Turquie - Le Détroit des Dardanelles : verrou stratégique entre mers Noire et Méditerranée

Long de 377 km, le trajet maritime des Détroits turcs relie la mer Noire à la mer Égée, donc la Méditerranée, par le Détroit du Bosphore et Istanbul, la mer de Marmara et le Détroit des Dardanelles. Depuis les années 1990, un système de gestion du trafic cherche à y sécuriser la navigation face à de fortes contraintes de navigabilité. Site de contact entre deux espaces maritimes et deux blocs continentaux, les péninsules anatolienne et balkanique, ces Détroits sont un carrefour et un verrou d’un intérêt géostratégique majeur, âprement disputés depuis la Haute Antiquité. Si la Turquie affirme sa pleine souveraineté sur les Détroits depuis la Convention de Montreux de 1936, cette dernière étant son champ géographique d’application à toute la mer Noire; conférant à celle-ci un statut maritime géostratégique exceptionnel dans le monde. En limitant les transits dans les Détroits turcs, elle bloque à la fois l’entrée massive des marines des forces de l’OTAN en mer Noire et la sortie massive de la marine russe en Méditerranée.

 

Légende de l’image

 

Cette image du détroit des Dardanelles, passage maritime reliant la mer Égée à la mer de Marmara a été prise par le satellite,Sentinel-2A le 12 mai 2021. Il s'agit d'une image en couleur naturelle et la résolution est de 10m  

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Le Détroit des Dardanelles : un verrou stratégique sur l’unique route maritime entre mer Noire et mer Méditerranée

Les Dardanelles : un site de contact, à la fois maritime et terrestre

L’image couvre une large et massive bande de terre qui occupe les trois quarts de la surface : nous sommes à l’extrémité occidentale de la péninsule anatolienne, aux limites de la Turquie d’Asie. Celle-ci est bordée à l’ouest par la mer Égée et au nord-est par la mer de Marmara. Puis en allant vers le nord de l’image, on peut identifier successivement quatre ensembles géographiques bien distincts :
-    un étroit chenal maritime, le détroit des Dardanelles ;
-     une étroite bande de terre, la péninsule de Gallipoli ou de Gelibolu, du nom de la ville turque qui s’y trouve ;
-    un golf marin assez profond branché sur la mer Égée, le golfe de Saros ;
-    et, enfin, la partie turque de la péninsule balkanique.

Comme le géographe Jacques Marcadon les définissait et comme l’illustre bien l’image, les détroits sont en effet des bras de mer plus ou moins resserrés entre les deux côtes qui les bordent, ils mettent en relation deux étendues marines. Ils sont donc les clefs d'un bassin maritime donné : ici, il s’agit du bassin de la mer Noire (à l’est, hors image); d’autant qu'il n'existe pas de voie maritime de remplacement pour celui-ci.

Mais ces détroits fonctionnent aussi tout autant comme passage au point de plus grande proximité́ entre deux terres. Il convient ainsi de rappeler que par convention géographique, les détroits turcs fixent la limite entre deux grands continents, l’Europe et l’Asie.  Cette double articulation - globalement nord/sud, et donc maritime mer Egée/ mer Noire ; et ouest/est, et donc terrestre Anatolie/Balkans - structure les détroits turcs.

Mais les détroits turcs présentent une grande différence par rapport aux autres grands détroits du même type dans le monde que sont Gibraltar, Bad-el-Mandeb, Ormuz et Malacca : l’intensité géohistorique et géostratégique exceptionnelle des enjeux de rivalités qu’ils ont connu depuis la Haute Antiquité, aux échelles régionales, continentales ou mondiales. Rappelons simplement la présence sur l’image du site de Troie, lieu mythique de la Guerre de Troie de l’Iliade et de l’Odyssée d’Homère, auteur grec ayant sans doute vécu au VIIIe siècle av. J.C. Au total, le contrôle du passage maritime nord/sud et du lien terrestre ouest/est joue donc un rôle majeur dans la structuration de la région dès la Haute Antiquité.

Les Dardanelles : le verrou égéen des Détroits turcs

Les Détroits turcs sont un terme général définissant l’espace régional mettant en contact la mer Noire au nord avec la mer Égée, et donc la mer Méditerranée, au sud. Il est constitué de trois sous-ensembles bien distincts faisant système : le Détroit des Dardanelles au sud, la mer de Marmara au centre et le Détroit du Bosphore au nord. Ne présentant que le Détroit des Dardanelles, l’image ne couvre donc pas l’ensemble du dispositif régional des Détroits qui s’étend globalement sur 180 km Nord/Sud et 350 km Ouest/Est. Juridiquement en droit international, toutes les eaux de la mer de Marmara, du Détroit des Dardanelles, du Golfe de Saros, du Détroit du Bosphore et celles longeant le littoral turc de la mer Égée et de la mer Noire ont le statut de « mer intérieure » turque.

