Le Piton de la Fournaise : un volcan très actif, « haut lieu » du patrimoine réunionnais

 

Le Piton de la Fournaise est un des volcans les plus actifs du monde. Il se situe à l’est de l'île de la Réunion, qui se trouve dans le sud-ouest de l’Océan Indien. Le Piton de la Fournaise a toujours fasciné les Réunionnais entre « l'indicible effroi et le sublime » et est donc investi d'une valeur identitaire forte (Germanaz, 2013). Depuis 2007, le Parc national de la Réunion participe de la valorisation de ce patrimoine naturel réunionnais, notamment dans la reconnaissance des « Pitons, cirques et remparts » comme « bien naturel ». Ainsi, depuis août 2010, ce « haut-lieu » de l'identité réunionnaise est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.

 

Légende de l'image satellite

Le Piton de la Fournaise, le volcan actif de l'île de la Réunion.
Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 03/04/2014. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Le Piton de la Fournaise : un volcan très actif

Un volcan-bouclier très actif 

Le Piton de la Fournaise est un volcan-bouclier en pleine maturité connaissant de fréquentes éruptions. L’activité actuelle du Piton de la Fournaise se déroule pour l’essentiel à l’intérieur de la caldeira récente de l’Enclos Fouqué que nous voyons distinctement apparaître sur l’image satellitaire. 

Le cône terminal au centre de l’image, dominant de 400 m le plancher de l’Enclos, est couronné de deux cratères sommitaux Bory et Dolomieu (d’ouest en est). La caldeira est prolongée par une structure dessinant une dépression en forme de « U » ouverte sur le flanc est drainant l’essentiel des coulées de lave du volcan. 

Ces coulées récentes du piton de la Fournaise (de 1977 à 2018) se terminent sur la partie côtière de la caldeira judicieusement nommée le Grand Brûlé. Cette zone côtière est traversée par la route des laves selon un tracé longeant le littoral est, et assurant la liaison entre les communes de Sainte-Rose, au nord-est, et de Saint-Philippe, au sud-est.

Ce volcan culminant à une altitude de 2 631 mètres, est souvent comparé, pour son activité autant que pour ses structures aux volcans-boucliers hawaiiens, et en particulier à Kilauea. Ces volcans-boucliers, en phase maximale de croissance, connaissent de fréquentes éruptions, en moyenne une par an. 

Une quinzaine d’éruptions ces dix dernières années

Plus de 150 éruptions ont été enregistrées depuis le XVIIème siècle, et une quinzaine ces dix dernières années. Néanmoins, le volcan a par exemple montré trois années de repos entre 2011 et 2014. A l’inverse, l'année 2017 a connu trois éruptions. 

Le volcan étant effusif, les éruptions prennent la forme d'éjections de lave fluide par des fissures se produisant dans la roche. La lave peut être projetée à plusieurs dizaines de mètres de haut et retombée en rideau. Une partie de la lave peut ensuite rester fluide et se mettre à dévaler les flancs du volcan sous forme de coulées. 

Durant ces éruptions, le Piton de la Fournaise peut éjecter des quantités de lave record. D'après les géologues, l'éruption démarrée en avril 2007, et qui a constitué l'une des plus intenses enregistrées, a par exemple, provoqué la libération en un mois de plus de 120 millions de mètres cubes de lave. Cette coulée est visible à l’extrême sud est de l’image satellitaire.

Ce territoire volcanique est constamment exposé à des risques réels. Mais, ils sont désormais très bien mesurés et de mieux en mieux connus, donc moins redoutés qu’auparavant. Les éruptions sont généralement contenues dans « l’enclos » (inhabité) et menacent, assez rarement l’habitat et les activités rurales périphériques. 

La Réunion, une île volcanique : « une géographie des contraintes et des possibles »

L ‘île de la Réunion : un système volcanique complexe 

Le Piton de la Fournaise est en réalité le massif le plus récent d'un volcan formant un système complexe. En effet, l’île de la Réunion doit son origine au fonctionnement d’un « point chaud » dont seraient également issus l’île Maurice, l’alignement volcanique du plateau des Mascareignes ou encore les trapps du Deccan en Inde.

Sa grande dimension s'explique par l'édification successive de trois massifs : le plus vieux - toit de l'Océan Indien - culmine au Piton des Neiges (3070 m) ; tandis que le second - recouvert récemment (« volcan des Alizés ») s'est effondré - ses décombres étant ensuite recouverts par le Piton de la Fournaise (2632). 

Les fortes contraintes multiformes d’une montagne tombant dans la mer.

Ce relief volcanique dominant impose donc depuis toujours des contraintes très fortes. L'aménagement du territoire n'a pas été aisé compte tenu des processus géodynamiques. Les formes de relief comme les ravines et les cirques restent des contraintes physiques fortes. 

Depuis l'époque de la colonisation, ces « écarts » ont été d'excellents refuges pour les esclaves marrons en fuite, comme en atteste la toponymie des cirques le terme cilaos vient de tsilaosa en malgache, ce qui veut dire « le lieu dont on ne revient pas »). Ils n'en demeurent pas moins isolés et ont été difficilement mis en valeur.

