Le tourisme constitue pour les Seychelles une porte ouverte sur la mondialisation et assure une relation au monde qui lui aurait été difficile d’obtenir sans le développement de cette activité. En effet depuis l'indépendance de 1976, cette activité a constitué une base de développement économique (30% des habitants vivent du tourisme). Les choix politiques d'influence marxiste avait conduit à privilégier des structures d'Etat pour développer cette activité dans les années 1980. Cependant les évolutions du régime et la progressive libéralisation font des Seychelles un territoire de plus en plus ouvert au monde, aux touristes et aux groupes financiers étrangers.
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Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 31/08/2014. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m
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Un archipel de l'Océan Indien
A quelques 1800 kilomètres au large des côtes de Tanzanie et du Kenya, Mahé constitue l'île la plus grande et la plus peuplée de l'archipel des Seychelles. Mahé, Praslin et La Digue sont des îles d'origine granitique et sont appelées les îles intérieures ou les îles du Nord. Elles couvrent un peu plus de 50% de la superficie de l'archipel (244km² sur 455km²) mais regroupent plus de 97% des 95 000 habitants des Seychelles. Les autres îles sont d'origine corallienne et la plus éloignée, Aldabra, se trouve à 1200km de Mahé. Elles constituent le groupe des îles extérieures et ne sont quasiment pas habitées. La ville de Victoria est sise au Nord-Est de l'île de Mahé et, si elle est la ville la plus peuplée du pays (une peu plus de 30 000 habitants), elle n'en demeure pas moins une des plus petites capitales des îles de l'Océan Indien.
Un passé colonial
L'histoire des Seychelles a été marquée par la colonisation puisque l'on ne trouve pas de traces de passage ou d'occupation humaine antérieurs au XVIème siècle (malgré quelques lignes dans des manuscrits arabes). Le premier récit occidental à mentionner leur existence est réalisé par Vasco de Gama en 1502. Il nomme cet archipel les îles Amirantes. Dans les années 1740, des expéditions françaises menées depuis les Mascareignes sous l'impulsion du gouverneur Mahé de la Bourdonnais commencent à véritablement s'intéresser aux Seychelles et à en envisager l'exploitation. Cette mise en valeur sera poursuivie dans la décennie suivante et ce groupe d'îles y gagnera son nom, donné en l'honneur du Contrôleur Général des Finances de Louis XV, Jean-Moreau de Séchelles. Exploitées pour le bois puis pour les épices, les Seychelles deviendront colonies britanniques à la fin de l'aventure napoléonienne (elles sont cédées officiellement en 1814). En 1976, le pays accède à l'indépendance et se lance dans une économie d'inspiration socialiste menée par un descendant de colons français, France-Albert René, à la suite de sa prise de pouvoir par un coup d'Etat.
Le tourisme pilier du développement
A la fin des années 1960, un tiers de la population travaille dans les plantations agricoles et l'exploitation de la cannelle ou du coprah (noix de coco). Pour autant, la taille des îles, leur aspect granitique, la présence d'îles "voisines" largement mieux pourvues en atouts et en structures agricoles ne permettent pas d'assurer la pérennité d'une activité agricole de premier ordre. Le coup de grâce de cette activité est donné par l'ouverture de l'aéroport international sur l'île de Mahé en 1971 : cette nouvelle infrastructure rompt en partie la tendance à l'isolement des Seychelles et annonce le développement touristique du territoire (voir la fiche "Les Seychelles, une île ouverte au tourisme"), une activité qui sera d'autant plus valorisée et essentielle qu'elle accompagnera les premiers pas de l'indépendance politique du pays.
Une étude en 4 thématiques
L'image satellitaire Pléiades (31/08/2014) étudiée dans cette série de 4 fiches permet donc d'étudier comment l'espace insulaire de Mahé s'organise autour de l'activité touristique : les enjeux sont regroupés en 4 séries de thématiques : la réalité de l'activité touristique des Seychelles, la nécessaire ouverture dans le cadre de la mondialisation que génère cette activité, les conséquences spatiales de la littoralisation dans un contexte de saturation des espaces côtiers, la gestion environnementale de l'activité récréative à la fois essentielle pour des enjeux écologiques et de durabilité de l'attractivité touristique.
