Guadeloupe - Marie-Galante : une île sucrière entre permanences et ruptures

Située à une trentaine de kilomètres au sud des deux îles principales de la Guadeloupe, Grande-Terre et Basse-Terre, Marie-Galante est la plus grande des dépendances de cet archipel des Petites Antilles. Son nom est celui de l’une des caravelles de Christophe Colomb qui la découvrit le 3 novembre 1493, au cours de son deuxième voyage vers l’Amérique. Terre de traditions rurales du fait de son isolement relatif avec le « continent » guadeloupéen et du poids toujours présent de la filière cannière, elle doit trouver un équilibre entre le maintien des fondements de son identité et une nécessaire adaptation aux nombreuses difficultés rencontrées, surtout depuis les années 1960 avec la fin de l’économie de plantation.

 

Légende de l’image

 

Cette image de Marie-Galante, située dans la mer des Caraïbes, a été prise par un satellite Pleaides le 22 mars 2019. Il s’agit d’une image en couleur naturelle, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. En savoir plus sur les satellites Pléiades du CNES

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Repères géographiques

 

 

 

L'île de Marie Galante dans l'archipel de la guadeloupe

 

 

Présentation de l’image globale

Marie-Galante : une identité forte, fondée sur des richesses naturelles, humaines et patrimoniales diversifiées

L’image montre que Marie-Galante a une forme globalement circulaire, avec une légère déformation dans sa partie nord. Parmi les autres petites îles situées au sud de la Guadeloupe « continentale », Les Saintes et la Désirade, c’est la « Grande Dépendance » (158 km²) de l’archipel guadeloupéen. Cette île calcaire, dont le diamètre moyen est seulement de 15 km, présente des points communs avec les paysages de la Grande-Terre, du fait de sa formation géologique, du climat marqué par la sécheresse, et des activités liées à la culture de la canne à sucre. Mais Marie-Galante n’en possède pas moins une identité particulière, construite autour d’une individualité naturelle et des trajectoires historiques, culturelles et socio-économiques qui lui sont propres.

Son territoire est divisé en trois communes, qui portent le nom des trois villes, toutes en position littorale : Grand-Bourg au sud-ouest, Saint-Louis au nord-ouest et Capesterre-de-Marie-Galante au sud-est. Ces trois communes ont constitué, en 1994, la première intercommunalité en Outre-mer, afin de définir de façon collective les orientations de développement.

Une île calcaire au relief vallonné : les Bas, les Hauts et les périphéries

Marie-Galante est issue d’un arc volcanique ancien, appelé dans les Petites Antilles « arc externe », sur lequel se sont accumulées, pendant plusieurs millions d’années, d’épaisses couches de calcaires coralliens. Celles-ci ont ensuite été soulevées et ont émergé lors de mouvements tectoniques qui sont à l’origine de diverses fractures (les failles) et d’un basculement vers le sud-ouest.

Telle une grande cicatrice de direction est-ouest, on distingue nettement, dans le quart septentrional, la Barre de l’île, qui est un bel escarpement de faille recouvert de forêt. D’un commandement d’une centaine de mètres, elle partage l’île en deux parties d’inégale superficie. À ses pieds, s’étend la région des « Bas », un bloc affaissé et drainé par le réseau de vallées de la rivière du Vieux Fort. En arrière, c’est la région des « Hauts », vaste plateau calcaire soulevé, dont l’altitude moyenne est de 150 mètres et qui culmine à l’est au Morne Constant (204 mètres). La surface de ce plateau central est profondément entaillée par des ravines sèches boisées et la rivière de Saint-Louis. On y trouve aussi de nombreuses formes du relief calcaire, ou karstique : les dolines, c’est-à-dire des cuvettes fermées, dont le fond est occupé par une mare ; et les avens, qui sont des gouffres creusés par l’infiltration de l’eau, dont le plus spectaculaire (non visible sur l’image car souterrain) est le « Trou à Diable », non loin du lieu-dit L’Étang Noir. Le plateau central domine, à l’est et au sud-est, des terrasses calcaires (étagées sur le site des Galets) et, à l’ouest, la plaine littorale de Grand-Bourg et les marais de Folle Anse.

