Le vignoble des Côtes de Nuits, qui s’étend au sud de Dijon, et dont Gevrey-Chambertin est un des étendards est mondialement connu pour la qualité et le prix de ses productions. Il le doit en particulier à ses «climats», classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
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Repères géographiques
Les Côtes de Nuits : trois ensembles bien distincts
Le document couvre la partie septentrionale des Côtes de Nuits, dominée par les vins rouges, qui se déploie au sud de l’agglomération de Dijon. On y trouve successivement les villages de Gevrey-Chambertin au nord, Morey-Saint-Denis au centre bien repérable grâce à la carrière qui le domine à l’ouest, Chambolle-Musigny au sud-ouest et, enfin, Vougeot au sud. La départementale D 974 traverse selon un axe nord/sud bien visible le vignoble alors que la voie ferrée se déploie à l’est soit aux limites du vignoble, soit dans la plaine.
Cet espace est organisé par trois sous-ensembles naturels bien identifiables organisés en nets gradins topographiques et altitudinaux. A l’ouest se trouve la retombée des plateaux calcaires de l’Arrière-Côte, les Hauts-de-Côtes : elle culmine à plusieurs centaines de mètres, demeure largement boisée et est découpée par des vallées étroites et profondes, appelées localement combes lorsqu’elles prennent une certaine dimension. A l’est, par contre, se déploie la plaine de Saône facilement identifiable à sa relative platitude et à ses grandes cultures organisées par un large parcellaire. Enfin, entre les deux s’aligne la Côte : une étroite bande viticole caractérisée par l’importance de l’emprise de la vigne, la taille souvent minuscule du parcellaire, la densité du réseau viaire et la présence régulière de petits villages viticoles.
Cet espace régional correspond au contact entre deux unités structurales nettement différenciées : à l’ouest le massif calcaire de la Côte d’Or qui s’étage en gradins, à l’est le bassin d’effondrement de la Saône comblé par des dépôts alluvionnaires fluvio-lacustres qui sert historiquement de grand axe de communication entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Le contact entre les deux s’établit par à un escalier de failles qui forme un glacis topographique bien drainé, aux sols quaternaires localement d’une grande variété pédologique (calcaire, marnes, éboulis, limons…), exposé à l’est et au sud-est et valorisé donc par la vigne.
Les Côtes de Nuits : un très grand vignoble
L’orientation générale des reliefs et les indentations locales de celui-ci, la nature des sols qui s’égouttent rapidement et s’échauffent facilement et des étés et des automnes secs et chauds créent un climat d’abri qui assure des conditions très favorables à la vigne. La côte viticole bénéficie en effet de la température moyenne la plus élevée du département de la Côte d’Or - dont le nom même validé par l’Assemblée constituante en 1789 renvoie directement au vignoble - ainsi que des gelées les plus tardives. Abrité des vents d’ouest, l’escarpement de la Côte atteint une pluviométrie annuelle entre 700 ou 800 mm, contre 200 mm de plus sur le plateau bourguignon voisin (25 % de plus). Le vignoble bourguignon occupe les pentes bien exposées à l’est à une altitude modérée comprise globalement entre 200 et 400 m. d’altitude.
Reposant majoritairement sur des calcaires durs, la Côte de Nuits est particulièrement connue pour ses grands crus rouges alors que, plus au sud, dans la Côte de Beaune la présence plus importante de calcaires marneux et d’éboulis va permettre le développement de grands vins blancs. L’encépagement - principalement en pinot noir, le cépage des grands vins bourguignons rouges - est du au duc de Bourgogne Philippe le Hardi. Il interdit en effet à la fin du XIVem siècle le cépage gamay, aujourd’hui totalement marginalisé, afin d’obtenir une montée en qualité et en gamme des vins de la Côte. Les bons crus sont alors affaires de Rois et de Princes, voire de Papes ou d’évêques, et la grande politique, le grand commerce, la fiscalité et les affaires font bon ménage.