Zooms d'étude
L'ouverture touristique, le rôle de l'aéroport
Cette image est centrée sur l'aéroport international des Seychelles, sur la façade orientale de Mahé, à Pointe Larue. Il évoque le moment clé de la consécration de l’activité touristique aux Seychelles puisque avant sa création en 1971, seuls les transports maritimes permettaient une connexion du territoire. Construit sur une zone remblayée, artificialisée et en partie gagnée sur la mer, l'aéroport de Pointe Larue va permettre le développement de la compagnie locale Air Seychelles, créée en 1976. "Les îles tropicales, très éloignées des foyers emetteurs de touristes, doivent beaucoup à l'avion" : cette citation de J.-Ch GAY illustre l'importance vitale qu'a revêtue la création de cet aéroport. Un an avant son ouverture, en 1970, le nombre de visiteurs aux Seychelles s'élevait à 1600. En 1979, ce chiffre flirtait avec les 80 000 visiteurs pour atteindre en 2016 les 304 000 touristes. Dire que "le tourisme aux Seychelles, c'est l'avion" n'est pas usurpé dans la mesure où un peu plus de 80% des flux passagers enregistrés à l'aéroport sont des visiteurs étrangers. Les transports de locaux peinent à dépasser les 15% de trafic. Cette importance est d'autant plus grande que pour des raisons d'éloignement des îles entre elles, de risques de pirateries, le tourisme de croisières se développe assez timidement dans la région.
Cet aéroport a également joué un rôle majeur dans le développement du tourisme vers les autres îles de l'archipel puisque c'est d'ici que partent les vols à destination des autres grands sites seychellois : Praslin, La Digue, Asomption qui fait partie du groupe d'Aldabra ou les îles-hôtels... Il a donc contribué à effacer le monopole touristique de Mahé qui n'accueille plus aujourd'hui que 60% des visiteurs étrangers.
Malgré ces succès indéniables liés au développement du transport aérien, la situation est loin d'être idyllique. Le trafic passager de Pointe Larue est au moins 5 fois moins important que celui de l'aéroport Sir-Seewoosagur-Ramgoolam à à l'île Maurice. La compagnie Air Seychelles présente aussi des faiblesses et opère la majeure partie de ses vols en partage de code. En 2012, elle a connu une fusion avec la compagnie Etihad Airways (qui aacquis 40% du capital de la compagnie nationale) basée à Abu Dahbi. Cette nouvelle alliance a considérablement réduit les vols directs vers les Seychelles et la plupart des voyageurs doivent maintenant passer par un hub des pays du Golfe pour se rendre aux Seychelles. Cette nouvelle tendance marque la prise d'importance des Monarchies de la péninsule arabique dans la desserte aérienne de cette région de l'Océan Indien puisque la compagnie Emirates est égalemet très présente dans les vols à direction de l'île (autour d'un tiers des vols). La desserte par les compagnies européennes s'est donc fortement réduite malgré le fait que cette région constitue pour 75% de la clientèle, l'origine géographique majoritaire des touristes.
Au début des années 2010, le gouvernement seychellois a lancé le slogan "Les Seychelles plus accessibles que jamais" (LAMY-GINNER, 2014). Il est certain que les Seychelles ne peuvent vivre du tourisme qu'en en assurant la promotion dans les pays développés ou dans les pays émergents qu'ils soient du Golfe ou d'Asie orientale. La place conséquente prise par les compagnies aériennes d'Abu Dahbi ou de Dubai en sont une preuve évidente. Pour autant, la majorité des touristes demeure encore européenne (autour de 75% des touristes). Les Français métropolitains (20%), les Italiens (15%) et les Allemands (12%) constituent les principaux contigents de touristes étrangers. Cette prédominance européenne a rendu pendant longtemps les Seychelles dépendantes de l'Europe et les années 2008-2009 ont eu des répercussions très négatives : la réorientation des flux aériens vers le Moyen-Orient prend toute sa siginification dans cette volonté de rompre avec la forte domination de l'Europe et d'assurer une diversification dans l'origine des visiteurs.
L'île de sainte-anne, l'ouverture de nouvelles iles au tourisme
Si l'ouverture des Seychelles au tourisme est un enjeu majeur pour l'ensemble de l'archipel, une analyse à une échelle plus fine s'impose dans la mesure où les dynamiques actuelles du territoire conduisent à une diffusion de cette activité à une multitude d'îles. Cette dissémination de l'activité touristique se passe à la fois dans des îles très proches de Mahé comme l'image nous le montre sur Sainte-Anne seulement située à 2 km de l'île principale mais également sur des territoires beaucoup plus éloignés tels les espaces insulaires du groupe d'Aldabra (d'origine corallienne) situées à quelques 1200km de la capitale Victoria. Sur l'image, on peut voir que même si Sainte-Anne appartient à un Parc National Marin, cette protection n'a pas empêché le développement d'un hôtel de luxe dans sa partie Sud, le Sainte-Anne Resort Hotel end Spa.