L’île aux cent moulins : les héritages actuels d’une longue histoire sucrière

Comme la Grande-Terre, Marie-Galante a une longue histoire sucrière. Mais à la différence de la première, la culture de la canne à sucre est encore très présente dans les paysages et l’économie de l’île. Entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle, furent construits une centaine de moulins à vent pour extraire le jus de la canne, à partir duquel sont fabriqués le sucre et le rhum. La présence de leurs robustes tours est une des particularités des paysages marie-galantais et explique le surnom de l’île. 72 d’entre elles existent encore et sont visibles en zoomant sur l’image. Le moulin de Bézard (commune de Capesterre) et ceux des habitations Murat et Roussel-Trianon, à proximité de Grand-Bourg, comptent parmi les mieux conservés.

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les anciennes sucreries ont laissé la place à des usines, dont une seule est encore en activité : celle de Grand-Anse, qui est l’une des deux usines du département, au NO de Grand-Bourg. Comme en Guadeloupe « continentale » et en Martinique, la filière cannière connaît de grandes difficultés depuis la départementalisation et la crise sucrière des années 1960. La fin, en 2017, des quotas sucriers dans l’Union européenne, les années de sécheresse et les problèmes techniques récurrents de l’usine, renforcent le rôle des subventions de l’État pour le maintien de l’activité. La production de rhum n’est assurée désormais que par trois distilleries - Bellevue, Bielle et Poisson), mais le rhum marie-galantais est réputé parmi les meilleurs de Guadeloupe. Titrant jusqu’à 59°, il s’exporte dans le monde entier.

Dans le nord-est de l’île, à la limite du plateau des Hauts, les anciens moulins à vent cohabitent avec deux parcs éoliens installés à la fin des années 1990, sur les sites de Morne Constant et de Petite Place. Celui-ci a été renouvelé en 2016 et a été la première centrale éolienne avec stockage construite en France. On y trouve neuf éoliennes de 275 kW, associées à une capacité de stockage de l’électricité de 460 kWh par batteries Lithium-Ion. La centrale alimente en électricité les 3 300 habitants de la commune de Capesterre-de-Marie-Galante.

Des paysages ruraux dominés par la culture de la canne à sucre

Même si Marie-Galante est de tradition agricole et rurale, la Surface Agricole Utilisée de 4334 hectares en 2020 ne couvre que moins d’un tiers de la superficie de l’île. Déjà en 1961, le géographe Guy Lasserre écrivait que « Marie-Galante est insuffisamment mise en valeur » (Lasserre, 1961, p. 575). L’image montre que de vastes surfaces sont couvertes par une végétation dégradée, composée de taillis, de forêt sèche, de marais ou de mangroves.

La canne à sucre est cultivée en 2020 sur plus de la moitié (52 %) de la SAU, le reste de celle-ci étant surtout occupé par des prairies (45 %). Les champs de canne à sucre sont particulièrement visibles sur le plateau central des Hauts, ainsi qu’à l’ouest, sur les plaines de Grand-Bourg et de Saint-Louis. Le parcellaire est irrégulier et de petite taille, la superficie moyenne des exploitations agricoles dans l’île n’étant que de 3 hectares. Ceci est surtout le résultat d’une réforme foncière entreprise en 1966, qui a redistribué une bonne partie des terres appartenant autrefois aux usines et à l’État. Un petit élevage bovin extensif se pratique un peu partout, même si on n’est pas agriculteur de métier.