A l’échelle locale, chaque finage de village s’étend perpendiculairement aux reliefs afin de valoriser les différents terroirs. Le paysage est marqué par le dessin régulier et dense de vignes disposées dans le sens de la pente. Le vignoble de la Côte bourguignonne se caractérise par sa très forte densité, avec en moyenne 10 000 pieds de vignes à l’hectare. Du fait d’un espace extrêmement restreint, les prix fonciers atteignent des prix parfois exorbitants. La valeur vénale des vignes AOP de la Côte d’Or s’élève en effet en moyenne à 646 000 euros par hectares, encore bien plus dans les Premiers et Grands Crus. Dans ceux-ci - où le marché est très faible, voir inexistant - des achats financiers spéculatifs se sont parfois multipliés aboutissant au triplement des prix depuis 2000. Nous sommes cependant assez loin de la situation du vignoble bordelais et de ses châteaux.
Du fait du prix très élevé du foncier agricole viticole, les villages présentent donc très souvent un bâti strictement circonscrit et un aspect groupé, ramassé et tassé (cf. Gevrey-Chambertin, Morey-Saint-Denis, Vougeot). La trame bâtie des villages est en généralement très dense, avec des fronts bâtis continus et des constructions accolées les unes aux autres alors que les espaces publics et le système viaire occupent une faible place. Enfin, l’urbanisation récente, résidentielle ou économique, est rejetée alors aux marges sur les terres les plus accessibles (cf. extensions de Vougeot sur la plaine tout au sud).
La présence de carrières, qui fournissent largement la région, vient rappeler le rôle essentiel de la pierre calcaire comme pierre de construction de tout le patrimoine bâti des Côtes : maisons, églises, monuments, cuveries, meurgeurs, murets traditionnels, cabotes, clots et portails… Cette omniprésence visuelle dans les paysages et l’architecture participe d’une forte identité patrimoniale.
Gevrey-Chambertin et Vougeot : le système des « clos »
Dans le vignoble lui même, de fortes hiérarchies apparaissent entre grands crus, premiers crus et appellations communes. Ainsi, dans le finage de Gevrey-Chambertin, qui possèdent huit grands crus dont le fameux Chambertin, les grands et premiers crus se trouvent à l’ouest dans les finages les plus hauts et les mieux exposés alors que les appellations communes se déploient au nord et à l’est sur les terres plus basses qui courent jusqu’à la voie ferrée. Au Haut Moyen Age, l’appartenance de Morey-Saint-Denis à l’abbaye de Citeaux, localisée à l’est à quelques kilomètres dans la plaine de Saône, rappelle le rôle considérable joué par celle-ci dans le développement d’une partie du vignoble bourguignon (cf. Clos Vougeot, Chambolle-Musigny…).
La présence de nombreux « clos » (clos des Lambrays, Clos de Tart, Clos Saint-Denis, Clos de la Roche…) y traduit une organisation spatiale et économique en petites unités en exploitation directe de proriétaires-récoltants et un modèle d’organisation très morcelé bien différent des vins de Bordeaux par exemple. Avec Gevrey-Chambertin au nord, Vougeot, avec en particulier son illustrissime Clos Vougeot, sont les deux vignobles les plus mondialement connus du document. Le développement de la vigne y est lié à l’implantation des moines de Cîteaux au début du XIIem siècle qui y construisirent un couvent et une église. Réussissant entre le XIIIem et le XIVem siècle à y un acquérir un vignoble d’un seul tenant de 50 hectares, ils clorent celui-ci d’un haut mur devenu depuis le fameux Clos Vougeot.
Les « climats » de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO
La structure et l’organisation du parcellaire souligne une des grandes spécificités du vignoble de cette côte : les climats. Les climats sont des parcelles ou lieux-dits précisément délimités, bénéficiant de conditions géologiques et climatiques spécifiques et façonnés par le travail des hommes. C’est en quelques sorte la conception bourguignonne du terroirs, mais déclinée à des échelles très fines, parfois parcellaires. Ce processus donne naissance en effet à une exceptionnelle mosaïque de parcelles de vignes très hiérarchisées, et dont certaines sont mondialement connues.