Le Détroit des Dardanelles, l’ancien Hellespont de l’Antiquité, situé sur la mer Égée s’étend du Cap Helles et de la pointe de Seddul Bahr à l’ouest jusqu’au phare de Gallipoli/ Gelibolu à l’est. Il mesure 61 km de long. Comme le montre bien l’image, sa largeur varie fortement : elle va de 1.200 m. devant la ville de Çanakkale (cf. zoom) dans sa partie la plus étroite à 4.000 m. dans sa partie la plus large. De même, sa profondeur moyenne de 55 m. masque de grandes différences, qui vont de 45 m. à 103 m. Au plan tectonique et morphologique, le Détroit des Dardanelles correspond à une ancienne vallée fluviale installée dans un vaste creux, ou zone synclinale, qui a été envahie par la mer lors de l’élévation du niveau marin - ou transgression marine - à la fin du quaternaire.   

Les îles d’Imbros et Tenedos. Ce verrou égéen, déjà étroit et bien protégé, est lui-même couvert au plan stratégique côté Égée par deux îles. Au nord, l’Ile d’Imbros, ou Gökçeada en turc qui appartient à l’archipel des Sporades thraces. Longue de 30 km et large de 12 km, elle est d’origine volcanique, mesure 286 km2 et culmine à 673 m. Elle est équipée au nord-est d’un petit port bien protégé et d’un aérodrome conséquent. Au sud, l’île de Tenedos - ou Bozcaada en turc - ne mesure que 40 km2 mais joue un rôle majeur dans l’approche du Détroit. Peuplées respectivement de 8.200 et 2.500 habitants, ces îles voient leurs économies tournées vers la pêche, la vigne pour la seconde et surtout bien sur le tourisme. Du fait de leur rôle stratégique à l’entrée du Détroit, ces îles - à l’histoire millénaire mouvementée et souvent douloureuse, jusqu’alors majoritairement peuplées de Grecs - passent définitivement sous souveraineté turque en 1923 lors du Traité de Lausanne. Elles sont aujourd’hui pour l’essentiel peuplées de Turcs du fait des importants mouvements de transferts de population entre Grèce et Turquie intervenus depuis le début du XXem siècle.

La mer de Marmara à l’est, l’ancienne Propontide antique, est en fait une petite mer fermée de 11.500 km2 comprise entre le Détroit des Dardanelles au sud-ouest et le Détroit du Bosphore au nord-est. Cet ensemble complexe, comme en témoigne sur l’image la présence de la baie d’Erdek, a une profondeur maximale de 1.265 m. au nord-est, juste devant l’entrée du Détroit du Bosphore. Pour comprendre cette structure et sans pouvoir dans le cadre de cette contribution entrer dans les détails, il convient de souligner que toute la région est en fait traversée et hachée par le système de la grande faille coulissante Nord Anatolienne.

Responsable de nombreux et dramatiques séismes depuis des millénaires dont certains sont spectaculaires (Istanbul en mai 1766, Dardanelles en 1912, golfe d’Izmit en août 1999...), elle s’étend sur 1.200 km d’est en ouest jusqu’au golfe de Saros. Mettant en contact la plaque anatolienne au sud et la plaque eurasiatique au nord, elle fait peser un risque sismique majeur permanent sur toute la région, en particulier sur l’agglomération d’Istanbul peuplée de 13 millions d’habitants (hors image). Les recherches effectuées dans la mer de Marmara laissent à penser qu’un séisme de 5 à 7 sur l’échelle de Richter pourrait intervenir dans les prochaines décennies du fait des énormes pressions accumulées.

Le Détroit du Bosphore, qui met en contact la mer de Marmara avec la mer Noire, est long de 32 kilomètres et d’une largeur allant de 700 à 1.200 m. Sa principale caractéristique est de servir de site au développement de la métropole d’Istanbul à l’urbanisation galopante. Les différents ponts reliant les deux rives, réalisés par exemple en 1973 et 1989, sont saturés, tout comme la navigation sur le Bosphore.

