Avec presque 70 millions de passagers et 475 000 mouvements d’avions par an, l’aéroport Roissy Charles De Gaulle est une plateforme européenne et mondiale de premier plan pour le trafic passagers et le fret. En presque un demi-siècle, son développement a profondément transformé son espace d’insertion et les équilibres économiques et sociaux de l’Ile-de-France. Son succès symbolise le rôle du transport aérien dans la mondialisation et participe du statut de ville-monde acquis par Paris.
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Roissy, une plateforme aéroportuaire de rang mondial Cette image a été prise par un satellite Pléiades le 07/09/2016. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.
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Le document présente l’aéroport Roissy Charles-De-Gaulle, dit plus communément Roissy, qui s’étend dans la Plaine de France à 30 km au nord-est de Paris. Bien visible du fait de la différence de teinte et des routes qui la ceinturent, l’emprise foncière - traversée par l’autoroute A 1 qui passe en souterrain sous une partie des pistes - est considérable : 3 257 hectares, qui s’étendent sur six communes (Roissy, Tremblay, Epiais, Le Mesnil-Amelot, Mauregard et Mitry-Mory) et trois départements (Seine-Saint-Denis, Val d’Oise et Seine-et-Marne).
Les vieux noyaux villageois initiaux sont souvent totalement noyés comme Roissy-en-France, à l’ouest de la A1 et encerclé par l’aéroport, Tremblay-Vieux-Pays, au centre-sud du document entouré par les champs, ou Le Mesnil-Amelot, dans la courbe au nord-est de l’aéroport. Face à la saturation de l’aéroport d’Orly, situé au sud de Paris, ce projet est lancé en 1965 et inauguré en 1974. Cet espace alors encore très largement rural et agricole de la Plaine de France apparaît aujourd’hui très largement urbanisé.
La plateforme aéroportuaire : un système complexe
Comme l’illustre le document, une plateforme aéroportuaire est un système complexe. La plateforme aéroportuaire de Roissy est ainsi organisée en trois grands espaces bien différenciés, d’orientation est-ouest. Au nord et au sud et en position extérieure se trouvent les pistes d’envol ou d’atterrissage, au centre un très vaste dispositif de bâtiments, de voies et d’axes routiers.
Par rapport à d’autres aéroports internationaux, le système qui a été adopté dès sa conception de deux doublets de pistes parallèles, longues de 2 700 m à 4 200 m., est un atout majeur. Présentant un potentiel de 120 mouvements d’avions/heure, il permet une fluidité maximale du trafic, alors que les pistes longues sont dédiées aux décollages et les pistes courtes aux atterrissages. C’est un facteur majeur d’efficience et de compétitivité face à la concurrence des autres grandes places aéroportuaires européennes.
Dans la zone centrale, on peut distinguer cinq grands blocs répondant à des spécialisations fonctionnelles et techniques bien spécifiques. Au centre se trouve le cœur historique de l’aéroport : le Terminal 1 ouvert en 1974, bien visible avec sa forme ronde et sa couleur blanche. On mesure en cinquante ans les bouleversements intervenus.
A l’est du TI, séparés par un axe de communication nord-sud, se trouve le Terminal 3 (carré blanc) et une vaste zone de parkings. Au sud de celui-ci se développe dans la « zone centrale est » l’espace de Roissypole, qui accueille le siège social d’Air France, de grands hôtels internationaux (Hilton, Continental, Ibis, Novotel…) et des bureaux. Au sud enfin se déploie le très vaste terminal 2 qui constitue aujourd’hui le centre névralgique du transport de passagers. Au sud/sud-est du terminal 1 s’étend la zone de fret qui accueille les avions cargos. Enfin à l’ouest de l’autoroute A 1 se trouvent la zone flexitech, une zone d’entretien et de maintenance des avions et le gigantesque site de fret de la firme nord-américaine Fedex.
Le développement de Roissy porté par le boom du transport aérien mondial
L’essor de Roissy est en lien immédiat avec le boom européen et mondial du trafic aérien, de passagers comme de fret, intervenu ces dernières décennies. Roissy est le second aéroport européen pour les passagers derrière Londres-Heathrow et devant Francfort.
