Espagne - Saint-Sébastien : de la cité balnéaire à la métropole maritime

« Perle de la Cantabrique », la ville de Saint-Sébastien est d’abord connue pour être une station balnéaire de prestige. L’ampleur du patrimoine architectural ainsi que la beauté de ses plages - la Concha au premier chef - engendrent une attractivité d’échelle nationale et internationale. Mais il serait réducteur de réduire la vitalité de cette ville basque à sa seule monofonctionnalité touristique. Car, malgré la proximité de Bilbao à une centaine de kilomètres, Saint-Sébastien est un pôle urbain dynamique, capitale de la province du Guipuzcoa, et qui concentre des activités plurielles et stratégiques. A cet égard, Donostia - Saint-Sébastien en langue basque - est un bel exemple de fabrique métropolitaine en cours.

 

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Cette image de Saint-Sébastien, dans le Pays basque espagnol, a été prise par un satellite Pleaides le 11 octobre 2019.
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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Saint-Sébastien. Au-delà des logiques balnéaires, des stratégies métropolitaines

Saint-Sébastien : une station balnéaire de renom international

Un site géomorphologique complexe, des ressources touristiques majeures

Un site littoral exceptionnel. La côte basque est essentiellement rocheuse. Ici, elle est ourlée par un chaînon gréseux dont les lignes de hauteurs surplombent les eaux du Golfe de Gascogne que les Espagnols appellent Mer Cantabrique. A l’est, jusqu’à la frontière, le chaînon du Jaizkibel domine la mer de ses 541 mètres d’altitude. Il tombe littéralement dans la mer - les strates gréseuses qui assurent son armature étant par endroit quasiment verticales. Jusqu’à Saint-Sébastien, les monts Ulia, Urgull, et Igueldo encadrent la trame urbaine et la surplombent, offrant ainsi de remarquables panoramas paysagers. Côté terre, ce chaînon côtier domine un vaste couloir intérieur dans lequel se sont développés les axes urbains et de transport qui innervent la région.

Cette crête côtière n’est toutefois pas continue. Elle est échancrée par les embouchures de plusieurs petits fleuves côtiers. Ainsi, le rio Urumea rejoint la mer à Saint-Sébastien. D’autre part, ce chaînon montueux est aussi largement entaillé par de vastes rentrants maritimes.

La ville de Saint-Sébastien s’est ainsi développée le long de deux vastes baies : la baie de la Zurriola, la plus à l’est et, surtout, la baie de la Concha. Avec sa forme de coquille Saint-Jacques et son accès à la mer commandé par l’île Santa Clara, elle est devenue l’emblème du pôle touristique guipuscoan.

Ces deux baies sont séparées par l’embouchure de l’Urumea qui méandre avant de rejoindre l’Océan et par une flèche sableuse qui relie la baie de la Concha au Mont Urgull. C’est sur ce tombolo que la vieille ville de Donostia s’est érigée. Cette disposition topographique en deux rentrants maritimes séparés par une étroite bande de terre fait écrire à Jean Echenoz (Je m’en vais) que la ville est « construite sur une étroite langue de terre, de part et d’autre d’un fleuve et d’un mont qui séparait deux baies presque symétriques, cette double échancrure traçant un approximatif oméga ».

Pour autant, cette quasi-symétrie géomorphologique entre les deux baies ne se retrouve pas dans l’analyse de l’organisation de la ville. Historiquement, la ville est marquée par un phénomène de dissymétrie urbaine : c’est d’abord à l’ouest de l’Urumea que la cité s’est développée avec sa vieille ville, ses plages et ses hauts lieux touristiques historiques.

Une station balnéaire de la Belle Époque et qui a su se réinventer

Le tourisme balnéaire à Saint-Sébastien repose d’abord sur la fréquentation de la plage. La plus célèbre est celle de la Concha, au fond de la baie éponyme. Elle se poursuit vers l’ouest par la plage d’Ondarreta. Dans l’espace vécu des Donostiens, ce sont des lieux de vie incontournables où toute la diversité des habitants et des touristes s’entremêle. La plage de la Zurriola est plus excentrée. Depuis le centre-ville, il faut franchir l’Urumea pour rejoindre le quartier de Gros et son front de mer.

C’est au milieu du XIXème siècle que la station de Saint-Sébastien acquiert son prestige aristocratique lorsqu’elle devient résidence d’été de la couronne espagnole. D’abord fréquentée par Isabelle II, c’est en 1893 que la reine Maria Cristina choisit la cité basque pour y villégiaturer avec sa cour. Plusieurs édifices historiques témoignent de ce riche passé révolu, à l’image du Palais Miramar. Niché sur un éperon rocheux entre les plages de la Concha et d’Ondarreta, il est certes aujourd’hui un lieu visité pour ses expositions artistiques et ses beaux jardins mais aussi le siège du Centre de musique du Pays basque.

Le riche patrimoine architectural, notamment religieux, de la ville est une ressource touristique majeure. Les dédales de la vieille ville - la Parte Vieja - permettent d’accéder à la basilique Sainte-Marie du Chœur avec son tympan de style baroque. Le style néo-gothique de la cathédrale du Bon Pasteur peut être jugé austère et froid, mais il constitue un point de passage obligé de la visite de la ville.

Saint-Sébastien aurait pu être une belle endormie : une station au charme désuet vivant dans la nostalgie d’un passé suranné. Or, force est de constater que l’attractivité de la ville a été relancée par une série de transformations décisives qui en font un pôle touristique majeur en Espagne et qui lui ont permis d’accéder en 2016 au titre de Capitale européenne de la culture.