Les Détroits turcs : de fortes contraintes nautiques

Globalement, les 204 milles nautiques - soit 377 km - de trajet à travers les Détroits turcs présentent de grandes spécificités qui y expliquent de fortes contraintes nautiques. Aux facteurs naturels et hydrologiques - sinuosités, courants, météo... - se superposent les facteurs économiques et logistiques - saturation...- pour faire des Détroits turcs les détroits les plus difficiles et dans lesquels la navigation est l’une des plus dangereuses au monde.

Les sinuosités du parcours. Comme le montre bien l’image, les deux Détroits du Bosphore et des Dardanelles sont très sinueux et souvent étroits, voire très étroits comme les 698 m. seulement qui séparent les rives entre Asiyan et Kandilli dans le Bosphore. Ces sinuosités impliquent parfois pour les navires des changements de caps, atteignant parfois 80°.

Des courants forts et complexes. Si dès le XIXe siècle, l’amiral Makarov avait découvert le système des deux courants superposés et opposés qui traversaient le Bosphore, les dynamiques d’ensemble sont bien plus complexes du fait de l’existence de nombreux courants, contre-courants et courants tourbillonnaires qui y combinent leurs effets pour y rendre la navigation difficile en affectant sérieusement la manœuvrabilité des navires. Il faut en effet toujours avoir à l’esprit les grandes différences existantes - hauteur d’eau, densité, température, salinité... - entre les trois masses maritimes que sont la mer Noire, la mer de Marmara et la mer Méditerranée.

Premièrement, la différence de niveau altitudinal explique un puissant courant de surface de la mer Noire vers la mer de Marmara puis vers la mer Égée; la mer Noire bien mieux alimentée en eaux de surface se vidant en quelques sorte dans la mer Méditerranée. Dans le Détroit des Dardanelles, le courant de surface peut atteindre 6 à 8 nœuds. Le volume de ce flux marin de surface est estimé à 600 km3 par an, soit 20.000 m3/s.

Deuxièmement, la différence de densité et de salinité entre les eaux explique un courant de fond qui va lui à l’inverse de la mer Égée vers la mer Noire. Le volume de ce flux marin de profondeur est évalué à 300 km3 par an, soit 10.000 m3/s et correspondant à la moitié donc du flux de surface. En effet, si le taux de salinité des eaux de surface de la mer Noire est d’environ de 18 à 18,5 g/kg, celui de la mer Égée monte ente 35 et 39 g/kg - soit environ le double. Ceci s’explique du fait tant d’une évaporation très intense liée aux hautes températures moyennes qui prélève une importante lame d’eau à la surface, que de l'insuffisance de l’alimentation en eau exogène - par les précipitations, les fleuves et les rivières - qui y explique un bilan parfois négatif selon la saison.

Pour comprendre l’impact local dans les Détroits de ces échanges, il convient de souligner à titre de comparaison que le débit annuel moyen de l’Orénoque, le 4em fleuve le plus puissant du monde, s’élève à 30.000 m3/s. On peut donc considérer que c’est l’équivalent de ce volume d’eau qui passe dans les Détroits turcs. Mais ces deux grandes dynamiques sont elles-mêmes sensiblement perturbées par la topographie (seuils, variations de la largeur...), l’irrégularité saisonnière des approvisionnements en eaux de la mer Noire qui en fait varier le niveau, les vents... Ainsi, par vent de Sud, les eaux de la mer de Marmara peuvent envahir le Détroit du Bosphore. A l’entrée du Détroit des Dardanelles, l’arrivée des eaux peu salées et légères de la mer Noire dans les eaux denses et fortement salées de la mer Égée provoque la création d’un front hydrologique permanent mais variable sur environ 15 m. de profondeur.

De fortes contraintes météos. Enfin, les Détroits sont soumis à de forts systèmes de vents, en particulier du nord, à la pluie et, surtout, à des brouillards denses en particulier au printemps et en automne. Tout ceci explique que les conditions météorologiques peuvent y changer rapidement et y perturber la navigation... jusqu’à l’interrompre. Régulièrement, La Direction des services du trafic maritime du détroit est en effet contrainte de suspendre la navigation de transit ou des ferries du fait d’épais brouillards ou d’importants incendies - comme lors des étés 2017 et 2020 - se traduisant par des visibilités faibles ou nulles.