Entre 2000 et 2017, le nombre annuel de passagers y passe de 48,2 à 69,5 millions (+ 144 %), et le nombre de mouvements d’avions de 39 500 à 475 700 (X 12). La plateforme est en effet spécialisée dans le trafic long courrier ou en correspondance, Roissy desservant plus de 362 villes dans 119 pays. Elle est en particulier le hub, ou principal plateforme de correspondance mondiale, du groupe Air France-KLM qui y représente environ la moitié du trafic passager devant EasyJet, l’allemand Luthansa, l’étasunien Delta Airlines et Emirates.
L’aéroport est géré par le groupe A.D.P. Aéroport de Paris, encore à majorité publique, qui constitue un groupe de 9 000 salariés et dont le siège social de 4 000 salariés quitte Paris pour Roissy en 2017.
Un pôle économique et social de grande ampleur
Avec 234 700 salariés dans 47 200 établissements, la place aéroportuaire de Roissy, et ses annexes, est un des premiers pôles d’emplois d’Ile-de-France. Ils sont spécialisés principalement dans quatre filières : services aéroportuaires et aéronautiques, transport-logistique, commerce international et tourisme.
Le tourisme y occupe ainsi 10.600 salariés dans 3.200 établissements offrant un potentiel de 11.600 chambres d’hôtel et réalisant 2,6 millions de nuitées par an. Ceci en fait le second pôle hôtelier d’Ile de France, du fait de la présence en particulier de grandes chaînes internationales (Pullmann, Hilton, Sheraton, Novotel, Ibis).
Le commerce y occupe 38.600 salariés, dont 19.100 dans le commerce de gros, dans 9 200 établissements. Au sud du document, au croisement de l’autoroute A1 et de la francilienne, le centre commercial Aéroville, inauguré en 2013, s’étend sur 84 000 m2. Troisième plus important centre commercial régional, il comprend un hypermarché, 200 boutiques, des restaurants et un multiplexe de cinémas qui accueillent 8,6 millions de visiteurs par an.
L’interface France / Monde : le premier poste frontalier du pays
On l’oublie souvent, mais les grands aéroports internationaux comme Roissy ou Orly sont des interfaces majeures entre le territoire national métropolitain et l’étranger, ou l’étranger et l’étranger pour les passagers en transit d’une destination à l’autre du fait du rôle de hub que joue l’aéroport pour certaines compagnies et alliances aériennes. Comme nous l’avons vu les chiffres sont considérables et font de Roissy le premier poste frontalier du pays : 119 pays desservis et 70 millions de passagers, pour une large partie venant ou partant vers l’extérieur.
En théorie, l’appareil, ses passagers et sa cargaison sont considérés comme en France dès qu’ils entrent dans l’espace aérien national. Mais pour des raisons techniques évidentes, la matérialisation administrative (contrôle policier et douanier, formalités…), policière et juridique (refus d’accès au territoire national, arrestation, détention éventuelle au centre de rétention, reconduite à la frontière…) de cette entrée est décalée dans le temps et dans l’espace et opère avec l’atterrissage puis le débarquement sur l’aéroport.
L’aéroport est donc un point d’entrée / sortie doté de nombreuses infrastructures spécifiques qui en font un sas intermédiaire au plan spatial. Avec en particulier la/les zone(s) dites « internationales » des terminaux où se retrouvent les passagers en attente d’embarquement vers l’étranger après le passage des frontières. C’est dans ces espaces que se trouvent par exemple de vastes surfaces commerciales qui vendent les produits détaxés du fait de leur statut spécifique.
Ces fonctions frontalières sont créatrices de nombreux emplois sur l’aéroport même ou dans son bassin d’emploi. On trouve bien sur d’abord les fonctionnaires des grandes fonctions régaliennes de l’Etat : un corps spécifique, la PAF – Police des Airs et des Frontières, les douanes, les policiers et CRS assurant la sécurité intérieure et extérieure des installations. Mais le système douanier génère aussi de nombreuses autres activités économiques comme le fret, les transitaires, le dédouanement des marchandises…
La question de l’accessibilité en débat
Pour autant, un des grands points noirs demeure celui des transports, en particulier pour accéder de Paris-centre à Roissy. Du fait de la saturation de l’autoroute A1 Paris/Lille, sur laquelle convergent des flux à la fois régionaux, nationaux et internationaux. Du fait des dysfonctionnements récurrents de la ligne RER. En effet, 70 % des passagers et 90 % des salariés, dont 75 % travaillent en heures décalées, utilisent l’automobile pour rejoindre Roissy.
