Manaus est, avec presque 2,2 millions d'habitants, la 7e ville du Brésil. Elle est située exactement là où – pour les Brésiliens – commence l'Amazone, ou Rio Amazonas. Le thème de l'eau y est omniprésent, sous toutes ses formes. Elle possède un patrimoine historique qui date du boom du caoutchouc, aujourd'hui menacé. Elle a connu de profondes mutations récentes liées à l'implantation de sa zone franche industrielle et à l'implosion urbaine de l'État d'Amazonas.
Légende de l’image
Cette image de Manaus, dans le nord-ouest du Brésil sur les rives du río Negro, a été prise par un satellite Sentinel-2 les 29 et 31 août 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
Ci-contre, la même image présente quelques repères géographiques de la région. Il est interessant de constater la naissance de l’Amazone par la fusion des eaux du Rio Negro et du Rio Solimoes à l’aval de Manaus.
Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2019, tous droits réservés.
Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Manaus, au cœur de l’Amazonie
Un site de confluence exceptionnel
Manaus est située en Amazonie brésilienne, et son site est facile à caractériser, à la « rencontre des eaux » (encontro das águas) du Rio Negro et du Solimões, là où – pour les Brésiliens – commence l'Amazone, ou Rio Amazonas. La confluence est en face de la ville et la « rencontre » des eaux sombres du Rio Negro et des eaux claires du Solimões, qui se mêlent progressivement, est une de ses principales attractions touristiques.
Outre ce phénomène majeur et l'île du Careiro, on distingue bien sur l'image les principaux équipements urbains : l'aéroport, la zone industrielle, le campus de l'université fédérale, la zone militaire du CIGS et le nouveau pont sur le Rio Negro. On voit aussi que la forêt commence immédiatement aux portes de la ville, et même dans la ville avec la réserve Ducke dont le tracé rectiligne permet de voir qu'elle est parfaitement respectée.
Sur la vue satellite, le campus de l'université (Campus UFAM) est au premier plan, ses bâtiments sont insérés dans une forêt bien préservée. Au milieu de l'image se trouve une partie de la zone industrielle (Distrito Indusrial 1) et, à l'arrière-plan, la rencontre des eaux entre le Rio Negro, aux eaux effectivement très sombres comme en témoigne l’image, et le Rio Solimoes, aux eaux beaucoup plus claires.
Manaus, au bord de l'Amazone
Photo 1. Manaus, au bord de l’Amazone : le Distrito Indusrial 1 et au loin la rencontre des eaux (ou figure 3, fournie par auteur)
Le poids des héritages
Manaus n'a été fondé qu'au XVIIe siècle, mais elle possède un patrimoine historique qui date de la période du boom du caoutchouc, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, où elle a eu une brève période de prospérité avant que les prix ne s'effondrent avec l'entrée en production des plantations asiatiques. Son monument le plus connu est son opéra, le Théâtre Amazonas, où se sont produits Caruso et Sarah Bernhardt ; il est aujourd'hui entouré d'immeubles modernes entre lesquels sont dôme doré apparaît à peine.
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Photo 2. Le Théâtre Amazonas, au cœur de la ville historique (ou figure Opéra, fournie par auteur)
Ce patrimoine est plus ou moins bien entretenu, et si les palais officiels et quelques-unes des belles maisons de l'époque ont été soigneusement rénovés, d'autres sont à l'abandon et se dégradent rapidement sous le climat hyper humide de l'Amazonie.
Un patrimoine plus ou moins bien entretenu
Photo 3. Un patrimoine plus ou moins bien entretenu (ou figure 5, fournie par auteur)
Que d’eaux, que d’eaux : entre pluies et fleuve
Le thème de l'eau est omniprésent à Manaus, sous toutes ses formes. Les pluies sont presque quotidiennes, ce qui explique les grandes difficultés rencontrées pour obtenir cette image satellitale sans couvert nuageux. Ces pluies sont souvent très violentes et les bâtiments de l'université sont, par exemple, conçus de façon qu'étudiants et professeurs puissent circuler à l'abri.
La ville vit au rythme de la montée et de la descente des eaux du fleuve, qui a une amplitude de plus 12 mètres selon les saisons. Ce qui est tout à fait considérable. Dans ces conditions, le port est en grande partie constituée de caissons flottants et sur le mur d'une de ses parties fixes sont enregistrés les niveaux de crue atteints dans les années passées.