La gestion et l’organisation de la navigation dans les Détroits

De nombreux accidents. Dans ce contexte, les Détroits turcs ont connu de nombreux accidents - 600 dans les décennies 1980/2000, dont abordages, échouements, mises à la côte...- dus à de nombreux facteurs comme l’essor de la navigation, la hausse du trafic, la forte augmentation de la taille des navires, la baisse de qualité des équipages... En novembre 1979, la collision des pétroliers grec Euryali et roumain Independenta créa un vrai choc en faisant 43 victimes et en lâchant 95.000 tonnes de brut. En mars 1994, l’accident du Nassia provoque l'instauration des règles des Détroits Turcs (vitesse, espacement, déclaration préalable de passage, pilotage...) et d’un dispositif de séparation de trafic (DST) qui reconnaissent, entre autres, aux autorités le droit de suspendre le trafic dans un sens ou dans les deux afin assurer le transit des grands navires en toute sécurité. Depuis 1998, les autorités turques et l'OMI recommandent l'embarquement d'un pilote turc à bord des navires, même de taille moyenne, et l'utilisation d'un remorqueur d'escorte pour les grands navires. En 2004 enfin, le système de sécurité de la navigation est renforcé par l’ouverture d'un service d'information du trafic STM/VTS.

L’organisation spatiale du Service de trafic maritime - STM/VTS. Cet organisme assure la sécurité de la navigation et applique les plans d’urgence et de secours : remorquage, lutte incendie, antipollution, assistance médicale.... Dépendant du Ministère des transports, le STM emploie environ 70 salariés titulaires d’un brevet de commandement au long cours et une quarantaine d’ingénieurs et de techniciens. Les Détroits sont dotés de stations de suivi de la navigation et de tours de contrôle -  5 tours pour le détroit de Çanakkale. Elles disposent de capteurs doppler pour évaluer l’évolution des courants, de capteurs de température et de salinité, de stations météo automatiques, de stations de référence GPS, de radars, de stations de télécommunication et de caméras de télévision infrarouge alors que des remorqueurs sont parés à intervenir au moindre incident.

Géographiquement, les 377 km de trajet à travers les Détroits turcs sont partagés en trois zones de contrôle : le VTS Istanbul sur 55 Nm, ou milles nautiques, de long (27 %), le DST Mer de Marmara sur 71 Nm de long (35 %) et, enfin couvert par l’image, le VTS Canakkale sur 78 Nm de long (38 %). Le VTS de Canakkale est lui-même subdivisé en trois portions : le Secteur de Gelibolu, le Secteur de Nara au centre et le secteur de Kumkale à l’entrée de la mer Égée.

Quel avenir pour le trafic ? Globalement, le trafic maritime a sensiblement augmenté dans le Détroit des Dardanelles dans les années 1990/2000 en passant par exemple de 47 900 à 56 600 navires entre 1999 et 2007 (+ 8.700, + 18 %, 1999 : 82 millions de tonnes), soit 155 bateaux par jour. Mais depuis 2007, les volumes ont sensiblement baissé pour tomber à 43.999 en 2018 (- 12 600, - 22 %), 43 759 en 2919 et 38 404 en 2020 du fait des effets de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Les flux dans les Détroits turcs sont en fait le reflet des dynamiques régionales, géoéconomiques, logistiques (impact de la construction des oléoducs sur le trafic des tankers...) ou géopolitiques (cf. conflits ou tensions Ukraine/Russie...). Dans ce contexte, les projections de 65 000 navires en 2035 avancées pour justifier le creusement d’un nouveau canal latéral à l’ouest du Détroit du Bosphore peuvent apparaitre pour certains observateurs comme surévaluées.

Des enjeux géopolitiques et géostratégiques de première importance

Le contrôle des Détroits turcs : une si vieille histoire

Unique route maritime entre les mers Noire et Méditerranée et unique pont terrestre entre les péninsules balkanique et anatolienne, ce qui en fait une route migratoire ou d’invasion majeure, les Détroits turcs ont été l’objet dès la Haute Antiquité de rivalités géopolitiques exceptionnelles du fait de leur intérêt géostratégique. Chaque puissance maritime ou terrestre cherchant soit à les contrôler, soit à s’y garantir la libre-circulation dans un espace en proie aux grandes rivalités impériales successives grecques, perses, romaines, byzantines, ottomanes, russes, britanniques ou françaises.

Après des siècles de domination byzantine, les Détroits passent sous contrôle de l’Empire ottoman avec la chute de Constantinople en 1453. A la fin du XVIIIe siècle, l’arrivée de la puissance impériale russe sur la mer Noire, l’affaiblissement progressif de l’Empire ottoman et l’exacerbation des rivalités franco-britanniques vont placer les Détroits au cœur de nouveaux enjeux mondiaux dans le cadre de la « Question d’Orient », comme en témoigne la signature de nombreux traités : Traité de Kutchuk-Kaïnardji russo-ottoman de 1774, Traité anglo-ottoman de Kala-i Sultaniye de 1809, traité russo-ottoman de Hünkar Iskelesi de 1833...