Dans ce contexte de saturation, le projet CDG Express, qui doit relier en direct la Gare de l’Est à Roissy, est relancé en 2016 pour être opérationnel en 2023. Ce programme représente un investissement de 1,7 milliard d’euros et devrait mettre Paris à 20 minutes de l’aérogare, via l’usage d’une partie du tracé du RER B puis la création d’une dérivation dédiée.
Zooms d'étude
Le terminal 2 : l'extension la plus vaste
Encerclé par les pistes destinées à la circulation des avions, le gigantesque terminal 2 juxtapose trois ensembles techniques différents. A droite et de forme ovale se trouvent les terminaux 2A, 2B, 2C et 2D; au centre les terminaux 2E et 2F et, enfin, à gauche les deux grandes barres nord/sud des satellites 3 et 4.
De par sa structure, chaque terminal est capable d’accueillir des dizaines d’avions de toute taille au même moment. Ce choix technique et architectural répond à la massification des flux de passagers en provenance du monde entier. Comme le montre l’image, l’ensemble est innervé par les voies routières et desservi par d’immenses parkings. Au centre du dispositif, la où se trouve une des quatre tours de contrôles gérant le trafic aérien (point blanc avec son ombre), se situe la gare TVG, ouverte en 1994, et la station du RER B qui desservent l’aéroport.
Un système modulable et adaptable
La comparaison entre le terminal 1 et le terminal 2 témoigne des profondes transformations qu’a connu l’aéroport de Roissy. Au total en effet, 317 places de stationnement d’avions, dont 145 au contact direct des terminaux, sont disponibles.
Le terminal 1, qui est construit entre 1967 et 1974 et entre en service en 1974, est constitué d’un élément circulaire central unique auquel se raccrochent seulement sept satellites. A l’opposé, le terminal 2 a été conçu comme une construction modulable et progressive grâce à un profil toute en longueur s’ouvrant au nord comme au sud. Les terminaux 2A et 2B sont ainsi ouverts en 1982, le 2D en 1989, le 2C en 1993, le 2F en 1998, le 2E en 2003, le S3 en 2007, le S4 en 2012. Le satellite S3 est ouvert en 2005 et le satellite S4 en 2012.
Enfin, d’ici 2024 et les Jeux olympiques d’été qui se tiennent en Ile de France, A.D.P. va lancer les travaux d’un nouveau Terminal 4 qui sera situé au nord de RoissyPôle, à l’est sur le document général du rond du Terminal 1, et qui aura une capacité de 7 à 10 millions de passagers.
La spécialisation des terminaux par grandes alliances internationales
Ces choix techniques permettent un processus de spécialisation des différents terminaux par grandes compagnies aériennes, qui fonctionnent dans le cadre de grandes alliances internationales commerciales et techniques et donc l’objectif est de desservir le maximum de destination à moindre coût.
Le terminal 1 accueille ainsi les compagnies du groupement Star Alliance (Lufthansa, Singapour Airlines, Qatar Airways, Air China…). Le terminal 2 accueille soit les compagnies de l’alliance OneWolrd (British Airways, American Airlines, Cathay Pacific…), soit les compagnies de l’alliance Skyteam à laquelle appartient Air France (Delta Airlines, Aeromexico, China Eastern, Korean Air, Japan Airlines…).
Enfin, le terminal 3, ouvert en 1991, et qui est réservé aux charters et compagnies à bas couts (Air Transat, Corsair, Vueling, ASL…) se trouve isolé à l’ouest de l’autoroute A1 au nord de la zone de maintenance d’Air France.
La zone technique de maintenance et Fedex
A l’ouest de l’aéroport et au delà de l’autoroute A1 se trouvent une vaste emprise organisée autour de trois ensembles. Au contact immédiat avec la A1, la zone Flexitech est une zone d’activité qui regroupe des entreprises spécialisées dans le transport aérien et la logistique, l’offre de services ou la location.
Vient ensuite la zone technique de maintenance des avions d’Air France, une fonction stratégique pour la sécurité et la fiabilité des vols aériens. Elle comporte six grands bâtiments, dont de grands hagards (cf. raies blanches sur le toit) de très vastes dimensions, largement espacés afin que les avions (dix visibles) en zone d’attente puissent circuler et y accéder. En bas, les parkings qui accueillent les automobiles des salariés travaillant sur le site, sont d’une emprise considérable.