Une île « authentique » à la recherche d’un nouveau souffle : l’ouverture au tourisme

La perte des emplois dans la filière sucrière, à partir des années 1960, a été à l’origine d’une vague d’émigration vers la Guadeloupe « continentale », surtout vers l’agglomération de Pointe-à-Pitre, et la France métropolitaine. L’île connaît un fort déclin démographique puisque sa population est passée de 16.300 à 10.500 habitants entre 1962 et 2019, soit un recul de 35,5 %. Ce sont surtout de jeunes adultes qui s’en vont, ce qui accélère ainsi mécaniquement un déclin structurel de la population.

Même si l’agriculture fournit encore 11 % des emplois en 2018, 74 % des actifs travaillent désormais dans le secteur des services, principalement dans les administrations publiques, l’enseignement et la santé. Le tourisme s’impose aussi progressivement comme une alternative au déclin économique et démographique. Longtemps à l’écart des circuits touristiques, contrairement à la Guadeloupe « continentale » ou l’archipel des Saintes, Marie-Galante s’ouvre depuis peu au tourisme. Elle valorise son image d’île « tranquille », « authentique » grâce à la richesse d’un patrimoine culturel qui a disparu dans d’autres îles voisines, mais aussi la beauté de ses paysages dans l’arrière-pays et sur les littoraux.

Les structures différenciées des littoraux : sables blancs et falaises blanches

L’image montre une zonation est-ouest opposant deux façades littorales. La moitié orientale de l’île présente des côtes rocheuses très découpées, qui sont rafraichies par les alizés et battues par les vagues de l’océan Atlantique. Dans la partie occidentale, le littoral sableux est plus rectiligne et abrite de belles plages baignées par la mer des Caraïbes.

Dans le nord-est, on trouve une succession de petites anses et de pointes aux reliefs escarpés. Les sites les plus remarquables sont les falaises blanches calcaires (« Caye Plate », « Gueule Grand Gouffre ») qui sont classées depuis 2004 pour leur caractère pittoresque. Elles sont accessibles par des chemins et des sentiers de randonnée.  Les plans d’eau des nombreuses anses et de la longue plage de la Feuillère, au sud du bourg de Capesterre, sont protégés au large par des barrières de récifs coralliens (les « cayes ») sur lesquelles se brise la houle de l’Atlantique.

Le littoral occidental est une côte basse de submersion, où s’étendent de nombreuses plages : plage des Trois Îlets, de Cocoyer Folle Anse, anse de Mays, anse Canot... Souvent désertes, elles sont cependant de plus en plus fréquentées par la population locale et les visiteurs. Par le biais des tons bleus plus clairs, l’image montre bien la transparence de la mer et de plus faibles profondeurs, permettant de localiser la plateforme continentale ennoyée.

Les réseaux de transport : entre ouverture et double insularité

Le réseau routier a connu des améliorations au cours des dernières décennies. Les axes principaux relient les trois bourgs, par le littoral et par l’intérieur, comme la N9 entre Grand-Bourg et Capesterre qui traverse latéralement le plateau des Hauts, et la D205 celui des Bas. Il n’est pas rare de croiser sur les routes des charrettes tirées par des bœufs, traditionnellement utilisées pour le transport de la canne à sucre ou le charbon de bois. Mais elles sont de plus en plus reconverties pour des compétitions de bœufs tirants, c’est-à-dire des courses à flanc de colline avec des attelages lestés, qui sont très prisées par le public.

La densité moyenne de la population n’est que de 67 hab./km² en 2019, alors qu’elle s’élève à 248 hab./km² en moyenne pour tout l’archipel. L’habitat se concentre surtout dans les trois bourgs et le long des axes routiers, notamment ceux qui permettent de gagner le plateau des Hauts. Il reste cependant diffus sur de vastes espaces, par exemple dans la région des Bas, plus sèche et faiblement peuplée.