Par la convention de Londres de 1841, l’Empire ottoman reconnait la liberté de navigation à travers les détroits. Durant la Guerre de Crimée de 1853-1856, Istanbul laisse transiter les flottes franco-anglaises qui partent assiéger le grand port militaire russe de Sébastopol. A l’inverse durant la 1er Guerre mondiale où l’Empire ottoman est allié des Puissances centrales, la Bataille du Détroit des Dardanelles de mars 1915/ janvier 1916, qui visait à forcer les Détroits pour s’emparer d’Istanbul débouche sur un cuisant échec allié.

Du Traités de Sèvres de 1920 à celui de Lausanne de 1923

A la sortie de la 1er Guerre mondiale, le Traité de Sèvres d’août 1920 s’inscrit dans le dépeçage de l’Empire ottoman vaincu. Il prévoit ainsi l’internationalisation, la démilitarisation et la neutralisation des Détroits turcs et le transfert de leur gestion à une C.I.D. - Commission Internationale des Détroits, dans laquelle siègent la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, la Bulgarie et la nouvelle Turquie, marginalisée. Ce traité assure une liberté́ absolue et permanente de navigation en temps de paix comme en temps de guerre à tous les navires civils ou militaires, sans distinction de pavillon. En cas de tensions, la protection de la zone des Détroits est confiée conjointement aux marines britannique, française et italienne.

Mais la « Guerre d’Indépendance turque » de mai 1919/ octobre 1922 menée par Mustafa Kemal Atatürk en décide autrement, la victoire bouleversant ces projets militaires, politiques et diplomatiques. La création d’une nouvelle République de Turquie, victorieuse militairement des interventions étrangères, aboutit au Traité de Lausanne de juillet 1923. Si la Turquie récupère sa souveraineté sur les Détroits, étroitement associé à l’indépendance de la nouvelle République, elle doit cependant accepter leur démilitarisation et le principe de libre-passage tout en récupérant la présidence de la Commission des Détroits.

La zone alors démilitarisée correspond d’ailleurs largement à l’espace couvert par l’image : territoires turcs des Dardanelles, de la mer de Marmara, du Bosphore d’un côté, îles grecques de Lemnos et Samothrace et îles turques de Gökçeada, de Bozcaada et de Tavsan couvrant stratégiquement l’approche du Détroit des Dardanelles de l’autre.

La convention de Montreux (1936) et la situation actuelle

 Mais dans les années 1930, la nouvelle donne géopolitique - réarmement nazi, essor de l’Italie fasciste dans les îles du Dodécanèse en mer Égée face aux côtes turques, militarisation de la Bulgarie voisine, montée des tensions en Europe et dans le monde... - aboutit le 20 juillet 1936 à la signature d’un nouveau traité, la Convention de Montreux qui annule le traité de Lausanne. Elle est signée par la Bulgarie, la Grèce, le Japon, la France, la Roumanie, le Royaume Uni, la Turquie, l’URSS, et la Yougoslavie.

Elle sert toujours de cadre juridique à la situation contemporaine puisque dans le processus de construction du droit à la mer issu de la 3em Conférence des Nations unies de Montego Bay de 1982, les Dardanelles et le Bosphore sont classés dans la 4em catégorie des détroits; c’est-à-dire qu’on y reconnait la validité juridique de l’antériorité des textes les régissant, comme pour les détroits danois.

Premièrement, Montreux reconnait en 1936 la Turquie comme la gardienne des Détroits. En conséquence, la Commission internationale des Détroits est abolie, le total contrôle militaire de la Turquie sur les Détroits et la re-fortification des Dardanelles est reconnue, alors que la Grèce est autorisée pour sa part à remilitariser ses îles voisine de Lemnos et Samothrace.  
Deuxièmement cependant, les eaux des Détroits se voient reconnues le statut de voies d’eaux internationales dans lesquelles le principe de la liberté de passage et de navigation est assuré. En temps de paix, les navires de commerce de tous les pays - quelque soient leurs pavillons et leurs chargements - ont ainsi la liberté complète de navigation dans les Détroits, de jour comme de nuit, dans le cadre du respect des règlements sanitaires et des règles de sécurité résultant des conventions internationales complétés dans un sens plus restrictif comme nous l’avons vu dans les années 1980/1990. Cette liberté s’exerce en temps de paix comme en temps de guerre, sauf si la Turquie est belligérante : dans ce cas, les navires d’un pays ennemi ne disposent plus du droit de passage.