Une dichotomie entre les « bas » et les « hauts » s'est ainsi imposée. La partie côtière et littorale concentre depuis la colonisation les principaux points de peuplement alors que la partie boisée et montagneuse est marginalisée. Pourtant, une nouvelle dynamique s'observe avec « la progression générale et continue de l'habitat des basses pentes des planèzes vers les « hauts » de l'île ». La « route des tamarins » a joué un rôle majeur dans cette expansion de la dynamique de croissance urbaine des « hauts » par mitage de l'espace agricole. 

La région sud-est : un désert ? 

Le sud-est insulaire : une marge sous contrainte peu mise en valeur. 

Parmi ces régions inhospitalières, le sud-est est donc peu mis en valeur. Ainsi, la zone de l'enclos est totalement inhabitée et non cultivée (hormis quelques plantations de vanille en sous-bois) en raison de la présence du volcan toujours en activité et des nombreuses coulées dévalant les Grandes Pentes coupant régulièrement la route des Laves. 

Les seuls équipements connus ont été pendant longtemps la route des Laves et la « Vierge au parasol ». En 2005, la statue a du être déplacée vers la commune de Sainte-Rose du fait de l'approche imminente d'une coulée de lave. De même, à la suite de l’éruption du 2 avril 2007, il a fallu 7 mois d’études et de travaux pour rouvrir la route des Laves. La route était recouverte par endroit d’une épaisseur de lave de plus de 60 mètres et le terrain était truffé de cavités et de tunnels. 

Une mise en valeur essentiellement agricole 

Les zones adjacentes à l'enclos sont occupées par les villages de Bois-Blanc et de Piton Ste Rose sur la commune de Ste Rose, du Tremblet et de Takamaka sur la commune de Saint-Philippe. Les densités y restent faibles (environ 30 hab/km2). Le paysage est très forestier. 

La mise en valeur est avant tout agricole avec des champs de canne et les plantations de palmistes. Les richesses des paysages, de la faune et de la flore de cette région ont constitué des atouts importants dans la valorisation environnementale et patrimoniale du site et de la Réunion. 

Depuis août 2010, la région des Pitons, cirques et remparts coïncide avec la zone centrale du parc national de la Réunion qui date lui de mars 2007. Ces labellisations ont été conçues comme des gages de protection d’un patrimoine végétal, animal et minéral unique.

Volcanisme, identité insulaire et tourisme

L'excursion au Piton de la Fournaise occupe une place privilégiée sinon incontournable dans les pratiques touristiques des visiteurs de l’île de La Réunion. Le « somin Volcan » (« chemin volcan » visible à l'ouest de l'image satellitaire) qui permet un accès sécurisé à l'enclos Fouqué, cristallise cette relation affective des Réunionnais au paysage du Piton de la Fournaise. 

En effet, ces paysages d'exceptions contribuent à forger le decorum d'une destination au potentiel riche. Les « hauts » sont prisés pour les activités de randonnées pédestres, aquatiques et de découverte patrimoniale et les « bas » pour les activités balnéaires. 

La destination tire également profit de son statut d'hypo-insularité, c'est-à-dire de l'état d'un appendice continental intégré à une métropole mais également à l'Europe. Aussi, pour les visiteurs ultra-marins - en majorité français, mais également européens, cette destination ne « se départit pas aux côtés de l'exotisme d'une terre lointaine tropicale, de l'aspect relativement familier du territoire français et communautaire » (Folio, 2009). 

Pourtant, sur l'île si le tourisme est un secteur économique important, il n'est qu’un secteur d'appoint, d'autant que l'île doit faire face à la concurrence de l'île-sœur, l'île Maurice.

Documents complémentaires

Bachèlery et Lénat, 1993, Le Piton de la Fournaise, Mem. Soc. Géol. France, n°163, p.221-229, APBG, n° spéc.

Dalama, 2005, L'île de la Réunion et le tourisme : d'une île de la désunion à la Réunion des Hauts et Bas. L’Espace géographique, tome 34,(4), 342-349. doi:10.3917/eg.344.0342. 

Folio, 2009, « Réalités et singularités du tourisme réunionnais : entre utopie et motifs d’espoir », Les Cahiers d’Outre-Mer, 245, p.7-33

Germanaz, 2013, Le haut lieu touristique comme objet spatial linéaire : le somin Volcan (île de La Réunion) : Fabrication, banalisation et patrimonialisation. Cahiers de géographie du Québec, 57(162), 379–405. doi:10.7202/1026525ar 

Ninon, 2003, L’urbanisation, in CREGUR & INSEE, 2003. Atlas de La Réunion. Saint-Denis, INSEE/Université de La Réunion, p. 90-91

Nicolas, 2005, L’hypo-insularité, une nouvelle condition insulaire : l’exemple des Antilles françaises. L’Espace géographique, Paris, vol. 34, n° 4, p. 329-341.

Simon, 2009, « Une île en mutation », EchoGéo [En ligne], 7 | 2008, mis en ligne le 15 octobre 2008, consulté le 25 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/echogeo/8003 ; DOI : 10.4000/echogeo.8003 

TAGLIONI F., 2006 – Les petits espaces insulaires face à la variabilité de leur insularité et de leur statut politique. Annales de Géographie, Paris, n° 652, p. 664-687

Contributeur

Carole Ognard, professeure agrégée, doctorante, Collège Teixeira da Motta, La Réunion