Ainsi la ville dispose d’un riche patrimoine muséal à la fois protéiforme et qui s’est réinventé ces dernières années. Le Musée « historique, artistique et archéologique » San Telmo renferme de multiples collections artistiques permanentes ainsi que tournantes et compile par plusieurs expositions les modes de vie ancestraux du peuple basque. Longtemps vivotant - il fut fondé en 1928, le musée océanographique du vieux port revit depuis sa rénovation en 2007 et, plus encore, depuis l’ouverture en 1998 d’un important aquarium qui recense les différentes espèces marines vivant dans le Golfe de Gascogne et qui attire plus de 300 000 visiteurs par an.

Ville de festivals, Saint-Sébastien organise tous les ans depuis 1939 la Quincena Musical. Pendant plus de deux semaines, elle accueille de prestigieux orchestres symphoniques et des solistes de renom. Ce festival de musique classique est relayé par le Festival de jazz qui, depuis 1966, est l’un des plus anciens et connus en Espagne. Mondialement reconnu depuis sa fondation en 1953, le Festival international du film de Saint-Sébastien décerne chaque année en septembre la « Concha » d’or à un film primé par un jury qui honore régulièrement des célébrités majeures.

La fête fait partie prenante de la citadinité donostienne. Tous les 20 janvier, les habitants de la ville participent à la « Tamborrada », fête de la ville célébrée au son des tambours commémorant l’occupation de la cité par les forces napoléoniennes. Au milieu du mois d’août, la « Semana Grande » est, comme son nom l’indique, une semaine de festivités notamment marquées par des manifestations qui attirent une population nombreuse et socialement diversifiée : le concours international de feux d’artifices et le toro de fuego, tous les soirs de cette semaine de réjouissances, illuminent alors les rues de la ville.

Une ville aux ambitions métropolitaines et aux nouvelles centralités intra-urbaines

Polarisation politique, projets géopolitiques et concentration des services publics

Le poids de l’autonomie. Le principe de l’autonomie politique régionale a contribué à faire de Saint-Sébastien un centre politique non négligeable dans l’architecture politique espagnole. La ville est en effet la capitale de la province du Guipuzcoa, l’une des trois provinces qui forment la Communauté autonome d’Euskadi. Cette dernière dispose de vastes prérogatives politiques entre les mains du gouvernement basque et de son Lehendakari. Mais à un échelon subalterne, les provinces disposent aussi de compétences qui échoient à la Diputación Foral. Celle de Guipuzcoa siège dans un imposant bâtiment, dominant la Plaza Guipuzcoa.

Architecturalement monumentale, la mairie est certes une attraction touristique majeure mais elle est d’abord un lieu incarnant le poids politique de Saint-Sébastien. Il est le théâtre depuis la fin du franquisme, d’une opposition entre les mouvements nationalistes basques et les partis de gouvernement espagnols, tout particulièrement le PSOE.

Concurrence et projets géopolitiques. L’histoire politique donostienne est donc marquée par une succession de maires aux revendications régionalistes marquées et d’autres plus fortement attachés au lien entre le Pays basque et Madrid. Ce fut notamment le cas du socialiste Odon Elorza, à la tête de Saint-Sébastien durant quatre mandats successifs, qui a contribué à lancer de grands projets modernisateurs pour la cité durant les années 1990 et qui fut, en 2011, sèchement battu par la liste Bildu (coalition indépendantiste) dirigée par Juan Carlos Izaguirre.

Depuis 2015, Eneko Goia, du Parti nationaliste basque (PNV), pilote la ville après avoir fait alliance avec le Parti socialiste d’Euskadi (PSE). Ce qui est indubitable, c’est que tous, avec des options idéologiques parfois radicalement opposées, ambitionnent de faire de Saint-Sébastien une métropole aux facteurs territoriaux de commandement élargis.

Santé : un positionnement spécifique. Parmi les services publics qui assurent une vraie capacité de polarisation territoriale, figurent les fonctions hospitalières. Sur la colline d’Anoeta, le grand hôpital universitaire (plus de 1 200 lits, 30 salles d’opérations) domine la ville et accueille les malades de tout Guipuzcoa (plus de 350 urgences par jour en moyenne) alors que la ville compte également plusieurs grandes cliniques privées – dans un pays où la privatisation des services de santé est dominante.

D’ailleurs, certaines d’entre elles ciblent la carte du tourisme médical international en jouant des dissymétries juridiques entre les pays sur les questions de santé, et en proposant notamment des prestations pour la PMA, la fécondation in vitro et le don d’ovocytes – en direction notamment des populations étrangères et tout particulièrement françaises.

Fonctions stratégiques et émergence d’une nouvelle centralité au sud de la ville

Commandement économique. Saint-Sébastien ne possède pas, contrairement à sa grande rivale Bilbao, d’un quartier central d’affaires digne de ce nom. Autant Bilbao a développé le long de la Gran Via et au niveau du quartier d’Abando, son Distrito central de negocios, autant Saint-Sébastien ne dispose nullement d’un tel noyau urbain de puissance économique. Pour autant, l’Avenidad de la Libertad s’est progressivement mué en artère bancaire principale. Elle porte notamment l’historique siège du Banco Guipuzcoano (institution bancaire intégrée en 2012 dans le Banco Sabadell) et concentre la plupart des sites financiers de la cité.

Cependant, l’hypercentre urbain voit son historique centralité rééquilibrée par la consolidation des zones urbaines spatialement plus périphériques et marquées par la concentration d’activités rayonnantes : Recherche Développement et Innovation (RDI) autour de Miramón, fonctions intellectuelles et administratives à Ondarreta ainsi que sur les rives de l’Urumea, polarités sportives à Anoeta.

