Déforestation et développement agricole dans l'Etat du Rondônia

Troisième exportateur mondial agricole, en particulier premier exportateur mondial de soja, de viande bovine et de volailles, le Brésil se positionne comme une des toutes premières puissances agricoles mondiales. Cette dynamique repose en partie sur la colonisation de la forêt amazonienne. Avec ses 5 500 000 km², l’Amazonie est la plus grande forêt mondiale, dont 60 % de la superficie est située au Brésil. Environ 17 % de cette forêt soit 60 millions d’hectares ont été convertis à d’autres utilisations des terres ces 30 dernières années (INPE, 2008).

Légende de l'image

Cette image est une mosaïque d'images satellitaires correspondant à des données des satellites SPOT4 et SPOT5 sur l'Etat du Rondônia. Cette mosaïque a été réalisée en 2009 et sera cofrontée dans cette fiche à des données satellitaires Pléiades plus récentes datant de 2015 (la zone d'étude principale correspond à la zone A sur l'image ci-dessus).

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Présentation globale de l'image

Contexte
L’Amazonie fait l’objet de nombreuses convoitises. La volonté du Brésil de devenir un géant mondial de l’agro-alimentaire a transformé les caractères de la déforestation. Initialement l’Amazonie brésilienne a été l’objet d’une colonisation de petits exploitants sous l’impulsion du régime militaire en place de 1964 à 1985. Motivée par une volonté d’occupation du territoire et d’un déplacement des populations pauvres du Sertao vers un front pionnier amazonien, la colonisation se fera à l’aide de la mise en place d’un réseau routier amazonien dès les années 1970 par la junte militaire. 
Il en résulta progressivement l’exploitation des ressources naturelles par des industries minières et forestières demandant une main d’œuvre bon marché. Parallèlement les gouvernements successifs encouragèrent l’agriculture et surtout l’élevage, sous la forme de fazendas, remplaçant progressivement les petits exploitants, plus ou moins pacifiquement, surtout au sud du territoire amazonien. Avec le développement du Brésil et la mondialisation, la culture intensive du soja, pour nourrir essentiellement le bétail européen et chinois, et ensuite de la canne à sucre, soutenue par l’effervescence des agro-carburants et leur culture, se sont aussi intensifiées. Ce développement a demandé une grande quantité, en augmentation constante, d’intrants pour compenser la perte de fertilité des sols due à l’intensification et à l’érosion qui en découlent en particulier dans les grandes exploitations, les petites étant peu consommatrice d’intrants. La consommation d'engrais minéraux NPK du Brésil représentant 6% de la consommation mondiale. 
Les parcelles étroites, défrichées par des paysans modestes, greffées en lanière sur les axes routiers cédant progressivement  la place à de vastes étendues, exploitées par de grandes exploitations liées au marché mondial..
Aujourd’hui la part des superficies agricoles continue de s’accroitre au détriment des forêts qui continuent de régresser,   alors que le Brésil fait partie des 17 pays à la plus forte biodiversité dans le monde.
Evolution récente de la déforestation : le cas de l’Etat du Rondônia
L’Institut national sur la recherche spatiale (INPE), a évalué qu’en 2016, la déforestation légale amazonienne a fait  un bond de 29 % par rapport à 2015, dont +17% en 2016 pour le Rondônia.  Ceci sous la pression des lobbies agraires brésiliens et étrangers. Cette déforestation est faite au profit de la production de soja et de l’élevage extensif de bovins. Il faut y ajouter l’impact des infrastructures (barrages hydroélectriques, routes, ports, aéroports). Dès 2012 l’agro business a fait modifier le code forestier pour déboiser légalement et régulariser la  déforestation illégale. Aujourd’hui les responsables politiques brésiliens maintiennent  que la déforestation est contenue, ceci pour rester dans le cadre de la COP21, mais la Norvège, premier financeur  pour la protection de la forêt amazonienne, a annoncé que ses subventions étaient divisées par deux en 2017.

Zooms d'étude 

 

La colonisation du rondônia

 

Le rondônia en 2000

Alors que les premiers arrivants venaient par les fleuves, à dater de l’ouverture de la route BR 364 partant du Mato Grosso jusqu’à Porto Velho,  la progression de la déforestation, dès les années 70/ 80, se fait prioritairement à partir des réseaux routiers (ici la route 429) et des layons forestiers plus ou moins perpendiculaires, donnant cette analogie en « arête de poisson ». Ainsi « un axe principal, la route, dessert des « lignes » le long desquelles on trouve des lots réguliers qui sont clairement délimités (50 ha par ex) ». Cette dynamique est donc liée à une pratique agricole de petits exploitants.  Les premiers pionniers sont de petits agriculteurs sur les parcelles des zones de colonisation qui pratiquent une  mise en valeur agricole sous forme de cultures vivrières, cultures annuelles et d’élevage. Durant cette période on constate un accroissement démographique considérable de l’ordre de 330 % entre 1950 et 1996. Ce type de front pionnier laisse encore des parties de forêts primaires plus ou moins vastes entre les lignes de pénétration, voir des zones entières de forêt épargnées. Les principales cultures pour la zone de la ville de Seringueiras, en dehors de l’élevage, sont jusqu’à la fin des années 90 le blé, le riz, le café, puis modestement les cultures vivrières (manioc, haricots, bananes). 

