Autun : un petit pôle urbain de moyenne montagne au cœur des nouvelles relations villes-campagnes

« Ville ou campagne ? Les deux c’est mieux » est le slogan de la petite ville bourguignonne d’Autun, située dans un petit bassin intra-montagnard au pied du massif du Morvan, une moyenne montagne culminant à 901 m. L’harmonie plutôt que la dichotomie ville-campagne aurait-elle retrouvé des couleurs à Autun ?

Légende de l’image

Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 19/10/2015. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Présentation de l’image globale

Autun, un petit pôle urbain en zone de moyenne montagne

Une ville de contact entre bassin et hautes terres 

Comme le montre l’image générale centrée sur la ville d’Autun, deux zones bien distinctes sont identifiables, qui placent celle-ci au contact de deux ensembles topographiques naturels bien différenciés.

Au sud de l’image s’étend un espace de hautes terres très boisées. Ces surfaces correspondent à un plateau gréseux, premiers contreforts escarpés du massif du Morvan. Le Morvan fait partie intégrante géologiquement parlant du Massif Central et est classé depuis 1970 comme PNR (Parc Naturel Régional). Sur ce plateau boisé, on peut distinguer facilement deux couleurs de verts : le vert sombre correspondant à des implantations de résineux et le vert plus clair à des étendues de feuillus.

Augustudunum (Autun) petit pôle urbain bourguignon, d’environ 14 000 habitants se situe donc sur les premiers contreforts de ce massif du Morvan. Les pentes de ces premiers contreforts, parfois supérieures à 12 %, ont limité l’extension d’Autun vers le sud. Le rétrécissement de la ville dans sa partie haute le long d’une vallée qui se resserre et la disparition de la ville en bordure de plateau au sud de l’image en sont le témoignage.

A l’inverse au nord de l’image, le paysage est marqué par la présence d’herbages, de haies et de ripisylves, qui forment un ensemble bocager à larges mailles typique des zones d’élevage. Cette vaste plaine alluviale drainée par l’Arroux, un affluent de la Loire, correspond à la région de l’Autunois, prolongée au nord par celle de l’Auxois. Ces deux espaces - terminaisons du sud-est du bassin parisien - constituent les dépressions périphériques de l’Est du Morvan. La pente de cette dépression est faible comme peuvent en témoigner les nombreux méandres parfois recoupés de la rivière, dont un sur le bord ouest de l’image est très visible. Les risques d’inondation sont forts, car il y a une forte rupture de pente entre la dépression et le Morvan qui la domine. Comme on peut le constater l’étalement d’Autun est circonscrit entre ces deux limites bien marquées, au Nord par les hautes terres et au sud par la vallée inondable de l’Arroux

Un pôle urbain en limite de bassin versant et en marge des flux majeurs

Par ailleurs, à l’est de cette image (et en dehors) à seulement 49 km, se situe la ville de Beaune, aux vignobles de réputation mondiale et désormais inscrits depuis 2015 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Beaune se situe à la jonction de l’A6 et l’A36 par où transitent les flux majeurs Nord-Méditerranée… 

Entre ces deux aires urbaines pourtant très proches passe une ligne de partage des eaux (reliefs de côtes qui constituent les rebords du Bassin Parisien) qui bien que peu marquée est néanmoins très prégnante au niveau des relations entre ces deux bassins versants. Beaune est en effet dans la vallée de la Saône et donc du Rhône alors qu’Autun est dans la vallée de la l’Arroux, affluent de la Loire.

Un pôle urbain en perte de vitesse démographique mais qui demeure une petite capitale régionale en extension. 

Au centre s’étend la ville d’Autun. Comme beaucoup de petits pôles urbains de cette région, elle n’échappe pas à la règle et a enregistré une baisse démographique constante depuis les années 1980 (1982 : apogée de la ville avec 20 587 hab.) Aujourd’hui, avec ses 13 665 habitants, elle a retrouvé le niveau de population des années 1880… Malgré cette hémorragie, Autun demeure cependant une petite capitale régionale aux fonctions assez diversifiées, bien qu’à la recherche d’un nouveau souffle. La ville d’Autun peut se diviser en trois parties.

