Estonie/Russie - Narva-Ivangorod : les dynamiques multiformes d’une frontière orientale de l’Union européenne

Fruit d’une géohistoire complexe et douloureuse, le doublet urbain frontalier Narva/Ivangorod est un laboratoire des relations géopolitiques et géostratégiques entre l’Estonie et la Russie. L’agglomération de 77 000 habitants se trouve en effet à 185 km de Tallinn et à seulement 130 km de Saint-Pétersbourg. Situées au cœur d’une importante région industrielle et d’extraction minière, Narva et sa région ont la particularité en Estonie d’avoir une écrasante majorité de leur population russophone, une situation héritée de la période soviétique. Indépendante depuis 1991, l’Estonie signe un accord final de délimitation frontalière avec la Russie en 1996, puis entre dans l’OTAN en avril 2004, dans l’Union européenne en mai 2004, dans l’Espace Schengen en décembre 2007 puis dans la zone Euro en janvier 2011.

 

Légende de l’image

 

Cette image de Narva, située au nord-est de l'Estonie sur la frontière avec la Russie, a été prise par un satellite Sentinel-2 le 25 juin2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

L'image ci-contre présente des repères géographiques de la région.

Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2020, tous droits réservés.

 


Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Narva/Ivangorod :  un doublet urbain frontalier entre unité,
dissymétrie, ressources et tensions

Un milieu spécifique d’une grande unité : le sud du Golfe de Finlande

Nous sommes sur les rives du Golfe de Finlande, qui constitue avec le Golfe de Botnie et le Golfe de Riga, un des grands sous-ensembles régionaux de la mer Baltique. Cette mer Méditerranée d’Europe du Nord couvre 364 800 km² et est fermée par les détroits danois, qui ouvrent au Sud-Ouest sur le Mer du Nord et l’océan Atlantique. Couvrant 29 500 km², le Golfe de Finlande est bordé par la Finlande et Helsinki au nord, l’Estonie et Tallinn au sud et la Russie et St Petersburg à l’est ; il mesure 428 km de long et 120 km maximum de large pour ne plus mesurer que 10 km dans la baie de la Neva. Comme le Golfe de Botnie entre la Suède et la Finlande, le Golfe de Finlande gèle en hiver.     

Les reliefs et paysages de la carte doivent beaucoup aux héritages glaciaires (dépôts de moraines...) de la fin du quaternaire nés du retrait de l’immense inlandsis scandinave. Nous sommes sur une plaine littorale basse et amphibie, sans grands reliefs et assez uniforme ; le point culminant de l’Estonie (hors image) est à seulement 317 m. La région est mal drainée par quelques petits fleuves côtiers, dont la Neva, comme en témoignent les nombreux lacs, marais, marécages et tourbières. Ce sentiment d’unité et d’uniformité est renforcé par un climat continental humide à hivers froids d’un côté, l’importance de la forêt boréale, ou taïga, avec ses mélanges de conifères - pins et sapins selon la qualité des sols - et de bouleaux face à des sols agricoles pauvres et acides.

Dans ce cadre naturel homogène, c’est bien l’homme et la géohistoire qui font la frontière. Le fleuve – ici la Narva, émissaire des lacs de Pskov et Peïpous, qui servent sur 180 km Nord/Sud de frontière orientale à l’Estonie – est une limite entre deux zones d’influences de puissances rivales. Narva est la plus orientale des villes estoniennes, dans le comté d’Ida Viru (ou Virumaa oriental), établie en rive gauche d’un resserrement de la rivière éponyme qui sert de support à la frontière russo-estonienne, entre le lac Peïpous et le golfe de Finlande. Seconde ville du pays par sa population (67 000 habitants), elle est située à 185 km de Tallinn et 130 km de Saint-Pétersbourg, à 10km de la mer. Enfin, les sables apportés par la Narva sont remobilisés par les vents et les courants marins pour former un cordon littoral de dunes que valorise par exemple la station balnéaire de Narva-Jöesuu posée juste à la frontière.  

Située au cœur d’une importante région industrielle et d’extraction minière, la ville a la particularité d’avoir une écrasante majorité de population russophone, situation héritée de la période soviétique. Depuis 2004, elle se trouve donc sur la frontière orientale de l’Union européenne et de l’OTAN. Face à elle, sur la rive droite du fleuve, se trouve Ivangorod (« la ville de Jean », Jaanilinn en estonien), petite ville russe de 10 000 habitants.

La frontière, une source de dysfonctionnement ?

