Publié le 02 août 2023

3ème survol de la planète Mercure pour la sonde BepiColombo !

Aller vers Mercure n’est pas une mince affaire. C’est pourtant l’une des planètes du Système Solaire les plus proches de la Terre. Il n’est cependant pas possible de se déplacer en ligne droite de planète en planète, en tout cas, pas avec les technologies actuelles. Il faut compter avec la gravité de notre étoile, le Soleil.

Cela parait simple : pour rester en orbite autour du Soleil, il faut avoir une certaine vitesse, dans la direction perpendiculaire à celle du Soleil, et celle-ci dépend de notre distance au Soleil. Fort heureusement, les planètes font cela très bien. Pour un engin spatial, cela veut donc dire deux choses : pour se rapprocher du Soleil il faut ralentir, et pour s’en éloigner il faut accélérer. Facile ! Pour aller de la Terre a Mercure, une sonde spatiale doit donc ralentir pour quitter l’orbite de la Terre autour du Soleil ! Non ?

Oui, mais… une fois atteinte l’orbite de Mercure, notre vaisseau va trop vite et doit donc ralentir s’il ne veut pas finir dans le Soleil ou ailleurs dans le Système Solaire !

7 kilomètres par secondes… ça ne se perd pas facilement. C’est pourquoi BepiColombo doit utiliser les planètes Terre (1 fois), Vénus (2 fois) et Mercure (6 fois) pour bénéficier d’assistances gravitationnelles et ainsi corriger sa vitesse et sa trajectoire. Ces manœuvres, dont la sixième vient d’avoir lieu le 19 juin 2023 avec son troisième survol de Mercure, permettront aux deux sondes que composent le véhicule BepiColombo de se placer en orbite de Mercure le 5 décembre 2025 après un long périple de 7 ans. 

 

Crédits : JAXA, ESA

En effet, la sonde MPO (Mercury Planetary Orbiter) de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) va se placer en orbite polaire entre 400 et 1500 km pour étudier la surface de Mercure, et la sonde MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), également appelée Mio, de l’Agence Spatiale Japonaise (JAXA) va se placer en orbite plus elliptique entre 400 et 12 000 km pour suivre les lignes de champ de la magnétosphère de Mercure.

Le côté de Mercure par lequel la sonde est arrivée pour ce troisième survol était plongé dans la nuit. Elle s’est approchée à 236 km de Mercure. Les reliefs ont commencé à paraître illuminés par le Soleil 12 minutes après que la sonde fut au plus proche de la planète. Alors qu’elle transitait entre 1800 km et 3500 km d’altitude, la sonde a pu prendre des images durant une vingtaine de minutes.

Crédits : JAXA, ESA

Les responsables de la mission en ont profité pour proposer un nom à l’Union Astronomique Internationale pour un cratère mercurien de 218 km de diamètre, en référence à l’artiste jamaïcaine Edna Manley (1900-1987), sculptrice et peintre, nom qui a été validé par l’institution.

Crédits : JAXA, ESA

Mesures scientifiques

Durant ce troisième survol, des mesures scientifiques ont pu être effectuées par le spectromètre de masse MSA (Mercury mass Spectrum Analyzer) embarqué sur la suite instrumentale japonaise MPPE (Mercury Plasma Particle Experiment ) sur MMO, et co-développé par le Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP). Grâce à la mise à jour du logiciel de bord, c’est la première fois que l’instrument a réussi à obtenir des mesures en continu tout au long du survol.  Une variété importante d’ions lourds à l’intérieur de la magnétosphère à basse altitude ont été répertoriés ainsi que des ions à hautes énergie (~40KeV) et à basse énergie (<100 eV). « C’est un véritable succès pour l’équipe MSA et des résultats prometteurs pour la suite » concluent Lina Hadid et Dominique Delcourt du LPP, Co-PI de la suite MPPE. 

D’autre part, le spectromètre Utra Violet PHEBUS (probing of hermean exosphere by ultraviolet spectroscopy) dont le Project Investigator est le LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales) a eu l’occasion de mesurer les raies d'émissions du calcium et du potassium dans le domaine visible et du magnésium dans le domaine ultraviolet dans l’exosphère de Mercure lors de ce troisème passage. L’objectif à terme est de caractériser la composition chimique et la dynamique de cette atmosphère, qu’on appelle exosphère du fait de sa faible densité, comme un témoin des intéractions de la surface de Mercure avec son environnement proche, le Soleil, les vents solaires et la poussière inter-planétaire qui bombarde en permanence la planète. 

En revanche, les caméras sont pour le moment inactives car leur champ de vision est caché par le module de navigation MTM (Mercury Transfer Module), qui se détachera des deux sondes avant leurs mises en orbite mercuriennes. En attendant, les images des survols de la Terre, Vénus et Mercure sont fournies par trois webcams embarquées par MTM.

La suite de la mission ?

L’avenir proche pour BepiColombo, c’est encore 3 survols de Mercure en septembre 2024, décembre 2024 et janvier 2025, puis une mise en orbite mercurienne en décembre 2025.

S’en suivra la mission scientifique nominale de mars 2026 à mai 2027, avec une prolongation jusqu’à mai 2028 voire 2029, durant laquelle les planétologues tenteront de résoudre les mystères tenaces de Mercure : Quelle est l’origine de son champ magnétique ? Pourquoi a-t-elle un si gros noyau métallique ? Une partie du noyau est-elle liquide ? Pourquoi a-elle eu un volcanisme explosif tardif ? Comment peut-on trouver des matériaux volatils à la surface d’une planète si proche du Soleil ? 

L’instrument SIMBIO-SYS (Spectrometers and Imagers for MPO BepiColombo Integrated Observatory System), co-développé par l’Observatoire de Paris – Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique (LESIA) et l’Observatoire Astronomique de Padoue, qui prendra part à l’étude de la surface de Mercure tentera de répondre à ce dernier mystère.

Rendez-vous donc en 2026 pour en savoir plus !

Contacts

  • Dominique Delcourt, LPP, dominique.delcourt(at)lpp.polytechnique.fr
  • Alain Doressoundiram, LESIA, Observatoire de Paris, Alain.doressoundiram(at)observatoiredeparis.psl.eu 
  • Lina Hadid, LPP, lina.hadid(at)lpp.polytechnique.fr
  • Eric Quémerais, LATMOS, eric.quemerais(at)latmos.ipsl.fr