3 questions à Nicolas Mangold, chercheur au Laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes et co-auteur de l'étude parue en novembre 2016 dans Journal of Geophysical Research.
Quelles nouvelles preuves apportez-vous ?
Nicolas Mangold : Nos résultats sont basés sur les mesures effectuées par 2 orbiteurs, Mars Express de l'ESA et Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA, au nord du bassin d'Hellas. Ce bassin est le plus grand cratère d'impact de Mars. Jusqu'ici, on pensait que les plaines de sa bordure nord étaient constituées de roches volcaniques par analogie avec les ''mers'' de la Lune. Mais les images prises par les caméras HRSC et HiRISE des 2 sondes spatiales montrent que cette région est aussi, et surtout, composée de roches sédimentaires âgées d'environ 3,7 milliards d'années. Ces roches stratifiées sont parfois épaisses de 500 m et sont étendues sur des centaines de kilomètres. De plus, les spectro-imageurs OMEGA et CRISM ont révélé que ces sédiments n'étaient pas n'importe quels sédiments mais qu'ils contenaient des minéraux argileux !
Pourquoi cet enthousiasme sur l'identification de minéraux argileux ?
N. M. : Car les argiles de surface se forment uniquement dans des milieux aqueux tels les lacs et les rivières.
500 m de sédiments argileux, cela implique qu'un climat favorable à l'eau liquide se soit maintenu durant des millions d'années.
Cette région n'est pas la seule sur Mars connue pour héberger de si grandes épaisseurs de sédiments argileux. Mais ici, le contexte (le bassin d'Hellas) et la géométrie des sédiments (stratifiée) permet d'écarter d'autres hypothèses comme des cendres volcaniques altérées ou des remontées hydrothermales. Quant au rover Curiosity, il a aussi trouvé des sédiments aqueux dans le cratère de Gale mais la région au nord d’Hellas est bien plus étendue et contient un volume de sédiments des dizaines de fois supérieur à celui de Gale.
La sonde européenne Mars Express a été lancée en juin 2003 et est toujours active. Crédits : ESA, C. Carreau.
Roches sédimentaires stratifiées affleurant sur 500 m d'épaisseur au nord du bassin d'Hellas. Image capturée par la caméra HiRISE de Mars Reconnaissance Orbiter. Crédits : NASA/JPL/University of Arizona.
Des millions d'années d'eau liquide... Est-ce assez pour voir l'émergence d'une forme de vie ?
La probabilité devient de plus plus forte. Les roches argileuses sont connues pour piéger les matières organiques. Elles pourraient contenir les traces d'une vie martienne. Le bassin d'Hellas serait un site d'atterrissage intéressant pour de futures missions robotisées, ce qui n'avait jamais été envisagé auparavant ! Des défis technologiques seraient toutefois à surmonter. Le nord du cratère se trouve par 30° degrés de latitude Sud : en hiver, il y fait -110 °C. Ce sont des conditions climatiques difficiles... Même pour des robots !
Sites d’atterrissage de missions robotisées sur Mars. Le bassin d'Hellas (la grosse tâche bleue-violette) est le plus gros cratère : 2 300 km de diamètre. Crédits : Background image: MOLA Science Team; Map: ESA.
Références de la publication
A sedimentary origin for intercrater plains north of the Hellas basin: implications for climate conditions and erosion rates on early Mars, F. Salese, V. Ansan, N. Mangold, J. Carter, A. Ody, F. Poulet, and G. G. Ori, Journal of Geophysical Research (14 novembre 2016), doi:10.1002/2016JE0050.
Contacts
- Nicolas Mangold, chercheur CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique de Nantes (CNRS/Université de Nantes/Université d'Angers) : nicolas.mangold at univ-nantes.fr
- Francis Rocard, responsable de la thématique système solaire au CNES : francis.rocard at cnes.fr