Pékin, de la capitale d’empire à la métropole d’une puissance émergente

Pékin est passée du statut de capitale d’empire à celui d’une métropole d’une puissance émergente. Cette agglomération de 13,6 millions d’habitants, inscrites dans un espace municipal comptant 21,7 millions d’habitants en 2016, a connu depuis 1949 de profondes mutations, qui se sont accélérées depuis les années 2000. L’espace historique central s’inscrit aujourd’hui dans le Grand Pékin et la puissante conurbation de Pékin-Tianjin-Tangshan.

 

Légende de l’image

Cette image de la capitale de la République populaire de Chine, Pékin (également appelée Beijing), a été prise par un satellite Pléiades le 04/12/2017. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Présentation de l’image globale

Pékin, de la capitale d’empire à la métropole d’une puissante émergente


Situation, géohistoire et archétype des villes chinoises


La localisation septentrionale de Pékin au sein de la Plaine du Nord la situe à proximité de la Grande Muraille, elle était alimentée via le Grand Canal depuis le delta du Yangzi. La ville a été presque continûment la capitale de la Chine depuis le XIIIe siècle sous la dynastie mongole des Yuan (1271-1368), ses monuments principaux datent du XVe siècle sous la dynastie des Ming (1368-1644). Elle a été conçue sur l’archétype des villes chinoises, une ville en damier évitant les eaux vives – ici réduites pour l’essentiel à la rivière Yongding – et intégrant à son espace des lacs artificiels. À l’époque impériale, elle est avant tout la résidence de l’empereur, le lieu de son exercice du pouvoir et de ses célébrations rituelles.

Organisée à partir d’un axe Nord-Sud, elle se compose d’un jeu de carrés ou de rectangles, matérialisés historiquement par des murailles, qui s’emboîtent et se déclinent. Au nord, se trouve la Cité interdite, elle-même insérée dans le Palais impérial et lui-même faisant partie de la Ville impériale (ou ville mandchoue sous les Qing, 1644-1911), celle de la famille impériale et des dignitaires du régime. Au sud, se trouve la Ville extérieure (ou chinoise), celle des marchands et artisans, du peuple pékinois. La trame viaire se définit par de vastes blocs délimités par de grandes avenues et irrigués en interne par des ruelles (hutong).

Ces dernières sont traditionnellement les lieux identitaires de la vie urbaine et des sociabilités propres à Pékin, si bien décrits par Lao She dans son roman Quatre générations sous un même toit. La largeur des ruelles ne dépasse pas neuf mètres. Sans commerces initialement, elles constituent de longs couloirs aveugles ponctués par des portes aux battants en bois, qui donnent sur des maisons à cour carrée (siheyuan). Ces maisons se composent de bâtiments d’un seul niveau distribués autour d’une cour centrale, dédiée à la sociabilité familiale et la culture des plantes.

Les profondes mutations contemporaines

Le régime communiste après 1949 et la forte croissance démographique chinoise ont mené à une surdensification de ce bâti hérité, mal entretenu et désormais inadapté aux conditions de confort et aux moyens de transport modernes. Les quartiers des ruelles ont largement disparu ou disparaissent sous la pression des opérations immobilières, de la privatisation du logement, d’une relative gentrification de la ville-centre et du choix d’une verticalisation du Pékin moderne.

Ces mutations au sein d’une agglomération de 13,6 millions d’habitants, inscrites dans un espace municipal comptant 21,7 millions d’habitants en 2016, où le secteur tertiaire représente 80 % du PIB local, s’inscrivent cependant dans une organisation spatiale et une trame viaire largement résiliente voire réactivée par les projets d’urbanisme récents.

La nette variété de densités et formes urbaines au sein des blocs distingue bien les anciens quartiers de ruelles et les espaces toujours plus étendus de renouvellement du bâti, avec des tours et des barres de grande hauteur. La logique ancienne de la ville laisse par ailleurs la place à une nouvelle ville où s’aggravent les segmentations urbaines dues à l’automobile, ainsi qu’à la multiplication d’ensembles résidentiels en périphérie sous la forme de grands collectifs.

Une agglomération extrêmement étendue en recomposition

L’image générale montre clairement une agglomération extrêmement étendue, dont les franges s’inscrivent en continu de la ville historique. L’axe nord-sud est indiqué par la Cité interdite (le grand rectangle central) et la place Tian’anmen (le rectangle blanc et longiligne plus au sud). L’ancienne ville impériale correspond au large carré dans lequel s’encastre la Cité interdite, et qui compte en son sein – du sud au nord – les lacs de Zhongnanhai (le lieu de résidence du pouvoir actuel), Beihai et Shichahai. L’ancienne ville « chinoise » se définit par le très large rectangle est-ouest plus au sud, dominé visuellement, à l’est de l’axe nord-sud, par l’immense parc du temple du Ciel.

Plus généralement, les grandes avenues est-ouest et nord-sud quadrillent l’agglomération, notamment l’avenue Chang’an perpendiculaire à l’axe nord-sud, située à la jonction entre le Palais impérial et la place Tian’anmen. Cette dernière est une gigantesque place minérale de 44 ha, en contrepoint de laquelle a été construit plus à l’ouest le Grand Théâtre national, avec la forme d’une ellipse donnant le sentiment de flotter sur l’eau et construit dans les années 2000, clairement distinct sur l’image.

