi les témoignages de l’activité ostréicole. La commune de Port-des-Barques appartient à l’aire géographique dédiée à l’élevage et l'affinage en claires des huîtres Marennes-Oléron. Il s’agit de bassins saumâtres où les huîtres engraissent et sont affinées. On parle des ”fines de claire” à la chaire verdâtre ferme et goûteuse. Toutefois, plus au Sud du territoire étudié, les parcs ostréicoles prennent une autre ampleur à proximité de Marennes (Voir dossier Géoimage sur le bassin Marennes-Oléron).

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La Tour de Broue : dynamique d’accumulation littorale et mise en valeur historique

Deux sites majeurs surgissent au milieu de ce marais plat. Sur la commune de Saint-Sornin, la Tour de Broue est le vestige d’un ancien château fort du XIe siècle, bâti sur un éperon rocheux de 25 mètres de hauteur, dominant l’ancien golfe de Saintonge.  Au Moyen Age, la mer avançait jusqu’à Broue et cette sentinelle protégeait le village et le port en contrebas. L'envasement progressif du golfe permit l’aménagement de marais salants. Cette tour veillait sur la production et le commerce du sel, servant de vigie et d'amer pour les bateaux des négociants.

Durant le Moyen-Age, un commerce actif se développe faisant de ce lieu, le grenier à sel de toute l’Europe du Nord. A cette époque, le salage était le seul moyen de conserver les denrées périssables et notamment le poisson. Cette activité modela le paysage avec des bassins (jas), des canaux, des chenaux et des bossis (levées séparant les bassins) que l'on devine encore aujourd’hui. Après un abandon des salines (marais devenus “gâts”), les parcelles salicoles ont été reconverties au XIXe siècle en prairies de fauche et de pâturages pour l’élevage extensif de bovins. Les ruines de la tour veillent toujours sur le marais. Les canaux, traversant de façon rectiligne le marais, sont aussi des axes visuels structurants du paysage.   Ils contribuent au maintien du caractère humide de ce paysage, en assurant son approvisionnement en été et son drainage en période hivernale.

Une ancienne ferme reconvertie en lieu d’exposition, la Maison de Broue, accueille aujourd’hui le public pour comprendre l’histoire de ce paysage et l’épopée de l’or blanc. Des itinéraires de randonnées parcourent également ce paysage abritant une faune et une flore exceptionnelles, dont la cistude et la loutre d'Europe, ainsi que la cigogne blanche ou le busard des roseaux. Le Conservatoire du Littoral, dont le siège est à Rochefort, veille à protéger ce territoire à forte valeur écologique.

La citadelle de Brouage : le sel, une si ancienne ressource

A une quinzaine de kilomètres de Broue, la citadelle de Brouage surgit également dans la partie nord-ouest de ce paysage plat. Pour pallier l'envasement du golfe, en 1555, Jacques de Pons, seigneur de la châtellenie de Hiers, fait édifier au bord du havre, un nouveau port et une ville à laquelle il donne son nom : Jacopolis. Marchands et marins de toute l’Europe y font escale pour s’approvisionner en sel et réparer les navires. Le plan de cette nouvelle cité est simple : un quadrilatère de 400 mètres de côté découpé en îlots rectangulaires, divisés en parcelles.

Dans ce contexte économique, les Guerres de religion, qui éclatent à partir de 1562, transforment la ville. Ce port de commerce devient une place forte qui passe successivement aux mains des protestants et des catholiques. Ces derniers s’en emparent définitivement en 1578. En 1627, au moment où il s’apprête à assiéger La Rochelle, Richelieu prend possession de Brouage, peuplée de 4 000 habitants environ, et lui donne son aspect actuel. Les fortifications de la cité, épaisses de 5 à 25 mètres environ, furent construites sur pilotis. Édifiées sur les plans de l’ingénieur Pierre d’Argencourt et remodelées au XVIIe siècle par Vauban, elles sont particulièrement visibles sur l’image satellite, avec notamment les sept bastions surmontés d’échauguettes. De nombreux édifices témoignent encore de cette glorieuse époque :  deux portes royales pour l’accès à la citadelle, poudrières, ports souterrains, halle aux vivres, tonnellerie, forges, magasins …Au centre du village, se dresse l’église, construite en 1608. Son architecture, d’une grande simplicité, perpétue à la fois la tradition gothique par ses fenêtres ogivales et l’inspiration Renaissance par son fronton classique. Son clocher en ardoise, est repérable et contraste avec les toitures ocres de la ville, il servait d’amer aux marins.