Innovation – recherche. Ainsi, au sud de l’agglomération, sur une ligne de hauteurs qui domine la ville, au cœur d’un parc naturel, la zone technologique de Miramón peut être considérée comme le technopôle de la cité guipuscoane. Lancée en 1994 et inaugurée en 1997, elle s’étend sur 130 ha. et a pour ambition d’attirer des structures entrepreneuriales aptes à tirer la RDI de la métropole et de la région. En 2018, 131 entreprises sont implantées dans ce parc high-tech qui travaille en réseau avec les autres cités scientifiques d’Euskadi comme le Parc technologique de Alava à Vitoria, Parc scientifique et technologique de Vizcaya à Bilbao, et Pôle d’Innovation Garia à Arrasate.

Parmi les firmes présentes dans le parc figurent notamment deux des plus grandes entreprises espagnoles : Telefonica et Iberdrola. L’inauguration du IK4-Cidetec permet à la ville de disposer du 3ème plus grand centre de recherche en Europe en ingénierie des surfaces et l’implantation d’EiTB - groupe de radio et de télévision - fait de Saint-Sébastien un pôle médiatique majeur de diffusion de la langue basque.

Universités. Au Pays basque espagnol, le pôle universitaire par excellence reste Bilbao où sont implantées l’Universidad del Pais Vasco et l’Université privée catholique Deusto. Mais chacune d’entre-elles a essaimé des antennes à Saint-Sébastien. La première a son Campus de Guipuzcoa implanté dans le quartier occidental d’Ondarreta. La seconde est présente sur les rives de l’Urumea depuis 1956 et sa Business School Deusto couvre aujourd’hui 32 000 m².

Le sport. Il tient une place non négligeable dans le processus de métropolisation. D’une part, comme les activités festives, il contribue à cristalliser plus avant la cohésion de la citadinité donostienne alors que les édiles locaux présentent à l’envi Saint-Sébastien comme cité sportive (Ciudad Deportiva). Chaque année, plusieurs compétitions sportives se déroulent dans la ville, s’inscrivent dans des pratiques identitairement connotées (pelote basque) et renforcent son attractivité, à l’image de la Donostiako Klasikoa, course cycliste qui, tous les étés, attirent les cadors du peloton mondial. Et la Real Sociedad, le club de football de la ville, porte haut les couleurs guipuzcoanes dans le championnat espagnol (Liga).

Saint-Sébastien : entre connexion réticulaire et inégalités socio-spatiales

Axes et nœuds : une connexion accrue aux réseaux de transport

Parmi les ambitions métropolitaines de la ville de Saint-Sébastien, les transports ont une dimension éminemment stratégique. Les autorités politiques ont un objectif majeur pour la ville : passer d’une simple logique d’axes traversants à une dimension de place centrale dans l’organisation des réseaux – dont une partie s’articule dans une dynamique d’ouverture transfrontalière sur le pays basque français. A cet égard, l’aire urbaine est striée par une série d’axes majeurs : l’autoroute péri-littorale AP8 Irun-Bilbao, un entrelac de rocades péri-urbaines et la voie de chemin de fer Irun-Madrid.

La dimension nodale de Saint-Sébastien à l’évidence se renforce. D’une part parce qu’au sud de l’agglomération, Astigarraga et Lasarte sont des carrefours autoroutiers majeurs connectant l’AP8 à l’AP1 qui unit Donostia à Madrid. D’autre part, Saint-Sébastien est une halte importante dans le réseau des chemins de fer basque. Le chemin de fer Eusko Tren est l’héritier du réseau des Ferrocariles Vascongados lesquels ont été fondés en 1906. Géré par le Gouvernement basque, ce réseau à voie métrique repose sur une ligne principale depuis Hendaye jusqu’à Bilbao via Saint-Sébastien. Cette dernière a fait de sa gare d’Amara un élément stratégique dans la structuration de son aire métropolitaine depuis l’ouverture récente de nouvelles gares internes à l’agglomération donostienne avec les haltes d’Anoeta (1993), d’Intxaurrondo, de Lugaritz et d’Herrera (2012) ainsi que celle d’Altza (2016).

Le Topo — la taupe comme il est appelé localement puisque le réseau est marqué par de très nombreux tunnels — est appréhendé non pas comme un simple train de banlieue mais, officiellement depuis 2012, comme le métro de Saint-Sébastien avec des dessertes cadencées le long des axes de croissance de la métropole, notamment vers Pasajes-Rentería (avec la modernisation de la gare de Loiola en 2017) et vers Lasarte-Oria. Il est loin le temps où l’Eusko Tren était un chemin de fer désuet et la gare d’Amara une infrastructure vétuste. En 2017, les 29,8 km de lignes qui innervent la métropole donostienne permettent de dépasser les seules dessertes par autobus intra-urbains et sont annuellement empruntées par 11,5 millions de passagers.

Pour Saint-Sébastien, l’impératif logistique ressortit à deux enjeux qui sont en fait emboîtés. D’une part, il s’agit d’améliorer la desserte de la ville et d’éviter tout effet tunnel au sein du territoire espagnol. Car l’aéroport de Fuenterrabia qui dessert la cité est à la fois excentré (à 25 km) et modeste (320 000 passagers en 2019).