Longtemps peu accessible et en marge du « continent » guadeloupéen, Marie-Galante est reliée à Pointe-à-Pitre par des navettes maritimes quotidiennes, au départ surtout de Grand-Bourg pour les passagers et du port de Folle Anse pour les marchandises. La modernisation de la flotte de navires de passagers, à partir du milieu des années 1980, a provoqué la fin des liaisons aériennes régulières, plus coûteuses et moins rentables par les compagnies. Du fait de sa population plus nombreuse qu’aux Saintes et à La Désirade, de la croissance de la fréquentation touristique, et des besoins accrus en mobilités pour la vie quotidienne (accès aux soins spécialisés et autres biens ou services non présents dans l’île, etc.), les trafics vers Marie-Galante constituent l’essentiel des flux au sein de l’archipel. Les liaisons avec le « continent » rythment la vie de relation mais sont souvent vécues comme une contrainte pour les populations, confrontées à la double insularité.

Zooms d'étude

 

Présentation des différents zooms présentés dans cette étude

 

 

 

 

ZOOM 1 – Grand-Bourg : l’extension du principal centre urbain de l’île

Comme son nom l’indique, Grand-Bourg concentre les principales fonctions administratives et socio-économiques de l’île. Commune la plus peuplée de l’île avec 4.870 habitants en 2019, c’est pourtant celle qui a connu récemment la plus forte baisse de sa population (-11 % par rapport à 2011).

Les origines de la ville

Les premiers colons français se sont installés à Marie-Galante en 1648, à proximité de l’embouchure de la rivière du Vieux Fort, dans le nord-ouest de l’île. Mais la dureté des conditions de vie et l’attaque surprise de la petite colonie par des Caraïbes en 1653 ont rapidement amené à choisir un autre site mieux adapté aux cultures. C’est ainsi que les nouveaux colons s’installèrent plus au sud de l’île, dans le quartier La Savane, à proximité d’un nouveau fort construit à l’emplacement aujourd’hui de l’ancien hôpital. Devenu peu à peu le principal centre administratif, religieux et commercial de Marie-Galante, le bourg prit le nom de Marigot, puis de Grand-Bourg, à la fin du XVIIIe siècle.

Les différents secteurs de la ville, témoignant des étapes de son extension

Le centre-ville historique est reconnaissable avec son plan en damier et la densité du bâti. On y trouve les principaux bâtiments administratifs et collectifs : mairie, siège de la Communauté de Communes de Marie-Galante, marché, église. Il s’ouvre de plus en plus sur la mer depuis l’aménagement, à partir des années 1990, d’un port à vocation multiple, réunissant sur le même site les activités de trafic des voyageurs, de la pêche et de la plaisance. D’une surface de 2,6 hectares, il occupe des terrains en grande partie gagnés sur la mer. Le plan d’eau est protégé par deux digues, dont la présence a provoqué un phénomène d’érosion à l’est de l’ouvrage. Ce port conforte la fonction de porte d’entrée de Grand-Bourg pour les voyageurs.

Une première auréole urbaine, autour de ce centre, accueille des constructions moins denses et des équipements structurants (écoles, collège, lycée).

Une deuxième auréole, apparue depuis les années 1980-1990, a donné naissance à de nouveaux quartiers, à vocation surtout résidentielle avec la construction de lotissements de maisons individuelles et des logements collectifs sociaux : Grande Savane à l’ouest, Tivoli au nord et Bambara à l’est.

Périurbanisation et extension linéaire de la ville

Un étalement en « doigts de gant » orienté par les axes routiers guide l’extension urbaine et s’observe dans plusieurs directions : au nord-ouest, le long de la N9 vers Saint-Louis ; au nord, le long du chemin de la Treille et de la N9, avec en particulier le nouvel hôpital de l’île construit au morne Ducos ; et à l’est, le long de la D203 vers Capesterre. C’est à proximité de cette dernière route littorale que se localisent deux sites importants pour Marie-Galante.

L’habitation Murat est l’un des lieux touristiques les plus visités de l’île, avec son « château » reconverti en Écomusée et son parc où se tient, depuis l’an 2000, le festival annuel international Terre de Blues.