Troisièmement, la Convention de Montreux est beaucoup plus restrictive concernant les navires de guerre, selon leur nationalité - États riverains, aux facilités plus larges, et non riverains de la mer Noire - et le contexte géopolitique (guerre ou paix). Quelques grands principes sont définis :
- Tout bâtiment militaire doit annoncer son passage préalablement aux autorités turques ; le préavis est de 8 jours pour un État riverain de la mer Noire, mais porté à 15 jours pour un État non riverain.
- Le tonnage global des navires de guerre simultanément en transit est limité à 15.000 tonnes.
- Le transit des porte-aéronefs et des sous-marins est restreint, le passage des sous-marins devant par exemple s’effectuer de jour et en surface. De toute façon, la taille des porte-avions actuels est généralement telle que leurs possibilités de passage sont des plus limitées.  

Des Détroits turcs à l’espace maritime : l’impact de la Convention de Montreux sur le statut géostratégique de la mer Noire

Mais la grande spécificité de la Convention de Montreux est d’étendre son champ géographique d’application bien au-delà des Détroits turcs pour conférer à la mer Noire un statut maritime géostratégique tout à fait exceptionnel dans le monde.

En effet, la Convention stipule trois limites importantes pour les flottes de guerre des États non riverains de la mer Noire :
-    Contraintes temporelles : leur présence est tolérée au maximum 21 jours consécutifs en mer Noire,
-    Contraintes de volumes des forces : les tonnages autorisés en mer Noire sont limités : 45.000 tonnes maximum pour l’ensemble des bâtiments de guerre des pays non-riverains, 30.000 tonnes au maximum pour un seul État,
-    Contrainte de nombre : le nombre de bâtiments maximal accepté par État non-riverain est de neuf.

Ces contraintes sont l’héritage historique des négociations et compromis passés en 1936. Sous la pression de la France et surtout du Royaume-Uni, la Convention limite de facto la capacité de l’URSS, aujourd’hui de la Russie, à envoyer des navires de guerre en mer Méditerranée, que Londres considérait alors comme sa sphère d’influence : protection de la route de Suez vers les Indes, accès au Proche-Orient et au Golfe persique... Mais en retour, ces restrictions protègent l’URSS, puis aujourd’hui la Russie, d’une agression extérieure massive sur son flanc maritime méridional en transformant la mer Noire en quasi-lac régional dans lequel sa domination maritime est assurée, face en particulier à des voisins absents ou faibles.

Cette situation place la Turquie, qui est membre de l’OTAN depuis 1952, au cœur des tensions et confrontations géostratégiques entre la Russie et les pays occidentaux alors que l’OTAN s’est élargie à la Bulgarie et à la Roumanie en 2004. En août 2008, la Russie lors de la guerre en Géorgie avait rappelé Ankara à ses responsabilités internationales : interdire le passage des Détroits aux navires de guerre étasuniens dont le tonnage excédait les limites fixées par la Convention de Montreux. Au total, ces limitations de transit dans les Détroits turcs bloquent à la fois l’entrée massive des marines des forces de l’OTAN en mer Noire et la sortie massive de la marine russe en Méditerranée.

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1. Le Détroit des Dardanelles côté égéen : un verrou stratégique

Un milieu méditerranéen marqué par l’histoire

L’image couvre l’entrée égéenne du Détroit des Dardanelles. C’est incontestablement le point de regroupement des navires et de concentration du trafic maritime (cf. document complémentaire). A cheval sur les deux rives du Détroit, la province de Çanakkale appartient administrativement à la Région de Marmara et est peuplée de quelques 530 000 habitants, soit une densité moyenne de 54 hab./km².

Nous sommes là en domaine méditerranéen. Une sensible différence apparait entre les bassins et les basses terres densément occupés et bien cultivés et les hauteurs largement boisées. Comme en témoignent au mois de mai l’importance des champs de céréales, l’étendue des vergers et des oliveraies d’un côté et sur les hauteurs la place occupée par le reboisement forestier quadrillé de nombreuses pistes blanches afin de permettre une lutte efficace contre les incendies.