Si la frontière actuelle date de 1991, elle reprend en réalité celle qui a séparé du XIIIem Siècle à 1700, à de rares intervalles près, les territoires contrôlés par les Danois, puis l’Ordre de Livonie puis la Suède à l’Ouest, de ceux contrôlés par la Russie à l’Est. Son inscription dans le temps se traduit aujourd’hui encore dans le paysage urbain, qui est dominé par la présence de deux forteresses se faisant face : celle de Narva, la plus élevée, imposante tour édifiée dès le 14 em siècle, et celle d’Ivangorod à partir de 1492 beaucoup plus vaste. Ces deux marqueurs de l’ancienne frontière, aujourd’hui monuments historiques, rappellent l’ancienne situation de front entre puissances antagonistes, où se sont déroulées d’importantes batailles au cours des siècles, et jusqu’à celle liée à la grande offensive soviétique de 1944, comme en témoignent les nombreux mémoriaux et stèles érigés en bord de fleuve le long de la route qui relie Narva à la station balnéaire de Narva Jõesuu au nord.

Narva constitue réellement un « haut lieu » de la frontière, cité de façon récurrente et objet de visite, un endroit singulier sur le tracé linéaire de la frontière, du fait de caractéristiques exceptionnelles. Elle évoque immédiatement celle-ci, tant son image lui est associée. L’ancien billet de banque estonien de cinq couronnes, en vigueur jusqu’à l’introduction de l’euro en 2008, figurait une vue des deux forteresses. Cette vue est très célèbre et se retrouve sur de nombreuses cartes postales et les photos des visiteurs. Elle identifie à la fois la ville de Narva et la frontière. La frontière est ainsi « mise en spectacle », y compris dans les documents de marketing touristiques disponibles sur place.

La restauration de la frontière en 1991 - lors de l’éclatement de l’URSS et de l’indépendance des pays baltes - a engendré d’importantes contraintes dans le fonctionnement de la ville. En effet, l’approvisionnement électrique, les réseaux de chauffage et d’assainissement étaient communs à Narva et Ivangorod. Des habitants de Narva possédaient des terres de l’autre côté, dans ce qui n’a longtemps été qu’un quartier de la même ville. La « déconnexion » des deux rives a été durement vécue sur le plan pratique, dans un contexte de crise généralisée.

Une dissymétrie frontalière

L’agglomération frontière de Narva-Ivangorod présente une dissymétrie ancienne en faveur de la partie estonienne. Ivangorod, auparavant simple faubourg de Narva, forme une municipalité autonome depuis 1954, relevant de l’oblast de Léningrad au sein de la république fédérative de Russie, après une rectification de la limite administrative ave la république d’Estonie. Le centre historique de Narva se limite à quelques bâtiments religieux, la ville ayant été détruite à 98 % lors des combats de 1944.

L’image révèle bien l’importance des quartiers soviétiques dans la partie ouest, marqués par des alignements caractéristiques de barres d’immeubles, tandis que les rives du fleuve sont occupées par des quartiers pavillonnaires. Il n’existe qu’un seul franchissement routier au niveau du centre-ville, ainsi qu’un pont ferroviaire utilisé essentiellement par des trains de marchandises reliant Tallinn à Saint-Pétersbourg, tandis que la partie amont a été aménagée pour abriter un complexe hydroélectrique et un canal d’amenée.

A 14’km en aval de la ville, au niveau de l’embouchure du fleuve se trouve la petite station balnéaire de Narva Joesuu (2 500 habitants) qui aligne face à la mer et selon un plan orthonormé ses datchas entourées de verdure (des pins) d’où montent le printemps venu les fumées et odeurs des barbecues de viandes marinées (shashliks). Sa longue plage et ses centres de thermalisme attiraient du temps de l’URSS les membres de l’intelligentsia de Saint-Pétersbourg. La dégradation du contexte économique et la fermeture progressive de la frontière ont entrainé le déclin de l’activité et l’abandon de bâtiments, qui font aujourd’hui l’objet de mesures de restauration.

La difficile transition d’une région industrielle : l’exemple de Sillamae, l’ex-ville fermée de l’uranium

Les difficultés se sont accumulées dès les années 1990 : fort taux de chômage endémique, restructuration et fermetures d’usines, exclusion des russophones de la nation estonienne... En effet, la ville, reconstruite après 1945, avait vu l’arrivée massive de travailleurs russes venus exploiter les gisements locaux de schistes bitumeux. Au Nord-Ouest, une exploitation d’uranium, alors avait justifié la construction ex nihilo d’une usine dans ce qui allait devenir une ville fermée, Sillamae, qui n’apparaissait pas sur les cartes officielles, et dont les Estoniens n’ont découvert que tardivement l’existence. Cette ville construite à partir de la fin des années 1940 est un bel exemple - dans sa partie centrale - d’unité architecturale, avant que de grands ensembles d’immeubles soviétiques ne soient construits pour répondre à l’impérieux besoin de logements.