Le TAV/TGV. A cet égard, en 2024, le TAV (Tren Alta Velocidad), le TGV espagnol, connectera le Pays basque au reste du territoire. Pour desservir la ville, une dérivation sera greffée sur le futur réseau de lignes à grande vitesse en forme de Y entre l’axe Irun-Vitoria-Madrid et la branche Vitoria-Bilbao. Ce faisant, la métropole basque va profiter d’un très net raccourcissement des distances-temps : Vitoria et Bilbao ne seront plus qu’à 45 minutes (contre 1h30 aujourd’hui) et surtout Madrid ne sera plus distante que de 2h45 (contre plus de 5 heures aujourd’hui). A l’échelle du pays basque, le gouvernement d’Euskadi envisage de créer des liaisons intercités entre les villes de la région, afin de proposer des dessertes régionales dans des tarifs abordables.

(Doc 3. Le Y basque des lignes à grande vitesse du TAV espagnol)



Quant au deuxième grand enjeu des transports, il réside dans la capacité à proposer une offre multimodale dans une dimension internationale. A cet égard, Saint-Sébastien peut compter dans son environnement proche sur deux atouts non négligeables : le port de commerce de Pasajes-Pasaia et la frontière avec la France. Ce qui suppose d’améliorer constamment l’offre des réseaux de transports et de proposer des infrastructures d’accueil aux entreprises susceptibles d’être attirées par de telles aménités spatiales (voir image Pasaia).

Croissance démographique, recompositions urbaines et fragmentation socio-spatiale d’une aire métropolitaine de 460 000 habitants

La ville de Saint-Sébastien a vu sa population croître régulièrement et ce tout au long du XXème siècle. En 1910, la commune ne compte que 49 000 habitants. Dès lors, l’augmentation est franche dans la mesure où, au sortir de la Guerre civile, la cité a dépassé les 100 000 habitants. En 2000, la ville compte 180 000 habitants et en 2019, ce sont 187 500 personnes qui vivent à Saint-Sébastien. Si l’on raisonne en termes d’aire métropolitaine, celle-ci s’étend axialement à partir du pôle donostien vers Zarautz et Orio à l’ouest, vers Rentería et Irun à l’est, vers Astigarraga, Lasarte et Hernani au sud. Dans ce vaste ensemble urbain vivent 460 000 habitants

Le poids des héritages historiques. La croissance démographique de l’agglomération donostienne a généré une expansion urbaine que le pouvoir politique s’est historiquement efforcé d’encadrer. La vieille ville est clairement visible, tassée contre le Monte Urgull : l’incendie de 1813, lié aux brutales opérations de reprise en main par les forces britanniques de la cité basque contre les forces napoléoniennes, a profondément remodelé une Parte Vieja en grande partie reconstruite il y a moins de deux siècles.

Avec le XIXème siècle, Donostia connait une augmentation nette de sa population à mesure que le développement économique de la ville s’accélère. Il s’ensuit l’adoption d’une urbanisation planifiée, avec le choix d’un urbanisme régulé, privilégiant un plan en damier : l’ensanche. En 1863, l’architecte Cortazar démolit les fortifications qui ceinturaient la Vieille Ville et trace l’ensanche méridional qui jouxte les quartiers anciens. L’habitat prend la forme d’immeubles de type haussmannien, de 6 à 8 étages : la ville se densifie et s’embourgeoise à mesure que le tourisme aristocratique s’y développement. Puis, la croissance urbaine franchit l’Urumea et l’ensanche de Gros étend la ville vers l’est. Le cadre urbain du centre-ville touristique est alors posé, avec ses ponts, ses hôtels, ses immeubles luxueux. Et son cadre social élitiste également : d’ailleurs la ville reste, jusqu’à aujourd’hui, une cité bourgeoise et chère. En 2019, le prix moyen du m2 atteint 4 820 € à l’échelle de la commune, ce qui fait de Saint-Sébastien la 5ème ville d’Espagne la plus chère sur le plan de l’immobilier.

Diversifications sectorielles, fonctionnelles et urbaines. Avec le XXème siècle, la vocation économique de Donostia se diversifie, les hiérarchisations sociétales de sa population également. La ville a toujours connu en son sein une population de petites gens modestes, notamment liées à l’activité de la pêche. Car si Donostia ne possède plus que quelques bateaux de pêche dans son port accolé à la Parte Vieja, si la criée est fermée et que l’activité première du port est aujourd’hui la navigation de plaisance (avec stationnement des navires jusque dans la baie car la demande en anneaux est forte), il n’en demeure pas moins que la ville a eu une importante vocation halieutique, les Basques pratiquant naguère au large la pêche à la morue et la chasse à la baleine.

Or, à mesure que le Pays basque s’industrialise, l’agglomération de Saint-Sébastien voit sa population ouvrière augmenter dans ses périphéries et la part des classes populaires croître dans son organisation sociale et spatiale. Ainsi la construction de l’ensanche d’Amara au sud de la commune marque, avec les années 1940, une nouvelle ère pour la ville : celle d’une plus grande bigarrure architecturale et sociale. Le quartier est très quadrangulaire dans sa forme et l’habitat y est plutôt populaire, d’autant que vers le sud et au-delà de l’Urumea, la ville et ses pourtours s’industrialisent.

Grands ensembles. Car Saint-Sébastien est dotée de grands ensembles en périphérie qui densifient la trame urbaine et où s’installent des classes moyennes et ouvrières. C’est notamment le cas d’Intxaurrondo à l’est de la ville. Jusqu’à aujourd’hui, ils demeurent des zones aux indicateurs sociaux parfois dégradés mais ils n’en sont pas pour autant des aires de non-droit obérées par la délinquance ou l’insécurité.

Ils ont leur citadinité propre, avec une vie sociale active, peuvent pâtir d’un certain enclavement par rapport au reste de la cité que le manque de transport en commun accentue (se réduisant dans certaines zones aux seuls réseaux de bus de la ville) mais font montre aussi d’une capacité de résilience avérée lorsqu’ils sont l’objet de politiques de diversification fonctionnelle et de connexion au reste de la trame urbaine (Intxaurrondo, voir Zoom 2).