L’aérodrome est bien reconnaissable sur l’image par sa piste dd’une longueur de 1 240 mètres, construite en 1954 et agrandie en 1984, à la Pointe des Basses dans le sud de l’île. Après avoir connu une forte activité pour le désenclavement de Marie-Galante jusqu’aux années 2000, l’aérodrome n’accueille plus que des avions légers privés et des hélicoptères pour les évacuations sanitaires.

 


Grand Bourg

 

 


Lieux reperes

 

 

 

ZOOM 2 – La région de Folle Anse et de Saint-Louis : une zone d’intérêt économique et paysager majeur

Dans la partie occidentale de l’île, s’individualise la Pointe de Folle Anse, qui ferme au sud la baie de Saint-Louis. Cette région, de forme triangulaire sur l’image, est essentielle pour Marie-Galante, tant sur le plan économique que paysager.

La région de Folle Anse : la plus vaste zone humide de Marie-Galante

S’étendant sur les communes de Grand-Bourg et de Saint-Louis, cette zone présente une grande variété de milieux et de paysages. Elle est constituée de plages reconnues parmi les plus importants sites de ponte de tortues marines des Petites Antilles, d’une forêt xérophile littorale, et, surtout, de marais composés de mangroves à palétuviers, de forêt marécageuse d’eau douce, de prairies humides, de savanes inondées et de marais herbacés.

La formation de cette zone humide s’explique par la surface plane et peu élevée de la plaine alluviale, alimentée par la rivière de Saint-Louis, et par l’affleurement de la nappe phréatique. Cette zone est d’une grande richesse écologique et abrite notamment de nombreuses espèces d’oiseaux. Elle fait l’objet de plusieurs classements et régimes de protection. Mais elle est pourtant de plus en plus menacée par les activités humaines.

La région de Folle Anse : des usages multiples et essentiels dans la vie de l’île

La présence humaine est ici ancienne puisque des sites amérindiens y ont été mis à jour. Ces populations vivaient surtout de la pêche, de la cueillette et d’agriculture vivrière.

À l’époque coloniale, certaines zones ont été défrichées pour la culture de la canne à sucre. Celle-ci est encore non seulement visible dans les paysages, mais aussi par la présence de deux unités d’agro-transformation. Premièrement, la distillerie Poisson, qui commercialise le rhum du Père Labat, est l’une des trois distilleries de l’île, à proximité de la N9 et des Mangles de Poisson. Deuxièmement, la sucrerie de Grand-Anse, sur la commune de Grand-Bourg, qui est la seule usine encore en activité à Marie-Galante et la deuxième de l’archipel avec Gardel, au Moule à Grande-Terre. Créée en 1845, c’est le plus gros employeur privé de l’île, fournissant une centaine d’emplois, dont un tiers sont saisonniers. D’où le soutien financier apporté par l’État et les collectivités locales à la SA-SRMG - Sucreries et Rhumeries de Marie-Galante, gérée par le groupe Ernstein depuis 1996. Plusieurs projets pour la construction d’une centrale thermique associée à la sucrerie n’ont jusqu’ici pas abouti.

Afin d’exporter les produits sucriers dans de meilleures conditions, un appontement spécialisé pour le chargement automatique du sucre et de la mélasse a été construit en 1968, à quelques kilomètres de l’usine, à la Pointe de Folle Anse. D’une longueur de 178 mètres, il est relié à terre à un silo à sucre et permet l'exportation de la principale production de l'île, sans passer par le port de Pointe-à-Pitre/Jarry. Depuis 2004, le port de Folle Anse a aussi été équipé de deux postes rouliers pour l'accostage des barges ravitaillant l'île. Une zone d'activité créée à proximité a permis l'installation de quelques entreprises (commerce d’alimentation, unité de production navale, etc.). Le port, véritable poumon économique de l’île, enregistre un trafic d’environ 100.000 tonnes par an et est l’un des cinq sites gérés par le Grand Port Maritime de la Guadeloupe.

