Bretagne. Le Golfe du Morbihan : un système exceptionnel, entre fortes pressions, aménagement et développement durable

Au sud de la Bretagne se déploie sur 115 km² un système exceptionnel : le Golfe du Morbihan. Créé par la sensible remontée du niveau matin au début de l’Holocène, il constitue un espace littoral privilégié de contact et d’interactions entre terres et mer. Très humanisée, ce système régional présente un équilibre fragile sous fortes et multiples pressions concurrentes (urbanisation, agriculture, pêche, tourisme). Il bénéficie d’un certain nombre de dispositifs tendant à maîtriser les enjeux terrestres et maritimes du golfe et de ses rivages.

 

Légende de l’image satellite

 

Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 3 juin 2013. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l'image globale

Le Golfe du Morbihan : un espace exceptionnel

  Le plus grand golfe de la côte atlantique française

Nous sommes ici dans le sud de la Bretagne. L’image est cadrée sur le golfe du Morbihan, d’une surface d’environ 115 km². On y distingue aisément les rivières principales qui s’y jettent, en particulier la rivière d’Auray à l’ouest, ainsi que la presqu’île de Rhuys qui l’isole du large. Car le golfe est la petite mer, Mor bihan en breton, facile à distinguer de la grande mer, Mor braz.  

Comme nous sommes sur une côte au marnage marqué alors que le golfe est d’assez faible profondeur (23 m au maximum), l’estran - l’espace alternativement découvert et couvert par les marées - est très étendu, en particulier dans sa partie orientale. On distingue bien de vastes vasières et la présence de nombreuses îles (autant qu’il y a de jours dans l’année selon un diction local, en réalité une quarantaine, les principales étant l’île aux Moines en forme de croix et l’île d’Arz).

Les courants de marée sont forts, voire très forts dans le goulet qui permet au golfe de communiquer avec le large (Port Navalo). C’est du reste au point de remontée ultime de la marée que se sont fixées les villes (Auray et surtout Vannes), alors que les bourgs dans un espace rural très peuplé procèdent d’une autre logique d’implantation.

Un héritage des variations du niveau marin

Dans une zone déjà structuralement déprimée, les rivières ont creusé leur vallée lors de la dernière glaciation würmienne en équilibre avec un niveau marin beaucoup plus bas que l’actuel. C’est avec le début de l’Holocène et la remontée du niveau marin par eustatisme que ces vallées ont été progressivement ennoyées, selon le principe des rias, tel qu’on peut les rencontrer en de maints endroits des côtes atlantiques européennes. Seuls les interfluves sont restés émergés pour se transformer en îles, alors que les zones basses ont été progressivement colmatées pour donner des vasières dans lesquelles se succèdent des parties végétalisées (schorres) et dénudées (slikkes).

A noter que la zone continue à subir l’ennoiement, cette fois-ci par subsidence du socle, qui continue de s’enfoncer très lentement. Comme l’attestent les traces ennoyées de sites mégalithiques ou des monuments du même type dans des îles initialement rattachées au continent (Gavrinis par exemple, au débouché de la rivière d’Auray).

Par ailleurs, il est facile de remarquer que les côtes interne du golfe sont très festonnées, alors que la côte externe (Mor braz) est soumise à une énergie marine plus importante, débouchant sur un littoral plus régularisé, entre des parties rocheuses et des plages relativement étendues.

Un vide très relatif au milieu d’un espace très humanisé et touristique

Le vide apparent du golfe tranche avec la suroccupation des terres encadrantes. Le bocage à larges mailles fait alterner parcelles labourées et surfaces toujours en herbe, suggérant l’existence de systèmes de culture complexes dans cette région traditionnellement tournée vers l’élevage.

Quelques bois subsistent au hasard des espaces non défrichés. Les nombreux bourgs ont grossi avec l’arrivée des populations périurbaines et le développement des résidences secondaires. Celles-ci forment presque un front continu d’urbanisation sur la côte de la presqu’île de Rhuys.  

L’unité urbaine de Vannes (près de 80 000 hab. en 2015), campée sur sa position de carrefour et ses fonctions préfectorales, a largement débordé sa commune-centre (un peu plus de 53 000 hab.). Par contraste, le golfe semble vide mais ce n’est qu’une impression : la pêche et surtout la conchyliculture y sont très présentes et elles doivent partager les lieux avec un fort développement du nautisme, pour lequel des ports se sont équipés, voire ont été créés, comme au Crouesty à l’extrémité de la presqu’île de Rhuys (1500 places).

Les îles sont en situation intermédiaire : certaines sont inhabitées ou sont des propriétés privées, d’autres disposent d’une population suffisante pour justifier de la présence de communes indépendantes comme l’Ile aux Moines et l’Ile d’Arz. Leur population, laminée par un très fort exode rural, est aujourd’hui stabilisée. Elle est surtout submergée par la marée touristique de la période estivale.

Un équilibre fragile sous fortes pressions à préserver

La variété des paysages, la richesse des milieux naturels qui attirent de nombreux oiseaux (anatidés, échassiers), la pression de multiples usages parfois antagonistes explique que le golfe du Morbihan ait fait l’objet de nombreuses mesures de protection.

Aux réserves naturelles (comme celle des marais de Séné au sud-est de Vannes) ou aux sites faisant l’objet d’arrêtés de protection de biotope (nombreux dans la partie orientale où il convient de protéger des herbiers de zostères), s’ajoutent des protections à l’échelle du golfe (Natura 2000).

Par ailleurs, un schéma de mise en valeur de la mer a été adopté en février 2006, alors qu’un Parc Naturel Régional, créé en octobre 2014 sur 920 km², entend maîtriser les enjeux terrestres et maritimes du golfe et de ses rivages.


 

Contributeur

Jacques GUILLAUME, Professeur émérite, Université de Nantes