Fort Sumner : les cycles d’un site pionnier sur le Pecos dans le Nouveau-Mexique

Au cœur de l’hinterland étatsunien, sur les hauts plateaux désertiques du Nouveau Mexique, Fort Sumner est emblématique à la fois de l’histoire de la conquête de l’Ouest et des résistances indiennes d’un côté et des cycles successifs qui structurent les dynamiques de ces territoires de l’autre. En déclin démographique et confronté à une surexploitation des ressources en eaux, Fort Sumner est à l’image des marges intérieures délaissées et en crise qui couvrent une large partie du territoire étatsunien.

Cette image de Fort Sumner dans le comté de Baca au centre-est de l’Etat fédéré du Nouveau-Mexique a été prise par un satellite Pléiades le 29/05/2012. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

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Les vastes zones arides de l’hinterland étatsunien : les plateaux du Nouveaux Mexique

De vastes plateaux arides traversés par la Pecos River 

Comme le montre l’image, les trois-quarts de la surface sont occupés par un vaste plateau perché à 1 300 m d’altitude qui ne porte quasiment aucune végétation et où les sols sont à nu. Il est entaillé par une vallée orientée nord-ouest/sud-est qui reçoit en rive gauche une vallée sèche.  

Nous sommes ici au centre-est de l’Etat fédéré du Nouveau-Mexique, dans une zone particulièrement aride. Les précipitations y sont très faibles (250 à 380 mm/an), quasi nulles entre les mois de novembre et d’avril, et très largement récupérées par l’évapotranspiration. En effet, la moyenne élevée des températures (24,5 °C) s’explique tout particulièrement par des mois de juin, juillet et août torrides (34/35°C). 

Ce document rappelle qu’une large partie méridionale du très vaste hinterland étatsunien située à l’ouest du 100 em méridien est touchée par la sécheresse et l’aridité, voire est désertique. La densité démographique est sur le document de seulement 2,5 hab./ km2. 

La Pecos River : rivière surexploitée et conflits hydrogépolitiques

La partie centrale de l’image est organisée par une vallée étroite à l’entrée du document mais qui débouche sur un vaste bassin. Celui-ci fait au total 13 km de long et au maximum 5 km de large. Face aux étendues arides des plateaux, il apparaît comme un véritable oasis. Pour autant, le Pecos coule aux marges méridionales de celui-ci et apparaît alors comme un filet très étroit.  

Prenant sa source à l’est de Santa Fe, dans les Rocheuses, le Rio Pecos est long de 1 490 km. Il organise un bassin de 115 000 km2 avant de se jeter au Texas dans le Rio Grande dont il est un affluent de rive gauche. Mais drainant une zone continentale aux faibles précipitations, son débit est très faible (1,86 m3/s).

Celui-ci est d’autant plus faible qu’à l’amont du document deux barrages réservoirs en barrent le cours : celui de Santa Rosa à 75 km et celui de Lake Sumner à 20 km plus au nord de l’image. Les activités urbaines et, surtout, le développement de larges périmètres irrigués - qui apparaissent bien en vert sur l’image – prélèvent une très large part de ses eaux.  

Dans ces conditions, l’accès et le partage des eaux deviennent de plus en plus problématiques du fait de l’épuisement des ressources. On assiste ces dernières années à une forte montée des conflits hydrogéopolitiques entre acteurs économiques, entre collectivités locales et régionales et entre Etats (Etats fédérés, Etats-Unis/ Mexique). Lorsqu’il arrive au Mexique après avoir traversé les Etats-Unis, le Rio Grande est quasiment épuisé au grand dam des Mexicains et arrive de moins en moins à rejoindre la mer. 

Un espace en plein déclin démographique 

Face à ces contraintes naturelles, le village de Fort Sumner est en plein déclin démographique. Il est tombé de 1 900 habitants en 1950 à 915 seulement aujourd’hui, en perdant donc la moitié de sa population. Alors que 48 % de la population résidente est d’origine hispanique ou latino, 25 % de la population actuelle de Fort Sumner vit sous le seuil de pauvreté.

Si le centre du village se maintien, les phénomène d’abandon et de déprise urbaine sont bien visibles sur les marges occidentales et septentrionales de celui-ci.  

La trajectoire économique et démographique régressive de cet espace aux marges des grandes régions métropolitaines dominantes est typique de processus qui affectent aujourd’hui plus de la moitié de l’espace des Etats-Unis.  

Un site pionnier sur le Pecos : une succession de cycles 

Le village de Fort Sumner est en fait emblématique des modèles de mise en valeur adoptés par les Etats-Unis depuis le XVIIIem siècle. Nous sommes ici sur un front pionnier valorisé par des logiques de cycles débouchant sur des phases alternatives de croissance et de déclin selon la conjoncture historique, géopolitique et géoéconomique. 

Fort Sumner : un poste avancé dans les guerres indiennes

Le village de Fort Sumner, du nom d’un général de la Guerre de sécession puis des guerres indiennes, est né de la création d’un fort militaire dans les territoires du Nouveau Mexique en 1862. Il sert alors de poste avancé dans la lutte contre la forte résistance des Indiens à la conquête de l’Ouest, plus particulièrement ici à l’implantation de colons dans le bassin agricole.

Puis le général J. H. Carleton y créé la réserve de Bosque Redondo, d’une surface de 4 100 km2. Quelques 9 000 Navajos et Apaches Mescaleros y sont transférés de force, au prix de pertes considérables, et internés dans des conditions déplorables en 1863 et 1868. Si certains Apaches Mescaleros parviennent à s’échapper en 1865, les Navajos ne sont autorisés à quitter les lieux qu’en 1868 pour être transférés dans une nouvelle réserve en Arizona. 

Une fois le fort abandonné en 1869, une partie des installations est reprise par Lucien Bonaparte Maxwell (1818/1875) qui fut avec 6 900 km2 un des plus grands propriétaires fonciers de l’histoire des Etats-Unis et qui meurt à Fort Sumner en 1875. Le fameux hors-la-loi Billy the Kid y est tué en 1881. 

Dans le village, un certain nombre de petits monuments et le cimetière rappellent encore aujourd’hui cette histoire  de la conquête.  

De l’aéroport civil au militaire et la reconversion en centre de la NASA

Comme le montre l’image, un aérodrome est construit au nord-est du village dans les années 1920 par la Transcontinental Air Transport Compagny afin de servir de relais à ses vols entre les Côtes Est et Ouest du pays. La relativement faible autonomie des avions de l’époque les oblige en effet à se ravitailler en carburant dans un lieu situé en position relativement centrale. Mais la crise de 1929 provoque la faillite de la TAT et la fermeture de l’aéroport.  

Celui-ci est cependant réouvert durant le Seconde guerre mondiale par l’US Air Force, qui le rétrocède à la municipalité à la fin de la Guerre. Cette ancienne base est cependant récupérée dans les années 1980/1990 par la Columbia Scientific Balloon Facility de la NASA. Elle y dispose aujourd’hui de l’un de ses quatre sites étatsuniens pour ses lancements de ballons stratosphériques. Mais cette activité, limitée et très technique, est faiblement pourvoyeuse d’emplois. 

Complément

 

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Contributeur

Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Education nationale