À l’entrée sud du bourg de Saint-Louis, on trouve enfin deux autres infrastructures stratégiques pour l’île. Il s’agit d’une petite centrale électrique de secours d’une capacité de 7,1 MW, fonctionnant au diésel, destinée à alimenter l’île en cas de panne du câble sous-marin qui amène l’électricité depuis Capesterre-Belle-Eau ; et de citernes de stockage d’hydrocarbures qui sont avitaillées par de petits tankers, grâce à une conduite sous-marine.

Enfin, l’activité touristique est présente à Folle Anse, notamment par une structure hôtelière (ex-Kawann Beach, 100 chambres), mais qui a fermé en 2013. Le site a été reconverti en une résidence touristique et, depuis mars 2023, en un nouvel établissement aux vocations multiples (relaxation, évènementiel, etc.) ciblant une clientèle haut de gamme.

Saint-Louis : l’ouverture au tourisme

Installé au fond de la baie éponyme, le bourg de Saint-Louis a été créé au milieu du XIXe siècle. Malgré la présence de marécages à l’époque, le site offrait un meilleur mouillage qu’au Vieux Fort, des terres plus riches et un accès plus facile au plateau des Hauts.

La ville se reconnaît sur l’image par la densité du bâti et son plan en damier typique des constructions coloniales. On y trouve les principaux bâtiments publics et autres équipements collectifs (mairie, école, collège, stade, église). Le centre connaît une certaine animation touristique avec l’installation de bars et de restaurants. La baie offre de bons mouillages aux navires de plaisance comme en témoigne l’image. Un petit appontement est utilisé par une compagnie maritime qui propose des liaisons directes avec la ville touristique de Saint-François, en Grande-Terre.

L’extension urbaine se fait le long du littoral et vers l’intérieur dans les secteurs de Desmarais et de Bas de la Source. La commune, avec environ 2 400 habitants en 2019, soit - 7 % de moins qu’en 2013, est la moins peuplée de l’île.


 


Folle Anse

 

 


Lieux reperes

 

 

 

ZOOM 3 – Capesterre-de-Marie-Galante, entre attraction et déprise territoriale : les Sargasses, un nouvel enjeu environnemental

Le nom de Capesterre vient d’un ancien toponyme de marine « Cabesterre », désignant « toute la côte formant cap à l’est d’une terre » (Barbotin, 1976, p. 137). On le retrouve également à Capesterre-Belle-Eau, en Guadeloupe « continentale ». Cette exposition aux alizés, qui a fait la réputation du climat, des littoraux et des plages de cette commune, est cependant devenue depuis peu une source de nouvelles difficultés.

Un bourg et une commune confrontés à la « crise des sargasses »

Le bourg de Capesterre a été créé dès la fin du XVIIe siècle et s’étale sur le littoral, au pied du plateau des Hauts. En zoomant sur l’image prise au mois de mars, on peut voir des couleurs sombres le long de la côte attenante, notamment à l’intérieur et de part et d’autre de la digue construite pour abriter un petit port de pêche. Ce sont des amas d’algues brunes, les sargasses, qui régulièrement viennent s’échouer sur les côtes orientales et sud-orientales des îles et espaces continentaux de la Caraïbe. Ce phénomène s’est amplifié depuis 2011, et diverses hypothèses sont émises par les scientifiques pour l’expliquer : augmentation de la température des océans, modification de la courantologie, apports accrus en nutriments par l’Amazone et le fleuve Congo, suite à la déforestation et l’utilisation croissante d’engrais, etc..

Même si la moitié des littoraux de Marie-Galante peut être touchée par ces échouements, le bourg de Capesterre et les deux plages voisines de La Feuillère et Petite Anse, sont les sites les plus impactés de l’île. Les algues, si elles ne sont pas ramassées rapidement, causent en effet de nombreuses nuisances : outre leurs impacts négatifs sur les paysages et les écosystèmes côtiers, elles dégagent, lors de leur décomposition, des gaz neurotoxiques - comme l’hydrogène sulfuré-H2S, l’ammoniac-NH3, etc. - qui sont nocifs pour la santé, provoquent des odeurs nauséabondes et la corrosion des objets métalliques et autres appareils électriques ou électroniques.