Pékin a été la ville des principales réalisations urbaines de la Chine maoïste. Le nouveau régime inscrivait ainsi sa propre symbolique dans la continuité impériale. Dix grands travaux ont célébré le dixième anniversaire de la République populaire en 1959 lors du Grand Bond en avant. Outre l’avenue Chang’an, la place Tian’anmen est agrandie pour accueillir les manifestations à la gloire du régime, elle est flanquée la même année à l’ouest du palais de l’Assemblée populaire nationale et à l’est du musée de l’Histoire de la révolution. Le régime ajoutera sur son terre-plein central le mausolée de Mao Zedong en 1977, que l’on voit en situation centrale sur l’image satellite. Plus à l’est, les grands établissements soulignés par du blanc d’orientation est-ouest correspondent à la gare historique de la capitale.

Les murailles de la ville sont détruites au début de la Révolution culturelle (1966-1976) ou réduites à l’état de lambeaux comme la porte Qianmen. Une ligne de métro est mise en service en 1969 et une rocade périphérique succède aux anciennes murailles : Pékin entre dans une logique de boulevards routiers globalement rectangulaires qui s’emboîtent et épousent la croissance urbaine : le périphérique n° 1 suit les limites du Palais impérial, le n° 2 se voit distinctement sur la photo satellite délimitant la ville historique. Le périphérique n° 3 s’aperçoit au nord et nord-est de la photo, notamment par son angle coupé.

À l’occasion des Jeux olympiques en 2008, le nord de l’agglomération, remettant en valeur l’axe nord-sud, a accueilli le Parc olympique, d’une superficie de 1 135 ha, et de grands équipements comme le Stade national de Pékin, situés au-delà de l’image. Au nord-ouest se dessine le très étendu secteur de Zhongguancun, dévolu aux universités et centres de recherche en lien avec les nouvelles technologies. À l’est de l’ancienne ville mandchoue, au-delà du boulevard périphérique n° 2, on distingue le Stade des ouvriers, l’un des dix grands travaux de 1959, et plus à l’est encore se trouve l’ancien secteur des ambassades, le quartier de Sanlitun. Ce dernier est prolongé au nord par un quartier de grands hôtels et de bureaux sur la route de l’aéroport international de Pékin, axe dont on voit le début au nord-est de l’image ; au sud par un grand centre d’affaires internationales.

Le Grand Pékin et la conurbation Pékin-Tianjin-Tangshan

Enfin, une active politique environnementale (lutte contre la pollution automobile et industrielle, avec délocalisation des unités de production, collecte sélective des ordures, création d’espaces verts) a prolongé des aménagements destinés à poser Pékin comme l’une des grandes métropoles mondiales.

Aujourd’hui, les aménagements urbains se développent à des échelles toujours plus vastes, celles du Grand Pékin, allant jusqu’à comprendre les projets d’un très grand aéroport international et d’un septième périphérique, dépassant la seule municipalité et débordant sur la province du Hebei.

La conurbation Pékin-Tianjin-Tangshan se renforce notamment grâce aux voies de transports rapides, comme le train express reliant Pékin à Tianjin en seulement 30 minutes depuis 2008, et ainsi à l’intensification des mouvements pendulaires. Enfin, la création de la zone de Xiongan à 100 km au sud-ouest de Pékin a été annoncée en 2017 comme un « projet du futur millénaire » par le Président Xi Jinping, et permettra d’y déconcentrer des activités administratives et industrielles.


Zoom d'étude

 

Pékin, les lieux du pouvoir

L’image zoome sur les principaux lieux du pouvoir chinois. Le rectangle central correspond à la Cité interdite, où l’on distingue les successives cours d’honneur et l’ensemble des anciens lieux de résidence de l’empereur et de sa famille. Au sud de la Cité se trouve un espace de transition relevant du Palais impérial : les portes du Méridien au nord et de la Paix céleste (Tian’anmen) au sud, ainsi que, au sein de parcs, le mémorial de Sun Yat-sen et l’autel du dieu du Sol à l’ouest, et enfin le palais de la Culture du peuple à l’est. Plus au sud, au-delà de l’image, est située la place Tian’anmen, et au sud-ouest le Grand Théâtre national. Au nord de la Cité interdite, on distingue la colline du Charbon.

L’intérêt de cette image tient aussi au contraste du bâti entre les quartiers de ruelles ici préservés à des fins patrimoniales et touristiques, et les secteurs rénovés, notamment à l’ouest, avec des tours et surtout des barres de hauteur.

Enfin, les bureaux et résidences du régime communiste actuel composent le secteur jouxtant à l’ouest la Cité interdite, au niveau de Zhonnanhai (les « lacs du Sud et du Centre »), qui occupent toute la partie gauche de l’image. Plus au nord, à l’-uest de la colline du Charbon, se trouve le magnifique parc de Beihai (le « lac du Nord »).

 

 

 

D’autres ressources

 

Image de la capitale chinoise acquise par le satellite  Sentinel 2, le 3 mai 2016. L'image en couleurs naturelles a une résolution native de 10m.

Crédit : contains modified Copernicus Sentinel data (2016), processed by ESA, CC BY-SA 3.0 IGO

 

 


Site d’actualité de Thierry Sanjuan

Thierry Sanjuan : Atlas de la Chine, une puissance sous tension, coll. Atlas, Autrement, Paris, 2018.

 

   [Accéder à la traduction de ce dossier en espagnol]

 

Contributeur

Thierry Sanjuan, Professeur des Universités, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, membre de l’UMR 8586 Prodig.