Gentrification du centre. En contraste avec ces périphéries aux populations plus modestes, la ville de Saint-Sébastien est une cité au centre-ville historiquement bourgeois et qui le reste (quartier Aiete). Mais surtout, aujourd’hui, elle connait un front rapide de gentrification sur certaines de ses quartiers. A cet égard, l’ensanche d’Amara a, par rapport, aux années 1940-1950, profondément changé sur le plan sociologique. Les immeubles ont été rénovés, les prix de l’immobilier se sont envolés et se sont d’abord des populations aisées qui, aujourd’hui, y vivent.

Par ailleurs, sur les hauteurs du Monte Igueldo des fermes d’élevage côtoient de grosses demeures périurbaines cossues. Toutes les hauteurs dominant la ville sont marquées par la présence d’une logique résidentielle pavillonnaire socialement d’autant plus discriminante que l’habitat urbain est très majoritairement collectif. Au contact du parc technopolitain, le quartier de Miramón-Zorroaga est l’un des plus riches de la municipalité.

In fine, Saint-Sébastien doit être considérée comme une ville dont l’envergure dépasse largement son simple cadre touristique et balnéaire. Multifonctionnelle, polarisant des activités stratégiques de commandement économique et culturel, elle est une cité attractive, rayonnante et polarisant des périphéries qui, par leurs activités économiques diversifiées, contribuent à renforcer ses dynamiques de métropolisation. En cela, l’étude de la dense aire urbaine, industrielle et logistique de Pasaia-Rentería – qui connecte la métropole au Pays basque français dans une approche transfrontalière –, le démontre indéniablement.

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1. L’hypercentre touristique : Concha, Parte Vieja, Kursaal

Un paysage iconique : la Concha et le front de plage

La Concha est le lieu emblématique de Saint-Sébastien. Cette vaste plage en arc de cercle est l'espace balnéaire par excellence de la ville. Sa longueur (1 300 mètres), le calme de ses eaux (les houles entrantes se brisent sur l’île Santa Clara) en font un espace de baignade privilégié par les familles.

Elle est ceinturée d'une vaste promenade depuis la plage d'Ondarreta jusqu'à la mairie et le Vieux Port. Large et axe traditionnel du « paseo » (la promenade) des habitants de la ville, elle est ourlée d’une balustrade monumentale côté plage, avec ses belvédères emblématiques de la ville et sa ferronnerie art déco, et de bâtiments luxueux côté ville qui donnent directement sur le front de plage, appelé Miraconcha, aux demeures et appartements hors de prix). Parmi ceux-ci figure un des hôtels les plus luxueux de la cité, l’Hôtel de Londres y de Inglaterra à la façade d’un blanc immaculé.

La mairie, avec sa façade de style Belle Epoque, fut un prestigieux casino, de son inauguration en 1887 jusqu’en 1924. Elle est aujourd’hui à la fois lieu du pouvoir municipal, centre d’exposition et lieu historique à visiter. Elle ouvre sur le « Boulevard » de la ville. Avec son kiosque à musique et ses jardins, cette place centrale, longtemps éventrée par un intense trafic de voitures et d’autobus urbains, est redevenue un des sites incontournables de la cité depuis sa piétonnisation partielle. Elle ouvre vers la vieille ville, la Parte Vieja.

Le patrimoine architectural et identitaire de la Parte Vieja

Vestige de la ville originelle dévastée par l’incendie de 1813, le Vieux Saint-Sébastien (Parte Vieja) est dépositaire de l’identité de la ville. Son dédale de petites rues, la célébrité gastronomique de ces bars à « pintxos » en font une des zones les plus prisés des touristes. Mais c’est aussi un des fiefs historiques du nationalisme basque, un des théâtres d’opération de la Kale Borroka, cette forme de guérilla urbaine menée contre les forces de l’ordre jusqu’au début des années 2000 par les nationalistes basques proches de l’organisation terroriste ETA (Euskadi Ta Askatasuna) et qui régulièrement transformaient ces quartiers en véritable camp retranché : manifestations violentes, érection de barricades, attaques contre la Guardia Civil et l’Ertzaintza (la Police basque).

Depuis que l’ETA a abandonné la lutte armée en 2011 et s’est autodissoute en 2018, le climat politique s’est apaisé. Mais le quartier reste un lieu emblématique de toutes les contestations. C’est notamment dans les rues de la vieille ville que les habitants de la ville ont manifesté, durant l’été 2017, pour dénoncer les incivilités comportementales des touristes mais, surtout, pour protester contre l’explosion du nombre d’appartements loués aux touristes via Airbnb aux dépens de la population locale – soit en moyenne 1 appartement loué pour 94 habitants. Car ces locations font monter les prix d’un marché immobilier de plus en plus excluant pour les citadins dans les quartiers touristiques de la ville.

D’autant que la Vieille ville, jadis populaire et habitée par le menu peuple des pêcheurs, s’est gentrifiée, à l’image des totales mutations fonctionnelles de deux lieux emblématiques : le port de pêche est devenu port de plaisance et la Bretxa, l’historique marché aux poissons de la ville, s’est muée en galerie commerciale dont les échoppes portent des noms de marques prestigieuses.