Ce phénomène accentue les difficultés de la commune, en impactant lourdement son budget pour les opérations de ramassage et en dégradant son image économique et touristique. Mais Capesterre - peuplée de 3 300 habitants en 2019 - est paradoxalement la commune de l’île qui a le moins perdu d’habitants ces dernières années (-2 % par rapport à 2011). Même si certaines populations ont quitté le bourg, on a observé en effet un développement de l’habitat sur les hauteurs.

La région des Galets : une côte sauvage mais anciennement occupée

À l’est du bourg de Capesterre s’étend la région des Galets, constituée de trois niveaux de terrasses calcaires, étagées au-dessus du niveau de l’océan Atlantique. Malgré un climat sec plus marqué, avec moins d’un mètre de précipitations annuelles, que dans le reste de l’île, c’est une région où la présence de l’homme est ancienne. Des vestiges précolombiens ont ainsi été découverts, notamment dans la grotte du Morne Rita, où ont été mis à jour des roches gravées (pétroglyphes) et des pictographes datant des Amérindiens Saladoïdes.

Au début de la colonisation, la culture de l’indigo y était répandue et des ruines d’indigoteries subsistent, même si elles sont peu visibles dans les paysages. Ce secteur des Galets, réputé pour ses côtes sauvages, connaît une déprise agricole. L’habitat est peu développé, sauf le long de la route de Capharnaüm qui permet d’accéder au niveau le plus bas des terrasses. De récents lotissements ont ainsi amené de nouveaux habitants, originaires de la France hexagonale et de la diaspora marie-galantaise.

 


Capesterre

 

 


Lieux reperes

 

 

Images complémentaires

 

Le Nord de Marie-Galante, la région des Bas et Geule Grand gouffre

 

 

La Barre de l’île et la partie septentrionale de la région des Hauts

 

 

 

Ressources complémentaires

Eléments de bibliographie :



Barbotin, M., 1968. Le nom des communes de Marie-Galante et la formation de ses bourgs. Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, n° 9-10, p. 133–151. DOI : https://doi.org/10.7202/1044182ar

Bisson, B., Turkovics, P., 2021. Marie-Galante : une société du Rhum. Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], n° 183. DOI : https://doi.org/10.4000/com.12862

Communauté de Communes de Marie-Galante, 2021. Plan de paysage de Marie-Galante. Cahier n° 1 : Diagnostic. Tropisme, 144 p

Genet, B., Parisis, H. et D., 2006. Marie-Galante. Terre d’histoire sucrière, 219 p.

Insee Antilles-Guyane, 2022. Marie-Galante : une communauté confrontée à un fort repli démographique. Analyses Guadeloupe, n° 61, décembre 2022, 4 p.

Giraud-Labalte, C., 2007. Marie-Galante, si vraie ? Dans Frustier, P. (dir.), Actes du colloque Les identités insulaires face au tourisme, 1-2 juin 2006, Université de Nantes. La Roche-sur-Yon, Éditions Siloë, p. 112-119.

Lasserre, G., 1961. La Guadeloupe. Étude géographique. Bordeaux, UFI, thèse de doctorat ès-lettres, 2 tomes, 448 p. et 687 p.

Ranély Vergé-Dépré, C., 2005. Le transport maritime de passagers aux Antilles françaises : évolution, bilan et enjeux. Études Caribéennes, n° 2, Paris, Éditions Publibook, p. 33-39.

Sitographie indicative

Communauté de Communes de Marie-Galante : https://www.paysmariegalante.fr/

Pôle-relais Zones Humides Tropicales : https://www.pole-tropical.org/zones-humides-doutre-mer/atlas-regional/g…

Atlas Caraïbe, Université de Normandie
https://atlas-caraibe.certic.unicaen.fr/fr/



Contributrice

Colette Ranély Vergé-Dépré, maître de conférences habilitée à diriger des recherches en géographie, Université des Antilles