Si les premières citations de climats apparaissent dans certains actes des 1584 pour la Côte d’Or, l’officialisation du terme de climat par l’INAO intervient en 1935 dans les textes régissant les appellations. En juillet 2015, les Climats des Côtes de Beaune et de Nuits, ainsi que les villes de Beaune et de Dijon, sont inscrits au Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Ce classement des climats des Côtes de Nuits et des Côtes de Beaune est extrêmement sélectif. Sa « zone centrale » incorpore de Marsannay-la-Côte au nord aux limites de Dijon à Santenay et Sampigny-lès-Maranges au sud de Beaune seulement 40 communes, pour une partie ou la totalité de leur territoire. Par contre, la « zone écrin », qui s’étend surtout sur l’arrière-côte et une partie de la montagne bourguignonne, compte 64 communes.
La petite taille du vignoble, la rareté des volumes due à de petits rendements et une zone d’appellation très encadrée par des critères à la fois de délimitation (géologie, pédologie, histoire) et de modèle de production (densités à l’hectare, rendements, écartements des pieds…) tout comme les droits très stricts de plantation ou de replantation gérés par l’INAO participent du caractère exceptionnel de ce vignoble. Alors que les périmètres AOC de la Côte sont plantés à 95 %, ceux des Hautes-Côtes de l’arrière-pays ne sont plantés qu’à hauteur de 20 %. Dans ces conditions, on assiste ces dernières décennies à une tendance à l’ouverture de nouvelles surfaces plantées dans un espace jusqu’ici relativement périphérique.
Enfin, cette stratégie de patrimonialisation a un impact économique considérable du fait de ses effets d’entrainement, en particulier touristiques (cf. route des Grands Crus…). L’agriculture (16 % des emplois) et le secteur commerce – hôtellerie – restauration (28 % des emplois), étroitement associé à un puissant tourisme régional, national et mondial (cf. plein développement de l’oenotourisme), jouent en effet un rôle primordial en terme économiques et sociaux. Le Château du Clos de Vougeot reçoit ainsi, par exemple, environ 50 000 visiteurs par an et les Hospices de Beaune 430 000 visiteurs (3em site bourguignon après les basiliques de Vezelay et de Paray-le-Monial).
Documents complémentaires
Bourgogne - Les vignobles de Nuits-Saint-Georges et Vosne-Romanée : les « perles » de la Côte de Nuits
Bourgongne - Le vignoble d’Aloxe-Corton dans les Côtes de Beaune
Site de l’UNESCO : Le dossier de classement « Les Climats du vignoble de Bourgogne ».
Site des Climats de Bourgogne
Image complémentaire
Cette prise de vue permet de réinscrire l’image du dossier dans son ensemble à l’échelle régionale. A l’ouest se trouvent le Morvan et la retombée des plateaux calcaires de l’Arrière-Côte, les Hauts-de-Côtes : ils sont bien reconnaissables par leurs altitudes plus élevées (vallées encaissées…), l’importance du boisement et des surfaces en herbe du fait de la place occupé par l’élevage bovin (charolais). A l’est se trouve la Plaine de la Saône qui coule dans l’angle sud-ouest. Si les grandes forêts y gardent une place non négligeable malgré les grands défrichements ouverts dès le Moyen Age (cf. Abbaye de Notre-Dame de Citeaux), nous sommes là dans une riche plaine agricole dominée par les grandes cultures (cf. champs verts et marrons).
Entre ces deux grands ensembles se déploie au pied de la Côte une étroite et longue bande viticole nord/sud en position d’abri mondialement connu pour la qualité de ses productions, dominée et organisée par la ville de Beaune au centre de l’image. Ce vignoble est lui même composé de deux sous-ensembles régionaux bien distincts. La limite avec les deux ensembles passe au nord de la commune de Pernand-Vergelesses. Au nord, se déploient les Côtes de Nuits (Nuits-Saint-Georges, Vosne-Romanée, Vougeot, Chambolle-Musigny, Moret-Saint-Denis, Gevrey-Chambertin…). Au sud se déploient les Côtes de Beaune (Aloxe-Corton, Savigny-les-Beaune, Pernand-Vergelesses, Pommard, Volnay, Meursault, Puligny-Montrachet, Chassagne-Montachet, Santenay…).
La région est aussi un grand carrefour de transport avec l’autoroute A6 Paris/Lyon/Médit, l’autoroute A31 vers le Nord, la Lorraine et le Benelux et l’autoroute A36 vers Besançon, le Jura et la Porte d’Alsace.
Repères géographiques
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur générale de l’Education nationale