La partie centrale en forme de losange est délimitée par quatre points remarquables.  Une pointe Sud, constituée par la vallée qui se rétrécit vers le plateau gréseux et qui constitue le haut de la ville (Cathédrale Saint Lazare, grand bâtiment bien visible). Une pointe Nord sur un pont franchissant l’Arroux, non loin de la confluence entre l’Arroux et un de ses affluents (pont le plus au nord). La pointe Est de ce losange se situe à l’intersection entre un stade et le cimetière jouxtant le lac. Quant à la pointe Ouest elle se situe à l’autre pont sur l’Arroux. Au sein de cet espace en forme de losange l’habitat est dense. Les limites de ce losange sont parfois très visibles (quasiment rectilignes) et correspondent aux anciens remparts de la ville.

Les deux autres parties de la ville se situent de part et d’autre de ce losange.
A l’ouest apparait une extension urbaine datant des années 1960 à l’habitat plus lâche que le centre-ville, marquée également par la présence d’espaces industriels situés entre la voie ferrée et l’Arroux. Cette extension en contiguïté avec la vieille ville présente des limites assez marquées avec l’espace rural. À l’est et au nord-est du centre-ville se situe une autre extension à l’habitat encore plus lâche notamment autour du lac. Dans cette extension plus récente des années 1990, habitat urbain et champs s’interpénètrent encore. Dans l’extrémité nord et au nord-ouest de l’image on discerne nettement quelques infrastructures industrielles et commerciales.

En quoi ce pôle urbain est-il caractéristique des nouvelles relations villes campagnes ? En quoi quelques éléments notables de l’image nous permettent de discerner les perspectives d’avenir entrevues par ce pôle urbain ? Enfin à quels enjeux ou difficultés est désormais confronté cet espace ?

Zooms d’étude

 



Autun, une vieille ville antique et médiévale prisonnière de ses remparts.

Un passé gallo-romain prestigieux, un riche héritage patrimonial et touristique

La ville d’Autun est restée longtemps prisonnière de ses remparts. Ils ont été édifiés sous l’empereur Auguste entre 27 Av J-C et 14 ap J-C. La ville a alors le statut de ville impériale, elle a pour vocation de devenir une grande cité en Gaule en remplacement de la ville gauloise de Bibracte, capitale des éduens et située dans le Morvan, (à quelques kilomètres à l’ouest, au sommet du Mont Beuvray). Autun va ainsi bénéficier d’investissements importants. Des remparts (plus de 6 kms de longueur) et des travaux de terrassement colossaux vont avoir lieu, notamment au Nord de la ville pour la protéger des inondations de l’Arroux. Plus de 4 km de ces remparts sont encore très bien conservés notamment sur la partie Ouest de la ville haute.

La ville s’ouvrait sur l’extérieur par quatre portes dont 3 encore aujourd’hui subsistent La porte nord qui ouvrait sur le pont le plus au Nord de l’Arroux bien conservée et qui fait toujours office de porte. Cette porte marque le début du « Cardo ». « Le décumanus » quant à lui s’ouvrait par une porte toujours visible à l’Est de la ville. C’est dans cette partie basse de la ville que l’on peut voir le mieux l’ancien quadrillage de la ville romaine, qui a été ensuite déstructuré dans les autres parties de la ville.

En tant que ville impériale, Autun va disposer de tous les avantages. Notamment un très bel amphithéâtre (l’un des plus grands de la Gaule antique) pouvant accueillir 20 000 personnes situé à proximité de la rive ouest du lac et d’un stade. Temples, aqueducs, statuaires, monnaies sont ainsi mis en valeur au cours de fouilles archéologiques, puis exposés dans un musée. Ce passé gallo-romain prestigieux et bien conservé confère à la ville un patrimoine remarquable qui en font une ville d’Art et d’Histoire et une ville où s’organisent différentes manifestations culturelles, de congrès archéologiques autour du monde romain ou gaulois, et ce en lien avec le site archéologique européen de Bibracte.

Une ville duale au Moyen-Age
 
C’est à l’intérieur de cette ville gallo-romaine que la ville médiévale s’est surimposée avec la naissance de deux pôles urbains, encore une fois cernés de remparts. Un premier pôle urbain situé dans la partie haute de la ville sur lequel trône la cathédrale romane Saint Lazare et son célèbre tympan du jugement dernier. Il est délimité par les anciens remparts romains et par un rempart situé juste au nord de cette cathédrale. Un deuxième pôle au centre qui déstructure le plan en damier initial et dont les remparts étaient situés autour de la grande place centrale actuelle. Ce n’est qu’à l’époque moderne que cette dualité sera gommée

Une ville de formation militaire

Autun est une des six villes de France à bénéficier de la présence d’un lycée et d’un collège militaires Les infrastructures de ces deux institutions sont très importantes, le collège dans la partie nord de la ville (à l’est du pont Nord) et le lycée créé en 1886 (autrefois ancien séminaire) dans la partie sud de la ville. Il occupe un vaste espace entre une grande allée d’arbres et le grand cimetière avec une très vaste cour d’honneur. Ils étaient destinés à accueillir les enfants de troupe. Ces deux entités militaires dotées d’internats, agissent comme des enclaves car les relations établies avec l’extérieur demeurent ténues.