Pluies et crues
Photo 4. Pluies et crues (ou figure 6, fournie par auteur)
Une ville en mutations
Après le boom puis une longue stagnation, la ville a connu de profondes mutations depuis les années 1970, qui ont creusé les différences entre les quartiers. Près du fleuve et de ses affluents, les quartiers populaires sont constitués de maisons installées de façon précaire sur les berges ou sur pilotis. En revanche, les nouveaux quartiers - comme celui de Ponta Negra, proche du nouveau pont sur le Rio Negro - sont formés d'immeubles modernes, souvent enclos dans des quartiers privés (« gated communities », en anglais).
Anciens et nouveaux quartiers
Photo 5. Anciens et nouveaux quartiers (ou figure 7, fournie par auteur)
Une partie des quartiers construits sur pilotis – les palafitas - a fait l'objet d'une rénovation drastique : leurs baraques de bois ont été rasées, les igarapés - petits affluents du fleuve - au bord desquels ils étaient construits ont été rectifiés et l'on a construit sur les routes qui les recouvrent de petits immeubles collectifs en briques.
Rénovation des palafitas
Photo 6. La rénovation des palafitas (ou figure 8, fournie par auteur)
Ces rectifications de la ville ancienne sont toutefois peu de choses par rapport - en superficie - à la rapide croissance des banlieues nées de l'implosion urbaine de l'État d'Amazonas. La plupart des villes et bourgades de l'intérieur se dépeuplent à mesure que leurs populations migrent vers la capitale, attirées par les emplois qui y sont créés ou au moins, si ceux-ci ne sont pas accessibles, aux services qu'offre la ville. Comme le montre l’image, elles s'étendent désormais loin vers le nord.
L’immense étendue des banlieues
Photo 7. L’immense étendue des banlieues (ou figure 9, fournie par auteur)
Zooms d’étude
Les zooms d'étude présentés sont ici de deux types différents : un zoom arrière pour situer Manaus dans son contexte et un zoom avant pour y voir la « zone franche » (Zona Franca) dont le développement a été, et est encore, le motif principal de sa croissance.
Le contexte régional : une ville de confluence au cœur de la forêt amazonienne
Repères géographiques
Cette mosaïque d'images satellites permet de couvrir une très large surface et donc de situer la ville dans son contexte régional en montrant quel point il s'agit d'un isolat urbain dans un ensemble forestier et fluvial de très grande ampleur.
Le lit majeur du fleuve est occupé par d'immenses plaines alluviales, qui couvrent au total plus de 600.000 km² dans la partie brésilienne du bassin amazonien, soit plus que la superficie de la France. Elles sont appelées en portugais várzeas. Y alternent des îles, souvent temporaires constamment remaniées par les crues du fleuve, et des lacs aux eaux claires, quand ils sont périodiquement enrichis par les alluvions, ou aux eaux sombres, quand ils sont coupés du cours principal et que les sédiments s'y sont décantés. Sur les zones les plus exondées, des forêts ont eu le temps de pousser, alors que les parties basses sont marécageuses ou au mieux couvertes de graminées et de plantes aquatiques.
Les várzeas proches de Manaus
Photo 8. Les várzeas proches de Manaus (ou figure 10, fournie par auteur)
Ces várzeas sont différentes selon qu'on est en amont et en aval de la ville, sur le Rio Negro ou sur le Solimões. La proportion des terres émergées et de l'eau peut-être très différente, et la composition des îles varie avec le substrat géologique.
Dans certaines parties du Rio Negro des plages de sable blanc peuvent apparaître, en fort contraste avec les eaux sombres, et former des îles temporaires aux formes changeantes, comme celle de la figure 11, en forme de cœur.
Les várzeas du Rio Negro
Photo 9. Les várzeas du Rio Negro (ou figure 11, fournie par auteur)
En fonction de ces conditions locales très différenciées, la nature des forêts qui s'y développent est elle aussi très diverse. On distingue habituellement trois grands milieux spécifiques : la forêt constamment inondée, dite d'igapó ; celle de várzea, adaptée aux alternances de crue et de retrait des eaux, et enfin celle de terra firme (terre ferme), jamais atteinte par les inondations. Elle se développe donc plutôt sur les interfluves et c'est elle qui occupe la plus grande part des surfaces du bassin, la seule aussi où puissent se développer de très grands arbres.