On peut aussi, par exemple, relever dans la région au sud de Çanakkale/ Kepez l’essor des champs d’éoliennes qui parsèment leurs petites taches blanches bien visibles, ou la présence d’un lac de barrage à l’est de l’image. La gestion de l’eau demeure en effet un enjeu majeur. La région est couverte de très nombreux vestiges historiques alimentant une importante activité touristique, le premier pôle régional étant incontestablement le site archéologique de 158 ha. de Troie qui se trouve au sud de Kumkale, près de Tevfikiye.  La cité fut prise par les Grecs au prix de combats légendaires vers 1200 av. JC ; le site est aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

Il convient à ce titre de souligner la puissante dynamique morphologique qui touche dans le domaine méditerranéen les deltas littoraux turcs soumis à de puissants processus d’érosion/accumulation. En effet, la Turquie actuelle abrite d’importants sites de grandes villes antiques alors littorales et portuaires et qui se retrouvent aujourd’hui à l’intérieur des terres comme Ephese à 6 km, Milet à 9 km, Kaunos à 3,5 km. Dans le cas de Troie, le site antique - situé sur une haute terrasse insubmersible bien visible dans le paysage - se trouve aujourd’hui à 5,5 km à vol d’oiseau de la mer. Face aux millions de tonnes de sédiments arrachés, charriés et transportés chaque année par les cours d’eau, on comprend mieux le vaste processus de reforestation accompli ces dernières décennies dans la région et qui est bien visible sur l’image. 

Un détroit en entonnoir bien défendu

Large de 3700 m à l’entrée à la pointe de Seddul Bahr sur le Cap Helles, le détroit présente une forme d’entonnoir pour n‘atteindre plus que 1200 m. dans sa partie la plus étroite devant la ville de Çanakkale du fait du petit delta qui s’avance de l’est et qui sert de site à la ville.

Au plan de la navigation, la ville de Çanakkale est pour le TSVTS à l’articulation entre le secteur de Kumkale, qui gère à l’ouest l’approche maritime et l’entrée dans le détroit, et le secteur de Nara à l’est qui gère la navigation dans la partie la plus étroite et donc la plus dangereuse (c f. doc complémentaire Zoom 1.2).

C’est dans cet espace restreint que se déroula entre mars 1915 et janvier 1916 la fameuse bataille des Dardanelles qui mobilisa près de 900 000 soldats ottomans, anglais et français lors de la Première Guerre mondiale et durant laquelle se révéla Mustapha Kemal. Arrivant de l’ouest, les forces anglo-françaises débarquèrent à la pointe et sur les petites plages du Cap Helles pour finir par se heurter sur les hauteurs à une vive résistance ottomane. Déjà attaquées par les puissantes batteries des forts des pointes de Seddul Bahr et Kumkale, les navires se heurtèrent dans le Détroit à des champs de mines et à des filets sous-marins à l’aval du Cap de Kepez, ou Kepez Burnu. La défaite fut sanglante, à terre comme sur mer ; le mépris par les gouvernements occidentaux des forces ottomanes se paya d’un coût humain considérable.

La ville de Çanakkale s’est développée autour de la forteresse construite par Mehmed II le Conquérant en 1463 afin de contrôler le détroit à son point comme nous l’avons vu le plus étroit, dans un site proche de celui de l’antique Abydos. Celle-ci pris comme nom « Château d’Asie » par opposition à la forteresse jumelle installée sur l’autre rive et dénommée pour cela « Château d’Europe », Kilitbahir.

Au nord de l’image zoom, le site du promontoire de Nara Burnu est particulièrement difficile pour la navigation. Il domine en effet une des parties les plus étroites, les plus sinueuses et les plus profonde à 113 m du Détroit des Dardanelles. Le courant de surface de la mer Noire vers la mer Égée y est donc particulièrement puissant puisqu’il peut atteindre parfois 9 km/heure alors que le courant de fond, dans le sens opposé, atteint entre 1 et 9 km/heure.

 


Détroit des Dardanelles

 



 


Repères géographiques

 

 


Système de navigation

 

 

 

Zoom 2. Gelibolu et le nouveau pont

Un espace fort contraint pour la navigation

Cette image couvre toute la région au contact entre le détroit des Dardanelles et la mer de Marmara organisée par la ville de Gelibolu/ Gallipoli. Cette ville de 30 000 habitants, qui donne son nom à la péninsule, fut une importante base navale ottomane et la capitale administrative et politique du Pachalik de l’Archipel qui couvrait alors toutes les îles de la mer Egée. Gélibolu accueil l’important poste qui gère la navigation dans la partie occidentale de la mer de Marmara et dans presque la moitié du détroit des Dardanelles (cf. doc complémentaire zoom 2.2.).