Pour les Estoniens, la ville illustre à son échelle le mouvement de colonisation intérieure entrepris durant l’époque soviétique pour contrôler la région balte. L’usine traité du combustible destiné aux centrales nucléaires de l’URSS. L’activité extractive a d’ailleurs laissé tout autour de nombreuses traces dans le paysage, sous la forme de grands terrils et bassins de décantation visibles sur l’image. La décision de l’Estonie indépendante de fermer des sites où l’exploitation se faisait au mépris de toute considération environnementale, associé au choc de la libéralisation de l’économie, et en l’absence de possibilité de reconversion, a entraîné une forte poussée du chômage. L’économie de la région reposait essentiellement sur l’activité industrielle dont les conditions étaient incompatibles avec les critères d’adhésion à l’UE. Les risques de pollution ont justifié d’important travaux de mise en sécurité et de traitement des bassins de décantation.

Dans ce contexte, une partie de la population a choisi de partir, en Russie ou à Tallinn, afin de bénéficier de meilleures conditions d’emploi. Cette Estonie « non-estophone » n’était par ailleurs pas la priorité du gouvernement de Tallinn, qui redoutait, jusqu’à la signature de l’accord frontalier avec la Russie, que des revendications séparatistes ne soient utilisées par Moscou pour déstabiliser le pays.

Sillamae a cherché au début des années 2000 à se reconvertir en port de commerce, mettant en avant ses terrains disponibles et sa proximité avec la Russie, alors que le volume de marchandises échangées était en augmentation constante, et la frontière russo-estonienne régulièrement encombrée par les flux de camions ; une liaison par ferry avec le port de Kotka en Finlande devait permettre d’améliorer l’accessibilité de la région et de constituer une nouvelle porte d’entrée ; mais la présence d’îlots russes dans le golfe de Finlande oblige les navires à effectuer un détour par l’ouest, rallongeant le temps de parcours. Toutefois, la Russie a entrepris de réduire sa dépendance aux ports étrangers et de construire d’importantes infrastructures portuaires sur son propre territoire, à Oust Luga à l’est de Narva (image régionale complémentaire), ce qui n’a pas permis à Sillamae de décoller.

Une frontière ressource localement exploitée

Le différentiel de niveau de développement entre les deux États est ici élevé, bien que reflétant peu les situations locales. Narva fait figure de laissée pour compte de la transition économique estonienne vers l’économie de marché. De son côté, Ivangorod ne dispose pas d’une économie diversifiée et appartient au vaste ensemble de l’ouest russe économiquement déprimé. La coupure est aujourd’hui entérinée et la frontière renforcée. L’existence d’un important différentiel de prix sur les produits de consommation courante est génératrice d’incessants va-et-vient transfrontaliers de la part des habitants de Narva.

On enregistre deux millions de franchissements chaque année. Il n’existe pas de bus urbain reliant Narva à Ivangorod. Seuls les cars internationaux desservent les deux villes, qui semblent s’ignorer sur les schémas de transport locaux. Ainsi, les riverains souhaitant se rendre sur l’autre rive doivent le faire à pied. Un passage et un poste de contrôle réservés aux piétons ont été aménagés.

Le poste frontière de Narva se caractérise ainsi par une file d’attente ininterrompue de piétons, souvent des personnes âgées, tenant cabas, charriots à roulettes et sacs plastiques vides, pour aller s’approvisionner de l’autre côté. Une partie de ce flux transfrontalier de « fourmis » concerne des produits de consommation courante, médicaments, essence, alcool et cigarettes, destinés en partie à la consommation personnelle mais surtout à la revente sur le marché estonien. Ce fonctionnement de la frontière se révèle éprouvant pour les personnes âgées, qui doivent rester debout dans la file d’attente, puis remonter la pente en face. Cette exploitation de la frontière alimente une forme d’économie grise. Plusieurs affaires de contrebande ont été mises à jour dans les années 2000. Localement, elle assure surtout aux catégories sociales les plus fragiles (retraités, chômeurs) des revenus ou un complément à de maigres pensions. On peut parler alors de stratégies de survie.