Igapó, várzeas et terra firme
Photo 10. Igapó, várzeas et terra firme (ou figure 12, fournie par auteur)
La Suframa, zone franche de Manaus
Zoom d'étude 2
Le deuxième zoom est centré sur la zone industrielle et la rencontre des eaux. Tant l'image satellitaire que la vue aérienne montrent une des zones industrielles de la Zone Franche qui s'est développée sur le bord même du fleuve, là où les eaux sombres du Rio Negro se juxtaposent aux eaux claires du Solimões.
La présence un peu incongrue de cette zone industrielle au cœur de l'Amazonie s'explique par la décision politique prise sous le régime militaire (1964 à 1985) d'installer à Manaus une zone franche où l'on pouvait importer des marchandises venues de l'étranger sans payer les taxes d'importation qui à l'époque était très élevées.
Les produits finis élaborés à partir des matières premières et des pièces détachées ainsi importées étaient considérés comme fabriqués au Brésil et pouvaient être vendu sans taxes dans le reste du pays. On a donc vu s'y développer des usines produisant des appareils électroménagers, des télévisions, des chaînes à haute-fidélité puis plus tard des ordinateurs, du matériel téléphonique et des motos.
Manaus
Photo 11. La zone industrielle vue d’avion : résidences, usines et rencontre des eaux (ou figure 15, fournie par auteur)
C'est notamment le cas de l'usine Honda – un groupe automobile japonais - dont la photo 12 donne une vue au sol. Elle donne une image inattendue de l'Amazonie, bien différentes de celles que pourrait prendre à quelques kilomètres de là, dans les várzeas où dominent encore une nature presque intacte.
L’usine Honda et le logo de la Suframa
Photo 12. L’usine Honda et le logo de la Suframa (ou figure 16, fournie par auteur)
Images supplémentaires
La naissance de l’Amazone par la fusion des eaux du Rio Negro et du Rio Solimoes à l’aval de Manaus.
Confluent Rio Negro et Rio Solimoes
Les images satellites ci-contre ont été prises par un satellite Sentinel-2
Crédit : European Union, contains modified Copernicus Sentinel data 2020, processed with EO-Browser
Indice : NDWI
NDWI pour "Indice d'eau par différence normalisée" est utilisé pour la cartographie des masses d'eau (en bleu sur l'image)
Indice : BSI
BSI pour "Barren soil index" ou indice de sol nu est utilisé pour différencier la végétation (en vert) des autres éléments constitutifs du paysage (le sol nu ou surface urbaine en rouge, eau en noir..) .
Indice : Agriculture
Indice utilisé pour surveiller la santé des cultures, la végétation dense (en vert) mais aussi pour cartographier les terres récemments brulées. L'eau apparait en noir.
Documents complémentaires
Hervé Théry : Brasilia : de zéro à trois millions d’habitants en soixante ans
Le Brésil, Armand Colin, 6e édition 2012, 296 pages
Atlas do Brasil, Disparidades e dinâmicas do território, (avec Neli Aparecida de Mello-Théry), Edições da Universidade de São Paulo EDUSP, São Paulo 3e édition 2018, 392 páginas
Le Brésil, pays émergé, collection Perspectives géopolitiques, Armand Colin, 2e édition 2016, 280 p.
Environnement et développement en Amazonie brésilienne, (co-auteur et éditeur scientifique), 208 pages, Belin, 1997
Le pillage de l'Amazonie (avec Jean Eglin), Petite collection Maspero n° 266, 201 pages, Maspéro, 1982.
« Les feux amazoniens mis en perspective », avec Luc Le Chatelier, La Géographie, terre des Hommes, n°1575, décembre 2019, pp. 6-9,
« Histoire d'un pionnier brésilien en Amazonie », Géoconfluences, le site expert ENS/DGESCO de géographie ISSN 2492-7775, 2016, URL
D’autres auteurs
François-Michel Le Tourneau, L'Amazonie, histoire, géographie, environnement, Paris, CNRS Editions, 2019.
François-Michel Le Tourneau, et Martine Droulers, L’Amazonie brésilienne et le développement durable, Paris, Belin, 2010, 480 p.
Martine Droulers, L’Amazonie, vers un développement durable, Paris, Armand Colin, 2004, 228 p.
Contributeur
Hervé Théry, Directeur de recherche émérite au CNRS-Creda, professeur à l'Université de São Paulo-USP