Saint-Sébastien : des ponts emblématiques et des hauts-lieux touristiques

Car le tourisme reste à Saint-Sébastien huppé. Au sud et à l’est de la Parte Vieja, des bâtiments de prestige le rappellent. Tout d’abord, il s’agit des ponts qui franchissent l’Urumea. Ils sont tous d’une architecture recherchée, entre Art Nouveau et Art Déco, et différente d’un franchissement à l’autre. Le pont de la Zurriola de 1921, avec ses monumentaux lampadaires surmontés de vastes globes en verre ou le pont Maria Cristina de 1905 - avec ses quatre obélisques aux formes chargées et pointant à 18 mètres de hauteur - renforcent la grande richesse patrimoniale de la ville.

Inauguré en 1912, le palace Maria Cristina constitue l’un des hôtels les plus luxueux du nord de l’Espagne. Il est fréquenté par des personnalités fortunées, notamment au moment du Festival du Cinéma ou de la Quincena musical. A quelques mètres de là, le théâtre Victoria Eugenia, de style néo-renaissance et construit en 1902, offre une remarquable continuité architecturale avec le style Belle Epoque de l’hôtel. Théâtre à l’italienne, avec balcons et loges, il a été intérieurement refait en 2007 et son acoustique a été améliorée.

Gros : une plus récente centralité touristique

A l’est, au-delà de l’Urumea, le quartier de Gros a connu une mise en tourisme accélérée depuis les années 1990. Longtemps réputée dangereuse, la plage de la Zurriola a été aménagée avec la construction d’une jetée brise-lame qui protège une partie d’entre-elle alors que le reste du linéaire sableux reste largement ouvert aux vagues océaniques : c’est un spot prisé des surfeurs de la côte Cantabrique.

Surtout, l’inauguration du Kursaal en 1999, grande salle parallélépipédique de concerts, de congrès et d’exposition picturale, a totalement redynamisé le quartier. Valorisant un espace urbain longtemps dégradé et ignoré, il s’inscrit dans la veine du mouvement de « starchitecture » (Frank Gehry) : un architecte de renom (Rafael Moneo) construisant un bâtiment aux formes à la fois dérangeantes et novatrices qui devient rapidement une icône paysagère de la ville et qui stimule les logiques de « branding » dans la promotion touristique de la station.

Le site offre à l’Orchestre symphonique d’Euskadi et à l’Orfeon Donostiarra (chœur internationalement réputé) une salle de concerts enviée pour ses qualités acoustiques. Chaque année, le site accueille des congrès internationaux. Le Kursaal génére un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions d’€ et accueille normalement plus de 150 concerts et 25 congrès majeurs par an, dont près de la moitié de stature internationale parmi lesquels la réunion du Conseil exécutif de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Il s’avère être un des emblèmes de l’ambition de Saint-Sébastien à être une métropole et une des preuves de sa réussite en la matière.

Une nouvelle centralité ferroviaire

Au sein de la ville, le quartier de la gare d’Atocha est en pleine transformation afin de moderniser le bâtiment, de l’ajuster aux impératifs nouveaux posés par l’arrivée du TAV et d’améliorer l’état des infrastructures ferroviaires. Inaugurée en 1864, la gare a joué un rôle décisif dans le développement touristique de la station.

Aujourd’hui, sa rénovation doit permettre à la fois de redynamiser le quartier d’Egia déclinant au sein de la trame urbaine et de doter la ville d’une gare de grande envergure, connectée sur un axe ferroviaire majeur. Le choix a été fait, notamment par l’architecte Jon Montero, de déployer dans l’actuelle gare des infrastructures sur deux niveaux supplémentaires et d’intégrer à des éléments architecturaux historiques (marquise métallique couvrant les quais et réalisée à la fin du 19ème siècle dans les ateliers Eiffel) des éléments aux aspects futuristes.

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 2 : Une métropole inégalitaire et socialement fracturée

Ce panorama transversal depuis le quartier d’Aiete à l’ouest jusqu’à celui d’Intxaurrondo à l’est illustre les profondes inégalités d’une aire métropolitaine qui en se gentrifiant plus avant se fragmente aussi socio-spatialement.

Aiete et Amara : entre richesse et ensanche

Surplombant la ville et la baie de la Concha, Aiete est le quartier le plus riche de la ville. Le revenu moyen annuel par foyer y atteint 89 000 € - à opposer au 24 000 € du quartier d’Altza qui jouxte la commune et le port de Pasaia. L’habitat se décline entre riches pavillons résidentiels et petits immeubles de standing. Les aménités résidentielles y sont multiples : un parc urbain arboré de 80 000 m² couronné d’un palais monumental néoclassique, naguère lieu de villégiature de la reine Victoria puis du Général Franco. Le quartier se déploie sur une butte topographique qui permet de dominer la ville. Il se distingue par une faible densité du bâti, avec une forte aération résidentielle, et une proximité réelle avec l’hypercentre urbain.

Plus à l’est, le quartier d’Amara est le prototype du volontarisme urbain qui guide les autorités municipales depuis la fin du 19ème siècle. Cet ensanche a longtemps été marqué par un habitat socialement mixte. Mais, aujourd’hui, un front de gentrification s’est enclenché : rénovation du bâti, installation de populations à hauts revenus, départ des petites gens qui habitaient le quartier (notamment des populations retraitées aux modestes revenus). Les connexions avec le reste de la ville ont été améliorées (construction du pont Lehendakari Jose Antonio Aguirre) et l’intégration dans la trame métropolitaine renforcée avec la consolidation de la Gare d’Amara comme polarité centrale du réseau Eusko Tren dans la Province du Guipuzkoa.