Enfin, tout à l’ouest - le long de la rocade périphérique de la D902 A - se trouve le pôle fret aérien de la firme FedEx, qui fonctionne presque comme une enclave. Grande firme transnationale étasunienne du transport et du fret, FeDex installe son hub continental pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique à Roissy en 1996. Sur ce site, 1.900 salariés traitent 1 200 tonnes de colis par jour, en particulier dans le grand bâtiment gris de 110 000 m2 dédié au tri automatisé des colis. Alors que deux avions sont en attente, on remarque la densité des palettes à quai et au sud les poids lourds qui attendent leurs chargements pour les livrer dans toute la France ou en Europe.
La zone de fret : 90% du fret aérien français, premier rang en Europe
Si la firme Fedex s’est installée à l’écart, Roissy est doté d’une très grande plateforme de fret spécialisée au pied des pistes sud comme l’illustre le document. Du haut en bas de celle-ci se trouvent les zones de fret 1 (trois avions en stationnement), de fret 2 (toit alternant fines bandes grises et blanches), de fret 3 (position oblique), de fret 4 et 5 (orientées nord/sud avec quatre avions) et enfin de fret 6 et 7 au sud.
Au total, ce dispositif dédié aux avions cargos couvre 300 hectares, dispose de 500 000 m2 de bâtiments et de 69 points de stationnement. A elle seule, Air France Cargo est dotée d’une gare de fret ultra-moderne de 130 000 m2. Ces extensions successives s’expliquent et accompagnent le boom du trafic cargo qui passe entre 2000 et 2017 de 1,4 à 2 millions tonnes par an (+ 43 %). Cet essor est directement lié à la mondialisation de la production et des échanges dans le cadre d’une division internationale du travail sans cesse plus poussée.
Ces installations permettent à l’aéroport de Roissy d’être le premier aéroport de fret en France (90 % du fret aérien national) et en Europe grâce une capacité traitement de 3,6 millions de tonnes. Les principales compagnies qui y opèrent sont Air France-KLM Cargo, La Poste, qui s’y installe en 2003, Géodis Euromatic, Bolloré Logistics et France Handling.
L’importance des opérations de réception/ envoi et des opérations de dédouanement explique la présence sur Roissy ou à proximité immédiate (Mitry-Mory, Villepinte…) des plus grands commissionnaires de transport mondiaux (DHL, Calberson, Danzas, DHL, Nippon Express, Kuehne et Nagel, UPS, TNT, SDV ou UTI…). Au total, la fonction logistique pèse d’un poids considérable en employant 30 300 salariés dans 2 100 établissements. Le pôle de Roissy dispose globalement de 17 zones logistiques couvrant 1 000 hectares, soit 20 % du potentiel régional francilien.
Zones rurales et agricoles, croissance urbaine et nuisances
Ce document se situe au nord-ouest de Roissy et comprend les villages de Louvres, en haut à droite et, surtout, de Goussainville traversé par la voie ferrée et la ligne RER. Nous sommes ici dans la Plaine de France, un espace rural et agricole très riche qui se déploie au nord-est de l’Ile de France. Dans un paysage d’openfield très ouvert, la moitié de la surface du document est occupée par des parcelles agricoles dont la très grande taille favorise la mécanisation du travail dans le cadre d’unité productive très capitalistiques mais occupant peu de main d’oeuvre.
Mais le document témoigne surtout de la forte progression de l’urbanisation aux franges immédiates de l’agglomération parisienne. Le vieux noyau villageois de Goussainville - identifiable par le croisement des routes, un bâtiment circulaire et les bâtiments blancs - est totalement noyé dans une marée pavillonnaire. Celle-ci est organisée par îlots composés d’un front de pavillons sur la rue et d’un espace de jardins arborés en intérieur des parcelles. L’essentiel des actifs résidents travaillent soit sur le pôle de Roissy, soit en grande banlieue ou sur Paris grâce à la bonne liaison ferroviaire et le RER (gare).
Pour autant, la construction de Roissy, ses extensions progressives et l’explosion du trafic constituent pour la population résidente de Goussainville, et plus généralement de tout le nord-est de l’agglomération, de vraies nuisances, en particulier sonores du fait des cônes de bruits dans le prolongement des pistes. Dans ce contexte, le PEB (Plan d’exposition au bruit), qui prend en compte les nuisances sonores émises par le trafic aérien, s’applique aujourd’hui à 127 communes, et pour les plus proches d’entre elles limite ou interdit l’urbanisation sur 22 400 hectares.
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur Général de l’Education nationale, du Sport et de la Recherche, Directeur de recherche à l’Institut Français de Géopolitique (IFG, Université Pais VIII).