Une frontière dans un contexte culturel local largement russophone

Le fonctionnement de la frontière doit être resitué dans un contexte culturel local quasi exclusivement russophone. Narva compte 90 % de population dont le russe est la langue maternelle. La ville, qui avait été entièrement détruite en 1944, a été repeuplée par des populations venues de différentes régions de l’URSS. A la restauration de l’indépendance de l’Estonie en 1991, une faible partie de la population a obtenu la citoyenneté estonienne, les autres obtenant le statut de non citoyen. Au fil du temps, si les Estoniens « ethniques » sont toujours très minoritaires (4 % de la population résidente, contre 79 % de russes « ethniques »), la composition civique de la population a nettement évolué : les citoyens estoniens représentaient en 2007 44 % de la population, pour 33,4 % de citoyens de la fédération de Russie et 21,6 % de non citoyens.

Du fait de cette répartition, les conditions de franchissement de la frontière dépendent du statut civique. Les citoyens russes de Narva, qui disposent d’un permis de séjour permanent peuvent se rendre en Russie avec leur simple passeport. Les citoyens estoniens ont en revanche besoin d’un visa, que leur délivre le consulat russe de la ville. Les non citoyens ont vu les formalités d’obtention de visa progressivement réduites. La délivrance de visas à entrées multiples et de longue durée constitue donc bien un filtre dans le fonctionnement de la frontière, avec des possibilités de mobilité transfrontalière différenciées.

Ce mode de fonctionnement ne concerne pas les populations extérieures à la ville ou les touristes qui viennent visiter cette curiosité que constitue cette ville frontière avec vue sur la Russie, si proche et si différente, qu’ils peuvent observer depuis l’esplanade de la forteresse estonienne. L’état général et l’utilisation des deux forteresses de part et d’autre du fleuve sont révélateurs de l’écart de développement des deux rives et surtout de ce qui peut être interprété comme un rapport différent qu’entretiennent les deux États à leur patrimoine.

Un rapport différencié au patrimoine

La forteresse de Narva a fait l’objet d’importants travaux de restauration dès la fin des années 1980. Dans le contexte du « second réveil national » estonien, la restauration du patrimoine était assimilée à une réaffirmation de l’identité nationale et de l’appartenance historique à l’Europe. Située au bout d’une esplanade libre d’accès, la forteresse abrite des boutiques d’artisanat et le musée historique de la ville, qui accueille les visiteurs estoniens et étrangers. La signalétique du musée est polyglotte et la fréquentation internationale. La citadelle fait l’objet d’une mise en valeur par un éclairage nocturne et sa visite constitue le principal motif de visite dans la ville.

En face, la forteresse d’Ivangorod frappe en revanche par son abandon, déjà perceptible depuis l’autre ville. Tout d’abord, elle dispose d’un accès beaucoup moins aisé pour les visiteurs potentiels. Le chemin d’accès, contourne le haut grillage qui entoure la zone de douane du poste frontière, derrière des rangées de poids-lourds en attente. La forteresse est gardée mais ne porte aucune indication d’horaires ou d’entrée. A l’intérieur, l’entretien ne semble consister qu’en un simple débroussaillage. Le visiteur peut librement déambuler sur les remparts à demi effondrés et dans les tours, à ses risques et périls en l’absence de tout éclairage et de toute information sur les lieux. Les signes d’abandon sont réels : bâtiments en ruine, larges fissures dans les murs, voûtes effondrées…

On trouve enfin dans la région les traces de communautés de Vieux Croyants, groupes dissidents de l’Église orthodoxe, venus s’y réfugier pour fuir les persécutions au début du XVIIIe s. Intégrés à la société estonienne, ils perpétuent leur rite et se distinguent par des symboles religieux légèrement différents de la branche principale de l’orthodoxie ; le monastère de Kuremaë est le plus important couvent orthodoxe de la région balte ; les Vieux Croyants se distinguent aussi par un habitat traditionnel au modèle caractéristique.

Plus à l’ouest, à proximité de la localité de Sinimae, se dresse sur une colline un monument commémoratif controversé, en l’honneur des combattants de la légion wallonne venus se battre contre l’Armée rouge, aux coté des nazis et des Estoniens en 1944.

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1. Narva / Ivangorod : le doublet urbain frontalier   

L’image couvre le doublet urbain frontalier Narva/Ivangorod. Elle témoigne à elle seule - tel un véritable palimpseste - de ces logiques permanentes d’intégration ou d’affrontement multiséculaire.  Ainsi, le fleuve quitte son lac-réservoir par un canal de dérivation afin d’alimenter une petite centrale électrique au fil de l’eau qui se trouve aujourd’hui côté russe alors que le lit naturel plus à l’ouest – qui sert de frontière – est peu visible. Si les deux citadelles historiques se font face de chaque côté du pont central, celui-ci organise un grand et ancien axe logistique Ouest/Est qui structure l’espace de l’image.

