LISA en détails

Contexte

Les ondes gravitationnelles sont des perturbations de l’espace-temps provoquées par les phénomènes les plus extrêmes de l’Univers comme par exemple la fusion de trous noirs (mais pas exclusivement). Prédites par la théorie de la Relativité Générale d’Einstein, elles ont d’abord été détectées indirectement en observant le ralentissement du pulsar binaire PSR 1913+16 au début des années 1980. La première détection directe a été réalisée en 2015 par l’observatoire au sol LIGO qui a mesuré le passage d’une onde gravitationnelle émise par la fusion de 2 trous noirs de masse stellaire. Une nouvelle fenêtre d’observation s’ouvrait pour étudier l’Univers.

Mais les observatoires terrestres (VIRGO, LIGO, KAGRA…) ne peuvent détecter ces ondes gravitationnelles que dans une gamme de fréquence comprise entre 1 Hz et 1000 Hz, limitant la liste de phénomènes observables (comme les fusions de trous noirs stellaires ou d’étoiles à neutrons).
Pour observer des ondes gravitationnelles de plus basses fréquences (entre 10-1 et 10-4 Hz) résidus des phases denses de l’Univers peu de temps après le Big Bang ou émises par des fusions de trous noirs supermassifs, il faut un détecteur beaucoup plus grand. D’où l’importance de développer un projet comme LISA.

Illustration du spectre d'ondes gravitationnelles avec les sources responsables aux différentes fréquences
Illustration du spectre d'ondes gravitationnelles avec les sources responsables aux différentes fréquences © ESA

Le saviez-vous ?

Les ondes gravitationnelles se propagent à travers tout l’univers sans être sensiblement perturbées, ce qui permet d’observer des phases de l’univers encore plus jeunes que le rayonnement de fond cosmologique qui est la limite d’observation ultime lorsqu’on utilise la lumière.

La mission LISA est une mission internationale sous leadership de l’ESA, en coopération avec la NASA. 

● L’ESA est le contributeur principal et le maitre d’ouvrage de la mission. Elle gère les aspects planning, programmatique, budgétaire et technique de la mission complète et est responsable de la performance globale de la mission.
● La NASA, partenaire de l’ESA sur la mission LISA fournit des éléments matériels qui seront intégrés dans le segment spatial sous responsabilité de l’ESA. L’agence fournit également un segment sol scientifique complémentaire de la partie européenne (DDPC).
● Les états membres européens, à travers leurs agences spatiales, fournissent aussi des éléments matériels qui seront intégrés dans le segment spatial sous la responsabilité de l’ESA.
Ils développent et opèrent le segment sol scientifique.

Environ 1700 membres provenant d’une quarantaine de pays font partis de ce consortium international. La France est le 2e pays le plus représenté avec 219 membres répartis dans une vingtaine de laboratoires scientifiques et le 1er contributeur en équivalent temps plein du consortium, devant les États Unis, l’Allemagne ou l’Italie.

Objectifs

  • Étudier la formation et l’évolution des étoiles binaires compactes dans la Voie Lactée 

  • Retracer l'origine, la croissance et l'histoire de la fusion des trous noirs super massifs 

  • Sonder les propriétés et l’environnement immédiat des trous noirs dans l’Univers local 

  • Comprendre l'astrophysique des trous noirs de masses stellaires 

  • Explorer la nature fondamentale de la gravité et des trous noirs

  • Mesurer le taux d'expansion de l’Univers

  • Rechercher des sursauts d’ondes gravitationnelles et des sources inattendues 

En raison de sa capacité d’observation dans des gammes de fréquence différentes mais complémentaires, la mission LISA est particulièrement adaptée pour travailler en synergie avec les « petits » observatoires d’ondes gravitationnelles au sol (LIGO, VIRGO ou KAGRA) mais aussi avec les réseaux interférométriques basés sur la chronométrie des pulsars. 