Cette dissémination peut également se passer dans des territoires plus éloignés de Mahé. Dans ce cas, cette dernière a vu son statut changer. Pendant très longtemps, la présence de l'aéroport sur son territoire lui assurait d'être la destination finale des flux de voyageurs et sa connexion au monde à partir de 1971 lui assurait un quasi-monopole touristique (jusqu'au milieu des années 1980). Progressivement, de terminus aérien, Mahé s'est convertie en lieu de transit et de redistribution des touristes vers les autres îles de l'archipel. Sa mise en relation avec le monde, le développement urbain conséquent lui ont fait perdre une partie de son attrait d'île tropicale isolée. Le développement du concept d'iles-hôtels aux Seychelles est dans ce sens très éclairant : 5 îles intérieures (Bird, Denis, North, Silhouette et Frégate) ainsi que 2 îles extérieures (Desroches et Alphonse) sont aujourd'hui construites sur un mode de développement touristique original : la présence d'un hôtel très haut de gamme (de 500 à 1500 euros la nuit) promouvant (à tort ou à raison l'écotourisme), de taille réduite, valorisant l'isolement et la vie insulaire en autonomie (groupe électrogène par exemple). L'accès n'est possible qu'en petits avions ou en hélicoptères (1500 euros l'aller-retour vers Mahé). Cette tendance à la surinsularisation touristique fait donc des petites îles les lieux d'un tourisme grandissant et luxueux, Mahé devenant une destination plus commune.
Une précision : l'île de Sainte-Anne présente sur cette image, même si elle valorise touristiquement sa surinsularité vis-à-vis de Mahé de la même manière, n'est pas une ile-hôtel. L'image Pléiades étudiée dans ces fiches ne couvre pas la zone des îles-hôtels.
Des IDE touristiques aux seychelles
Pendant très longtemps, le propriétaire de l’hôtel Sainte-Anne Resort Hotel and Spa a été le groupe mauricien Beachcomber, filiale de la société News Mauritius Hotels Limited (NMH) dont les actifs sont cotés en bourse à Port-Louis. Cette présence d'une transnationale touristique mauricienne dans le développement de cette activité aux Seychelles était une preuve de la puissance acquise par l'île Maurice à partir du début des années 1970. Ces investissements étrangers dans le tourisme ont été encouragés par les évolutions récentes des orientations politiques des autorités seychelloises. La crise de 2008, en partie en raison des répercussions dramatiques sur son principal foyer de touristes, l'Europe, ont conduit l'archipel au bord de la banqueroute. Les autorités ont donc décidé de mener un vaste programme de libéralisation économique encourageant les arrivées d'IDE étrangers dans les secteurs-clés (les structures hôtelières ou les partenariats dans les compagnies aériennes). Cette nouvelle politique explique les chiffres croissants de fréquentation touristique depuis le début des années 2010 (304 000 touristes en 2016 avec des taux d'augmentation de 10 à 11% tous les ans depuis 2012).
Depuis le mois de novembre 2017, le Club Med sous pavillon chinois a passé un accord d’exploitation avec NMH pour l’exploitation de l’hôtel présent sur cette image. Il devrait être une destination du Club à horizon 2020 et la société communique déjà sur les prestations haut de gamme de ce futur établissement classé 5 Tridents. L’arrivée d’un groupe désormais sous pavillon chinois montre 2 phénomènes distincts : la poursuite de l’ouverture aux capitaux étrangers de l’activité touristique aux Seychelles mais également traduit le souci des autorités de promouvoir leurs îles dans d’autres régions où le tourisme devient fondamental en raison de l’augmentation du niveau de vie d’une partie de la population.
D'autres fiches Geoimage sur les Seychelles
Les Seychelles, un archipel touristique dans l'Océan Indien
Les Seychelles, une île face à la pression foncière touristique
Les enjeux environnemetaux du tourisme aux Seychelles
Ressources complémentaires
Gay Jean-Christophe, « Tourisme, politique et environnement aux Seychelles », Revue Tiers Monde, 2004/2 (n° 178), p. 319-339. DOI : 10.3917/rtm.178.0319. URL : https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2004-2-page-319.htm
Marie-Annick Lamy-Giner, « La desserte aérienne de deux petits Etats insulaires : les Seychelles et Maurice », Cybergeo : European Journal of Geography [Online], Space, Society,Territory, document 690, Online since 08 October 2014, connection on 20 June 2018. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/26490 ; DOI : 10.4000/cybergeo.26490
Contributeur
Vincent DOUMERC, professeur agrégé de géographie, Lycées Saint-Sernin et Fermat (Toulouse)