L’image laisse bien apparaitre l’étroitesse des structures. Au nord-est de Gelibolu, la péninsule de Gallipoli n’est plus qu’une étroite langue de terre de seulement 4,8 km de large. Entre Gélipolu et pointe de Çardak, le Détroit est large de seulement 3,3 km alors que plus au sud elle ne fait plus que 3 km vers Burhanli.

Le nouveau pont suspendu de Çanakkale 1915

L’image prise en mai 2021 fait aussi bien apparaitre un évènement régional majeur : la construction du pont suspendu à péage « Çanakkale 1915 », qui a débuté en mars 2017 et dont la mise en service doit intervenir en 2023 à l’occasion du centenaire de la République turque. Sa construction, réalisée par des entreprises sud-coréennes et turques, constitue une rupture historique puisque jusqu’ici le Détroit des Dardanelles ne pouvait être franchi qu’uniquement en ferry. De manière symbolique lors de la cérémonie de lancement des travaux, le président Erdogan se trouvait côté asiatique, et le Premier ministre Binali Yildirim côté européen.

Situé comme le montre bien l’image jusqu’au sud de Lapseki et Gelibolu, ce pont suspendu haubané long de 3.500 m, large de 43 m et haut de 318 m. constitue une véritable prouesse technique, d’autant que la région présente comme nous l’avons vu un vrai risque sismique. Lors de son ouverture, il est le plus long pont suspendu du monde.

Comme nous l’avons vu, le détroit est bien à la fois passage maritime nord/sud mais tout autant un lien terrestre ouest/est entre l’Anatolie et la péninsule balkanique, entre la Turquie et l’Europe. Or dans ce sens, les Détroits constituent un vrai obstacle à la circulation du fait de la rupture de charge induite, de la saturation des infrastructures déjà en place sur le Détroit du Bosphore et Istanbul et de la saturation de la navigation et des ferries. Comme le montre bien l’image, le tracé des nouvelles autoroutes qui doivent le desservir est bien visible de chaque côté du Détroit. Ce nouveau pont va permettre une sensible amélioration des flux de transit en connectant la future autoroute Kinali-Balikesir de 321 km aux autoroutes de Thrace orientale à l’ouest et d’Anatolie à l’est. Il va aussi permettre de désengorger régionalement les flux de transit nationaux et internationaux qui traversaient le Détroit du Bosphore à Istanbul.

Enfin, ce nouveau pont est aussi un éminent symbole politique et géopolitique puisque ce Pont du Détroit des Dardanelles est appelé « 1915 Çanakkale Köprüsü », ou « Pont 1915 des Dardanelles ». Cette expression renvoie bien sûr à la victoire des troupes ottomanes sur les troupes franco-anglaises lors de la bataille de Dardanelles et durant laquelle un jeune officier - Mustafa Kemal, futur Atatürk et fondateur de la Turquie contemporaine - se distingue singulièrement.

Ce pont s’inscrit dans une série de méga-projets d’infrastructures lancés depuis les années 1990 comme le troisième pont sur le Bosphore ou le nouvel aéroport géant construit au nord d’Istanbul. Dans la même logique, on doit relever le projet de creusement d’un canal artificiel de 40 km parallèle au Détroit du Bosphore, afin d’en détourner une partie du trafic.

 


Gelibolu

 

 


Repères géographiques

 

 


Système de navigation

 

 

D’autres ressources

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Pour information, quelques sources utilisées pour le Détroit des Dardanelles

Bazin, Marcel, and Jean-François Pérouse. "Dardanelles et Bosphore : les détroits turcs aujourd’hui." Cahiers de géographie du Québec 48, no. 135 (2004)
https://www.erudit.org/en/journals/cgq/2004-v48-n135-cgq996/011795ar/

Directorate General of Coastal Safety, Ministre turc des Transports et des Infrastructures
https://kiyiemniyeti.gov.tr/?lang=1

Ministry of Transport and Infrastructure of Republic of Turkey, Directorate General of Coastal Safety, User’s Guide of Turkish Straits Vessel Traffic Service (deux cartes).

Le TSVTS - Service d’Information du Trafic maritime dans les détroits turcs (présentation en français)
https://afcan.org/dossiers_techniques/tsvts_fr.html

OCIMF - Oil Companies International Marine Forum : Guidlines for Transiting the Turkish Straits (version mars 2021) :
https://www.maritimecyprus.com/wp-content/uploads/2021/03/OCIMFguidelin…

Contributeur

Proposition : Laurent Carroué, Inspecteur général de l’Éducation nationale, du sport et de la recherche, directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII)