Au cœur de la Méditerranée, Malte et sa capitale La Valette occupent une position géostratégique qui marque durablement l’histoire de l’île et son urbanisme jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dynamique insulaire est aujourd’hui portée par l’essor du tourisme international, une place financière offshore et un important port franc. La Valette est le miroir emblématique de ces profondes mutations.
Présentation générale de l'image
Cette image a été prise par le satellite Pléiades 1A le 10/02/2016. Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.
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Repères géographiques
La Valette : la capitale d’un archipel géostratégique en Méditerranée
Comme l’illustre le document, le centre de l’agglomération de La Valette, capitale de la République de Malte, fait face à la mer et occupe un site exceptionnel. Il est en effet constitué d’un puissant promontoire calcaire, la péninsule de Xiberras, dont la pointe porte une longue digue. Cette péninsule est composée de deux quartiers urbains bien différenciés mais complémentaires : La Valette vers la mer, Floriana vers l’intérieur.
Ce promontoire domine de part et d’autre deux rades, aux formes très échancrées, profondes et refermées. Au nord, celle de Marsamxett Habour est plus ronde et centrée sur Manoel Island, bien reconnaissable par son puissant fort entouré de verdure. Celle de Grand Harbour au sud offre une série d’abris exceptionnels grâce aux pointes de Ricasoli, bien fortifiée car fermant la rade, Kalkara, Vittoriosa, dont la pointe est dominée par le Fort Saint-Ange, et Senglea.
C’est au sud de la rade de Grand Harbour entre les presqu’îles de Vittoriosa et Senglea, dans les quartiers de Birgu et d’Isla, que se situe le vieux noyau historique médiéval initial. Il est dominé par le Fort Saint-Ange (1240), vieille résidence seigneuriale et base maritime (port des galères), encore très visible à la pointe (masse blanche écrasante). Mais après le Grand Siège de Malte de 1565 par les Ottomans, qui avaient tenté mais échoué à prendre la cité à revers, la décision est prise de transférer la ville-centre en face sur la presqu’île de Xiberras, alors largement inoccupée et surtout moins exposée et plus facilement défendable. La Valette et le quartier de Floriana sont donc des créations urbaines relativement récentes, liées à un conflit géopolitique majeur dans le bassin méditerranéen. A ce transfert des fonctions urbaines décisives répond au sud-est la création en 1670 de la ligne de fortifications des collines de Sainte-Marguerite. Enserrant les quartiers de Birgu, Isla et Bormla et longue de 4,7 km, elle est encore bien visible.
Au total, remparts, citadelles et forts sont omniprésents dans le paysage (cf. fort San Iermu à la pointe de La Valette). Ce site et cette structure urbaine rappellent que la République de Malte est un verrou géostratégique majeur en Méditerranée. Peuplé de 440 000 habitants (1.375 hab/km2), cet archipel calcaire s’étend sur seulement 316 km2. Il est composé de huit îles, dont quatre sont habitées (Malte, Gozo, Comino, Manoel), l’île de Malte étant la plus importante (27 km/14,5 km). Située à 93 km du sud de la Sicile et à 297 km de la Tunisie, Malte contrôle le passage entre le bassin occidental et le bassin oriental de la Méditerranée, entre le détroit de Gibraltar et de canal de Suez.
Sa position exceptionnelle explique les très nombreuses convoitises dont elle a fait l’objet et son histoire particulièrement tourmentée. L’île a en effet été occupée, et parfois fortifiée, successivement par les Phéniciens, les Romains, les Carthaginois, les Ostrogoths, les Byzantins, et les Arabes. Elle est confiée par l’Empereur Charles Quint à l’ordre militaire des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1530-1798) puis occupée par la France (1789/1800).
Elle passe ensuite sous contrôle britannique jusqu’en 1964, date de son indépendance et joue un rôle stratégique considérable durant les combats de la Seconde Guerre mondiale n’étant jamais prise par les forces de l’Axe. Fruit de ces héritages, les langues officielles sont le maltais et l’anglais alors que l’italien est aussi utilisé. Malte entre dans l’Union européenne en 2004 puis dans la zone Euro et l’espace Shengen en 2007, la plaçant ainsi aux avant-postes dans la gestion de l’émigration africaine partant de Libye pour rejoindre l’Europe et dans la lutte contre la piraterie maritime (cf. depuis 2010 programme Atalante).
La vieille péninsule aux héritages nombreux et aux secteurs diversifiés
La péninsule centrale de Xiberras est composée de deux ensembles. Le quartier de La Valette au nord apparaît en hauteur, bien fortifié et au tracé géométrique. Au sud, le quartier de Floriana est fermé par une puissante citadelle à la Vauban, bien visible dans le document, afin d’éviter une prise par revers.
Construite à partir de 1566 et aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco, elle est un lieu hautement touristique du fait de la qualité exceptionnelle de son patrimoine architectural et urbain : Cathédrale Saint-Jean, Palais magistral qui sert de siège au Président de la République, musées... Le secteur touristique joue en effet un rôle majeur dans l’économie de l’île (27% du PIB et 28 % emplois), avec la venue de plus d’1,5 million de touristes par an grâce, notamment, au tourisme de croisière en plein développement dans le Bassin méditerranéen ces dernières décennies. Aux côtés de Barcelone, Naples ou Venise, Malte est en effet souvent inscrite dans le réseau des villes d’escales proposées par les croisiéristes. Les navires de croisière s’ancrent sur les quais au sud de Floriana, en plein cœur de ville.
Pour autant, le quartier de La Valette accueille aussi le siège de plusieurs grandes banques, de nombreux services financiers et les locaux de la Bourse de Malte. L’île est en effet une place financière « offshore » dont l’attractivité est fondée sur l’optimisation fiscale, un cadre réglementaire très favorable aux firmes transnationales et aux grandes fortunes et une législation particulièrement libérale pour les paris et jeux en ligne (11 % du PIB). Le secteur bancaire y est totalement hypertrophié avec des actifs équivalents à 468 % du PIB et contribue à hauteur de 15 % aux recettes publiques, au prix cependant de quelques scandales. Enfin, le quartier de Floriana accueille les fonctions gouvernementales, les principales administrations, les forces de police et de sécurité maritime et l’ambassade des Etats-Unis.
Cette stratégie d’insertion opportuniste dans la mondialisation explique aussi l’importance assez élevée du secteur industriel dans l’économie insulaire grâce à la présence d’usines de composants électroniques, électriques et optiques ou de produits pharmaceutiques, situées pour partie dans les zones industrielles de Kirkop proches de l’aéroport international présent au sud-ouest de l’agglomération (hors champs). Enfin, dans le sud de l’île, l’énorme port franc de Marsaxlokk (hors champs) joue un rôle non négligeable dans le transbordement du fret maritime et l’éclatement des flux, en particulier de conteneurs, pour le Bassin méditerranéen.
Une agglomération dense, en mutation et ségréguée
La croissance démographique des dernières décennies (+ 44 % en 40 ans) est bien lisible dans le paysage à travers à la fois la densité du bâti et la croissance urbaine qui s’étend peu à peu sur l’espace rural au sud-est du document. Alors que l’agglomération de La Valette couvre à peu près un tiers de l’île et regroupe la moitié de la population de Malte, cette pression urbaine et démographique (4 250 hab./km2) a de sensibles conséquences. Face à une pénurie d’eau structurelle du fait des faibles pluies et de la surexploitation des nappes phréatiques en voie de salinisation par entrée d’eau de mer, Malte s’est dotée depuis les années 1980 de quatre usines de désalinisation d’eau de mer. Face à la densité du bâti, la ville-centre bénéficie d’un vaste réseau de transport en commun et déploie une stratégie de limitation de l’usage de l’automobile (péages urbains).
Pour autant, le dynamisme économique et démographique des dernières décennies s’est traduit par d’importantes mutations urbaines et sociales avec par exemple la multiplication des opérations immobilières de prestige, de rénovation ou de reconversion des sites anciens et le développement des marinas. L’espace de la ville-centre oppose globalement deux spécialisations économiques et urbaines fonctionnellement bien différenciées dont la ligne de partage est organisée de part et d’autre de l’axe qui court de la péninsule de Xiberras au golf et à l’hippodrome, bien visibles au sud-est du document.
Au sud et au sud-est de cet axe et autour du Grand Harbour se développent globalement de nombreuses activités productives, artisanales et commerciales. On reconnaît ainsi en particulier successivement les chantiers navals de Malte au sud de la presqu’île de Sanglea, les emprises industrielles et commerciales de la zone de Kordin (vaste forme rectangulaire), le port de commerce et les docks puis la présence de la centrale électrique et des centres de stockage de produits pétroliers (ronds blancs) tout au fond de la rade dans le quartier de Marsa. Cette spécialisation productive se retrouve dans la zone d’activité qui au sud-ouest du document va rejoindre l’aéroport international puis plus loin les grandes zones industrielles et aéroportuaires de la moitié sud de l’île de Malte (Marsaxlokk…).
Au nord de cet axe et autour du Marsamxett Habour s’affirme au contraire une trajectoire inverse. Ainsi, le quartier de Ta’Xbiex, au sud de l’île de Manoel et dominé par un parc, est un site résidentiel privilégié qui accueille de nombreuses ambassades. A l’ouest du quartier de Ta’Xbiex et en face de la vaste piscine bien visible sur le document se trouve l’université de Malte de l’autre côté de la route dans son parc de verdure. Plus au nord, le quartier de Gzira, auquel se rattache l’île de Manoel, est un ancien quartier populaire et ouvrier en pleine transformation urbaine avec la multiplication des constructions de luxe, du fait de sa gentrification. Tout le nord de l’île de Manoel sert de base de stockage et de réparation pour les voiliers en embarcations de luxe qui occupent les nombreuses marinas.
Plus au nord encore se trouvent les quartiers de Sliema puis de San Giljan. Fermant le Marsamxett Habour, Sliema correspond à un ancien port de pêche et le front de mer est transformé en cité balnéaire huppée (centres commerciaux, enseignes internationales…) où les jeux d’argent ont pignon sur rue (casinos, jeux et paris en ligne…). On trouve ensuite plus au nord, au-delà de la petite baie de St Julian, San Giljan aux limites du document avec la marina de Portomaso, dont on distingue bien les formes rondes, et le quartier de Paceville. Lancée dans les années 1920/1930 comme petite station balnéaire puis fortement urbanisée à la suite de l’arrivée de grandes chaînes hôtelières internationales (Hilton, Sheraton…) dans les années 1960/1970, c’est aujourd’hui un des principaux quartiers touristiques et de loisirs récréatifs de l’île (bars, pubs, restaurants, boîtes de nuit, hôtels…).
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur Général de l'Education Nationale