Elle permet de compléter le trou entre les 2 bandes couvertes par les autres observatoires. Ceci permet en particulier d’effectuer des observations d’un même système avec des détecteurs différents.
Par exemple, un système binaire de trous noirs de masse stellaire sera observé dans un premier temps dans la bande spectrale de LISA lorsque la séparation entre les 2 corps est importante. Lorsque cette distance diminue, la fréquence des ondes gravitationnelles émises par le système va augmenter jusqu’à entrer dans la bande spectrale des observatoires terrestres, où la fusion sera observée. 

Cette complémentarité entre la mission LISA et les observatoires terrestres permettra, par exemple, de prévoir plusieurs semaines ou mois à l’avance des fusions d’objets compacts et permettra de mobiliser tous les moyens d’observation nécessaires pour couvrir le phénomène dans le domaine des ondes gravitationnelles mais aussi des ondes électromagnétiques (ondes radio, lumière visible, rayons X…).

Cette expérience préfigure une révolution du niveau de l’utilisation de la lunette astronomique par Galilée au XVIIe siècle.

Jean-Charles Damery

  • Chef de projet Lisa

Déroulé du projet

Fonctionnement

Le détecteur est constitué de 3 satellites formant un triangle équilatéral de 2,5 millions de km de côté.

Chaque satellite embarque 2 Moving Optical Sub-Assemblies (MOSAs), qui contiennent les éléments nécessaires pour :

  • Envoyer et recevoir la lumière laser des satellites distants,
  • Former les combinaisons interférométriques permettant de mesurer les distances,
  • Déterminer le référentiel inertiel lié aux masses de tests

Chaque MOSA contient un télescope, un banc optique et un senseur gravitationnel de référence (GRS), c’est-à-dire une masse de test en chute libre.

schémas du principe instrumental de LISA
Principe instrumental LISA. Les cubes jaunes représentent les masses de tests en chute libre © ESA

Les masses de test sont maintenues au centre en utilisant un système de compensation de la trainée et des forces externes constitué d’un système de micro-propulsion, de mesures de position et d’algorithmes de contrôle. 

Avec ce système, les masses de test suivent des géodésiques parfaites, uniquement définies par la structure de l’espace-temps, dont les infimes variations sont les signes du passage d’une onde gravitationnelle.

Schémas du système spatial LISA
Illustration du système spatial LISA © ESA

Lancement

Le lancement des 3 satellites composant l’interféromètre spatial LISA est prévu pour 2035 avec une arrivée en formation sur leur orbite héliocentrique finale et un début de la mission scientifique en 2037.

 

Organisation

LISA est un projet international sous la maîtrise d’œuvre de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), avec la NASA comme partenaire. 

Pour l’ESA, les pays participant au projet sont : l’Italie, l’Allemagne, le Royaume Uni, la France, la Belgique, le Pays Bas, la Pologne, la République Tchèque, la Suisse, l’Espagne, la Finlande, la Suède, le Danemark, la Norvège et la Roumanie.

En France, les laboratoires faisant partie de la contribution française à LISA sont : 

  • APC (CNRS/Université Paris Cité)
  • ARTEMIS (OCA/CNRS/Université Côte d’Azur)
  • IRFU (CEA)
  • SYRTE (Obs. Paris/CNRS/Sorbonne Université)
  • L2IT (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier)
  • CPPM (CNRS/Aix-Marseille Université)
  • LAM (Aix-Marseille Université/CNES/CNRS)
  • Institut FRESNEL (CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée)
  • LAGRANGE (OCA/CNRS/Université Côte d’Azur)
  • LPC Caen (CNRS/ENSICAEN/Université Caen Normandie)
  • IRAP (CNES/CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier)
  • IAP (CNRS/Sorbonne Université)
  • LPC2E (CNRS/CNES/Université d’Orléans)
  • LUTH (Obs. Paris/CNRS)
  • IPhT (CEA/CNRS)