L’histoire de la cité est également rattachée à celle du Canada avec notamment un enfant du pays né à Brouage, Samuel Champlain, fondateur du Québec, et considéré comme “le Père de la Nouvelle France”, avec le royannais Pierre Du Gua de Mons. Les rapports entre Brouage et le Canada ne se limitaient pas aux expéditions de Champlain, car dès le XVIIe siècle, des navires, après avoir fait le plein de sel, chargeaient des marchandises qu’ils livraient sur la côte canadienne avant d’aller pêcher la morue au large de Terre-Neuve.

Mise en tourisme et réhabilitation de la citadelle

A partir des années 1950, l’exploitation salicole a définitivement disparu. Les claires ostréicoles et les prés salés ont remplacé les marais salants autour des fortifications. Plusieurs acteurs ont participé à la mise en tourisme et à la réhabilitation de la citadelle. Dès 1989, une opération “Grands Sites” a été mise en place sur la commune de Hiers-Brouage, pour assurer la pérennité du site, arpenté chaque année par près de 500 000 visiteurs et un syndicat mixte, a été créé réunissant la commune d’Hiers-Brouage, et le conseil général de la Charente-Maritime.

A l’intérieur du village, tavernes et échoppes des marchands ont laissé place à des boutiques et ateliers d’art. De nombreuses manifestations estivales et des itinéraires de randonnée dans le marais de Brouage font revivre ce territoire. Depuis 2010, cette “étoile de pierre au cœur du marais” appartient également au réseau des “Villages de pierres et d'eau”. Ce label, développé par le conseil général, regroupe 14 villages de Charente-Maritime possédant un patrimoine bâti exceptionnel et la présence d’eau sous n’importe quelle forme, comme c’est le cas pour Mornac-sur-Seudre ou Talmont-sur-Gironde dans le pays royannais.

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Ressources et bibliographie

Site CNES Géoimage

Pauline PIRAUDEAU : Poitou-Charentes : le bassin Marennes-Oléron : un territoire littoral à l’identité singulière de Charente-Maritime.
https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/systemes-productifs/poitou-charente...

Références ou compléments bibliographiques

BUSSEROLLE P. Coord. (2011), Guide du paysage en Poitou-Charentes, CREN Poitou Charentes, Geste Editions.

FROT Jean-Louis, Rochefort, 30 ans de passion, 2004, Rupella.

Ressources issues du Conservatoire du Littoral :
https://www.conservatoire-du-littoral.fr/siteLittoral/195/28-marais-de-b...

Le projet Life Adapto pour le marais de Brouage.
https://indd.adobe.com/view/5a4aff51-b3d9-4356-96d9-a1fc0a14502d

Deux articles issus de “Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine” :

La vallée de la Charente - Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine - site de Poitiers (poitou-charentes.fr)

Les forts de l'embouchure de la Charente - Patrimoine et inventaire de Nouvelle-Aquitaine - site de Poitiers (poitou-charentes.fr)

Carnet de découverte des paysages du Grand Site Estuaire de la Charente (Office de Tourisme Rochefort Océan)
Paysages du Grand Site Estuaire de la Charente - Arsenal de Rochefort (calameo.com)

Posters sur les patrimoines de Charente-Maritime, outils pédagogiques, à télécharger sur le site du département :
https://la.charente-maritime.fr/sites/charente_maritime/files/2017-05/po...

https://la.charente-maritime.fr/sites/charente_maritime/files/2018-06/po...


 

Autrice

Pauline Piraudeau, professeur d’histoire-géographie, BTS Tourisme, Lycée Cordouan, Royan