Densification et ouverture

Ce n’est qu’à partir des années 1950 que la ville va se densifier et sortir de ses remparts ! Sous l’effet de la croissance démographique et économique des Trente Glorieuses, plusieurs unités de grands ensembles apparaissent. L’une intramuros dans des zones réaménagées au nord du lycée militaire et accompagnée d’une zone commerciale. L’autre à l’ouest des remparts à proximité de la voie ferrée en vis-à-vis de la zone industrielle sud. Au sud de cet ensemble de logements sociaux s’est développé un vaste ensemble pavillonnaire s’étalant vers l’ouest et organisé en rayons autour d’un rond-point

Une réappropriation du lien territorial : filières bois et d’élevage

Ces dernières années, deux nouvelles activités en lien avec le territoire se sont développées. La première s’est faite autour de l’exploitation des forêts : Autun est ainsi devenue une des « gares bois » du Morvan, notamment avec la mise en place d’une grande scierie dans la partie sud de l’image le long de la voie ferrée, à l’est de la station d’épuration où l’on peut discerner sur la zone de stockage un « terril » de sciure jaunâtre ainsi que des amas de planches sciées, prêts à être expédiés. La deuxième s’est faite avec la mise en place d’un abattoir modernisé (bâtiments entourés de parkings situé non loin de la station d’épuration) destiné à drainer les bêtes issues de l’élevage local.

 

 



Le temps de l’ouverture et de l’industrie

Ce n’est qu’en 1870 qu’une ligne de chemin de fer desservira Autun, toutefois cette ligne à voie unique n’est qu’un diverticule de la ligne principale qui passe plus au sud. En effet Autun rate le tournant industriel du XIXème, concurrencée en cela par la ville du Creusot, située à seulement 28 km plus au sud et qui va concentrer les investissements. Ce n’est pas l’exploitation d’une mine de fluorine qui permettra à la ville de se développer.
 Durant les Trente Glorieuses, Autun va connaitre un nouvel essor avec l’implantation d’une usine textile (Dim), fruit d’une initiative privée, dont les installations sont nettement visibles le long de la voie ferrée au nord de l’image. Puis s’implante l’entreprise Nexans (non visible sur l’image), dans le prolongement vers le nord de la ZI de Dim. Ces évolutions de type industriels bien qu’importantes en termes d’emplois pour la ville demeurent modestes et surtout fragiles, car pouvant être facilement remises en question (cf. crise textile et délocalisations)…

 

 



Le temps de la mobilité accrue ….

La mobilité accrue liée à l’automobile et la diffusion de la consommation de masse a abouti à l’extériorisation de zones dédiées aux achats (entrepôts de formes quadrangulaires agrémentés de vastes zones de parkings).

Ces Parcs d’activités sont bien souvent mixtes, mêlant à la fois commerces (ici magasins vestimentaires et de bricolage) et activités industrielles (ici présence de deux scieries). L’une à l’ouest en bordure de route spécialisée dans la fabrication de piquets viticoles et l’autre à l’est de la zone. Il est à noter que dans ce parc d’activités a été créé un « Fab Lab » (laboratoire de fabrication numérique) destiné aux particuliers et professionnels soucieux de s’initier aux avancées autorisées par le numérique en partenariat avec 3 autres « fab lab » du Morvan (impression 3D, découpe, etc.).
 
Ces Parcs d’activités récents sont généralement aménagés le long des axes routiers à l’extérieur de la ville, car les terrains disponibles y sont plus grands, moins onéreux et facilement accessibles... Les liens avec le territoire local y sont souvent forts (ex de l’activité bois, en lien avec la forêt morvandelle, et/ou le vignoble bourguignon).