Mais assez rapidement la spéculation foncière et l'extension des réseaux routiers pour pénétrer plus largement  la forêt et coloniser l'espace forestier vont laisser la place à de grandes exploitations (les fazendas) de plusieurs dizaines de milliers d’ha, aux parcelles géométriques, et ne conservant que quelques lambeaux forestiers (dont des forêts galeries le long des cours d’eau). Ces grandes fermes sont dédiées à l’élevage et à l’agriculture (cf. ci-dessous image Pléiades de mai 2015).

 

Le rondônia en 2006

L’analyse comparée de deux images SPOT4 de 2000 et 2006 de la région de la ville de Seringueiras montre une déforestation quasi-totale en 2006 avec mise en culture ou en pâture, et des lambeaux forestiers subsistants essentiellement le long des fleuves, et en limite de la réserve naturelle (zone 1). 
Sur l’image de 2000 on distingue nettement l’axe de communication principal et les axes secondaires avec la déforestation en « peigne ». Les taches rouges foncées sur les deux images correspondent à la forêt primaire, et les taches en rouge très clair aux cultures ou pâtures, le jaune vert (image 2000)  ou le gris vert  (image 2006) aux sols nus. 
Sur l’image SPOT de 2006, on voit à proximité de la ville et toujours à partir du réseau  routier  un petit parcellaire qui subsiste avec toujours une structure en peigne densifiée. 
Au contraire ailleurs ce sont de grandes parcelles inscrites  dans des formes géométriques de type nord-américain qui ont remplacé la forêt. 
En 2 se trouvent les zones qui ont été conquises entre 2000 et 2006. On constate qu’il en résulte essentiellement de grands parcellaires, voire de très grands parcellaires en particulier dans la partie sud.  La zone de réserve écologique (1) reste protégée.

  

 

 

 

une comparaison spot4/pléiades

 

La localisation de la zone d'étude

L’image Pléiades a été acquise en 2015,  année de pleine reprise de la déforestation.  Son positionnement sur l’image SPOT 4 de 2006 est localisé dans la partie où a lieu le  défrichement en grands parcellaires. Les vignettes ci-dessous mettent en évidence la réalité du défrichement et l'impact du développement de l'activité agricole sur les terres de forêts.

Une image Pléiades ne couvre qu’un champ de 20*20 km alors que les images SPOT 4 et 5 couvraient 60*60km. L’image Pléiades  a été enregistrée  en résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. Les  images sont restituées en  composition colorée « fausse couleur » qui permet de mettre en évidence l’information enregistrée par les satellites dans le Proche infra-rouge. Cette composition  donne une information supplémentaire à celle de l’œil humain. La couleur rouge correspond à des zones couvertes   de végétaux ayant une activité chlorophyllienne, la couleur verte  clair à très sombre correspond à des surfaces de sols nus plus ou moins humides. Le bleu très foncé à noir à des cours d’eau. 
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site Enseignants et Médiateurs du CNES à la rubrique Terr’Image.

 

une triple image

Comparaison de  l’occupation des sols sur une  même zone sur  les images de 2000, 2006 et enfin 2015. On se repérera à la zone 1 entre les deux rivières pour mesurer l’importance de l’évolution et la disparition quasi-totale de la forêt primaire.

 

 

Les changements de destination dans l'occupation des sols

 

L'orientation agricole des terres déboisées

L'identification des principaux types d’occupation des sols sur l’image Pléiades de 2015 met en évidence les défrichements et un exemple d’élevage extensif de bovins.
En 1 le sol nu apparait en vert et les alignements parallèles sont les tas de bois et racines  (andins) résultat du défrichement. Les cultures (souvent du soja) apparaissent en rouge plus ou moins dense (2). 
Entre la zone  en cours de défrichement  et celle en culture, une forêt galerie longe le cours d’un rio. Les arbres apparaissant  en violet sont dans la partie la plus marécageuse le long du rio. 

 

Le développement de l'elevage extensif

On voit sur la vignette une partie de la propriété de l'Hacienda São Miguel do Guaporé  localisée en 62° 58’ 9’’Ouest/ 12°02’6’’sud. La précision de la résolution des satellites Pléiades permet de mettre en évidence des détails de son fonctionnement.
Ainsi cette hacienda est caractéristique de l’élevage extensif du sud Rondônia, considéré comme responsable de 80% de la déforestation. On identifie  les enclos pour regrouper le bétail. On peut distinguer celui-ci  sous la forme de petits points blancs en 1. Il s’agit de bovins. Le troupeau brésilien est estimé à 80 millions de têtes en 2015

 

 

Ressources complémentaires

 

   [Accéder à la traduction du dossier en espagnol]


François-Michel Le Tourneau, « Le Brésil maîtrise-t-il (enfin) la déforestation en Amazonie ? », Cybergeo : European Journal of Geography ; 2015 © CNRS-UMR,Géographie-cités. (http://journals.openedition.org/cybergeo/27325)

Contributeur

Michel Vauzelle, professeur d'Histoire et Géographie - Ancien chargé de mission CNES