L’urbanisation de la période soviétique à de chaque côté laissé les mêmes empreintes, tout comme le développement minier, énergétique et industriel et ses grandes friches ou le système des grands lotissements de datchas entourées de leur ceinture de jardin. A moyen terme pourtant, les différences de trajectoires politiques, sociales, économiques et d’aménagement dans cette région frontalière en déclin et en difficultés pourraient dissocier de plus en plus clairement les deux territoires voisins.

 


Repères géographiques

 

Les images  le doublet urbain frontalier Narva/Ivangorod, ci-dessous ont été prises par un satellite Pleiades le 8 décembre 2021.

Contient des informations PLEIADES © CNES 2021, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.

 

 

 

 

Zoom 2. En Russie, la ville de Kingisepp et son complexe industriel d’engrais agricoles

L’image couvre la ville de Kingisepp et sa région qui appartiennent à l’oblast de St Petersburg. Située sur la Louga à 40 km à l’est de Narva et à 111 km de St Petersburg, l’agglomération – tout comme sa voisine Narva – est l’objet des vives rivalités militaires entre les différentes puissances qui se disputent la région jusqu’à sa prise de contrôle par Pierre le Grand lors de la Guerre du Nord en 1703. Gros bourg de 8 500 habitants en 1960, l’agglomération atteint les 50 500 habitants en 2006 grâce au boom consécutif à la mise en exploitation du gisement voisin de phosphorite – engrais phosphatés - au milieu des années 1960. Avec 3 500 à 4 000 salariés, le complexe minier et chimique pèse d’un poids considérable dans l’économie régionale et participe de l’importance des engrais agricoles dans les exportations de la Russie ces dernières décennies.

 

 

 

 

Zoom 3. Narva : la centrale électrique et l’exploitation des schistes bitumeux

L’image couvre au Sud-Ouest de la ville de Narva le vaste complexe d’exploitation de schistes bitumeux qui alimentait une grande centrale électrique en rive gauche du fleuve Narva. A droite, on reconnait facilement les grands bassins de décantation des eaux nécessaires à la production avec leurs couleurs bleues ou vertes liés aux composants chimiques dissous dans les eaux. A gauche de la centrale se déploient en trois grands ensembles miniers – eux-mêmes composés de plusieurs fronts d’extraction bien réguliers - les différents sites d’exploitation. La mécanisation du travail qui mobilise d’énormes excavatrices explique l’importance et la régularité des fronts de taille. Au Nord, les anciennes carrières sont en voie de reboisement, au Sud le front de taille est encore récent. Un tel système minier de surface bouleverse totalement les paysages antérieurs.         


 

 

 

 

Zoom 4. Le port estonien de Sillamäe, de la ville nucléaire fermée à l’ouverture

Petite ville de 14 000 habitants, Sillamäe se trouve sur la Sõtke, une petite rivière littorale se jetant dans le Golfe de Finlande. C’est au XIXem siècle une petite station de villégiature située en rive droite. La région est bouleversée en 1920/1930 par le lancement des mines de schistes bitumeux mobilisés pour la production électrique. Puis de 1946 à 1952, en pleine Guerre froide, est lancée une usine d’extraction de l’oxyde d’uranium qui se trouve dans certains gisements des schistes bitumeux régionaux en rive gauche. Mais la faible teneur des ressources locales explique que rapidement l’usine va être alimentée par des minerais de bien meilleure qualité d’Asie centrale, d’Europe de l’Est puis de la presqu’île de Kola. La production d’uranium – civil et militaire – cesse en 1989. Après la crise liée à l’effondrement de l’URSS et l’indépendance, l’usine est reconvertie alors qu’un vaste plan de dépollution est lancé en 2000. Comme le montre l’image, dans les années 2000 tente de se lancer dans les activités portuaires – cargos, fertilisants, pétrole et ferries de passagers – mais avec difficultés du fait de la concurrence d’autres ports bien mieux placés et d’un arrière-pays – ou hinterland – en difficulté et en voie de dépeuplement.    

 

 

 

Image complémentaire

 

 

 

Le doublet urbain frontalier Narva/Ivangorod couvert à une échelle régionale


 


Repères géographiques

 

 

Contributeur

Pascal Orcier, agrégé et docteur, professeur de géographie et cartographe.