 

 



Le temps des loisirs… 

La partie est de la vile est désormais devenue une zone récréative avec - outre de nombreux équipements sportifs (stades, tennis) - la présence d’un plan d’eau artificiel, entouré d’une promenade, bordé par une grande piscine publique. Non loin de là se trouvent un golf et un centre équestre avec son manège. Par ailleurs la zone est désormais équipée d’infrastructures d’hébergement hôtelières, de campings et de restauration, d’un espace de réunion, et même d’un bowling. Le développement inhabituel de telles infrastructures pour ce type d’aire urbaine témoigne d’une nouvelle volonté affichée de développement touristique.
L’attrait de cette nouvelle zone est également marqué par l’adjonction d’un quartier pavillonnaire de standing plus élevé si l’on en juge par la présence de piscines privées nombreuses.

Le tourisme, un nouvel enjeu de développement

Les atouts d’Autun sont non négligeables, car outre son patrimoine architectural remarquable, elle bénéficie de sa situation au pied du PNR du Morvan et à quelques kilomètres des vignobles bourguignons et des flux majeurs de l’axe nord méditerranée.  Autun par la création de tous ces équipements de loisirs mise donc sur l’ouverture au monde extérieur et cherche à devenir en quelque sorte un camp de base pour touristes, alliant tourisme vert, tourisme gastronomique et tourisme patrimonial.

Pour assurer ce développement touristique, de nombreuses initiatives ont été prises avec la mise en synergies d’activités autour de l’archéologie (liens entre Bibracte ville gauloise au sein du PNR du Morvan, Alésia nouvelle attraction touristique de Côte d’Or et bien sûr Autun ville gallo-romaine). Développement de l’offre d’hébergement avec la multiplication de gites ou de B&B. Toutefois la saisonnalité de l’activité n’a toujours pas permis à la ville de regagner en dynamisme démographique, mais a fortement contribué à son extension spatiale au détriment de zones agricoles. Le pari touristique n’est pas encore gagné, car capter les flux mêmes proches, reste un défi majeur. Or les infrastructures viaires qui favorisent l’accessibilité ne sont pas en adéquation avec les ambitions affichées, et le pari de la communication quoique bien engagé demeure à ce jour encore incomplet.

Les nouvelles relations villes/campagnes : labels et ventes directes

Le slogan de la ville d’Autun nous éclaire sur les nouvelles relations villes/campagnes voulues à Autun : « Ville ou campagne ? Les deux, c’est mieux ! ». Ce slogan de marketing territorial est visiblement partagé par d’autres communes comme « La ville à la campagne » pour la commune de Chevigny Saint-Sauveur dans l’aire urbaine dijonnaise. Comment cela se traduit-il dans le paysage et dans les faits ?

Tout d’abord par la place laissée aux espaces verts (pelouses et rangées d’arbres) ou aquatiques, et par leur imbrication avec de l’habitat peu dense ou des activités de loisirs. D’autre part, l’attraction exercée par le couple nature/culture favorisant le développement du tourisme permet aux populations locales rurales de diversifier leurs activités. Elles sont à la recherche du label du PNR gage d’authenticité et de qualité : production de miel estampillé « du Morvan », de lait de jument, d’héliciculture, de safran etc.

Enfin l’Autunois et le Morvan sont des pays d’élevage traditionnellement dits naisseurs où les bêtes sont vendues très jeunes, et destinées à l’engraissement parfois dans des zones très lointaines (Italie, Maroc, Brésil, voire Polynésie !) … L’apparition d’un abattoir et la recherche de viandes authentiques ont poussé certains éleveurs à aller jusqu’à l’engraissement, pour mettre en vente directe leurs produits ou à pratiquer une sélection rigoureuse du cheptel de race charolaise (Herd book) et pratiquer désormais la vente de semence charolaise en paillettes. Ces changements profonds ont ainsi permis de stopper la désertification du Morvan, et Autun en tant que capitale régionale participe à cette nouvelle vocation des espaces ruraux alentours.

Quel avenir pour Autun et les petites aires urbaines françaises ?

Autun comme beaucoup d’autres petits pôles urbains français ne sont pas forcément des territoires sans avenir. Ils ont suivi à peu près tous les mêmes évolutions territoriales et démographiques. De leurs capacités à mettre en œuvre des projets cohérents dépend leur avenir. Ainsi Autun, malgré de nombreuses difficultés mais aussi de réels atouts, essaie de trouver de nouveaux motifs d’espoir, à travers un ancrage territorial fort (filière bois et élevage) et d’une ouverture vers l’extérieur (tourisme). Ainsi les remparts du passé pourront tomber, voire être valorisés…

 

D’autres ressources

 

Schéma de synthèse

 

Contributeur

Jacques Bourdens, enseignant au lycée Jean-Marc BOIVIN, Chevigny Saint Sauveur (21 Côte d’Or)