Urbanisation récente et quartier durable

Longtemps excentrée et marginalisée, la zone urbaine au-delà de l’Urumea connait un net regain de dynamisme. De nouveaux ponts facilitent le franchissement du fleuve : depuis 2000, ont été construits le Pont de la Real Sociedad, ainsi que la passerelle piétonne et cycliste Mikel Laboa. Celle-ci donne directement sur le quartier le plus emblématique de l’ajustement de Saint-Sébastien aux logiques d’un urbanisme plus durable : Riberas de Loiola.

Installé dans un méandre alluvial, ce quartier illustre le boom métropolitain de la ville au début des années 2000 avec des objectifs très ciblés : construction de pavillons spacieux et de petits immeubles à haute qualité environnementale, volonté de mixité sociale et fonctionnelle (construction d’une église, implantation de supermarchés), stratégie d’implantations de services administratifs polarisants (projet d’installation de la Délégation territoriale du Gouvernement basque). Bref, une nouvelle centralité intra-urbaine était susceptible d’émerger.

Mais ce quartier est aussi emblématique de la bulle spéculative immobilière sur laquelle l’Espagne des années 2000 a construit sa croissance et qui s’est brutalement dégonflée en 2009. Depuis, le quartier peine à repartir et sur les 6 000 habitants prévus à Riberas de Loiola, seuls 2 500 ont fait le choix d’y habiter.

Anoeta : infrastructures sportives et centralité méridionale

A Saint-Sébastien, le sport est devenu un puissant levier de mutations urbaines. Au sud de la ville, le quartier d’Anoeta, desservi par bus mais aussi par le Topo (depuis l’ouverture d’une gare en 1993) a été doté progressivement de plusieurs grands sites sportifs qui ont renforcé la centralité de ce quartier longtemps marginal et excentré. Parmi ceux-ci, figurent le vélodrome Antonio Elorza, les arènes d’Illumbe, le fronton de pelote basque Atano III, la patinoire du club de hockey CHH Txuri Urdin.

Mais l’infrastructure la plus imposante (clairement visible sur l’image satellitale) et de notoriété internationale est l’Anoeta Stadium (ou Reale Arena). Construit en 1993, il remplace le vieux stade de football d’Atocha enclavé dans la ville et permet à la ville d’organiser des compétitions sportives internationales qui dépassent largement le seul cadre footballistique. Agrandi en 2017, offrant jusqu’à 40 000 places, il accueille régulièrement des matchs de rugby dans le cadre de la Coupe d’Europe, des manifestations d’athlétisme (dont les championnats d’Europe junior dès 1993 pour son inauguration), mais également de nombreux concerts musicaux du show-biz mondialisé.

Des quartiers plus populaires mais en recomposition

Tranchant fortement avec le caractère bourgeois et touristique du centre de la cité, le quartier d’Intxaurrondo, dans lequel vivent 18 000 personnes, est marqué par une population qui, sociologiquement, relève des classes moyennes et populaires. Ces habitants travaillent essentiellement comme employés dans le secteur des services : économie présentielle, activités logistiques, sphère de la reproduction sociale. Ce sont aussi des ouvriers du port de Pasaia et des industries implantées dans l’arrière-pays basque. Certains indicateurs - comme une espérance de vie de 4,5 ans inférieure en moyenne à celle des populations demeurant dans le centre - traduisent des problématiques sociales réelles, de pauvreté et de précarité.

Ce quartier est révélateur des modes d’urbanisation des années 1960-1970 : nettement apparents sur l’image, des grands ensembles, avec de gros immeubles hauts d’une quinzaine d’étages, une absence quasi-totale de mixité fonctionnelle, une sous-évaluation des besoins en places de parking et une offre commerciale essentiellement proposée par des GMS (Grandes et moyennes surfaces). A priori isolé de la trame urbaine par des césures spatiales strictes (réseau de rocades autoroutières), ce quartier profite cependant d’une traditionnelle desserte par les réseaux de bus intra-urbains et, surtout, par la récente construction d’une gare du réseau Eusko Tren inaugurée en 2012 permettant une meilleure intégration du quartier à la ville.

Cette intégration est aussi commerciale. A l’image du complexe commercial Garbera. D’un simple hypermarché Eroski en périphérie de ville, cette zone s’est diversifiée et est devenue une aire commerçante et de loisirs qui est remarquablement monté en gamme. Très accessible (voiture, bus, Eusk Tren), elle est une galerie marchande qui compte 57 boutiques (Zara, Cortefiel), 17 restaurants et dispose d’un complexe cinématographique de 7 salles.

En périphérie sud-ouest, le quartier de Martutene est vraiment excentré, loin de l’hypercentre. En fait, il concentre essentiellement des activités propres aux faubourgs des grandes villes - abattoirs Mafrido, zones commerciales, prison, casernes - et renvoie à une dimension plus populaire de la ville.

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 3. Un arrière-pays industriel et rural

Des villes à forte intensité industrielle

L’extension spatiale de la métropole de Saint-Sébastien est loin d’être isotrope. En effet, les contraintes du relief restent nombreuses entre des pointements collinéens dans la trame urbaine même de la ville et un arrière-pays topographiquement tourmenté. Le développement urbain suit donc des couloirs de peuplement, dans des vallées plus ou moins étroites (Oria, Urumea) où se concentrent densément usines industrielles (clairement visibles sur l’image satellitale), espace urbain et réseaux de transport. Car la Communauté autonome du Pays basque espagnol (Euskadi), qui se compose des trois provinces du Guipuzcoa, de Viscaya et d’Alava, est aujourd’hui une des régions les plus socio-économiquement avancées d’Espagne, avec en particulier un taux de chômage inférieur de moitié à la moyenne nationale. Fief historique de l’industrialisation de l’Espagne, le Pays basque est resté un territoire très résistant au processus de désindustrialisation et connait une croissance économique robuste.

A une dizaine de kilomètres au sud de la ville, trois cités industrielles se sont développées dans des petits bassins topographiques. Avec ses 6 100 habitants, la petite ville d’Usurbil est économiquement polarisée autour de plusieurs usines dont les industries métallurgiques Arremendi et la fonderie Fagor-Ederlan. La proximité de Saint-Sébastien permet l’extension de plusieurs zones commerciales dans lesquelles se sont implantées quelques grandes surfaces (dont Decathlon San Sebastian).

A proximité, la ville de Lasarte-Oria compte 18 000 habitants. Depuis les années 1930, elle compte une implantation du groupe français de pneumatiques Michelin. Riche d’un patrimoine historique, elle cherche, via ses autorités municipales, à proposer à ses habitants une vie culturelle autonome par rapport à Saint-Sébastien. Rendant hommage à Manuel Lekuona (prêtre et bertzolari célèbre), le centre éponyme est une Maison de la culture qui dispose de maints équipements : salle d’exposition, auditorium, bibliothèque, salle de conférence. Mais la proximité de Donostia lui permet également d’avoir accès à des équipements très spécifiques, tel l’hippodrome de Zubieta, qui remonte à 1916 et qui est contigu au territoire de la commune.

Forte de plus de 20 000 habitants, à proximité du gros carrefour autoroutier d’Astigarraga, et ville aux multiples fonctions tertiaires, Hernani est d’abord un grand site industriel de l’intérieur basque. Le long du fleuve côtier Urumea, sont juxtaposés plusieurs polygones industriels (Landare, Ibaiondo, Lastaola…) associant usines et cités ouvrières sur plus de 5 km. La ville compte près de 250 emprises industrielles, depuis de petits ateliers jusqu’à de grosses unités dont la papeterie Papelera Guipuzcoana de Zicuñaga et le pôle chimique Electroquimica de Hernani.

Parmi les plus grandes réussites entrepreneuriales basques figure la coopérative industrielle Orona. Lla coopération est un des marqueurs du capitalisme industriel basque, dont l’une des succès les plus exemplaires est le groupe Mondragon. Lla est aujourd’hui un des leaders en Europe dans la production d’ascenseurs, d’escaliers mécaniques et de trottoirs roulants. Cette firme emploie plus de 5 500 salariés, possède des filiales dans 12 pays et dispose dans la ville basque d’un siège social flambant neuf datant de 2014, architecturalement imposant, de forme circulaire (Orona Zero) et pilotant un écosystème de recherche - le pôle Orona Ideo - de rayonnement international.

Polarisées par Saint-Sébastien, ces villes industrielles subissent les aléas de l’activité économique et voient leur population globalement stagner. A l’image d’Hernani dont la population qui comptait plus de 30 000 habitants en 1981 et qui, après un déclin net jusqu’en 1996, se stabilise désormais. Leurs revenus par habitant sont également plus faibles que la moyenne provinciale. Le revenu moyen par habitant à Hernani est ainsi de 30 % inférieur à celui de Saint-Sébastien. Mais ces villes ouvrières n’en constituent pas moins un bassin d’emplois et d’activité très structurant dans un espace dans lequel le contraste ville-campagne est brutal.

Une césure franche entre villes et campagnes agricoles

L’arrière-pays de Saint-Sébastien est aussi agricole, avec de nombreuses fermes (les caserios) qui pratiquent un élevage bovin et ovin extensif, sur pâturages et prairies de fauche, mais également des cultures fruitières (pommes à cidre) et légumières dans une proximité urbaine commercialement de plus en plus demandeuse en circuits courts et en produits de haute qualité.

Ces campagnes révèlent ainsi une autre facette de la « basquitude », telle que définie par les ethnologues et sociologues Jean Haritschelhar et Julio Caro Baroja. Elles constituent une base forte de l’identité basque et un réceptacle majeur des traditions et de la mémoire du peuple basque.

Ces campagnes offrent enfin une réserve foncière pour des activités demandeuses d’espace. Tel est le cas du renommé golf de 18 trous de Basozabal et qui élargit plus avant les offres touristiques les plus prestigieuses de Saint-Sébastien.

 


Repères géographiques

 

 

Images complémentaires à différentes échelles

 

 

 

L’agglomération de San Sebastian

 


Repères géographiques

 

 

 

 

 

San Sebastian et son arrière-pays.


Image Sentinel-2A prise le 10 septembre 2022

 

 

 

 

De San Sebastien à Bayonne : la métropole transfrontalière basque


Image Sentinel-2A prise le 10 septembre 2022

 


Repères géographiques

 

 

 

 

 

Grande vue régionale transfrontalière


Image Sentinel-2A prise le 10 septembre 2022

 

Références ou compléments

Bibliographie

Julio Caro Baroja, Los Vascos, Istmo, 1995, 388 p.

Kattalin Gabriel-Oyhamburu, Du nationalisme au terrorisme basque. Pourquoi l’hystérèse de l’ETA, L’Harmattan, 2014, 480 p.

Laurent Gatineau, « Effet de frontière et corridors européens, quelles échelles de connexion pour les territoires pyrénéens ? », Géoconfluences, septembre 2020. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-r…

Pierre Laborde, « Saint-Sébastien (Guipuzcoa), croissance urbaine et urbanisme », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 53, fascicule 3, 1982. Pyrénées. pp. 259-278

Site de l’Institut géographique basque « Andres de Urdaneta » : http://www.ingeba.org/index.htm

Contributeur

Stéphane Dubois, agrégé de Géographie, professeur en CPGE au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand.